Peine de mort: les sentiers de l’abolition

Sommaire

AVANT-PROPOS…………………………………………………………………………………………………………………………. 1

INTRODUCTION………………………………………………………………………………………………………………………….. 2

PROFILES DES PAYS………………………………………………………………………………………………………………………. 3

Bénin……………………………………………………………………………………………………………………………………. 3

Burundi………………………………………………………………………………………………………………………………… 6

Canada………………………………………………………………………………………………………………………………….. 9

République du Congo…………………………………………………………………………………………………………….. 12

Côte d’Ivoire………………………………………………………………………………………………………………………… 14

Djibouti………………………………………………………………………………………………………………………………. 16

Fidji……………………………………………………………………………………………………………………………………. 17

Allemagne……………………………………………………………………………………………………………………………. 19

Lettonie………………………………………………………………………………………………………………………………. 22

Madagascar………………………………………………………………………………………………………………………….. 25

Maryland…………………………………………………………………………………………………………………………….. 28

Népal………………………………………………………………………………………………………………………………….. 30

Suriname…………………………………………………………………………………………………………………………….. 32

Venezuela…………………………………………………………………………………………………………………………….. 35

CONCLUSIONS………………………………………………………………………………………………………………………….. 37

SOURCES…………………………………………………………………………………………………………………………………. 40

 

 

AVANT-PROPOS

Quelle approche les États adoptent-ils pour abolir la peine de mort ? Les réponses varient et sont loin d’être uniformes. L’abolition peut s’avérer être une entreprise majeure qui nécessite de traverser un labyrinthe de contentieux, de réformes juridiques et de procédures parlementaires. Il est aussi parfois possible d’y parvenir rapidement et directement, notamment quand il existe une volonté politique forte ou une dynamique favorable accompagnée de changements positifs et de progrès. La Suisse se félicite d’avoir fourni un appui à des universitaires éminents qui ont analysé les méthodes employées par divers États afin de surmonter des obstacles communs en vue de parvenir à l’abolition.

L’objectif premier de la Suisse est l’abolition de la peine de mort dans le monde entier d’ici à 2025 et l’instauration d’un moratoire universel et sans exception sur les exécutions. Une justice qui tue a foncièrement tort et le maintien d’une sanction pouvant entraîner des conséquences fatales à cause de biais discriminatoires ou d’erreurs judiciaires est douteux sur le plan moral. En outre, il est avéré que les pays ayant aboli la peine de mort ne sont pas confrontés à une recrudescence de la violence ou de la criminalité. En revanche, plusieurs États qui conservent et appliquent la peine de mort comptent parmi les pays durement affectés par l’instabilité, les conflits et les troubles sociaux. De plus, face au terrorisme et à l’extrémisme violent, l’abolition de la peine de mort représente un symbole puissant de résistance face aux meurtres sordides et aux exécutions extrajudiciaires mis en avant sur les réseaux sociaux par des fanatiques qui prétendent détenir la clef d’une société prospère et harmonieuse. Aujourd’hui plus que jamais, les États sont de plus en plus exhortés à prendre leurs distances vis-à-vis d’un tel comportement destructeur dénué de sens.

Les exemples de pays évoqués dans la présente publication présentent un point commun, à savoir que les débats ouverts et fondés sur les faits ne sont ni dangereux sur le plan politique ni insolubles d’un point de vue moral. Une étape essentielle pour avancer sur le front de l’abolition consiste à privilégier la raison plutôt que l’émotion ; le courage politique et le leadership sont également des ingrédients importants. En fonction du contexte et de la voie empruntée, le débat au sein d’un pays peut varier et être assez consensuel ou source de divisions majeures, la décision finale revenant parfois uniquement à un ou deux visionnaires ou bien à la population dans son ensemble. Dans le cas de la Suisse, l’abolition a été le prolongement naturel de la modernisation et de l’unification du système de justice pénale dont l’objectif était de renoncer aux principes que sont la vengeance et le châtiment pour privilégier le changement et la réinsertion. La peine de mort a perdu son attrait superficiel alors que de meilleures alternatives ont émergé pour combattre efficacement la criminalité et d’autres maux. L’accent continue d’être placé sur des moyens efficaces pour l’édification d’une société pacifique et non sur des sanctions inopérantes maintenues par des illusions ou des croyances populaires d’un autre temps.

Il revient invariablement à chaque pays de choisir son chemin menant à l’abolition et de le parcourir à son propre rythme. Lorsque, de manière générale, un sujet n’intéresse pas la population, il peut être ardu de sélectionner la meilleure voie à suivre. De nombreux pays abolitionnistes de fait sont par exemple enlisés dans un long statu quo, ne pratiquant pas d’exécutions, mais toujours avec la possibilité que cela se produise. La présente publication se penche sur divers exemples de pays situés sur chaque continent et représentant les différentes traditions juridiques, spécificités culturelles, conditions socio-économiques et systèmes politiques. Elle démontre que l’abolition de la peine de mort n’est nullement une question d’idéologie politique, de développement économique ou de tradition culturelle. L’abolition est davantage le fruit d’une prise de conscience que la peine de mort n’est d’aucune utilité comme en attestent les faits.

Actuellement, plus de la moitié des pays du monde ont inscrit l’abolition de la peine capitale dans leur législation. Quant aux pays qui la conservent, passivement ou activement, il est espéré que la présente publication les inspire, les encourage et leur fournisse des idées concrètes sur la façon d’entamer ou d’accomplir leur voyage vers l’abolition. La Suisse a le plaisir de présenter et de partager avec toutes les personnes intéressées cette nouvelle publication à l’occasion du sixième Congrès mondial contre la peine de mort à Oslo.

– DIDIER BURKHALTER

Conseiller fédéral et chef du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) de la Suisse

INTRODUCTION

Fin 2015, 104 pays avaient aboli en droit la peine de mort pour tous les crimes – soit plus de la moitié des deux cents États et territoires, au sens large du terme, que comprend à peu près la planète. Parmi ces pays, 61 l’ont abolie dans les années 1990 et 2000, donnant naissance à ce que nous estimons être à présent une tendance mondiale à l’abolition universelle de la peine capitale. Pendant la seule année 2015, quatre pays ont promulgué des lois abolissant complètement la peine de mort (Suriname, Fidji, Madagascar, République du Congo) et un cinquième État (la Mongolie) l’a proscrite pour honorer un engagement pris dans le cadre d’un traité international. Même dans les pays conservant la peine de mort dans leurs statuts, la peine capitale est rare : quarante-neuf États rétentionnistes n’ont pratiqué aucune exécution pendant au moins les dix dernières années. L’utilisation de la peine capitale est de plus en plus confinée à un nombre restreint de pays qui exécutent à grande échelle. Amnesty International a recensé les exécutions qui ont eu lieu dans vingt-cinq pays en 2015. 89 % de toutes les exécutions, Chine non comprise, sont imputables à trois pays : l’Iran, le Pakistan et l’Arabie saoudite. Si de grandes avancées ont été enregistrées en vue de l’abolition universelle de la peine capitale, il convient de ne pas oublier que, chaque année, des milliers de personnes sont exécutées, nombre d’entre elles suite à des procédures judiciaires ne se conformant pas aux normes en matière de procès équitable. Selon les statistiques d’Amnesty International, il y avait plus de vingt mille condamnés à mort dans le monde fin 2015.

Dans un monde marqué par des divergences majeures sur la question de la peine de mort, cette publication propose une étude comparative des circonstances et des stratégies qui ont mené à l’abolition dans quatorze juridictions appartenant à des régions géographiques, traditions culturelles et systèmes juridiques divers et variés. Des exemples d’abolition ont été étudiés pour chaque continent : cinq en Afrique (Bénin, Burundi, République du Congo, Côte d’Ivoire, Madagascar), deux à chaque fois pour l’Amérique du Nord et du Sud (Canada, État du Maryland aux États-Unis, Venezuela, Suriname), deux en Europe (Allemagne, Lettonie), deux dans la région Asie-Pacifique (Népal, Fidji) et un au Moyen-Orient (Djibouti). Si l’accent a été placé sur des pays qui ont aboli au cours des cinq dernières années, cette publication couvre également plusieurs périodes historiques : le Venezuela a été le premier pays au monde à interdire la peine capitale pour tous les crimes en 1863 et le Népal a été l’un des premiers à l’abolir pour les crimes de droits communs en 1946. Cette étude a également pour vocation d’exposer les multiples méthodes employées pour parvenir à l’abolition. Dans les pays analysés, l’abolition a été le résultat d’amendements législatifs, de réformes constitutionnelles, de décrets exécutifs et de la ratification de traités internationaux. Dans certains cas, la peine de mort a été abolie seulement quelques mois après la dernière exécution dans le pays ; dans d’autres, il a fallu attendre des décennies.

Si ces quatorze cas d’étude ne représentent qu’une fraction des pays qui ont aboli la peine de mort en droit, leur diversité permet de se faire une idée des caractéristiques communes aux débats abolitionnistes. L’opposition à la peine capitale n’est pas l’apanage d’une région ou d’une culture. La relation de chaque État à la peine de mort reflète certes l’histoire et les circonstances particulières qui lui sont propres, cependant, des exemples de pays qui ont aboli ou qui continuent de conserver la peine capitale peuvent être trouvés dans tous les continents, systèmes juridiques, traditions et religions du monde. Les débats nationaux sur les mérites et défauts de la peine de mort gravitent souvent autour de problématiques similaires : la question de la dissuasion, le risque d’exécuter une personne innocente et la nécessité de se conformer aux normes internationales relatives aux droits de l’Homme. L’abolition devient possible lorsque les termes du débat sont altérés par de nouvelles évolutions – que ce soit à la faveur d’un cas de personne innocentée très médiatisé, d’un changement de politique gouvernementale ou d’un passage à un nouveau leadership – et lorsque les dirigeants politiques saisissent ces opportunités pour avancer sur le front de l’abolition.

Nous avons constaté que de longues périodes de moratoires sur les exécutions, qu’ils soient instaurés par voie législative ou observés de fait, peuvent permettre au système de justice pénale de trouver des alternatives à la peine de mort, de dissiper les craintes quant à une recrudescence de la criminalité et de réduire l’opposition du public à l’abolition. L’adoption de restrictions législatives progressives visant à réduire le champ d’application de la peine capitale peut avoir un effet similaire. Les erreurs judiciaires qui entraînent une condamnation à mort et qui font l’objet d’une couverture médiatique importante redéfinissent la perception qu’a le public des risques liés à la peine capitale et donnent l’occasion de recadrer le débat. Des études empiriques recentrent la discussion sur les vertus pénologiques de la peine de mort plutôt que sur les clivages idéologiques. Les campagnes en faveur de l’abolition contribuent à mieux informer les décideurs, les parties prenantes et le grand public. Enfin, la tendance mondiale à l’abolition, qui se perçoit dans la constante augmentation du nombre de pays abolitionnistes, concourt à l’émergence d’un consensus croissant sur le fait que l’abolition est non seulement en adéquation avec les droits de l’Homme fondamentaux mais qu’elle représente également une politique pénale éclairée.

Les processus d’abolition sont complexes et comprennent une multitude d’aspects politiques, historiques et sociaux. Si les auteures de cette étude se sont efforcées de tenir compte des diverses perspectives et d’analyser les différents points de vue, certaines dimensions ont inévitablement été davantage abordées que d’autres. En outre, il est bien souvent difficile d’obtenir des informations sur les processus d’abolition. Dans de nombreux pays, un certain secret entoure aussi bien les pratiques passées liées à la peine de mort que les circonstances politiques ayant présidé à l’abolition. Dans le cadre de notre méthodologie de recherche, la priorité a été placée sur les entretiens avec les acteurs et les témoins clés de l’abolition dans la mesure du possible, notamment avec des parlementaires, des représentants gouvernementaux, des juges, des avocats, des militants des droits de l’Homme, des membres d’organisations inter-gouvernementales clés, des diplomates et des universitaires. Les travaux de recherche ont été complétés par l’analyse de législations nationales, d’études, de commentaires d’interprétation, d’ouvrages et d’articles scientifiques, de documents de l’ONU, de rapports publiés par des ONG internationales et nationales et des articles de presse.

Les chapitres suivants rendent compte des processus utilisés dans 14 juridictions pour abolir la peine de mort en droit. Nos conclusions tentent de dégager des tendances et d’en tirer des enseignements dans l’espoir qu’ils proposeront des éclairages et des idées et qu’ils seront source d’inspiration pour les pays qui se sont déjà engagés sur le chemin de l’abolition ou bien qui doivent encore l’emprunter.

PROFILES DES PAYS

Bénin

DATE ET METHODE D’ABOLITION: à l’issue d’un vote parlementaire approuvant la ratification d’un traité international imposant l’abolition. Le Bénin a adhéré au traité en juillet 2012.

date de la dernière exécution: septembre 1987.

engagements internationaux en matière de droits de l’Homme: PIDCP (adhésion le 12 mars 1992), OP2 (adhésion le 5 juil. 2012), CAT (adhésion le 12 mars 1992).

 

Le deuxième Protocole facultatif se rapportant au PIDCP, un traité international visant à l’abolition universelle de la peine de mort, a joué un rôle crucial dans le processus d’abolition béninois. Poussé à agir par un contexte mondial caractérisé par un rejet croissant de la peine de mort sur la base des droits de l’Homme, les dirigeants du Bénin ont décidé de promouvoir l’abolition suite à deux décennies dénuées d’exécutions. Le débat à l’Assemblée nationale relatif à l’abolition s’est concentré sur la question de la ratification du Protocole, un événement qui, à lui seul, a conduit à l’abolition de la peine de mort tout en évitant un processus fastidieux et les écueils politiques liés à la modification de la législation nationale.

 

Les dernières exécutions au Bénin ont eu lieu en septembre 1987 lorsque deux prisonniers ont été mis à mort pour meurtre. La peine de mort était auparavant appliquée régulièrement avec environ deux exécutions par an. Après 1987, comme dans nombre d’États abolitionnistes de fait, les tribunaux béninois ont continué de condamner à mort mais les peines n’ont jamais été appliquées. Beaucoup de ces condamnations ont été prononcées suite à des procès par contumace – à savoir en l’absence du condamné – en violation des normes d’équité des procès. Au cours des vingt-cinq années suivantes, jusqu’à l’abolition, la condamnation à mort de nombreux détenus s’est traduite dans les faits par une peine d’emprisonnement indéterminée dans des conditions de détention particulièrement dures.

 

Si la peine de mort était, de fait, tombée en désuétude, rien n’a toutefois été tenté pour changer le statu quo pendant de nombreuses années. L’abolition était une perspective impopulaire principalement due à la peur de devoir faire face à un taux de criminalité élevé et de rendre le système judiciaire inefficace, non seulement au Bénin mais également dans la sous-région. Il a souvent été avancé que le Bénin risquait de devenir un refuge pour les délinquents des pays voisins qui continuaient à appliquer la peine de mort, notamment le Nigéria. Une nouvelle constitution démocratique promulguée en 1990 a marqué l’avènement d’une ère de pluralisme politique qui aurait pu donner l’occasion d’avancer sur le front de l’abolition. Cependant, la peine de mort n’a pas été considérée à cette époque comme une question importante. En outre, en octobre 1999, la Cour constitutionnelle a rejeté une requête contestant la constitutionnalité de la peine capitale. La Cour a déclaré que la constitution n’interdisait pas en soi la peine capitale mais plutôt la privation arbitraire et illégale de la vie. Elle a donc statué qu’une peine de mort prononcée conformément à la loi était acceptable sur le plan constitutionnel.

 

Le virage abolitionniste a eu lieu au milieu des années 2000, fruit d’un changement de leadership au niveau national et de la mobilisation des groupes béninois de défense des droits de l’Homme sur la question de l’abolition. La victoire de Thomas Boni Yayi à l’élection présidentielle de 2006 a marqué la fin du long règne de Mathieu Kérékou qui avait observé pendant les 29 ans de sa présidence un moratoire discrétionnaire sur les exécutions mais qui n’était pour autant pas favorable à l’abolition en droit. Le président Yayi ne s’est pas prononcé dès le début en faveur de l’abolition étant donné le soutien important de la population à la peine de mort. Son point de vue a toutefois changé au fil du temps en partie grâce aux campagnes des organisations de défense des droits de l’Homme et des parlementaires alliés. À l’époque de l’élection du président Yayi, les groupes béninois de protection des droits de l’Homme se sont emparés de la cause abolitionniste avec un sentiment d’urgence accrue. Menée par l’association Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT Bénin), une coalition informelle comprenant également Amnesty International, Prisonniers sans frontières, et Dimension sociale Bénin a recouru à diverses méthodes de sensibilisation à l’abolition de la peine de mort. Parmi ces méthodes ont figuré l’organisation de manifestations, le lancement de pétitions et la soumission de rapports aux organes de l’ONU chargés de la défense des droits de l’Homme. Suite à un atelier régional organisé par l’Association pour la prévention de la torture sur l’adhésion au deuxième Protocole facultatif, l’ACAT a opté pour une stratégie se concentrant sur la ratification du traité international plutôt que sur la réforme de la législation nationale. Un aspect essentiel de cette stratégie a consisté à rencontrer individuellement des parlementaires pour promouvoir une loi autorisant la ratification du traité.

 

Les premiers signes révélant que le Bénin avançait sur le chemin de l’abolition sont apparus au niveau international. En 2004, le Bénin a signalé au Comité des droits de l’Homme des Nations unies qu’il lui fallait conserver la peine de mort en tant qu’instrument de dissuasion pour lutter contre la criminalité importante qui sévissait. En 2007, le pays a voté non seulement en faveur de la résolution de l’Assemblée générale de l’ONU portant sur un moratoire universel sur l’application de la peine de mort mais a également coparrainé toutes les résolutions ultérieures de 2008 à 2014.

 

Au cours de l’été 2011, le gouvernement a déposé un projet de loi autorisant la ratification du deuxième Protocole facultatif – le premier texte abolitionniste du pays. À cette époque, aucune exécution n’avait eu lieu en plus de vingt ans et aucune condamnation à mort n’avait été prononcée depuis 2010. En outre, le gouvernement était sensible à la dynamique mondiale en faveur des droits de l’Homme qui visait à restreindre l’utilisation de la peine de mort. Il était également conscient de l’incidence d’une telle pratique sur sa réputation à l’international. Le 18 août 2011, l’Assemblée nationale a autorisé la ratification du deuxième Protocole facultatif. Les parlementaires favorables à la peine capitale ont exprimé leurs inquiétudes quant à une recrudescence de la violence dans le pays et à l’effet dissuasif insuffisant de l’option alternative, à savoir la réclusion à perpétuité. De tels arguments ont néanmoins été balayés par le fait que la peine de mort avait en réalité déjà disparu du système de justice pénale. Le président Yayi a rapidement promulgué la loi en octobre 2011 mais la ratification effective du traité aux Nations unies n’a eu lieu que le 5 juillet 2012. Le deuxième Protocole facultatif est entré en vigueur trois mois plus tard en octobre 2012.

 

Les réformes législatives nécessaires pour aligner la législation nationale sur le traité ne sont toutefois pas encore achevées au moment de la rédaction du présent rapport en avril 2016. Cela n’importe guère d’un point de vue théorique car, dans le système juridique béninois, les traités ratifiés sont directement applicables dans le système juridique national et priment sur les lois nationales qui ne sont pas compatibles. Suite à la ratification du deuxième Protocole facultatif, aucune législation nationale ne peut comporter (dans certains cas en vertu de la constitution) de disposition se référant à la peine de mort, une conclusion qui a été confirmée par la Cour constitutionnelle du Bénin en août 2012. Néanmoins, le Code pénal et le Code de procédure pénale continuent tous deux de contenir des dispositions en lien avec la peine capitale. (Le nouveau Code de procédure pénale adopté en mars 2012, après le vote de l’Assemblée nationale sur la ratification du deuxième Protocole facultatif, comporte deux références à la peine de mort. De toute évidence, il s’agirait d’une erreur humaine plutôt que d’un revirement de la part de l’Assemblée nationale sur la question de l’abolition.) Cependant, l’abrogation de ces dispositions n’est qu’une question de temps et les experts estiment qu’il n’y aura aucune résistance politique.

 

En dépit de l’inscription de l’abolition dans les statuts, 13 prisonniers demeurent condamnés à mort au Bénin (une quatorzième personne étant récemment décédée en prison). Ils sont tous détenus à la prison d’Akpro Missérété dans des conditions particulièrement difficiles spécialement conçues pour un lieu qui continue de faire office de couloir de la mort. Ces prisonniers sont autorisés à voir le jour uniquement une fois par mois et passent le reste de leur temps dans des cellules étroites et sombres où leur est servie de la nourriture de qualité encore plus inférieure à celle donnée au reste de la population carcérale. L’ACAT Bénin surveille le traitement dont ils font l’objet. L’association estime qu’il est probable que leur condamnation soit in fine commuée en peine de prison à perpétuité mais aucune action officielle n’a été entreprise jusqu’à présent pour remédier à cette situation.

 

Dans l’ensemble, le processus d’abolition béninois a été une question politique discrète n’impliquant que l’élite politique du pays. Il n’y a pas eu de débat au sein de la société et les médias béninois ne se sont guère penchés sur ce sujet. Les groupes de défense des droits de l’Homme ont concentré leurs efforts sur les décideurs politiques plutôt que sur la sensibilisation du grand public. Bien qu’aucun sondage national rigoureux n’ait été réalisé, une « enquête » d’opinion informelle a été menée dans les rues de la capitale. Elle a conclu que de nombreux citoyens étaient opposés à l’abolition et que beaucoup d’autres n’en avaient pas entendu parler. Les efforts consentis par le gouvernement pour éduquer le public à l’abolition se concentrent sur la prévention des cas de vindicte populaire, un problème antérieur à l’abolition.

 

Depuis 2012, le président Yayi joue un rôle de leader régional sur l’abolition, s’exprimant à maintes reprises sur la nécessité pour les États africains d’abolir la peine de mort. Son gouvernement a accueilli par deux fois une conférence continentale sur l’abolition de la peine capitale, conférence organisée sous l’égide de la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples. La dernière réunion en juillet 2014 s’est conclue par un appel en faveur d’un traité africain consacré à l’abolition, à l’instar des protocoles de la Convention européenne des droits de l’Homme relatifs à l’abolition.

 

facteurs clés menant à l’abolition

  • Le moratoire de 24 ans sur les exécutions a rendu la peine capitale de plus en plus inutile pour le système judiciaire, même si des condamnations à mort ont continué à être prononcées par les tribunaux béninois.
  • Un président nouvellement élu a été convaincu par les arguments du mouvement abolitionniste et par le contexte international au sein duquel la majorité des États rejettent la peine de mort pour sur la base des droits de l’Homme.
  • Le pays est parvenu à l’abolition grâce à la ratification du deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Les réformes nécessaires de la législation nationale relative à la peine de mort n’ont pas encore été adoptées par l’Assemblée nationale.

 

Burundi

Date et méthode d’abolition: le 22 novembre 2008 avec l’adoption par le Parlement d’un nouveau Code pénal.

Date de la dernière exécution: juillet 1997.

engagements internationaux en matière de droits de l’Homme: PIDCP (adhésion le 9 mai 1990), OP (non), CAT (adhésion le 18 fév. 1993).

 

Avant l’abolition, la peine de mort au Burundi était principalement utilisée par le gouvernement comme outil de répression politique. Suite à un vote parlementaire quasiment unanime en faveur de l’adoption du nouveau Code pénal du pays, l’abolition en 2009 a eu lieu dans un climat empreint d’optimisme après l’achèvement d’une décennie de conflits civils et à la suite d’une campagne abolitionniste menée par des groupes de défense des droits de l’Homme. Les encouragements internationaux en ce sens ont été également décisifs et le gouvernement était fortement motivé par la mise en œuvre prévue de mécanismes de justice transitionnelle soutenus par les Nations Unies et exempts de peine capitale.

 

Lorsque l’ancien Code pénal était en vigueur avant l’abolition, la peine de mort pouvait être imposée pour toute une série de crimes militaires et de droit commun, y compris pour meurtre, torture, vol à main armée, trahison et espionnage. Au cours des 20 premières années après l’indépendance du Burundi en 1962, le paysage politique a régulièrement été marqué, à quelques années d’intervalle, par l’exécution de leaders à l’origine de tentatives de coup d’État ou de rebelles luttant contre le gouvernement. À partir de 1981, les peines de mort n’ont plus été appliquées, ce qui a marqué le début d’un moratoire de fait qui a duré jusqu’en 1997. Les raisons qui ont présidé à la suspension des exécutions sont diverses et ont probablement changé au cours du temps. Quoi qu’il en soit, force est de constater que le moratoire n’était pas le fruit d’une volonté abolitionniste mais a trouvé plutôt ses origines dans l’inauguration d’une nouvelle ère constitutionnelle qui a débuté en 1981 ainsi que dans un programme de réconciliation nationale. Après que dix ans se sont écoulés sans exécutions, l’ONU a décidé de classer le Burundi comme État abolitionniste de fait. Cette caractérisation n’était néanmoins pas le résultat d’une politique nationale délibérée en faveur de l’abolition et la décision de l’ONU s’est rapidement avérée erronée.

 

Au cours de la décennie pendant laquelle a sévi la guerre civile la plus récente au Burundi, de 1993 à 2005, les tribunaux pénaux burundais ont eu massivement recours à la peine de mort, notamment pour les cas à forte portée symbolique sur le plan politique. Ce phénomène s’est inscrit dans un contexte de troubles politiques et sociaux majeurs. Bien que pratiquement aucune exécution n’ait eu lieu, les peines de mort ont été prononcées dans un climat de violence partisane et ethnique dans lequel des groupes armés, y compris les forces gouvernementales, ont fréquemment commis des exécutions extrajudiciaires. Entre 1996 et 2004, au moins 648 personnes ont été condamnées à mort selon les chiffres d’un groupe de défense des droits de l’Homme. Les dernières exécutions du pays ont eu lieu lorsque, parmi ces centaines d’individus, six ont été pendus en juillet 1997.[1] L’objectif de ces exécutions, qui ont été dénoncées par des organisations locales et internationales, était de lancer un message politique fort la veille de pourparlers multipartites visant à mettre fin au conflit par la négociation.

 

En 2001, le gouvernement a annoncé un moratoire officiel sur les exécutions mais, pendant un certain temps, les tribunaux pénaux ont continué de prononcer des peines de mort à un rythme soutenu. Le nombre de peines capitales imposées chaque année a commencé à décliner de manière significative en 2003 et n’a pas dépassé dix jusqu’à l’abolition en 2009. Toujours est-il que, selon certaines sources, il y aurait eu fin 2004 plus de 500 détenus dans les couloirs de la mort, un chiffre relativement élevé pour un pays comptant environ 10 millions d’habitants. Cette période a été marquée par de nombreuses condamnations à mort prononcées suite à des procès inéquitables, les prévenus ne bénéficiant pas de représentation juridique efficace et ne pouvant interjeter appel.

 

Le chemin vers l’abolition a été entamé en 2005 avec un traité de paix, une nouvelle constitution instituant une représentation multipartite et la victoire de Pierre Nkurunziza, un ancien chef rebelle hutu, aux élections présidentielles burundaises. Nkurunziza avait été lui-même condamné à mort par contumace pour crimes de guerre en 1998 et était personnellement opposé à la peine capitale. En outre, la période d’après conflit a été caractérisée par un nouveau climat politique propice à la démocratisation du pays et à la promotion des droits de l’Homme. Les groupes burundais de défense des droits de l’Homme qui sont nés de la crise politique de 1993, les coalitions régionales d’ONG et la communauté internationale ont contribué à l’expansion de ce mouvement et ont entamé un processus de mise en réseau et de renforcement des capacités qui a permis à la campagne abolitionniste de voir le jour.

 

En 2006 et 2007, le président Nkurunziza a commué l’ensemble des peines de mort dans le pays, 549 au total selon un rapport. L’amnistie générale a surtout profité aux sympathisants politiques du gouvernement post-conflit. Une libération immédiate et inconditionnelle leur a été accordée sur la base d’une immunité temporaire octroyée aux « prisonniers politiques ». En fonction du crime perpétré, les détenus dans les couloirs de la mort ont été immédiatement libérés sous caution ou bien leur sentence a été commuée en peine de prison.

 

À peu près à la même époque, le Burundi a entamé des discussions avec les Nations Unies pour mettre en place des mécanismes de justice transitionnelle semblables à ceux établis au Rwanda voisin après le génocide. Cela s’est avéré être une étape décisive sur le chemin de l’abolition. En mai 2007, le gouvernement burundais a accepté de créer un tribunal consacré aux crimes de guerre et une commission vérité et réconciliation en collaboration avec l’ONU. L’abolition de la peine capitale était l’un des préceptes fondamentaux de l’ONU et cet accord a incité la communauté internationale à davantage encourager le pays à abolir la peine capitale dans le cadre d’un processus de reconstruction étatique fondé sur les droits de l’Homme.

 

À partir de 2007, stimulé d’une part par le contexte international et convaincu d’autre part qu’une paix durable ne pouvait être instaurée sans des réformes dans le domaine des droits de l’Homme, le gouvernement a lancé une campagne intense de sensibilisation du public à la question de la peine capitale, s’associant aux efforts déjà déployés dans ce domaine par des groupes de défense des droits de l’Homme tels que l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT Burundi), la Ligue burundaise des droits de l’Homme et l’Association pour la protection des droits humains et des personnes détenues. Ces organisations avaient déjà commencé à nouer des partenariats avec des leaders d’opinion clés sur la problématique de l’abolition tels que des barreaux, des juges, des avocats, des parlementaires et des chefs religieux afin de les encourager à enjoindre le gouvernement à abolir. Elles ont également démontré leur efficacité dans le développement de réseaux collaboratifs aux niveaux national, régional et international. Mettant à profit les événements faisant l’objet d’une coordination internationale, tels que la Journée mondiale contre la peine de mort organisée chaque année, les militants abolitionnistes ont saisi toutes les occasions possibles de s’exprimer dans les médias pour s’assurer que le débat autour de la peine de mort soit régulièrement couvert. Par exemple, en 2003, une grande station de radio a consacré toute une semaine à des débats ouverts sur la peine de mort, invitant toutes les franges de la société à prendre la parole.

 

En sus d’invoquer des arguments à caractère universel, le camp abolitionniste a également avancé des idées très pertinentes dans le contexte burundais post-conflit. Le message du gouvernement s’est concentré sur les nombreuses victimes des guerres civiles et sur la nécessité que le système judiciaire évite de perpétuer le cycle de la vengeance et du meurtre. Les organisations de défense des droits de l’Homme ont, elles, soulevé des questions plus controversées. Le système judiciaire avait longtemps été dominé par un groupe ethnique qui prononçait des peines de mort pour des motifs politiques et ethniques ; la peine de mort était donc une institution dont la réputation était entachée. Les abolitionnistes ont milité pour une rupture nette avec les pratiques excessives liées à la peine capitale qui avaient mené à la condamnation injuste de nombreux innocents. Enfin, le camp abolitionniste a établi un parallèle avec le Rwanda, un pays géographiquement et culturellement proche, où la peine de mort avait été abolie suite au génocide. La situation au Rwanda illustrait les bienfaits de l’abolition après une période de violence inouïe permettant au pays d’entrer dans une nouvelle ère de paix.

 

En l’absence de sondages d’opinion, il est difficile d’apprécier l’impact de cette campagne sur la société burundaise. Les groupes de protection des droits de l’Homme estiment toutefois que le soutien populaire et politique à la peine capitale a continué d’être important aussi bien avant 2009 que les années d’après, donnant le sentiment que l’abolition n’est appropriée que pour les pays disposant d’un gouvernement stable, d’un bilan solide en matière de droits de l’Homme et enregistrant un taux de criminalité faible – et non pour les sociétés ravagées par la guerre faisant face à une transition douloureuse vers la paix. Cependant, les années passées à militer en faveur de l’abolition ont porté leurs fruits au sein de l’élite politique burundaise.

 

C’est dans ce contexte d’instrumentalisation flagrante de la peine de mort à des fins politiques et de reconstruction étatique post-conflit que, le 22 novembre 2008, l’Assemblée nationale a voté massivement en faveur de l’adoption d’un nouveau Code pénal qui ne contenait aucune référence à la peine capitale. La peine la plus sévère encourue en vertu de ce nouveau Code pénal est en règle générale la réclusion à perpétuité avec une période de sûreté de 10 ans. Le président a promulgué le nouveau Code pénal le 22 avril 2009. Le soutien élevé obtenu pour l’adoption de ce code abolitionniste – 90 % des parlementaires y étaient favorables – reflète l’influence majeure qu’ont les arguments fondés sur les droits de l’Homme ainsi que la nécessité de se conformer aux normes internationales afin de mettre en place des mécanismes de justice transitionnelle soutenus par l’ONU. Ces aspects ont probablement primé sur l’opinion largement partagée, et probablement pas uniquement limitée aux parlementaires de l’opposition, que la peine de mort était nécessaire pour endiguer la criminalité galopante à laquelle était confronté le pays lors de la période post-conflit.

 

Un des défauts de la législation abolitionniste était son incapacité à définir un processus pour les détenus qui avaient été condamnés à mort avant sa promulgation. Il était entendu que leur peine serait commuée mais, en l’absence de directives claires, certains cas sont passés à travers les mailles du filet. En 2012, l’ACAT Burundi a signalé qu’au moins 6 personnes étaient toujours condamnées à mort dans la prison de Mpimba.

 

Bien qu’il n’y ait jamais eu de tentative législative officielle visant à rétablir la peine de mort, le Burundi n’a ni signé ni adhéré au deuxième Protocole facultatif se rapportant au PIDCP (« OP2 ») et les perspectives de ratification dans un avenir proche semblent faibles. En janvier 2013, lors de son deuxième Examen périodique universel devant le Conseil des droits de l’Homme des Nations Unies, le Burundi a accepté les recommandations l’invitant à ratifier le traité. Une telle ratification rendrait l’abolition irréversible sur le plan juridique, garantissant que la peine de mort ne puisse être rétablie à l’avenir à l’issue d’un vote parlementaire. Les projets en ce sens ont été suspendus en raison de la crise politique actuelle qui a débuté en avril 2015 lorsque le président Nkurunziza a annoncé qu’il briguerait un troisième mandat, ce qui est interdit par la constitution. Depuis lors, les manifestations populaires ont engendré une répression gouvernementale violente à l’encontre des adversaires politiques et des défenseurs des droits de l’Homme. Plusieurs organisations des droits de l’Homme ont indiqué que ce conflit politique continue de faire des morts à cause des exécutions extrajudiciaires perpétrées par la police et les services de renseignement. Ces organisations craignent que le gouvernement n’envisage de rétablir la peine capitale. Lors d’une déclaration récente, le président a annoncé la création d’une commission chargée de déterminer le châtiment approprié pour punir les manifestants hostiles au gouvernement, des individus qualifiés de terroristes – une évolution préoccupante du discours politique. Dans ce contexte, les exécutions à caractère politique, qu’elles soient extrajudiciaires ou non, vont continuer de susciter une vive inquiétude.

 

facteurs clés menant à l’abolition

  • La peine de mort a été abolie dans le cadre d’un projet plus global de reconstruction de l’État. Elle s’inscrit dans une volonté de rupture du cycle de la violence qui a sévi au cours d’une décennie de troubles civils et a été décidée en vue de de l’établissement d’un tribunal chargé de juger les crimes de guerre, tribunal opposé à la peine capitale et soutenu par l’ONU.
  • Une campagne de sensibilisation du grand public à la question de l’abolition a été lancée par le gouvernement et soutenue par des organisations de défense des droits de l’Homme. La campagne a mis en avant des arguments spécifiques au contexte historique, géographique et culturel burundais tels que la nécessité de rompre le cycle de la violence et de meurtres suite au conflit civil et l’instrumentalisation dans le passé de la peine de mort pour se débarrasser des opposants politiques.
  • Des groupes de protection des droits de l’Homme burundais ont coordonné des actions abolitionnistes visant des leaders politiques, juridiques et religieux ainsi que le grand public avec l’appui d’organisations internationales.

 

 

Canada

Date et méthode d’exécution: le 14 juillet 1976 pour les crimes de droit commun (par voie parlementaire) ; le 10 décembre 1998 pour les crimes militaires (par voie parlementaire).

Date de la dernière exécution: 1962.

engagements internationaux en matière de droits de l’Homme: PIDCP (adhésion le 19 mai 1976), OP2 (adhésion le 25 nov. 2005), CAT (adhésion le 24 juin 1987).

 

L’abolition de la peine capitale au Canada a été le résultat d’un processus législatif progressif : il a commencé avec une décennie de restriction graduelle imposée par les gouvernements successifs puis s’en est suivi un long moratoire législatif qui a permis à la société de tenter l’expérience de l’abolition. Le processus s’est achevé sur un scrutin serré dans le cadre duquel les parlementaires ont été les principaux décideurs de l’abolition.

 

Avant l’abolition, des exécutions avaient régulièrement lieu dans toutes les provinces du Canada. Entre 1869 (lorsque la législation pénale canadienne a été renforcée dans l’ensemble du pays, deux ans après la création de la confédération) et 1962 (date de la dernière exécution), 1 481 peines de mort ont été prononcées et 710 condamnés ont été exécutés, dont 13 femmes. Dans les années 1930, le nombre d’exécutions rapporté à la population du pays était plus élevé au Canada qu’aux États-Unis.

 

Le changement de cap s’est produit après la seconde guerre mondiale, notamment lors de la période charnière allant du milieu des années 1950 jusqu’au milieu des années 1970. Les pratiques et les comportements vis-à-vis de la peine capitale ont alors drastiquement changé. La philosophie progressiste des années 1960, le cas largement médiatisé de la condamnation à mort d’un innocent et l’influence de la réforme du droit britannique sont autant d’éléments qui ont contribué à la réévaluation de la question de la peine de mort au Canada. À partir du milieu des années 1950, le nombre d’exécutions a fortement chuté car de nombreuses peines ont été commuées. Au cours de la même période, le gouvernement a soutenu deux initiatives qui ont joué un rôle crucial : la collecte de données empiriques et le développement d’une analyse politique sur les mérites pénologiques de la peine capitale. En parallèle, des propositions de loi ont permis de conserver la question de la peine de mort à l’ordre du jour des débats parlementaires et au cœur des discussions publiques pratiquement tous les ans à partir du milieu des années 1950 jusqu’à l’abolition.

 

À partir des années 1950, les catégories de crimes et de criminels passibles de la peine de mort ont été progressivement réduites par des réformes législatives. Il y avait depuis 1869 trois chefs d’accusation pouvant entraîner une condamnation à mort : le meurtre, la trahison et le viol, la peine de mort étant obligatoire en cas de meurtre. En 1948, un amendement porté par le gouvernement a interdit l’imposition de la peine de mort aux mères venant d’accoucher accusées d’infanticide. Le viol a été aboli de la liste des crimes passibles de la peine de mort en 1954. Si en 1956 une commission parlementaire a recommandé de conserver la peine capitale pour toutes les formes de meurtres, en 1961 le Parlement a adopté à une majorité écrasante une loi portant modification du droit pénal. Seuls certains types de meurtres pouvaient dès lors mener à une peine capitale et la peine de mort était abolie pour les mineurs. La peine de mort pour homicide a été limitée au meurtre avec préméditation, au meurtre commis dans le cadre de certains crimes violents et au meurtre d’un agent de police ou d’un surveillant de prison. Reflétant une prise de conscience accrue du caractère exceptionnel de la peine capitale, cet amendement a également prévu une procédure d’appel obligatoire pour les crimes passibles de la peine de mort. Ces réformes du droit pénal concordent grandement avec les débats et les modifications législatives qui ont eu lieu à la même époque au Royaume-Uni.

 

Alors que les mentalités évoluaient sur la politique en matière de justice pénale, le 10 décembre 1962, le Canada a procédé à ses deux dernières exécutions, dont une ratée. Arthur Lucas et Robert Turpin ont été pendus pour le meurtre d’agents de police malgré les protestations de la foule. (La dernière exécution militaire sous commandement canadien a eu lieu en 1945 lorsque Harold Pringle a été mis à mort par un peloton d’exécution en Italie.) Suite aux exécutions de 1962, la politique des gouvernements successifs a consisté dans les faits à commuer toutes les peines de mort.

 

Pendant des années, les projets et propositions de loi abolitionnistes se sont soldés par un échec ou ont été retirés. Le premier débat parlementaire sérieux portant sur une motion visant à substituer la peine de mort par la réclusion à perpétuité s’est déroulé en 1966. Elle a été finalement rejetée. Cependant, l’année suivante, le gouvernement du Premier ministre Pearson a tiré parti de la dynamique créée par ces discussions et est parvenu à faire adopter une loi introduisant un moratoire de 5 ans sur la peine capitale pour tous les crimes de droit commun à l’exception du meurtre d’un agent de police ou d’un surveillant de prison (la peine de mort pour trahison et acte de piraterie accompagné de meurtre n’a pas non plus été affectée par cette loi, mais ces crimes étaient si rares qu’ils n’étaient pas considérés pertinents dans le cadre du débat abolitionniste). Le moratoire initial a été prolongé de cinq ans en 1973 ; il ne s’avéra toutefois pas nécessaire de le prolonger d’autant de temps.

 

Entre l’institution du moratoire législatif et le vote en faveur de l’abolition en 1976, deux événements significatifs sont venus renforcer le camp abolitionniste. Le premier a été la publication en 1972 d’une des premières études longitudinales internationales sur la peine de mort et son effet dissuasif, étude réalisée par le criminologue Ezzat Fattah à la demande du Solliciteur général du Canada à la fin des années 1960. À un moment où les experts étaient partagés sur la question de la dissuasion, cette étude – qui a conclu à l’absence de preuve quant à l’effet dissuasif de la peine de mort – a eu un impact considérable. Le rapport d’Ezzat Fattah est également parvenu à la conclusion que rien ne « démontre ou bien même suggère que la suspension de l’application de la peine capitale […] a conduit à une hausse du taux d’homicides. » Le deuxième événement a été la médiatisation importante de l’affaire Steven Truscott qui a été condamné à mort en 1959 pour le viol et le meurtre d’une camarade de classe alors qu’il avait 14 ans. Au bout de quelques années, le dossier d’accusation s’est effondré et sa peine de mort a été commuée. Un ouvrage se penchant sur cette erreur judiciaire a été publié en 1966 et la presse et la télévision ont couvert abondamment l’affaire par la suite. Ce cas a eu une influence durable sur les termes du débat afférent à la peine de mort au sein de la société canadienne.

 

L’accumulation de tous ces facteurs – la montée de la pensée progressiste dans les années 1960, l’exécution évitée de justesse d’un innocent de 14 ans et les nouvelles données sociologiques – a permis au gouvernement de l’époque, qui était très attaché à cette question, d’avancer sur le front de l’abolition. Défendant le projet de loi de son gouvernement, Pierre Trudeau, le premier Premier ministre canadien exprimant haut et fort son soutien à la cause abolitionniste, a prononcé un discours passionné devant le Parlement en juillet 1976. Adoptant une logique pragmatique, Trudeau a souligné le fait que la peine de mort n’avait aucun effet dissuasif. D’un point de vue éthique, Trudeau a déclaré que la société ne devait pas adopter « la vengeance comme motif acceptable pour justifier son comportement collectif ». Après un long débat, le texte de loi fut adopté de justesse avec 130 voix en faveur et 124 voix contre. La réclusion à perpétuité avec une période de sûreté de 25 ans s’est substituée à la peine de mort pour les meurtres au premier degré. Le projet de loi abolitionniste a été adopté par un « vote libre », c’est-à-dire que les parlementaires n’étaient pas contraints de suivre les consignes de vote habituellement données par leur parti – un événement rare dans le système politique canadien. En l’absence de consignes, les députés se sont largement reposés sur les études gouvernementales publiées dans les années 1960 et 1970.

 

Contrairement aux prédictions des partisans de la peine de mort, le taux d’homicides n’a pas explosé après l’abolition. À l’inverse, alors que le taux de meurtres avait plus que doublé entre 1961 et 1975 (année durant laquelle il a atteint son apogée avec 3,02 homicides pour 100 000 habitants), il a légèrement diminué au cours des années suivant l’abolition (de 2,84 en 1976 à 2,76 pour atteindre 2,41 en 1980). La tendance générale a été à la baisse depuis, avec des fluctuations. En 1995, le taux d’homicides a atteint son niveau le plus bas (2,00) depuis 25 ans, en 1999 il est passé à 1,77, du jamais vu depuis 30 ans et en 2014 le taux le plus bas (1,45) depuis près de 50 ans a été enregistré. Si les causes du déclin de la criminalité ne peuvent être directement imputées à l’abolition de la peine capitale, il convient de noter que la crainte la plus répandue parmi les opposants à l’abolition ne s’est pas concrétisée.

 

Les années suivant l’abolition ont vu plusieurs tentatives de rétablissement de la peine de mort. La plupart ont émané de parlementaires soumettant une proposition de loi en réponse à un crime violent. Une seule a fait l’objet de discussions parlementaires plus prolongées en juin 1987. Une coalition peu structurée composée de groupes de défense des libertés civiles et de protection des droits de l’Homme ainsi que d’organisations religieuses a alors vu le jour. Elle a bénéficié d’un appui conséquent des agences gouvernementales canadiennes sous la forme de documents d’information et a mené une vaste campagne de soutien à l’abolition, distribuant des pamphlets et rencontrant les parlementaires en personne. À sa grande surprise, le débat de 1987 a démontré que le mouvement concerté en faveur de la peine de mort avait cessé d’exister au Canada. Par exemple, l’Association canadienne des chefs de police qui avait prôné le maintien de la peine de mort dans les années 1960 et 1970 était revenue sur sa position. Pour reprendre les propos d’un abolitionniste, « nos ennemis ne sont jamais apparus… [Le débat parlementaire s’est résumé à] une succession [de parlementaires] qui se sont levés pour déclarer qu’ils avaient eu une révélation. Les statistiques sur la criminalité ne parlaient tout simplement pas en faveur d’un rétablissement de la peine de mort et il était très aisé de le démontrer »[2]. La proposition de loi visant à rétablir la peine de mort a été rejetée bien plus franchement que la peine de mort lors du débat de 1976, avec 148 voix contre et 127 voix en faveur. L’abolition avait gagné du terrain.

 

Cependant, il n’a été interdit aux tribunaux militaires de prononcer des peines de mort que 22 ans plus tard. En vertu de la Loi sur la défense nationale, les condamnés à mort devaient être exécutés par peloton d’exécution pour des crimes tels que la trahison et la mutinerie. Aucun soldat canadien n’a été condamné à mort au cours des 50 dernières années pendant lesquelles la peine capitale pouvait être prononcée par un tribunal militaire. Elle a été finalement abolie en 1998 conformément à la conclusion d’une étude approfondie selon laquelle il n’y avait aucune raison de la conserver. L’abolition finale de la peine capitale s’est inscrite dans le cadre d’une vaste réforme législative du droit militaire, une question qui n’a guère suscité de réaction parmi le grand public, les médias ou les groupes d’intérêt. Les parlementaires ont voté conformément aux consignes données par leur parti et aucun scrutin séparé n’a eu lieu pour la disposition relative à la peine de mort. Suite au débat de 1987 sur le rétablissement de la peine de mort, les femmes et les hommes politiques ont pris conscience du fait qu’il n’y avait plus de volonté au Canada de conserver la peine capitale sous quelque forme que ce soit.

 

Le soutien populaire à la peine de mort a diminué depuis l’abolition. Les formes de ce déclin ne sont pas toujours manifestes dans les sondages d’opinion. Si le pourcentage de personnes interrogées en faveur de la peine capitale a lentement baissé, l’intensité du soutien s’est, lui, bien plus affaibli. En février 1987, date à laquelle la proposition de loi visant à rétablir la peine de mort a été annoncée, 73 % des personnes interrogées étaient favorables au rétablissement de ce châtiment mais seulement 5 % estimait que cette question figurait parmi les sujets les plus urgents à régler. Quatre mois plus tard, lorsque le Parlement a voté, le soutien populaire avait chuté pour atteindre un niveau record de 61 % suite à un vaste débat dans les médias sur les problématiques liées à la peine de mort. En 1995, un sondage a révélé que 69 % des Canadiens étaient favorables à la peine de mort, ce qui n’a pas manqué de rappeler le pourcentage de personnes qui avaient exprimé leur soutien à la peine capitale tout au long des années 1970. Cependant, aucune des 1 500 personnes interrogées n’a déclaré que son rétablissement était l’une de leurs principales préoccupations. L’opinion publique à ce sujet est également marquée par un fossé générationnel. Les enquêtes démographiques menées au cours de la dernière décennie, d’environ 1998 à 2010, suggèrent que pour les jeunes Canadiens, la peine de mort est aussi inutile qu’inconcevable.

 

Le 15 février 2001, la Cour suprême du Canada a annulé à l’unanimité une décision antérieure et a statué dans le cadre de l’affaire Burns que l’extradition d’un individu vers une juridiction où il encourait la peine de mort sans l’obtention de garanties contre l’imposition d’une telle peine violerait la Charte canadienne des droits et libertés. (Cette partie de la constitution canadienne est entrée en vigueur en 1982, après l’abolition.) En estimant qu’une telle extradition pouvant aboutir à l’imposition d’une peine de mort est contraire aux garanties juridiques relatives à la « justice fondamentale » énoncées à la section 7 de la Charte des droits, cette décision de justice rend probablement le retour de la peine de mort au Canada impossible d’un point de vue constitutionnel.

 

facteurs clés menant à l’abolition

  • L’abolition a été le résultat d’un processus progressif. Le pays a commencé par restreindre les crimes et les individus passibles de la peine de mort puis a adopté un moratoire législatif.
  • Le processus d’abolition au Royaume-Uni a eu une influence considérable sur les dirigeants politiques.
  • Les études soulignant l’absence d’effet dissuasif ont clairement démontré que les bienfaits pénologiques liés au maintien de la peine capitale sont rares.
  • Une erreur de justice très médiatisée a contribué à influencer les médias et l’opinion publique.
  • Au cours des années suivant l’abolition, l’opinion publique était en faveur de la peine de mort mais cette question n’était pas prioritaire pour la majorité de la population.

 

 

République du Congo

Date et méthode d’abolition: par la promulgation d’une nouvelle constitution abolissant la peine de mort le 6 novembre 2015.

Date de la dernière exécution: octobre 1982.

engagements internationaux en matière de droits de l’Homme: PIDCP et OP1 (adhésion le 5 oct. 1983), CIDE (adhésion le 14 oct. 1993), CADHP (adhésion le 9 déc. 1982), Protocole de la CADHP relatif aux femmes (signé en fév. 2004), Charte de la CADHP relative aux enfants (adhésion en oct. 2006).

 

L’abolition de la peine de mort en République du Congo, longtemps portée par un mouvement abolitionniste national après la fin des exécutions en 1982, a été obtenue grâce à une réforme constitutionnelle qui a surpris la plupart des observateurs.

 

La République du Congo a progressivement réduit son utilisation de la peine capitale au cours de plusieurs décennies. Les dernières exécutions dans ce pays remontent à octobre 1982 lorsque deux prisonniers ont été mis à mort pour meurtre. Si des condamnations à mort ont continué d’être prononcées jusqu’à l’abolition, la majorité d’entre elles pour homicide, leur nombre a chuté drastiquement au début des années 2000 et bien plus encore en 2010. Ce déclin est dû à une modification des pratiques en matière de justice pénale plutôt qu’à une réforme législative. Seul un changement législatif, en 1991, a aboli la peine de mort pour un type d’infractions spécifique (crimes politiques), puis aucune autre restriction législative n’a été apportée. En outre, bien que la Constitution de 2002 ait consacré le droit à la vie, disposant que « l’État a l’obligation absolue de la respecter et de la protéger », il s’avérerait que cette disposition n’aurait aucun effet sur l’application de la peine de mort.

Le long chemin de la République du Congo vers l’abolition ne peut être appréhendé sans se référer à la carrière du président Sassou Nguesso, qui est au pouvoir depuis 32 ans (de 1979 à 1992 puis de nouveau depuis 1997) et qui maintient fermement son emprise sur la politique congolaise. Si le président Sassou a observé un moratoire officieux sur les exécutions en 1982, soit trois ans après son arrivée au pouvoir, il n’était pas favorable à l’abolition en droit il y a encore juste quelques années.

 

Il y a eu un changement significatif dans l’attitude du Congo vis-à-vis de la peine capitale à partir du milieu des années 2000. Le 15 août 2007, à l’occasion des célébrations de l’anniversaire d’indépendance du pays, le président Sassou a commué les peines des 17 condamnés à mort du pays en réclusion à perpétuité avec travaux forcés, la deuxième sanction la plus sévère prévue par le Code pénal. En outre, la fin des années 2000 a vu la multiplication des forums internationaux au cours desquels les États ont été appelés à débattre de la peine de mort à travers le prisme des droits de l’Homme. C’est dans ce contexte que le Congo s’est déclaré ouvert à la possibilité de mettre fin à la peine de mort. En décembre 2007, le Congo a voté en faveur de la première résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies visant à instaurer un moratoire universel sur l’application de la peine capitale. Plus tard, le Congo a non seulement voté en faveur de chacune des résolutions ultérieures pour ce moratoire entre 2008 et 2014 mais il les a également coparrainé. Lors de ses deux Examens périodiques universels (EPU) devant le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU en 2009 et 2013, le Congo a approuvé les recommandations l’invitant à abolir la peine de mort.

 

Au vu de ces signes indiquant que le gouvernement avait mis le cap sur l’abolition, les organisations congolaises de défense des droits de l’Homme ont intensifié leurs efforts de promotion de l’abolition. Dans ses déclarations en faveur de l’abolition à l’intention de la communauté internationale, le gouvernement a fait part de son intention de lancer une campagne de sensibilisation auprès du grand public afin de susciter un large débat sur la question. Ce projet n’a jamais vu le jour. Les organisations abolitionnistes, et à leur tête l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT Congo) et l’Observatoire congolais des droits de l’Homme, se sont toutefois engouffrées dans la brèche. Outre la mobilisation de la presse et les interventions dans des programmes à la radio et à la télévision, les groupes de défense des droits de l’Homme ont fait du lobbying auprès des acteurs gouvernementaux et parlementaires clés. Ils se sont aperçus que nombreux d’entre eux étaient disposés à les rencontrer et à entendre les arguments abolitionnistes. Le moratoire prolongé sur les exécutions avait déjà convaincu de nombreux acteurs que le pays n’avait pas besoin de la peine de mort. Ces personnes estimaient en outre que l’abolition était judicieuse dans un contexte où un projet de réforme de plus grande envergure visant à réformer le Code pénal vieillissant était en train de prendre corps au Congo. La tendance mondiale à l’abolition, portée au premier plan par les divers processus de l’ONU liés aux droits de l’Homme, a créé la dynamique nécessaire à l’émergence de la volonté politique indispensable.

 

Entretemps, l’utilisation de la peine capitale se faisait moins fréquente dans le pays. Après 2010, le nombre de condamnation à mort prononcées par les tribunaux congolais a encore plus diminué, atteignant au total seulement 7 condamnations sur une période de 5 ans. Étant donné que la peine de mort avait quasiment disparu du système de justice pénale, le gouvernement n’avait besoin que d’une occasion favorable pour abolir.

 

Début 2015, le président Sassou a accepté d’accueillir une conférence continentale sur l’abolition de la peine de mort réunissant des parlementaires des pays africains francophones. La conférence a été organisée par l’association Ensemble contre la peine de mort et a été soutenue par le gouvernement français. En amont de cette conférence qui devait se dérouler en octobre 2015, des diplomates et des militants abolitionnistes ont rencontré des fonctionnaires, des parlementaires et des avocats du gouvernement pour discuter de la possibilité d’abolition et ont constaté que cette idée remportait une large adhésion. Avec la remobilisation du gouvernement sur la question, les organisateurs de la conférence en sont venus à penser que ce dernier prévoyait de profiter de l’événement pour annoncer le franchissement d’une étape majeure sur le chemin de l’abolition, si ce n’est l’abolition elle-même. Cependant, la réforme constitutionnelle imminente ferait prendre au processus d’abolition une autre direction. Alors que ces rencontres de haut niveau avaient lieu, le gouvernement élaborait une nouvelle constitution dont l’objectif principal consistait à modifier les restrictions en matière d’âge et de nombre de mandats qui empêcheraient le président Sassou de se représenter à l’élection présidentielle de 2016. Ces dispositions devaient inévitablement être controversées et ont provoqué tant de troubles que la conférence abolitionniste a figuré parmi les événements annulés. Le projet de constitution a néanmoins contenu un certain nombre de dispositions en faveur des droits de l’Homme, y compris l’abolition de la peine de mort, question qui a émergé lors des discussions préparatoires en amont de la conférence régionale.

 

Fin septembre 2015, le gouvernement a publié le projet de constitution et a annoncé la tenue d’un référendum sur cette question prévu pour le 25 octobre 2015. Lors de cette campagne référendaire de courte durée, toute l’attention s’est concentrée sur la réforme du mandat présidentiel alors que l’abolition de la peine capitale a été reléguée au second plan. En pleine tourmente politique, qui a pris parfois une tournure violente, il n’y a eu pratiquement aucun débat sur la disposition afférente à l’abolition inscrite dans la nouvelle constitution. Suite au vote de la population en faveur de la nouvelle constitution – un résultat contesté par l’opposition mais confirmé par la Cour constitutionnelle -, cette dernière est rapidement entrée en vigueur le 6 novembre 2015.

 

Au moment de la rédaction du présent rapport, en avril 2016, la législation congolaise n’a pas encore été adaptée aux nouvelles exigences qu’entraîne l’inscription de l’abolition dans la constitution. Les tribunaux auraient toutefois cessé de prononcer des peines de mort. Peu de prisonniers demeurent dans les couloirs de la mort mais les conditions de détention sont inhumaines. Une commission parlementaire prépare actuellement une révision du Code pénal dont la présentation est prévue pour 2016.

 

facteurs clés menant à l’abolition

  • Un moratoire officieux de 33 ans sur les exécutions a préparé le pays à l’abolition en rendant la peine de mort inutile pour le fonctionnement du système de justice pénale.
  • Les engagements internationaux du Congo en matière de droits de l’Homme et la tendance mondiale à l’abolition en tant que principe relevant des droits de l’Homme ont contribué à la décision du gouvernement de passer d’un moratoire informel à l’abolition en droit.
  • Les bases de l’abolition ont été jetées avec l’aide d’ONG de défense des droits de l’Homme luttant contre la peine de mort. Leur stratégie a consisté, entre autres, à mener une campagne d’éducation du grand public dans les médias et à rencontrer en personne des décideurs politiques pour faire du lobbying.
  • L’abolition a vu le jour dans le cadre d’un référendum et d’une réforme constitutionnels controversés. Si les circonstances politiques ont peut-être dicté la forme prise par l’abolition, les conditions qui ont été réunies pour parvenir à ce résultat sont, elles, le fruit d’un processus de plus longue haleine.

 

Côte d’Ivoire

Date et méthode d’abolition: dans une nouvelle constitution approuvée par référendum le 23 juillet 2000.

Date de la dernière exécution: 1960.

engagements internationaux en matière de droits de l’Homme: PIDCP (adhésion le 26 mars 1992), CAT (adhésion le 18 déc. 1995), CIDE (adhésion le 4 fév. 1991).

 

Au moment de l’abolition de la peine de mort en 2000, la Côte d’Ivoire n’avait pas procédé à d’exécutions depuis quarante ans.

 

La dernière exécution dans ce pays remonte à 1960, l’année de son indépendance. Avant l’abolition, un large éventail de crimes tels que le meurtre, la trahison, les crimes militaires comme la désertion et la capitulation étaient passibles de la peine de mort. En pratique, la peine capitale n’était toutefois appliquée qu’aux cas d’homicides volontaires et d’exécutions rituelles. En octobre 1975, lors du 15e anniversaire de l’indépendance du pays, le président Félix Houphouët-Boigny a commué toutes les peines de mort en des peines de 20 ans de prison. Entre 1975 et 1997, environ 10 condamnations à mort ont été imposées : 7 pour meurtre et 3 pour cannibalisme. Le seul texte législatif réduisant la portée de la peine capitale qui a été adopté en Côte d’Ivoire est entré en vigueur en 1981 lorsque le nouveau Code pénal a aboli la peine de mort pour les crimes politiques.

 

À partir des années 1990, l’État à parti unique a commencé à accorder un statut juridique aux groupes de protection des droits de l’Homme qui, influencés en partie par le mouvement abolitionniste mondial, a promu l’émergence d’un mouvement abolitionniste au sein de l’élite intellectuelle ivoirienne. Il est vrai que l’abolition de la peine de mort n’a jamais été une question au cœur du débat public, elle a toutefois été une préoccupation récurrente pour certaines organisations de défense des droits de l’Homme telles que l’Action des chrétiens contre la torture (ACAT Côte d’Ivoire), Amnesty International et la Ligue ivoirienne des droits de l’Homme.

 

Le décès du seul président de la Côte d’Ivoire en 1993 a inauguré une période d’instabilité politique qui a mené à un bref retour de la peine capitale dans la sphère publique. Au beau milieu d’une agitation politique croissante avant les premières élections du pays, l’Assemblée nationale a décidé en juin 1995 d’étendre le champ d’application de la peine de mort au vol avec violence et d’autoriser les exécutions publiques. En 1999, au cours d’une période particulièrement tendue avant le premier coup d’État perpétré dans le pays, six personnes ont été condamnées à mort pour vol à main armée en vertu de cette nouvelle législation. La résurgence de la peine capitale visait à souligner de manière symbolique la capacité du gouvernement à maintenir l’ordre et la sécurité. Il n’a été toutefois procédé à aucune autre exécution par la suite et il s’agissait des dernières condamnations à mort prononcées en Côte d’Ivoire. En outre, en novembre 1998, la Côte d’Ivoire avait signé le statut de Rome de la Cour pénale internationale qui rejette la peine de mort pour les crimes contre l’humanité et le génocide. Les défenseurs ivoiriens des droits de l’Homme y ont vu le franchissement d’une étape majeure sur le chemin de l’abolition malgré l’apparente prévalence du discours pro-peine de mort à la fin des années 1990.

 

L’abolition de la peine capitale en 2000 a été la conséquence de profondes mutations politiques en Côte d’Ivoire. Suite au coup d’État mené par le général Robert Guéï en 1999, Laurent Gbagbo est arrivé au pouvoir en gagnant des élections présidentielles multipartites. Guéï a tout d’abord refusé d’accepter les résultats de l’élection mais des manifestations massives l’ont contraint à se retirer et Gbagbo est devenu président plus tard la même année. Un sentiment de renouveau politique a suscité de nombreuses aspirations nationales à protéger les droits et libertés individuels à l’approche du référendum constitutionnel qui devait avoir lieu en juillet 2000. De nombreux députés participant à la rédaction de la nouvelle constitution étaient des avocats et des militants des droits de l’Homme. Les partis à l’assemblée constituante étaient presque tous en faveur de l’abolition, notamment le Front populaire ivoirien et le Parti ivoirien des travailleurs, tous deux à gauche de l’échiquier politique.

 

Nul n’a été donc surpris lorsque le droit à la vie et l’abolition de la peine capitale ont été inscrits dans le second article de la constitution adoptée par référendum le 23 juillet 2000. Suite à l’abolition, les 13 condamnées à mort en Côte d’Ivoire ont vu leur peine commuée en réclusion à perpétuité.[3] L’opinion publique n’a pas joué de rôle majeur dans la campagne abolitionniste. En réalité, la peine capitale a à peine été mentionnée au cours de la campagne sur le référendum, le débat public se concentrant sur les conditions imposées aux candidats à l’élection présidentielle et sur la question de savoir si le président sortant serait autorisé à briguer un autre mandat. Toujours est-il que l’absence de débat sur la peine de mort a reflété le ferme soutien de la classe politique à l’abolition pour des principes des droits de l’Homme. Après l’abolition, il n’y a eu aucune tentative de rétablir ce châtiment, même lorsque le pays a été affecté par les troubles civils qui le plongeraient dans une décennie d’instabilité politique.

 

Ce n’est qu’en mars 2015, après le retour progressif de la paix, que le nouveau Code pénal a modifié la loi afin d’éliminer toute référence à la peine capitale. La peine de mort a été remplacée par la peine de prison à perpétuité déjà prévue par la loi, cette dernière comprenant une période de sûreté de 20 ans. Pendant longtemps, la constitution avait invalidé toutes les dispositions relatives à la peine de mort contenues dans la législation nationale. Les organisations de défense des droits de l’Homme telles que l’ACAT étaient toutefois préoccupées par le maintien de la peine de mort dans le Code pénal. La longue période qui s’est écoulée entre l’abolition constitutionnelle et la modification législative a été in fine davantage le résultat des turbulences de la décennie précédente et de la lenteur du processus de réforme du Code pénal que d’une opposition persistante à l’abolition. Il semblerait que cette réforme ait été principalement engagée à ce moment-là par nécessité, la Côte d’Ivoire devant rendre sa législation conforme au Statut de Rome qu’elle avait ratifié en 2013.

 

La Côte d’Ivoire n’a pas signé le deuxième Protocole facultatif se rapportant au PIDCP, un texte qui contraint ses parties à abolir la peine capitale de manière irréversible. Cependant, il semblerait que l’adhésion au traité ne fasse pas l’objet d’une résistance de principe. Les organisations locales de défense des droits de l’Homme qui ont fait campagne sur cette question estiment que la ratification n’est qu’une question de calendrier et de volonté politique.

 

facteurs clés menant à l’abolition

  • Quatre décennies de moratoire de fait sur l’application de la peine capitale, ne donnant lieu à aucune exécution et seulement à quelques rares condamnations à mort, ont contribué à remporter l’adhésion d’une grande partie de l’élite politique et à venir à bout des résistances au sein de l’opinion publique.
  • À partir des années 1990, la tendance mondiale à l’abolition et la multiplication des discussions sur la peine de mort dans les forums internationaux ont incité le mouvement ivoirien de défense des droits de l’Homme, qui était alors en plein essor, à placer la peine capitale au cœur de son action.
  • La période de transformation politique au niveau national et la rédaction d’une nouvelle constitution reposant sur les droits fondamentaux ont fourni l’occasion d’ancrer l’abolition en tant que valeur constitutionnelle.

 

Djibouti

date et méthode d’abolition: par la réforme du Code pénal en 1995.

date de la dernière exécution: inconnue mais avant l’indépendance en 1997.

engagements internationaux en matière de droits de l’Homme: PIDCP (adhésion le 5 nov. 2002), OP2 (adhésion le 5 nov. 2002), CIDE (adhésion le 6 déc. 1990).

 

Le Djibouti est parvenu à l’abolition grâce à des réformes législatives suivies d’une modification de la constitution proscrivant la peine capitale en tant que violation du droit à la vie.

 

Même avant l’indépendance de Djibouti en 1977, la peine de mort était rarement imposée. Il était largement fait recours à des mécanismes de réparation traditionnels permettant aux familles de payer le prix du sang suite à un meurtre ou un homicide involontaire pour rétablir des relations pacifiques. La justice tenait souvent compte de ces arrangements privés, même après l’indépendance, et diminuait les sanctions pénales, ce qui contribuait à limiter la pertinence de la peine capitale. Après l’indépendance, la législation concernant la peine de mort s’est largement inspirée des lois françaises héritées de l’ancien gouvernement colonial. Ainsi, le meurtre avec circonstances aggravantes et les crimes de trahison, sabotage et espionnage étaient passibles de la peine de mort, mais la méthode d’exécution était le peloton d’exécution et non la guillotine. Le gouvernement n’a néanmoins procédé à aucune exécution et les tribunaux djiboutiens n’auraient prononcé qu’une seule condamnation à mort. L’unique personne dans les couloirs de la mort au Djibouti n’avait pas été condamnée pour un crime de droit commun mais pour avoir été impliquée dans un cas complexe d’espionnage international. Hamouda Hassan Adouani, un ressortissant tunisien que certaines sources suspectent d’avoir été un agent libyen, a été condamné en mars 1991 après avoir avoué être l’auteur d’un attentat à la bombe perpétré en 1987 qui a tué 15 personnes dans un café fréquenté par des expatriés français. En 1993, le président a commué sa peine de mort à 20 ans de prison.

 

Lorsque le Code pénal et le Code de procédure pénale ont été réformés au milieu des années 1990, le gouvernement a proposé d’abolir la peine de mort et de la remplacer par la réclusion à perpétuité. Cette proposition n’a rencontré aucune résistance et n’a pas suscité de débat. Un des objectifs de cette réforme pénale – qui était encouragée par les deux organisations intergouvernementales que sont l’ONU et l’Union africaine – était de rendre la législation djiboutienne conforme aux normes internationales en matière de droits de l’Homme. Par conséquent, l’abolition était une étape logique dans cette direction, d’autant plus que la peine de mort n’avait jamais été appliquée. Ce châtiment a été aboli en droit avec l’entrée en vigueur des nouveaux Code pénal et Code de procédure pénale le 1er janvier 1995.

 

Au cours des années suivantes, le Djibouti a consolidé son engagement en faveur de l’abolition en adhérant aux instruments internationaux et en révisant sa constitution. Le 5 novembre 2002, le Djibouti a adhéré au Pacte international relatif aux droits civils et politiques et, le même jour, au deuxième Protocole facultatif s’y rapportant qui impose l’abolition de la peine capitale et empêche son rétablissement. L’abolition à Djibouti est devenue ainsi irréversible en vertu du droit international. En 2010, le Djibouti a engagé une vaste réforme constitutionnelle comprenant une modification du nombre de mandats présidentiels autorisés et d’autres changements visant à rendre la constitution conforme aux traités qui avaient été ratifiés dans le domaine des droits de l’Homme. L’article 10(3) de la Constitution de 2010 définit l’interdiction de la peine de mort en la rapportant au droit à la vie : « La personne humaine est sacrée. L’État a l’obligation de la respecter et de la protéger […] Tout individu a droit à la vie, à la liberté, à la sécurité et à l’intégrité de sa personne. Nul ne peut être condamné à la peine de mort. »

 

Si l’abolition est fermement ancrée dans le système juridique djiboutien, le pays n’a jamais voté en faveur des résolutions de l’Assemblée générale de l’ONU visant à imposer un moratoire universel sur l’utilisation de la peine de mort, préférant s’abstenir à la place lors des cinq votes qui ont eu lieu depuis 2007.[4] Ces votes reflètent la tension existante entre les alliances régionales du Djibouti en tant que membre de la Ligue arabe et ses engagements envers la communauté internationale dans son ensemble.

 

facteurs clés menant à l’abolition

  • Un moratoire de fait qui a duré près de 20 ans – aucune exécution n’a eu lieu après l’indépendance du Djibouti – a contribué à l’absence de débat autour de l’abrogation des dispositions relatives à la peine de mort lorsque le Code pénal a été réformé en 1995.
  • Les mécanismes de réparation traditionnels permettaient aux familles des victimes d’obtenir une compensation pour les crimes violents, ce qui limitait la pertinence de la peine de mort.
  • L’adhésion du Djibouti à trois traités internationaux relatifs aux droits de l’Homme – PIDCP et son deuxième Protocole ainsi que la Convention contre la torture – a accéléré la réforme législative qui a ancré l’abolition en tant que norme constitutionnelle.

 

Fidji

date et méthode d’abolition: abolition par réforme législative pour les crimes de droit commun (meurtre) en 1979 et pour trahison en 2002. Pour l’abolition totale, par réforme législative en février 2015 (pour les crimes militaires).

Date de la dernière exécution: septembre 1964, avant l’indépendance en 1970.

engagements internationaux en matière de droits de l’Homme: CAT (adhésion le 14 mars 2016), CIDE (adhésion le 13 août 1993).

 

La peine de mort aux Fidji est le résultat d’un héritage colonial et ce pays n’a jamais procédé à d’exécution depuis son accession à l’indépendance en 1970. Il est parvenu à l’abolition suite à des réductions successives de la portée de la peine de mort. Alors que le nombre de crimes passibles de la peine de mort et de condamnations prononcées s’amenuisait, la volonté politique d’appliquer la peine capitale disparaissait.

Les Fidji ont commencé à réduire leur dépendance à la peine de mort avant d’obtenir leur indépendance. La dernière exécution sur ce territoire a eu lieu en septembre 1964 lorsqu’un homme condamné pour de multiples meurtres a été mis à mort. Après cela, toutes les peines de mort ont été commuées en réclusion criminelle. Au cours des 15 années suivantes, le nombre de chefs d’accusation passibles de la peine de mort a été progressivement diminué tant et si bien qu’en 1972 seul le meurtre avec circonstances aggravantes, tel que l’assassinat d’un agent de police ou la récidive, pouvait entraîner une condamnation à mort. La peine capitale a été rétablie en 1973 pour un éventail plus large de crimes mais, la même année, les tribunaux ont été autorisés à prononcer, à leur discrétion, des peines de prison à perpétuité plutôt que des condamnations à mort ; ce qui a écarté de manière permanente la peine de mort obligatoire pour meurtre. Entre 1974 et 1979, aucune peine de mort n’a été prononcée dans les îles Fidji. L’année 1979 a marqué l’aboutissement de cette évolution vers l’abolition pour les crimes de droit commun lorsque les Fidji ont aboli la peine de mort pour meurtre. La trahison, le génocide et d’autres crimes militaires demeuraient passibles de ce châtiment.

 

La peine de mort était toujours inscrite dans la législation mais aucun recours n’y a été fait pendant les deux décennies suivantes jusqu’à ce qu’une affaire très médiatisée attire l’attention du pays sur la peine capitale. En mai 2000, un groupe mené par George Speight a fait irruption au Parlement et a séquestré le Premier ministre Mahendra Chaudhry et 35 parlementaires de son parti pendant 56 jours. En février 2002, accusé de trahison, George Speight a plaidé coupable et a été condamné à mort, la seule peine possible pour ce chef d’inculpation. Il est ainsi devenu l’unique personne à être condamnée à la peine capitale depuis l’abolition de la peine de mort pour meurtre. Le procès a été diffusé à la télévision nationale et regardé attentivement par la population fidjienne. Quelques heures après l’annonce du verdict, le gouvernement a commué sa peine de mort en réclusion à perpétuité à la demande des procureurs et des avocats de la défense. Étant donné le manque d’expérience des Fidji quant à l’utilisation de la peine de mort – la loi ne prévoyait en effet aucune procédure d’exécution – son application aurait représenté un événement exceptionnel susceptible d’exacerber les tensions ethniques et d’accroître l’instabilité politique. Les déclarations officielles à la presse ont suggéré que le gouvernement avait en réalité tenté d’abolir la peine de mort pour trahison avant le début du procès de George Speight afin qu’il n’encoure pas la peine capitale.

 

Le cas de George Speight a révélé que ni le gouvernement ni les législateurs n’étaient en faveur de la peine capitale et que l’heure était au changement. Le jour-même où le verdict de George Speight a été annoncé, le Parlement fidjien a voté unanimement en faveur de l’abolition de la peine de mort pour l’ensemble des crimes de droit commun, ne conservant ce châtiment que pour les « crimes relevant du droit militaire commis en temps de guerre ». La loi, qui a été promulguée par le président Iloilo le 11 mars 2002, a aboli la peine de mort pour trahison, instigation d’une invasion militaire étrangère et génocide. La peine capitale a seulement subsisté dans le Code des forces armées (Royal Fiji Military Forces Act). Le procureur général Qoriniasi Bale a déclaré à la presse que le texte de loi d’abolition partielle n’avait « pas pour vocation à satisfaire George Speight et ses partisans mais à nous permettre de régler l’affaire Speight et à résoudre la question de la peine de mort ». Bale a affirmé que le gouvernement était « fermement convaincu que la peine de mort devait disparaître » et a évoqué l’influence d’ « Amnesty International et d’autres groupes des droits de l’Homme » concernant l’établissement d’un lien entre l’abolition et les préoccupations relatives aux droits de l’Homme.

 

Quelques mois après seulement, en juin 2002, le gouvernement a annoncé son intention de retirer la peine capitale du Code des forces armées. L’abolition législative totale n’a toutefois été atteinte que 13 ans plus tard. Suite à l’abolition de la peine de mort pour trahison et en l’absence de condamnations à mort, il semble que la peine de mort pour les crimes militaires est tombée dans l’oubli. En outre, la peine capitale pour ce type de crimes ne trouve pas ses origines dans la législation fidjienne en soi mais dans la loi britannique de 1955 intitulée Army Act dont les dispositions en matière de sanctions, qui comprenaient la peine de mort, avaient été intégrées au Code des forces armées. L’Army Act avait été abrogé depuis longtemps au Royaume-Uni et ses dispositions ne s’étaient jamais appliquées aux Fidji.

L’attention des Fidji s’est de nouveau portée sur la peine de mort pour crimes militaires lorsque le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU a dressé le bilan des droits de l’Homme dans ce pays au cours de ses deux premiers Examens périodiques universels (EPU) en 2010 et 2014. Si la peine de mort était tombée en désuétude, ces processus ont clairement démontré que le maintien de ce châtiment dans la législation fidjienne demeurait une question primordiale pour la communauté internationale. En 2010, même en pleine crise constitutionnelle aboutissant à la suspension par le président de tous les titulaires de postes prévus par la constitution, y compris les juges, les Fidji ont accepté les recommandations appelant à l’abolition de la peine de mort dans sa législation militaire. Au cours de la préparation du deuxième EPU des Fidji, la première Représentante permanente aux Nations unies à Genève, Nazhat Shameem Khan, ancienne juge à la Haute cour, s’est emparée de cette question et l’a portée à l’attention du nouveau gouvernement fidjien qui avait été élu en septembre 2014 en vertu d’une nouvelle constitution. Lors de l’audition des Fidji dans le cadre de l’EPU d’octobre 2014, le procureur général Aiyaz Sayed-Khaiyum a promis d’abolir la peine capitale dans la législation militaire. En décembre 2014, les Fidji ont voté pour la première fois en faveur de la résolution de l’Assemblée générale des Nations unies relative à un moratoire universel sur la peine capitale. Les réformes législatives nécessaires ont été effectuées rapidement. Le 10 février 2015, les Fidji ont aboli la peine de mort pour les crimes militaires en modifiant le Code des forces armées et l’ont remplacée par la réclusion à perpétuité. En dépit de la résistance initiale de certains législateurs de l’opposition qui exigeaient son maintien pour dissuader les militaires de perpétrer d’autres coups d’État, l’amendement a été adopté à 29 voix contre 1 avec 9 abstentions.

facteurs clés menant à l’abolition

  • La peine de mort était un héritage colonial et n’a jamais été utilisée aux Fidji après l’accession du pays à son indépendance en 1970. Les Fidjiens ont de ce fait pris conscience que la peine de mort n’était d’aucune utilité pour la mise en place d’une politique pénale efficace. Le seul condamné à mort fidjien, l’instigateur d’un coup d’État qui a plaidé coupable de trahison en 2002, a vu sa peine commuée quelques heures après l’annonce du verdict, démontrant la réticence des Fidji à avoir recours à la peine capitale même dans des circonstances exceptionnelles.
  • Le gouvernement élu en septembre 2014 en vertu d’une nouvelle constitution a soutenu l’abolition dans le cadre de la transition du pays vers la démocratie et de l’amélioration de son bilan en matière des droits de l’Homme.
  • Le ministre fidjien des Affaires étrangères, Ratu Inoke Kubuabola, a résumé les principales raisons ayant incité le gouvernement à abolir : (1) la prise de conscience que la peine de mort ne dissuade guère les individus commettant une infraction grave ; (2) la conviction selon laquelle un juste équilibre doit être trouvé entre sanction et réinsertion ; (3) l’influence de la tendance mondiale à l’abolition ; et (4) l’absence de pertinence de la peine capitale dans le système judiciaire fidjien.

 

Allemagne

Date et méthode d’abolition: Allemagne de l’Ouest : 1949, par l’inscription de l’abolition dans la nouvelle constitution. Allemagne de l’Est : 1987, par décision du Politburo.

date de la dernière exécution: les dernières exécutions sur le territoire de l’Allemagne de l’Ouest ont été le fait des Alliés entre 1946 et 1949 suite à des procès pour crimes de guerre. La dernière exécution en Allemagne de l’Est a eu lieu en 1981.

engagements internationaux en matière de droits de l’Homme: PIDCP (signé le 9 oct. 1968, adhésion le 17 déc. 1973), OP2 (signé le 13 fév. 1990, adhésion le 18 août 1992), CAT (signée le 13 oct. 1986, adhésion le 1er oct. 1990), Protocole n°13 à la CEDH (signé le 3 mai 2002, adhésion le 11 oct. 2004).

 

L’abolition de la peine capitale en Allemagne, aussi bien à l’Ouest qu’à l’Est, a été profondément marquée par le déchainement de la violence étatique sous le régime nazi. Avant et pendant la seconde guerre mondiale, le gouvernement national socialiste a recouru massivement à la peine de mort, exécutant au moins 30 000 personnes par guillotine, souvent suite à des procès sommaires. Une étude a souligné le fait que 10 peines de mort étaient prononcées en moyenne chaque jour par les tribunaux allemands pendant la seconde guerre mondiale. Les adversaires politiques comptaient souvent parmi les condamnés à mort. Cependant, aussi élevés que soient ces chiffres, ils ne permettent pas de refléter l’ampleur des crimes perpétrés par l’État nazi qui s’appréhende mieux à l’aune du nombre de morts dans les camps de concentration. Comme l’a expliqué un historien, « la peine capitale a été engloutie par la machine plus vaste de destruction humaine ».[5] Le programme d’exécutions massives du régime nazi a fondamentalement changé la faculté de la société allemande à tolérer les exécutions cautionnées par l’État.

 

Allemagne de l’Ouest

Entre 1948 et 1949, les représentants des principaux partis politiques de l’Allemagne d’après-guerre de la zone alliée se sont réunis pour élaborer le document fondateur de ce qui deviendrait la République fédérale d’Allemagne, la Grundgesetz, soit la Loi fondamentale. L’abolition de la peine capitale prévue par cette nouvelle constitution à l’article 102 est formulée de manière simple et succincte (« La peine de mort est abolie. »).

 

Certains récits historiques font beaucoup cas du fait que la proposition initiale d’abolir la peine de mort provenait d’un délégué d’extrême droite participant à la convention constitutionnelle, un membre du Deutsche Partei [Parti allemand]. Sa motion était principalement motivée par une inquiétude largement partagée au sein des nationalistes allemands, à savoir que dans les zones allemandes contrôlées par les Alliés, des officiers nazis condamnés pour crimes de guerre avaient été exécutés et continuaient de l’être, parfois suite à des procès secrets et expéditifs. Cependant, le soutien du Parti social-démocrate a été essentiel pour l’adoption de cette mesure : les sociaux-démocrates avaient déjà soutenu une plateforme abolitionniste durant la République de Weimar et se sont ralliés promptement à la proposition. L’autre force majeure de la politique allemande, l’Union chrétienne-démocrate qui était en faveur de la peine de mort, s’est tout d’abord opposée à la motion et notamment à l’inscription de l’abolition dans la constitution. Elle a avancé qu’une assemblée législative élue en vertu de la nouvelle constitution serait sûrement plus à même de régler cette question de manière réfléchie et démocratique. Toutefois, l’argument des sociaux-démocrates selon lequel l’abolition marquerait une rupture décisive avec le passé nazi a fini par convaincre une large majorité des membres du courant principal des conservateurs, qui a appuyé la motion abolitionniste. La proposition a finalement été adoptée le 8 mai 1949, la grande majorité des déléguées y étant favorables. La Loi fondamentale a été promulguée le 23 mai 1949, après ratification de chaque Land, à l’exception de la Bavière.[6] Le 20 janvier 1951, la révision du Code pénal a entraîné la commutation des peines de mort déjà prononcées en réclusion à perpétuité.

 

La plupart des Allemands de l’Ouest ne s’attendaient pas à l’abolition. Encouragées par un soutien populaire durablement en faveur de la peine de mort, plusieurs tentatives visant à rétablir ce châtiment ont eu lieu tout au long des années 1950. Toute révision constitutionnelle nécessitait néanmoins l’appui des deux-tiers des parlementaires, une majorité qualifiée que les propositions de loi ne sont jamais parvenues à réunir. Les membres des gouvernements chrétiens-démocrates successifs d’après-guerre étaient divisés sur la question de l’abolition – le chancelier Adenauer était lui-même favorable à la peine de mort. Cependant, ils ont décidé de ne pas proposer de lois rétablissant la peine capitale afin de ne pas affaiblir la Loi fondamentale durant ses premières années cruciales. Le gouvernement a coupé court aux requêtes des électeurs conservateurs qui souhaitaient un retour de la peine de mort en déléguant la question à un comité d’experts composé de juristes qui avait été chargés de réformer le Code pénal.

 

En 1959, le comité de révision du Code pénal a voté à une majorité écrasante en faveur du maintien de l’abolition. Cette décision a grandement influencé les dirigeants allemands étant donné la pratique parlementaire en vigueur qui consistait à se reposer fortement sur des experts en la matière lors de l’élaboration de textes législatifs. Le comité d’experts avait examiné la question de l’abolition indépendamment de son statut constitutionnel, suite à un débat ouvert qui avait fait ressortir qu’aucune preuve ne démontrait que la peine capitale avait des mérites pénologiques de quelque nature que ce soit. En revanche, il y avait de nombreuses raisons d’éliminer « l’effet traumatisant » qu’engendre une exposition régulière de la société à des meurtres cautionnés par l’État, surtout à la lumière du passé allemand récent. Ainsi, le projet de Code pénal soumis au Parlement en 1960 a maintenu l’abolition comme toutes les réformes pénales de la décennie suivante. Lorsque de nouvelles lois ont finalement été adoptées en matière de justice pénale à la fin des années 1960, le soutien de la population pour la peine capitale s’était affaibli. La nouvelle génération d’après-guerre ayant atteint sa majorité en plein âge d’or de la pensée progressiste de l’époque, la population de l’Allemagne de l’Ouest a commencé à se confronter à son passé nazi et a entamé un travail de mémoire qui associait la peine de mort avec la violence étatique intolérable exercée par le régime national-socialiste.

 

La jurisprudence moderne de la Cour constitutionnelle a requalifié l’abolition d’événement constitutionnel significatif comme si les personnes ayant rédigé la Loi fondamentale avaient toujours souhaité que l’abolition prenne la signification qu’elle n’a acquise que des décennies après. L’interdiction de la peine capitale est à présent une des valeurs constitutionnelles fondamentales de l’Allemagne et le symbole de son rejet de la violence étatique.

Allemagne de l’Est

Avant l’abolition, la peine de mort en Allemagne de l’Est était caractérisée par le recours aux exécutions pour des crimes politiques. La peine capitale a été utilisée à grande échelle, notamment du début jusqu’à la moitié des années 1950. Une étude a révélé qu’entre 1949 et avril 1958 au moins 195 condamnations à mort ont été prononcées, bon nombre d’entre elles pour des crimes politiques. Le meurtre, la trahison, l’espionnage et un certain nombre d’infractions contre-révolutionnaires graves telles que le sabotage, la violation du devoir de loyauté et la diversion étaient passibles de la peine de mort. Les poursuites engagées contre les criminels de guerre nazis par la République démocratique allemande étaient particulièrement énergiques et très médiatisées, en partie pour permettre à ce territoire de se démarquer de son pendant occidental, qui selon la RDA, faisait preuve d’apathie et niait la réalité historique. En 1956, l’utilisation de la peine de mort a commencé à décliner sous l’effet de la déstalinisation. Ce n’est toutefois qu’en 1964, alors que le régime en Allemagne de l’Est entrait dans une phase politique plus stable avec l’achèvement de la collectivisation, que la peine de mort a réellement commencé à tomber en désuétude.

 

Après 1964, le nombre de condamnations de mort a chuté considérablement pour atteindre une condamnation par an, la plupart pour des meurtres à caractère sexuel. De moins en moins d’exécutions ont eu lieu pour crimes politiques, bien qu’une poignée de personnes condamnées pour crimes de guerre a été exécutée suite à des procès médiatisés. Le nouveau Code pénal promulgué en 1968 a toutefois conservé la peine capitale au motif que « dans la mesure où la peine de mort est au service de la sécurité et de la protection fiable de notre État socialiste souverain […] elle revêt un caractère humanitaire ». La justification de la peine de mort comme servant les objectifs supérieurs de l’État antifasciste par excellence a permis à la République démocratique allemande de contourner la problématique historique liée à la peine capitale, ce châtiment étant en effet un héritage de l’époque nazie.

 

À partir du milieu des années 1970, le maintien de la peine de mort a commencé à ternir l’image que voulait se donner l’Allemagne de l’Est sur la scène internationale et notamment vis-à-vis de la République fédérale d’Allemagne. L’Allemagne de l’Ouest avait placé l’abolition au cœur de sa démocratie constitutionnelle et jouait même un rôle de premier plan contre la peine de mort au niveau international – une position de supériorité morale qui était en contradiction avec le portrait d’État corrompu que voulait brosser l’Allemagne de l’Est. En réaction, les exécutions ont été pour l’essentiel suspendues en RDA après 1975. Les condamnations des meurtriers ont été systématiquement commuées et les rares exécutions qui ont eu lieu pour espionnage parmi les rangs de la Stasi ont été gardées secrètes. Après 1981, la peine de mort a été limitée aux crimes militaires. L’exécution de Werner Teske en 1981 a été la dernière en République démocratique allemande. Cette même année, l’Allemagne de l’Est apprenait que la République fédérale d’Allemagne envisageait de se mettre en rapport avec les Nations unies en vue de parrainer une déclaration affirmant que la peine capitale était contraire au droit international.

 

En 1987, le Politburo a créé un groupe de travail pour se pencher sur la question de la peine capitale et a accepté sa recommandation de l’abolir le 14 juillet. Les autorités ont annoncé la décision en grande pompe le 17 juillet, déclarant que la peine capitale avait été une « nécessité historique pour juger jusqu’au dernier les crimes de guerre […] et les crimes les plus graves à l’encontre de la souveraineté de la RDA ». L’État a présenté l’abolition comme un signe des progrès qu’il avait accomplis : étant parvenu à éliminer le national-socialisme et à créer un État socialiste enregistrant un taux de criminalité très faible, le peine de mort n’avait dorénavant plus sa place. Les autorités de la RDA ont également noté dans des documents internes que la population était quelque peu fière de vivre dans le premier État socialiste à avoir aboli la peine de mort. Le sentiment était répandu au sein de la population que l’abolition représentait l’une des mesures ayant vocation à créer un climat positif pour engager des pourparlers entre l’Allemagne de l’Ouest et de l’Est ; l’objectif final étant de normaliser les relations, ce qui était considéré vital pour le maintien de la stabilité en RDA.

 

facteurs clés menant à l’abolition

Allemagne de l’Ouest
  • Le document constitutionnel qui a aboli la peine de mort a été rédigé à une époque de profondes mutations au niveau national. La majorité des dirigeants politiques était déterminée à marquer une rupture avec les meurtres de masse perpétrés par le régime national-socialiste, y compris avec son utilisation démesurée de la peine capitale.
  • Les partisans de la peine de mort ont été incapables de réunir la majorité des 2/3 nécessaire au rétablissement de la peine capitale dont l’abolition était inscrite dans la constitution.
  • En l’absence de peine de mort, le soutien populaire à la peine capitale a fini par disparaître, notamment lorsque la première génération d’après-guerre a atteint l’âge de la majorité.

Allemagne de l’Est

  • L’État souhaitait améliorer son bilan des droits de l’Homme sur la scène internationale, notamment par comparaison avec l’Allemagne de l’Ouest.
  • La peine de mort n’avait guère été appliquée pendant de nombreuses années.
  • Le maintien de la peine capitale était source de difficultés pour l’idéologie de l’État.

 

Lettonie

Date et méthode d’abolition: pour les crimes de droit commun, par la ratification parlementaire d’un des traités régionaux européens d’abolition, le Protocole n° 6, le 7 mai 1999. Pour l’abolition totale, par la ratification parlementaire du Protocole n° 13 en janvier 2012.

Date de la dernière exécution: le 26 janvier 1996.

engagements internationaux en matière de droits de l’Homme: PIDCP (adhésion le 14 avr. 1992), OP2 (adhésion le 19 avr. 2013), CAT (adhésion le 14 avr. 1992), Protocole n° 6 à la CEDH (signé le 26 juin 1998, adhésion le 7 mai 1999), Protocole n°13 à la CEDH (signé le 3 mai 2002, adhésion le 26 janv. 2012).

 

Le processus d’abolition en Lettonie a été davantage façonné par une dynamique régionale que nationale. Au cours des premières années après son accession à l’indépendance suite à des décennies de domination soviétique, la priorité absolue du pays était de garantir sa souveraineté en consolidant sa position au sein des alliances politiques de l’Europe occidentale. L’abolition était une condition préalable pour devenir membre du Conseil de l’Europe. La ratification par la Lettonie des traités européens relatifs aux droits de l’Homme qui interdisaient la peine de mort a donc été le résultat d’un pragmatisme politique. Cependant, cette stratégie s’est également avérée être en adéquation avec le discours international sur les droits de l’Homme que le pays avait adopté afin de forger une identité nationale moderne.

 

La peine de mort était une question peu débattue au sein de la société lettonne immédiatement après l’émergence du pays en tant qu’État souverain en septembre 1991. Les événements historiques en lien avec l’indépendance, l’avènement du pluralisme politique et la transformation des principes économiques en vigueur ont éclipsé toutes les problématiques afférentes à la réforme du système judiciaire. Pendant longtemps, la peine de mort avait été un instrument bien connu de la justice pénale. Des exécutions étaient menées régulièrement sous la domination soviétique pour un large éventail de crimes politiques et économiques ainsi que pour les crimes violents. Par exemple, la possession d’une monnaie étrangère était une infraction passible de la peine de mort. Les exécutions pour crimes politiques et économiques ont progressivement diminué avec la déstalinisation. En 1987, Le jugement dernier, un documentaire de Herz Frank, a fait l’objet de maintes discussions. Il présentait des entretiens avec un jeune homme condamné à mort pour meurtre quelques jours avant son exécution. Le film s’interrogeait sur la part de responsabilité de la société quant aux circonstances de son crime mais l’objectif principal était de mener une réflexion philosophique plutôt que d’être un appel à la réforme. Entre le début de l’année 1989 et la fin de l’année 1992, 18 personnes ont été condamnées à mort.

 

Au début des années 1990, en tant que nouvel État souverain, la Lettonie a poursuivi la pratique établie consistant à appliquer la peine de mort exclusivement pour les meurtres avec circonstances aggravantes – même si ce châtiment était autorisé pour d’autres crimes, y compris le banditisme, le viol avec circonstances aggravantes, la perturbation du fonctionnement carcéral, la contrefaçon avec récidive et le détournement. En 1992 et une nouvelle fois en 1995, la Lettonie a supprimé trois crimes passibles de la peine capitale. Les 13 personnes exécutées en Lettonie entre 1990 et 1996 l’ont toutes été pour meurtre avec circonstances aggravantes.

 

L’invasion russe et les décennies d’occupation encore bien présentes dans les mémoires des dirigeants lettons, leur priorité absolue pendant cette période était d’établir des relations étroites avec l’Europe et la communauté internationale. Cette volonté s’est avérée être un facteur essentiel qui a déterminé le calendrier de l’abolition. L’Europe de l’Ouest avait aboli la peine de mort depuis plus d’une décennie et le Conseil de l’Europe considérait l’abolition comme une valeur fondamentale commune, la fixant comme condition d’entrée pour les futurs États membres. Lorsque la Lettonie a signé la Convention européenne des droits de l’Homme (CEDH) et est devenue membre du Conseil de l’Europe en février 1995, elle a promis d’observer un moratoire sur les exécutions et de ratifier le protocole à la CEDH relatif à l’abolition de la peine de mort, le Protocole n° 6, dans un délai d’un an. Le débat sur l’abolition en Lettonie a donc été déclenché, à l’instar d’autres États post-soviétiques, par un calendrier extérieur et a été rattaché aux questions de sécurité nationale, un phénomène que certains commentateurs ont qualifié de « sécurisation des droits de l’Homme ».

 

Le soutien politique à l’abolition était sans aucun doute motivé à cette époque par une approche pragmatique visant à une intégration de la Lettonie dans la communauté européenne plutôt que par un rejet de la peine capitale pour des raisons de principe. Il serait toutefois simplificateur de décrire l’abolition uniquement à travers le prisme d’une imposition extérieure qui a radicalement changé la voie empruntée par le pays. Lors de ces premières années déterminantes, la stratégie de la Lettonie concernant sa relation avec les puissances étrangères était basée sur un mélange de dépendance et d’optimisme. La réceptivité du pays au droit international et aux droits de l’Homme universels marquait une rupture avec son passé soviétique et reflétait son aspiration à forger une identité nationale moderne fondée sur les droits de l’Homme. En avril 1992, la Lettonie a adhéré au PIDCP, au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et à la Convention contre la torture. Fait peut-être encore plus révélateur, la Saeima, à savoir le Parlement letton, a rétabli en juillet 1993 la Constitution de 1922 qui assoit la supériorité des normes internationales contraignantes (y compris des traités ratifiés) sur la législation nationale (en opposition flagrante avec l’approche de l’Union soviétique vis-à-vis du droit international). S’il serait inexact d’affirmer que l’ensemble de la société lettonne était en faveur de cette politique internationale fondée sur les droits de l’Homme, ces premières décisions ont concouru au façonnement de la nouvelle identité nationale du pays. Pour reprendre les propos d’une éminente juriste lettonne spécialisée dans les droits de l’Homme : « nous voulions faire partie du monde démocratique et nous avons eu recours aux normes internationales pour combler les lacunes de notre système juridique ».[7]

 

Certains acteurs internationaux souhaitaient à l’époque que la Lettonie abolisse immédiatement la peine de mort. Cependant, leurs attentes étaient trop élevées étant donné le faible niveau de compréhension des normes internationales de la société lettonne qui avait vécu pendant de nombreuses décennies sous la coupe soviétique. Sans pouvoir s’appuyer sur un débat impliquant l’ensemble de la société et dans un contexte de profondes mutations politiques où d’autres questions urgentes devaient être réglées, l’abolition a tardé à se concrétiser et le délai d’un an s’est avéré trop court pour réformer la législation nationale. En outre, le moratoire requis n’a pas immédiatement été mis en œuvre. À la fin de l’année 1995, au moins 4 personnes étaient toujours dans les couloirs de la mort et, le 26 janvier 1996, la Lettonie exécutait deux prisonniers pour meurtre avec circonstances aggravantes, les dernières exécutions dans ce pays. L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a réagi promptement, exigeant dans la résolution 1097 de juin 1996 que la Lettonie respecte ses « engagements concernant l’introduction d’un moratoire sur les exécutions et l’abolition immédiate de la peine capitale » et l’avertissant que de nouvelles violations auraient des « conséquences ». En septembre de la même année, le président Guntis Ulmanis s’est trouvé dans l’incapacité de modifier la législation suffisamment rapidement. Il a alors annoncé un moratoire exécutif sur les exécutions lors d’un discours prononcé devant l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, s’engageant à gracier tout condamné à mort qui lui en ferait la demande. Les tribunaux lettons ont brièvement persisté à prononcer des peines de mort en vertu du droit en vigueur et deux détenus dont le procès était déjà en cours ont été condamnés à mort en novembre et décembre 1996.

 

Le gouvernement a poursuivi une stratégie abolitionniste aussi bien au niveau national qu’international et les événements se sont enchaînés au cours de l’été 1998. En mai 1998, le gouvernement a soumis à la Saeima un projet de réforme du Code pénal éliminant la peine capitale en toutes circonstances, sans exception aucune. Cette proposition allait au-delà des exigences du Protocole n° 6 qui autorisait la peine de mort en temps de guerre. Au cours des débats parlementaires, les arguments des partisans de la peine capitale ont été contrés par ceux des politiciens qui soulignaient l’importance de l’adhésion lettonne au Conseil de l’Europe plutôt que les mérites de l’abolition. Les législateurs ont décidé au final d’honorer leurs engagements envers le Conseil de l’Europe mais sans aller plus loin : la Saeima a rejeté le projet d’abolition totale. Peu après, le 26 juin 1998, le gouvernement a signé le Protocole n° 6 qui a été ratifié par le Parlement le 15 avril 1999 à 65 voix contre 15. Il est entré en vigueur quelques semaines après, le 7 mai. Cette ratification a été rapidement suivie par une révision du Code pénal qui a substitué à la peine de mort la réclusion à perpétuité mais qui a autorisé la peine capitale en temps de guerre.

 

Après l’abolition de la peine capitale en temps de paix, la peine de mort n’a plus fait l’objet de débats et l’étape finale menant à l’abolition n’a suscité aucune autre controverse. Lorsque le nouveau protocole à la CEDH, le Protocole n° 13, a étendu le champ d’application de l’abolition et a exigé que les parties abolissent la peine de mort en toutes circonstances, la Lettonie en est devenue signataire le 3 mai 2002, le jour de l’ouverture à la signature du traité. Il a fallu attendre près d’une décennie pour que la Lettonie ratifie le Protocole n° 13 mais de toute évidence ce délai n’était pas attribuable à une quelconque opposition politique mais davantage à des facteurs internes tels que le processus de ratification complexe de la Lettonie, la relation entre le ministère des Affaires étrangères et les gouvernements successifs, et le calendrier électoral. La Lettonie a complètement aboli la peine de mort en janvier 2012 lorsque la Saeima a ratifié le Protocole n° 13 à une majorité écrasante (65 voix en faveur et 4 contre) et pratiquement sans débat parlementaire.

 

Avant la ratification, certains politiciens ont tenté de tirer parti de l’attitude ambivalente de la population vis-à-vis de l’abolition. Ils sont parvenus de temps à autre à mettre la question du rétablissement de la peine de mort à l’ordre du jour, notamment quand des crimes particulièrement odieux avaient été perpétrés. Par exemple, lorsqu’un enfant a été brutalement assassiné en septembre 2008, le ministre de la Justice, le ministre de l’Intérieur et le président de la Commission parlementaire des droits de l’Homme, Janis Smits, ont demandé la tenue d’un débat européen sur le rétablissement de la peine capitale. Les initiatives de cette nature ont été toutefois éphémères. Elles ont été condamnées dans l’ensemble de l’Union européenne et qualifiées de tactiques populistes dénuées de viabilité politique et juridique.

 

L’abolition n’a guère suscité de débats parmi la population. Le public qui était au début largement en faveur de la peine capitale n’a eu que peu d’influence sur le processus d’abolition. La population ne considérait tout simplement pas la peine de mort comme une problématique importante et seules l’élite politique et les juristes débattaient du bien-fondé de l’abolition. De nombreux juges et universitaires défendaient la nécessité de maintenir la peine capitale. Aucun groupe de défense des droits de l’Homme n’était en mesure d’aider à éduquer le grand public à l’abolition ; en effet, le pays ne comptait à l’époque que deux jeunes organisations de protection des droits de l’Homme : le Centre des droits de l’Homme, fondé en 1994, et l’Institut des droits de l’Homme de la Faculté de droit de l’Université de Lettonie, institut créé en 1995 pour former les premiers avocats lettons spécialisés dans les droits de l’Homme. L’élite lettonne au pouvoir a ainsi été un acteur clé dans le processus d’abolition. Malgré l’absence de mobilisation publique sur la question de l’abolition, le soutien populaire à la peine capitale a chuté considérablement en à peu près deux décennies à compter de la ratification du Protocole n° 6. Une étude menée en janvier 2016 a révélé que près de la moitié des personnes interrogées, à savoir 47,3 %, n’étaient pas favorables au rétablissement de la peine de mort contre 36,6 % en faveur. Le document disponible ne ventile pas les résultats par groupes d’âge mais il est probable que la génération qui a grandi sans la peine de mort soutienne davantage l’abolition, comme c’est le cas dans d’autres États abolitionnistes.

 

facteurs clés menant à l’abolition

  • L’abolition était une condition indispensable pour devenir membre du Conseil de l’Europe et l’établissement de relations étroites avec les organisations politiques européennes était une question de sécurité pour les dirigeants lettons dans la deuxième moitié des années 1990.
  • Malgré une population largement en faveur de la peine de mort, le débat portant sur l’abolition n’était pas une priorité pour la majeure partie de la population dans un contexte de profondes mutations et l’élite politique lettonne a pu poursuivre sa stratégie abolitionniste.
  • La réceptivité du pays au droit international provient en partie du désir de rompre avec le passé soviétique et de créer une identité nationale moderne fondée sur les droits de l’Homme et sur des aspirations universelles.

 

Madagascar

Date et méthode d’abolition: 9 janvier 2015 (par la révision du Code pénal).

date de la dernière exécution: 1958.

engagements internationaux en matière de droits de l’Homme: PIDCP (adhésion le 21 juin 1971), OP2 (signé le 24 sept. 2012, non ratifié), CAT (adhésion le 13 déc. 2005), CADHP (adhésion le 9 mars 1992).

 

Si le Madagascar n’a jamais exécuté ne serait-ce qu’une seule personne après s’être affranchi de la tutelle française, le pays a maintenu la peine de mort dans sa législation pendant 54 ans. La dernière exécution sur ce territoire a eu lieu en 1958 sous l’administration coloniale française qui a fortement inspiré le Code pénal malgache, notamment les dispositions relatives à la peine de mort. Les tribunaux prononçaient toutefois régulièrement des condamnations à mort. Le vote malgache en faveur de l’abolition en 2014 a été possible grâce à la convergence des efforts de divers acteurs : des dirigeants politiques déterminés à promouvoir une culture des droits de l’Homme suite à une période de crise politique ; une campagne abolitionniste menée par des organisations nationales de défense des droits de l’Homme et par des institutions internationales ; et le recours à un mécanisme législatif peu utilisé qui a fait naître des alliances politiques inhabituelles.

 

Bien que la peine de mort n’ait pas été appliquée pendant un demi-siècle, le maintien de ce châtiment à Madagascar doit être compris dans le contexte de la fragilité des infrastructures étatiques dans un tiers du territoire du pays, à savoir dans le Sud. Les dites zones rouges sont des espaces ruraux peu densément peuplés où le gouvernement n’a que peu de pouvoir. Ces zones ont été une source de problèmes majeurs pour tous les gouvernements depuis l’indépendance. Dans cette région, le banditisme, qui prend la forme de grands groupes de voleurs de bétail, prospère. Ces bandits, connus sous le nom de dahalo, volent principalement des zébus (le bétail à bosse natif très prisé) et, ce faisant, font souvent preuve d’extrême violence. Ce phénomène explique pourquoi avant l’abolition le meurtre perpétré lors d’un vol de bétail était l’unique crime entraînant obligatoirement une condamnation à mort. Pendant des décennies, la peine capitale était largement perçue comme un instrument de dissuasion nécessaire pour pouvoir relever ce défi sécuritaire et les représentants politiques venant du sud du pays réclamaient haut et fort son maintien.

 

Si les partisans de la peine de mort invoquaient l’argument de son effet dissuasif supposé, ils ne demandaient pas à procéder à des exécutions. Ils estimaient plutôt que la peine capitale devait être disponible de manière symbolique, en tant que sanction incarnant le pouvoir étatique. Il était entendu et, à ce qu’il semble, peu contesté, que les peines capitales ne seraient pas appliquées. Depuis au moins les années 2000, le gouvernement a indiqué aux instances internationales des droits de l’Homme que les peines de mort étaient automatiquement commuées en réclusion à perpétuité avec travaux forcés (la deuxième peine la plus sévère prévue par le Code pénal). Une organisation importante de défense des droits de l’Homme, l’ACAT Madagascar, a exprimé des doutes quant à la rapidité et au caractère systématique des commutations des peines de mort dans les faits. Toujours est-il que le directeur de l’administration pénitentiaire a déclaré en mars 2008 que « la peine capitale a plus ou moins été transformée en une peine de travaux forcés à perpétuité ».

 

Cela n’a pas empêché les tribunaux de continuer à prononcer des condamnations à mort plutôt que des peines de prison à perpétuité. Il est extrêmement délicat d’évaluer l’utilisation précise de la peine de mort par la justice malgache avant l’abolition faute de données officielles. Les informations disponibles suggèrent toutefois que soit le nombre de peines capitales prononcées était plus important que les chiffres largement diffusés, soit le processus de commutation était très lent. Selon les estimations d’Amnesty International, il y a eu 17 nouvelles condamnations à mort entre 2007 et 2014, dont 12 avaient été prononcées en 2007 en lien avec un conflit foncier violent opposant des agriculteurs locaux et un promoteur immobilier. La dernière condamnation à mort confirmée remonte à 2011. La population carcérale dans les couloirs de la mort était toutefois bien plus élevée que ces chiffres ne le suggèrent. D’après les statistiques du ministère de la Justice qui ont été relayées dans les médias, il y aurait eu en mars 2008 44 détenus condamnés à mort, puis 54 ou 55 en mai 2009 et 58 fin septembre 2011. Parmi les crimes passibles de la peine de mort avant l’abolition figuraient le meurtre ainsi que plusieurs autres crimes n’entraînant pas la mort, notamment le vol armé, l’incendie criminel, l’enlèvement et la torture. La trahison, l’espionnage et un certain nombre d’infractions militaires telles que la désertion, le sabotage ou la mutinerie en temps de guerre étaient également passibles de la peine de mort.

 

L’abolition a été à l’ordre du jour pendant de nombreuses années à Madagascar mais tandis qu’une partie de la classe politique y était favorable, l’attachement de la région rurale du sud du pays à la peine capitale a empêché toute avancée significative. Une proposition de loi abolitionniste a été déposée par un sénateur en 2005 puis un projet de loi par le ministère de la Justice en 2006. Ils n’ont toutefois jamais passé l’étape de la lecture en séance plénière de l’Assemblée nationale. L’attitude ambivalente vis-à-vis de l’abolition qui a longtemps prévalu à Madagascar s’est reflétée dans les déclarations de la délégation du pays auprès du Conseil des droits de l’Homme de l’ONU lors de son premier Examen périodique universel en février 2010. Rejetant les recommandations invitant le pays à instaurer un moratoire de jure sur les exécutions et à retirer la peine de mort de sa législation, le Madagascar a déclaré que « les conditions requises pour l’abolition immédiate de la peine capitale ne sont pas encore réunies. Une part importante de la population et la majorité des membres du Parlement considèrent que l’effet dissuasif lié au maintien de la peine de mort demeure un moyen efficace pour combattre l’insécurité. »

 

Au cours de la crise politique qui a débuté en 2009, le gouvernement de transition du président Rajoelina s’est davantage montré enclin, sur la scène internationale, à envisager l’abolition. Il se peut que cette attitude ait été motivée en partie par le désir de rétablir de bonnes relations avec la communauté internationale qui avait condamné le coup d’État de Rajoelina perpétré en mars 2009 et suspendu les partenariats d’aide internationale et les accords commerciaux, plongeant ainsi le pays en récession. Suite à des années de crise politique, un nouveau sentiment est également apparu, à savoir que la promotion des droits de l’Homme devait jouer un rôle significatif dans l’avenir du pays. Quelques semaines seulement après l’entrée en vigueur de la nouvelle constitution, le 11 décembre 2010, le Madagascar a coparrainé pour la première fois la résolution de l’Assemblée générale des Nations unies relative à un moratoire universel sur l’application de la peine de mort. Deux ans plus tard, le 24 septembre 2012, le président Rajoelina a signé le deuxième Protocole facultatif se rapportant au PIDCP, engageant le Madagascar à l’égard du droit international à s’abstenir de procéder à des exécutions et à abolir la peine capitale dans un laps de temps raisonnable. Quelques mois plus tard, en décembre 2012, le Madagascar a coparrainé et voté de nouveau en faveur de la résolution de l’Assemblée générale de l’ONU relative au moratoire.

 

Saisissant ce moment politique opportun, les organisations nationales de défense des droits de l’Homme et les institutions internationales ont coordonné une campagne en faveur de l’abolition dans le cadre de leur travail plus général de sensibilisation à la thématique des droits de l’Homme. L’association Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT Madagascar) a bénéficié d’un soutien appuyé de la part de l’Union européenne et est devenue un chef de file dans le domaine de l’abolition. Le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’Homme a été également étroitement associé au processus d’abolition. Il a fait de l’abolition une question prioritaire lors de ses sessions de travail organisées toutes les trois semaines avec le ministère de la Justice, le cabinet du Premier ministre et celui du président de l’Assemblée nationale dans le cadre des « mécanismes de coordination ». Agissant de concert avec le gouvernement, cette coalition a préparé un projet de loi en faveur de l’abolition.

 

En 2014, les groupes de défense des droits de l’Homme œuvrant sur le terrain ont clairement compris que le gouvernement était réticent à avancer sur la voie de l’abolition en droit. Outre les problèmes de sécurité qui posaient depuis longtemps problème dans le sud du pays, la criminalité rurale avait commencé à se déplacer vers les centres urbains depuis le début de la crise économique. Il était ainsi difficile de persuader le gouvernement que le moment d’abolir était venu. En réaction, la coalition abolitionniste a décidé d’accroître le nombre d’ateliers de plaidoyer et de formation s’adressant tout particulièrement aux législateurs. Historiquement, toutes les lois malgaches ont été adoptées à l’initiative du gouvernement. Cependant, les abolitionnistes espéraient aider des parlementaires à soumettre une proposition de loi afin de mettre un terme à la peine de mort.

 

L’aboutissement de ces efforts a été l’organisation d’un évènement à l’occasion de la Journée mondiale contre la peine de mort, le 10 octobre 2014, soit dix jours avant le commencement de la session parlementaire suivante. Le ministère de la Justice, des chefs religieux, des militants des droits de l’Homme et plus de 40 parlementaires, dont le vice-président de l’Assemblée nationale, ont participé à cette « séance à huit clos » soutenue par divers acteurs nationaux et internationaux (notamment l’Union européenne, l’Union africaine, l’ONU, les gouvernements suisse et français et des groupes de défense des droits de l’Homme à Madagascar menés par l’ACAT). Le principal argument avancé lors de cet événement a insisté sur le fait que la peine de mort n’avait pas été appliquée depuis 1958. Les participants ont également évoqué le concept de fihavanana qui évoque dignité humaine, solidarité, paix et harmonie, une notion fondamentale dans la culture malgache, afin de convenir du principe que la justice ne doit pas être utilisée pour tuer mais pour protéger la vie humaine. Un consensus s’est dégagé au cours de cette réunion, à savoir que le droit à la vie, tel qu’énoncé dans l’article 3 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme, est une norme impérative (jus cogens) ainsi qu’un principe religieux. L’événement s’est conclu avec la signature de la Déclaration d’Antananarivo par des leaders religieux et politiques, un document prévoyant un plan d’action pour parvenir à l’abolition en droit. De nombreux observateurs estiment que la Déclaration a été le moment charnière dans le processus d’abolition et qu’elle a joué un rôle essentiel en préparant le terrain pour le vote unanime du Parlement en faveur de l’abolition.

 

Deux mois plus tard, le 12 décembre 2014, tous les députés de l’Assemblée nationale ont voté en faveur de la proposition de loi de révision du Code pénal soumise par le président de l’Assemblée nationale, Jean Max Rakotomamonjy, visant à abolir la peine de mort. La résistance anticipée des législateurs représentant le sud du pays a été farouche au sein du comité parlementaire mais, au bout du compte, ils n’étaient pas assez nombreux. Lors du vote en séance plénière, les parlementaires ont décidé de soutenir le président de l’Assemblée nationale. Ce dernier a alors pu remporter une victoire politique majeure lorsque l’institution qu’il présidait a adopté la proposition d’abolition à l’unanimité. Il est probable que le désir d’affirmer l’unité de l’assemblée législative ait contribué à ce résultat suite à de récentes tensions avec le président Rajaonarimampianina. Le gouvernement a exprimé son propre soutien à l’abolition en choisissant de ne pas émettre de commentaire ou d’objection concernant la proposition de loi abolitionniste au cours des 30 jours prévus par la constitution. Si l’initiative de l’Assemblée nationale a probablement permis d’atteindre plus rapidement l’abolition, de nombreux signes indiquaient que le pays était déjà fermement engagé sur la voie de l’abolition.

 

Après s’être assurée de l’entrée en vigueur de la loi abolitionniste – qui a été promulguée par le président le 9 janvier 2015 – la coalition anti-peine de mort s’est attaquée aux deuxième et troisième phases du plan d’action de la Déclaration d’Antananarivo. Une campagne de sensibilisation est actuellement menée auprès du grand public afin de souligner l’importance que revêt l’abolition. Les discussions sur l’abolition dans le pays se sont toujours limitées à l’élite politique et intellectuelle, l’avis du public n’a donc pas pesé dans la décision d’abolir. En outre, les médias partageaient le point de vue de l’élite. L’objectif de cette campagne de sensibilisation est de permettre à la population de se réapproprier le processus d’abolition, notamment dans les zones rurales qui sont coupées des débats publics. Des efforts simultanés sont déployés en vue de faire ratifier le deuxième Protocole facultatif se rapportant au PIDCP afin de rendre l’abolition irréversible au regard du droit international. Les acteurs abolitionnistes sur le terrain estiment que la validation par l’Assemblée nationale de la ratification du Protocole ne fera pas l’objet d’une polémique lors de la prochaine session parlementaire qui débutera en mai 2016. Dans le même temps, le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’Homme fournit un appui technique au gouvernement pour réduire la sanction se substituant à la peine de mort, à savoir la réclusion à perpétuité avec travaux forcés. Cette sentence, qui est actuellement la peine maximale prévue par le Code pénal, est incompatible avec les normes en matière de droits de l’Homme. Par conséquent, il se peut que l’abolition de la peine capitale entraîne dans son sillage des réformes supplémentaires axées sur les droits de l’Homme dans le domaine de la justice pénale.

 

facteurs clés menant à l’abolition

  • Suite à une crise politique qui a débuté en 2009, la promotion d’une culture des droits de l’Homme s’est révélée être une préoccupation majeure au sein de l’élite politique malgache.
  • Les parlementaires ont joué un rôle clé pour parvenir à l’abolition. Le président de l’Assemblée nationale a soumis une proposition de loi abolitionniste qui a été adoptée à l’unanimité – c’était la première fois qu’il était fait appel à Madagascar au mécanisme prévu par la constitution qui permet aux parlementaires de prendre l’initiative des lois.
  • Saisissant une opportunité politique, des experts judiciaires et des organisations des droits de l’Homme bénéficiant de l’appui d’institutions de l’ONU ont coordonné une campagne abolitionniste visant à contrecarrer l’opposition à l’abolition et à répondre aux inquiétudes relatives au banditisme violent sévissant dans le sud du pays. La campagne a ciblé les parlementaires, ces acteurs étant les décideurs les plus à même de faire évoluer la situation. Elle s’est achevée par l’élaboration de la déclaration d’Antananarivo signée par des leaders politiques et religieux déterminés à soutenir un programme pour parvenir à l’abolition.

 

Maryland

Date et méthode d’abolition: par réforme législative le 2 mai 2013.

date de la dernière exécution: 2005.

engagements internationaux en matière des droits de l’homme: PIDCP (ratifié par les États-Unis en 1992). CAT (ratifiée par les États-Unis en 1994). Les engagements pris par les États-Unis au titre de traités sont contraignants pour les États américains en vertu de l’article VI de la constitution des États-Unis. Ils ne sont toutefois pas considérés comme directement applicables et, en règle générale, ils ne peuvent pas être invoqués par des individus.

 

L’État du Maryland a aboli la peine capitale suite à plus d’une décennie dénuée de condamnations à mort et après l’identification par une commission d’État d’un certain nombre de défaillances dans l’application de la peine de mort.

Pendant des siècles avant l’abolition, la peine de mort était un élément bien ancré dans le système de justice pénale du Maryland. Entre 1923 et 1962, le Maryland a exécuté 79 hommes pour viol et meurtre. En 1962, un comité législatif est parvenu à la conclusion que la peine de mort devait être abolie et a attiré l’attention sur les disparités ethniques caractérisant son application. Le Maryland a néanmoins maintenu la peine de mort, révisant par deux fois ses lois en lien avec la peine capitale afin de se conformer aux décisions de la Cour suprême des États-Unis à la fin des années 1970. En 1994, le Maryland a procédé à sa première exécution conformément à de nouvelles dispositions sur la peine de mort adoptées à la suite de ces décisions, la première exécution depuis plus de trente ans.

 

Si le Maryland a continué d’imposer des peines de mort à la fin du 20ème siècle, le soutien à la peine capitale, lui, s’affaiblissait. L’assemblée législative du Maryland a commencé à réduire la portée de la peine de mort, tout d’abord en excluant les mineurs (1987) puis les personnes présentant une déficience intellectuelle (1989). En 1993, Kirk Bloodsworth a été innocenté après avoir été condamné à mort pour le viol et le meurtre d’une petite fille de neuf ans. L’attention des médias nationaux s’est portée sur son cas et il est devenu un important défenseur de l’abolition après sa libération.

 

Un certain nombre d’organisations non-gouvernementales menées par Equal Justice USA et Maryland Citizens Against State Executions (MD-CASE) ont organisé une campagne de soutien au moratoire en 2000-2001. Plusieurs propositions de loi en faveur d’un moratoire ont été présentées entre 1997 et 2001 mais elles ont toutes échoué. En 2002, le gouverneur Parris Glendening a déclaré un moratoire qui n’a pas duré longtemps. En effet, son successeur l’a levé six mois plus tard. Le Maryland a exécuté deux autres personnes en 2004 et 2005, les dernières dans cet État.

 

En mars 2007, forte du soutien du gouverneur Martin O’Malley, une proposition d’abolition a été présentée ; elle n’a finalement pas été adoptée. En 2008, l’assemblée législative a créé la Commission du Maryland sur la peine capitale « afin d’étudier l’ensemble des aspects de la peine capitale au regard de son application actuelle et historique dans l’État ». À cette époque, MD-CASE menait une campagne de lobbying intense en faveur de l’abolition et a joué un rôle crucial dans la création et la composition de la Commission. Cette dernière a compris en son sein des acteurs divers et variés, à savoir des hommes politiques, des chefs religieux, des avocats commis d’office, des membres des familles des victimes de meurtre, des membres de la police, des agents de l’administration pénitentiaire, des procureurs et Kirk Bloodsworth qui avait été innocenté. La Commission a constaté que l’équité dans le cadre de l’application de la peine de mort était minée par des disparités ethniques et géographiques. Elle n’a trouvé aucune preuve convaincante démontrant l’effet dissuasif de la peine de mort sur les criminels violents et est parvenue à la conclusion que le « risque d’exécuter un innocent est une possibilité bien réelle ». Elle a également déterminé que « la période de temps considérable passée par les coupables dans les couloirs de la mort et la longue procédure d’appel perpétuent la blessure, la douleur et le déchirement des familles de victimes ». Elle a conclu que, pour répondre aux besoins des victimes, il serait plus adapté d’accroître les services et les ressources financières mis à leur disposition plutôt que de continuer à avoir recours à la peine de mort. La Commission a recommandé d’abolir la peine de mort.

 

Entretemps, la mobilisation citoyenne en faveur de l’abolition s’intensifiait. Des leaders afro-américains aux niveaux étatique et national avaient décidé de faire de l’abolition une priorité, exprimant leur inquiétude quant aux inégalités ethniques dans l’application de la peine de mort. MD-CASE a formé une coalition de 25 organisations en faveur de l’abolition. Ses membres ont régulièrement rencontré des législateurs et l’équipe du gouverneur Martin O’Malley. Les militants abolitionnistes ont accueilli dans leurs rangs des alliés inattendus, notamment des membres des familles des victimes de meurtre et des anciens agents de l’administration pénitentiaire, qui ont fait part de leur expériences traumatisantes en tant que témoins des exécutions. Les chefs religieux, et plus particulièrement ceux de la Maryland Catholic Conference, étaient également de fervents partisans de l’abolition.

 

En 2009, à la place d’abolir la peine de mort, l’assemblée législative a adopté une loi prévoyant la peine capitale uniquement en cas de preuve biologique ou génétique démontrant la culpabilité de l’accusé, de confession enregistrée par vidéo, ou d’enregistrement vidéo établissant un lien entre le prévenu et un homicide. La peine de mort ne pouvait pas être prononcée lorsque l’accusation reposait uniquement sur des témoignages oculaires. La proposition de loi était un compromis politique : si elle n’abolissait pas la peine de mort purement et simplement, ses partisans avançaient qu’elle permettait de réduire le risque d’une erreur judiciaire. Dans les faits, personne n’a jamais été condamné à mort en vertu de cette loi.

 

Le mouvement abolitionniste a continué à croître et les sondages d’opinion publique montraient que l’abolition avait le vent en poupe. En 2011, 49 % des personnes interrogées ont déclaré préférer la réclusion à perpétuité contre seulement 40 % pour la peine de mort. Les journaux importants ont également publié des éditoriaux favorables à l’abolition.

 

Au début de l’année 2013, le gouverneur O’Malley a parrainé une autre proposition de loi abolitionniste et a témoigné devant les comités des deux chambres parlementaires. Cette fois-ci, après qu’un sénateur de premier plan retire ses objections vis-à-vis de la proposition de loi, il a pu être procédé à un vote au Sénat. Le Sénat vota en faveur de l’abolition le 6 mars, suivi par la Chambre des délégués le 15 mars. Le gouverneur O’Malley a signé la loi le 2 mai, faisant observer que la peine de mort était une « politique dont l’inefficacité était avérée ».

 

Ce texte de loi n’a pas eu d’incidence sur la situation des cinq hommes déjà dans les couloirs de la mort au moment de l’abolition mais, le 20 janvier 2015, le gouverneur O’Malley a commué toutes les peines de mort restantes en réclusion à perpétuité.

 

Des enquêtes d’opinion ont révélé que le soutien à l’abolition était plus marqué après la signature de la loi abolitionniste. Pour reprendre les propos d’un chef de file de la campagne abolitionniste, « il n’y a pas eu de réaction négative de la part du public suite à l’abolition ».

 

facteurs clés menant à l’abolition

  • Le Maryland a restreint l’application de la peine de mort par le biais de propositions de loi successives avant de parvenir à l’abolition. Ces textes de loi ont rendu ce châtiment inapplicable pour les mineurs et les personnes présentant une déficience intellectuelle et ont conditionné les condamnations à mort à l’obtention de preuves biologiques ou vidéo.
  • Le cas très médiatisé d’un homme innocent condamné à mort a suscité des inquiétudes parmi la population quant au risque d’exécuter des innocents.
  • L’assemblée législative du Maryland a créé une commission comprenant un vaste échantillon représentatif d’acteurs afin d’examiner l’application de la peine de mort. La commission a constaté que la peine capitale perpétuait la souffrance des familles de victimes. Elle est parvenue à la conclusion que la peine de mort était un châtiment présentant des défauts impossibles à corriger et a recommandé de l’abolir.
  • Le gouverneur Martin O’Malley a fait de l’abolition sa priorité en présentant un texte législatif visant à abolir la peine de mort et en témoignant en sa faveur.
  • Des organisations non-gouvernementales menées par l’association Maryland-Citizens Against State Executions ont joué un rôle prépondérant dans la campagne abolitionniste, recrutant des alliés inattendus tels que des membres des familles des victimes de meurtre et des agents pénitentiaires. Les leaders afro-américains inquiets des inégalités ethniques dans l’application de la peine de mort ont été des acteurs clés dans la campagne abolitionniste.

 

Népal

Date et méthode d’abolition: pour les crimes de droit commun, par réforme législative en 1946 (malgré le rétablissement partiel de la peine de mort pour meurtre en 1985). Pour l’abolition totale, par révision constitutionnelle entrée en vigueur le 9 novembre 1991.

date de la dernière exécution: le 9 février 1979.

engagements internationaux en matière de droits de l’homme: PIDCP (adhésion le 14 mars 1991), OP2 (adhésion le 4 mars 1998), CAT (adhésion le 14 mai 1998), CIDE (adhésion le 14 sept. 1990).

 

Le Népal a rarement appliqué la peine de mort au cours de la seconde moitié du vingtième siècle. Seules trois exécutions ont eu lieu après 1931. Le pays est parvenu à l’abolition totale pendant une phase de réforme démocratique suite à trente ans de monarchie.

 

Avant de l’abolir, le Népal avait suspendu à titre d’essai la peine de mort afin que les législateurs puissent observer les effets de l’abolition. En 1931, le Premier ministre Bhim Shamsher, un homme religieux qui était semble-t-il motivé par les préceptes hindous et les principes réformistes qui venaient de mener à l’abolition de l’esclavage, a organisé une réunion rassemblant des juristes et des chefs religieux pour discuter la possibilité d’abolir la peine capitale. Les participants étaient en faveur de l’abolition, évoquant aussi bien des raisons religieuses que la promotion de la réinsertion. Ils recommandaient toutefois de mener une expérience sur cinq ans afin d’évaluer l’incidence de l’abolition sur le taux de criminalité. En juillet 1931, Bhim Shamsher a demandé à des responsables du système judiciaire de remplacer la peine de mort par la prison à perpétuité et d’envoyer au Premier ministre un rapport annuel sur le nombre d’individus qui bénéficieraient de cette décision. Si la peine capitale était toujours d’actualité pour les crimes politiques et militaires, Bhim Shamsher a commué plusieurs condamnations à mort à caractère politique au cours des semaines suivantes, conformément à l’esprit de la suspension.

 

La mesure a été prolongée deux fois pour cinq années, puis la suspension de la peine capitale a laissé place à une abolition en droit pour les crimes de droit commun en 1946 lorsque la peine de mort a été retirée du Muluki Ain, le code juridique général du pays. Notant que le nombre de crimes graves n’avait pas augmenté au cours des quinze années précédentes, le Premier ministre Padma Shamsher a convoqué une réunion réunissant des hauts responsables civils et militaires. La majorité des participants ont alors exprimé leur soutien à l’abolition. La peine de mort pour les crimes de droit commun a été remplacée par la réclusion à perpétuité et la confiscation des biens des condamnés. Le Népal a conservé la peine de mort pour trahison en vertu de la Loi sur la trahison (crime et châtiment) et de la Loi sur l’armée en date de 1959. Agresser le roi ou la famille royale, prendre les armes pour renverser le gouvernement ou conspirer avec un État étranger pour saper l’indépendance du Népal étaient tous des crimes assimilables à une trahison et donc passibles de la peine de mort.

 

La peine capitale est tombée en désuétude dans les années 1950, au cours de la première période de démocratie parlementaire au Népal suite au renversement de la dynastie Rana. Aucune peine de mort n’a été prononcée pendant une décennie mais cela devait bientôt changer. En 1960, le roi a dissous le Parlement et interdit les partis politiques, inaugurant trois décennies de régime monarchique connu sous le nom de système panchayat. De nombreuses violations des droits de l’Homme ont été commises, notamment au détriment des membres du Congrès népalais, un parti pro-démocratique. Trois membres de ce parti ont été condamnés à mort pendant cette période et ont été exécutés pour trahison. En 1962, Durganand Jha a été exécuté pour tentative de régicide et en février 1979, les dernières exécutions du pays se sont déroulées avec la mise à mort de deux détenus condamnés pour avoir tenté d’assassiner le roi en 1974 et avoir été à la tête d’une insurrection armée en 1975. Ces trois peines de mort ont été prononcées lors de procès à huis clos devant des tribunaux spéciaux. Le mouvement d’opposition qui prenait de l’ampleur au Népal n’avait pas manqué de remarquer que ces exécutions ciblaient des adversaires politiques. En 1979, les exécutions sont devenues un catalyseur des manifestations étudiantes, les premières d’une longue série de mouvements populaires qui ont fini par contraindre le gouvernement à entreprendre des réformes de grande envergure. En 1985, alors que le régime panchayat était de plus en plus sous pression, la portée des lois relatives à la peine de mort a été étendue dans le cadre d’une politique plus générale de répression du mouvement démocratique ; certaines formes de meurtre et de trahison sont devenues passibles de la peine de mort. Une modification de la législation a permis d’inscrire de nouveau la peine capitale dans le Muluki Ain pour les meurtres avec circonstances aggravantes commis lors d’un détournement ou d’un enlèvement ou commis avec l’emploi de substances toxiques, de torture prolongée ou l’utilisation « dangereuse » d’armes. En outre, la loi de 1985 sur les services spéciaux qui a créé une agence nationale du renseignement a fait de l’usage abusif d’informations secrètes un crime passible de la peine de mort pour les employés des services spéciaux. Personne n’a jamais été condamné à mort en vertu de ces dispositions.

 

Suite à une série d’attentats à la bombe en juin 1985, le Népal a également étendu l’application de la peine de mort aux actes de terrorisme. La Loi sur les crimes destructeurs (contrôle et châtiment spéciaux) est entrée en vigueur la même année, en août 1985. Ses dispositions ont été invoquées pour condamner quatre personnes reconnues coupables des attentats de juin à l’issue de procès par contumace, et ce malgré les dispositions constitutionnelles interdisant l’application rétroactive des lois. Ces condamnations ont été maintenues par la Cour suprême en 1988.

 

En 1990, suite à des mois de manifestations et de répression de plus en plus sanglante, le mouvement pro-démocratique népalais a renversé le régime au pouvoir qui a été remplacé par une monarchie constitutionnelle multipartite. Le 29 juillet 1990, le Premier ministre Krishna Prasad Bhattara a annoncé que l’une de ses premières mesures consisterait à abolir la peine de mort au Népal, déclarant que la peine capitale n’était pas compatible avec le nouveau système politique multipartite en vigueur au Népal. Le nouveau gouvernement avait à cœur de promouvoir les droits de l’Homme afin de marquer une rupture avec le régime précédent et souhaitait accélérer son intégration dans la communauté internationale. L’abolition a donc été incorporée dans les projets de la nouvelle constitution.

 

La constitution promulguée le 9 novembre 1990 a renforcé les transformations politiques historiques en cours au Népal. L’article 12 a aboli la peine de mort sans exception dans la section garantissant le « droit à la liberté ». La constitution contenait une clause d’extinction stipulant que les lois en vigueur contraires à la constitution devenaient caduques au bout d’un an si elles n’avaient pas été modifiées au cours de cette période. Plusieurs lois contenant des dispositions relatives à la peine de mort n’ont pas été modifiées avant la fin de ce délai d’un an et, en septembre 1997, la Cour suprême a estimé que ces dispositions étaient devenues inopérantes. Ce jugement a confirmé de manière rétroactive que la peine de mort avait été complètement abolie en novembre 1991. Il n’y avait plus qu’une seule formalité à accomplir et, début mai 1999, deux modifications législatives ont retiré formellement les dispositions relatives à la peine de mort (qui étaient par ailleurs inopérantes) qui subsistaient dans la législation népalaise. La peine de mort pour trahison a été remplacé par une peine d’emprisonnement de 25 ans au maximum et par la confiscation des biens des coupables. En mars 1998, le Népal s’est engagé au regard du droit international à abolir la peine capitale de manière irréversible en adhérant au deuxième Protocole facultatif se rapportant au PIDCP.

 

La volonté du Népal à inscrire l’abolition dans sa constitution ne s’est pas émoussée au cours de la décennie de troubles civils allant de 1996 à 2006. La Constitution provisoire de 2007 et la Constitution de septembre 2015 – la première dans l’histoire du Népal à avoir été rédigée par une assemblée constituante– ont toutes deux ancré l’abolition dans la constitution. En vertu de l’article 16(2) de la constitution népalaise actuelle, l’interdiction de la peine capitale relève du « droit de vivre dignement ». L’abolition de la peine de mort est par conséquent indissociable du droit à la vie, un droit qui, comme le Népal l’a déclaré devant le Conseil des droits de l’Homme en 2001, est « au fond le socle de la jurisprudence népalaise relative aux droits de l’Homme ».

 

facteurs clés menant à l’abolition

  • Le pays a tenté l’abolition de manière expérimentale pendant 15 ans (dont un moratoire sur les exécutions pour les crimes de droit commun), période au cours de laquelle le taux de criminalité est demeuré stable, ce qui a rassuré la population et a ouvert la voie à l’abolition pour les crimes de droit commun en 1946.
  • L’application très restreinte de la peine de mort à partir des années 1930 (avec uniquement trois exécutions dans les années 1960-1970) et quarante-cinq ans d’abolition partielle (aucune condamnation à mort pour les crimes de droit commun même après le bref rétablissement de la peine de mort pour meurtre en 1985) ont facilité la tâche des nouveaux dirigeants politiques qui ont décidé de l’abolir complètement en 1990.
  • La transition du pays vers une monarchie constitutionnelle multipartite a fourni un cadre propice à l’abolition qui était perçue comme faisant partie d’un programme de réformes plus vaste axé sur les droits de l’Homme visant à rompre avec le passé.

 

Suriname

Date et méthode d’abolition: le 3 mars 2015, par réforme du Code pénal par le parlement.

date de la dernière exécution: 1927.

engagements internationaux en matière de droits de l’Homme: PIDCP (adhésion le 28 déc. 1976), OP2 (non), CAT (non), CADHP (adhésion le 12 nov. 1987), Protocole à la CADHP relatif à la peine de mort (non).

 

Le Suriname est un exemple remarquable de pays qui a conservé la peine de mort longtemps après qu’elle soit tombée en désuétude. La dernière exécution dans ce pays remonte à 1927. Depuis, aucun tribunal n’a prononcé ne serait-ce qu’une condamnation à mort et pas une seule exécution n’a eu lieu. Il a fallu 87 ans au Suriname pour abolir la peine capitale, mais ce n’est pas dû à un profond attachement à la peine de mort mais davantage au manque de motivation réelle à faire changer le statu quo. La situation a évolué au début du 21ème siècle lorsqu’un groupe de parlementaires, soutenu par le mouvement international de défense des droits de l’Homme, s’est emparé de la cause abolitionniste.

 

L’absence d’exécution judiciaire ne signifie pas que le pays a été épargné par la violence. En mars 1982, la télévision nationale a diffusé l’exécution du meneur d’un coup d’État déjoué, Wilfred Hawker. Si certains rapports estiment qu’il s’agit de la dernière exécution judiciaire au Suriname, elle est plus correctement appréhendée en tant qu’exécution extrajudiciaire. En effet, Wilfred Hawker a été sommairement exécuté sans aucune forme de procès. Les exécutions extrajudiciaires de décembre 1982, lorsque treize détracteurs connus de la dictature militaire de Dési Bouterse ont été arrêtés puis fusillés, pèsent également lourdement sur la mémoire collective du Suriname. Cette histoire empreinte de violence politique a suscité dans la société surinamienne une profonde méfiance à l’égard des exécutions cautionnées par l’État, même après le rétablissement d’un régime démocratique en 1991. La récente campagne en faveur de l’abolition s’est appuyée sur un sentiment largement partagé au sein de la population selon lequel si un gouvernement militaire devait revenir un jour au pouvoir, la peine de mort pourrait alors être utilisée pour éliminer les opposants politiques.

 

Il est vrai que la peine de mort n’a jamais été appliquée, mais l’abolition était bien plus qu’un acte symbolique car cette loi dormante pouvait être réactivée dans des circonstances politiques défavorables. Il y a eu au fil des ans plusieurs tentatives de révision du Code pénal du Suriname afin d’abolir la peine de mort. L’une d’elle a été menée par le ministre de la Justice Eddy Hoost qui a mis l’abolition à l’ordre du jour en 1977 mais, victime du massacre de décembre 1982, il n’a pas pu voir l’aboutissement de son entreprise. Son projet de loi d’abolition a été adopté par le conseil des ministres mais a été rejeté par le comité consultatif du président. Au moment de l’abolition, le meurtre avec préméditation, le meurtre commis en même temps qu’une autre infraction et la trahison étaient passibles de la peine de mort au Suriname. Les mineurs et les femmes enceintes ne pouvaient pas être condamnés à mort, tout comme, dans certaines circonstances, les personnes atteintes de troubles mentaux ou présentant une déficience intellectuelle.

 

En 2005, le gouvernement de centre gauche mené par le Nouveau front pour la démocratie et le développement a lancé une campagne publique contre la peine capitale et a entamé une révision en profondeur du Code pénal qui devait comprendre l’abolition. Les dirigeants politiques ne manifestaient toutefois pas encore une volonté à toute épreuve car, au cours de cette période, le Suriname a voté contre la première résolution de l’Assemblée générale de l’ONU en faveur d’un moratoire universel sur la peine de mort. Il a également signé la note verbale dénonçant la résolution que le pays percevait comme une ingérence dans ses affaires internes. Lors des résolutions suivantes en 2008 et 2010, le Suriname s’est abstenu et n’a pas signé la note verbale, ce qui pouvait être la manifestation d’une volonté politique naissante de s’engager à abolir devant la communauté internationale. La réforme du Code pénal préparée par le gouvernement n’a néanmoins pas été prête à temps et n’a pu être présentée au Parlement avant les élections de 2010 remportées par le Parti démocratique national de Bouterse qui est alors revenu au pouvoir.

 

La dernière campagne abolitionniste au Suriname a été lancée à l’occasion de la Journée mondiale contre la peine de mort le 10 octobre 2013. Les abolitionnistes étaient confrontés à un dilemme inhabituel : comment mobiliser la volonté politique pour abolir un châtiment dont, comme l’affirma un parlementaire abolitionniste par la suite, « une grande partie de la population ne savait même pas que nous l’avions toujours […] car ce n’était pas en soi un enjeu ». En rassemblant les dirigeants politiques et les chefs de file de la société civile et en bénéficiant du soutien décisif des institutions, gouvernements et ONG internationales, le camp abolitionniste a pu étendre la campagne d’éducation et de sensibilisation lancée des années auparavant. Un groupe de parlementaires abolitionnistes mené par Ruth Wijdenbosch a organisé des réunions de plaidoyer et d’information visant l’élite politique et juridique du pays, notamment les parlementaires, les responsables du ministère de la Justice, les procureurs et les barreaux. Des groupes de la société civile bénéficiant d’un appui international ont organisé des événements afin d’attirer l’attention du grand public sur la question de l’abolition. En parallèle, les parlementaires défavorables à la peine capitale ont, eux, lancé des actions abolitionnistes dans leurs circonscriptions respectives.

 

Le soutien de la communauté internationale pour l’abolition s’est rapidement concrétisé, animé en partie par l’espoir que les pays des Caraïbes, une région où l’utilisation de la peine de mort est répandue, prendraient le Suriname en exemple et avanceraient sur le front de l’abolition. Si le Suriname est situé sur le continent sud-américain, une région où la peine capitale a pratiquement disparu, le pays appartient également à plusieurs groupes politiques caribéens. Des organisations internationales telles que la Commission internationale contre la peine de mort et des ONG telles que l’Action mondiale des parlementaires se sont impliquées et ont apporté leur expertise acquise dans le cadre des processus d’abolition dans d’autres territoires. En juin 2014, la Coalition mondiale contre la peine de mort, un collectif international d’organisations abolitionnistes non-gouvernementales, a organisé une conférence régionale à Porto Rico soulignant les efforts déployés par le Suriname en faveur de l’abolition. Elle a fourni l’occasion de faire un brainstorming avec les partenaires régionaux en vue d’élaborer de nouvelles stratégies. L’Union européenne et les gouvernements du Royaume-Uni, de la France, des Pays-Bas et de la Suisse se sont intéressés à cette campagne couronnée de succès et ont fourni un appui matériel et technique. Les encouragements diplomatiques dont commençait à bénéficier le mouvement, parallèlement aux efforts des dirigeants politiques abolitionnistes du Suriname, ont été déterminants pour garantir la réussite de la campagne.

 

Dans ce contexte, il est rapidement apparu que l’abolition au Suriname n’était pas un enjeu partisan source de profondes divisions. Les deux principaux partis politiques du pays, le Nouveau front et le Parti démocratique national, non seulement soutenaient l’abolition mais étaient également enclins à unir leurs efforts pour faire avancer la cause. Le gouvernement dirigé par le Parti démocratique national a appuyé les initiatives abolitionnistes en partenariat avec le groupe parlementaire pro-abolition en dépit du fait que ce dernier était présidé par une responsable de l’opposition. L’objectif avoué de Mme Wijdenbosch n’était pas simplement de recueillir une majorité des voix en faveur de l’abolition mais plutôt d’obtenir un vote unanime pour envoyer un message fort aux citoyens, aux gouvernements et à la société civile dans toute la région.

 

En décembre 2014, le mouvement abolitionniste a décelé les premiers signes concrets montrant que son action portait ses fruits lorsque, pour la première fois, le Suriname a voté en faveur de la résolution de l’Assemblée générale de l’ONU relative à un moratoire universel sur la peine capitale. Les événements se sont accélérés par la suite. En février 2015, la Fondation pour la coopération juridique Suriname-Pays-Bas (Stichting Juridische Samenwerking Suriname Nederland) a organisé avec l’appui de l’Union européenne une série de séminaires sur l’abolition assurée par Marc Bossuyt, ancien juge à la Cour constitutionnelle belge et juriste chevronné spécialiste des droits de l’Homme. La campagne abolitionniste est parvenue à cette époque à obtenir le soutien de personnalités de premier plan, notamment le ministre de la Justice et le procureur le plus haut placé au Suriname. Peu après, le gouvernement a parrainé une proposition de loi d’abolition.

 

Le 3 mars 2015, l’Assemblée nationale du Suriname a adopté à l’unanimité une révision du Code pénal. Elle prévoyait de retirer toutes les références faites à la peine de mort et de la remplacer par une peine maximale de 30 à 50 ans de prison. Rares ont été les parlementaires à contester cette proposition de loi pendant les débats parlementaires et aucun de ces députés n’a souhaité le retour des exécutions. Un parlementaire a plaidé en faveur du statu quo, arguant que la peine de mort n’était jamais utilisée et que, par conséquent, elle pouvait être maintenue en toute sécurité dans le Code pénal en tant qu’option symbolique. Un autre parlementaire, le président du barreau, s’est opposé à l’abolition pour des raisons religieuses mais a fini par voter en sa faveur. Quelques parlementaires ont suggéré que le Parlement consacre davantage de séances à la question avant de prendre une décision définitive mais ils se sont finalement inclinés devant la majorité qui souhaitait agir immédiatement. La teneur des discussions a clairement révélé l’absence de soutien significatif à la peine capitale au sein du parlement surinamien.

 

Il est impossible d’évaluer dans quelle mesure la population est en faveur de la peine de mort faute de sondages d’opinion en la matière. Dans tous les cas, l’approche adoptée par le mouvement abolitionniste a consisté à convaincre en premier lieu l’élite politique et juridique plutôt que le grand public. Les responsables gouvernementaux estimaient que la majorité de la population était probablement en faveur du maintien de la peine de mort mais que, pour reprendre les propos de Mme Wijdenbosch, « l’abolition est possible lorsque les dirigeants politiques sont convaincus que cela doit être fait en dépit de l’opinion publique ». Les parlementaires ont joué un rôle moteur indispensable dans le processus d’abolition au Suriname, faisant sciemment avancer les choses plus rapidement que le rythme souhaité par la population mais déployant également des efforts afin de sensibiliser les consciences.

 

Le mouvement abolitionniste au Suriname s’est inscrit dans un contexte plus global de réforme du Code pénal. Il a tiré parti des années de préparation et de discussions d’experts du domaine juridique. Il se peut que ce même mouvement soit le moteur des futures réformes du système de justice pénale, notamment la révision de la hiérarchie des peines qui a été adoptée pour remplacer la peine capitale. La révision prévoyant l’abolition a introduit dans le Code pénal du Suriname une peine de prison avec sûreté, laissant à la discrétion des tribunaux le choix de la période pendant laquelle un condamné ne peut pas prétendre à la libération conditionnelle. En outre, les détenus condamnés pour meurtre, trafic de stupéfiants ou crime à l’encontre du gouvernement ne peuvent pas bénéficier de mesures de libération conditionnelle. Cela établit de fait la peine maximale du pays à 50 ans de prison ferme. De nombreux hommes politiques figurant parmi les chefs de file de l’abolition au Suriname ont eu le sentiment qu’il était nécessaire d’accroître la durée de la réclusion à perpétuité de manière significative afin d’obtenir un vote favorable à l’abolition, surtout trois mois avant les élections générales.

 

Les abolitionnistes surinamiens espèrent à présent que le gouvernement signera et ratifiera le deuxième Protocole facultatif se rapportant au PIDCP, ce qui ancrerait l’abolition de manière irréversible en vertu du droit international. Mme Wijdenbosch envisage la possibilité de soulever cette question devant le parlement en 2016. Elle est convaincue que la dernière étape sur la voie de l’abolition sera franchie dans un avenir proche.

 

Il est encore trop tôt pour évaluer l’incidence de l’abolition sur le taux de criminalité au Suriname mais les premiers signes indiquent le taux d’homicides est demeuré stable ou bien a diminué. Au cours des dernières années, le pays a enregistré en moyenne 27 ou 28 meurtres par an. 23 homicides ont été commis de janvier à début décembre 2015.

 

facteurs clés menant à l’abolition

  • Pendant des décennies, la peine de mort n’a pas été utilisée – il n’y a eu aucune exécution et également aucune nouvelle condamnation à mort pendant plus de 80 ans.
  • Suite à cette période prolongée d’inutilisation, il n’y a pas eu de soutien politique en faveur du rétablissement de la peine capitale ou d’un retour des exécutions.
  • L’abolition a été en partie possible grâce à la création d’une peine alternative bien plus sévère que la peine d’emprisonnement maximale précédente. Cette nouvelle peine pourrait être contraire aux normes internationales émergentes afférentes aux droits de l’Homme.
  • Un groupe actif de parlementaires abolitionnistes œuvrant de concert avec les chefs de file de la société civile et des partenaires internationaux ont joué un rôle crucial en faisant pression sur le gouvernement ainsi qu’en sensibilisant le grand public aux problématiques en lien avec l’abolition.
  • Le mouvement abolitionniste a été renforcé grâce à l’appui matériel et technique d’organisations internationales et de gouvernements étrangers.

 

Venezuela

date et méthode d’abolition: par décret présidentiel le 18 août 1863 ; confirmé l’année suivante par la Constitution de 1864 qui a consacré le droit à la vie et l’abolition de la peine capitale.

date de la dernière exécution: 1863.

engagements internationaux en matière de droits de l’homme: PIDCP (signé le 24 juin 1969, adhésion le 10 mai 1978), OP2 (signé le 7 juin 1990, adhésion le 22 fév. 1993), CADHP (signée le 22 nov. 1969, adhésion le 23 juin 1977), Protocole à la CADHP relatif à la peine de mort (adhésion le 6 avr. 1994), CIDE (adhésion le 13 sept. 1990).

 

Le Venezuela a aboli la peine capitale à la suite d’une guerre civile sanglante, à une époque marquée par une série de réformes démocratiques.

 

La peine de mort au Venezuela est un héritage colonial de l’Espagne qui a été conservé pendant des décennies après l’accession du pays à son indépendance. Influencées par la pensée du siècle des lumières sur le crime et le châtiment, les constitutions antérieures du Venezuela contenaient des principes généraux interdisant les peines excessives et disproportionnées. L’abolition de la peine capitale faisait l’objet de débats publics mais la peine de mort était toutefois maintenue.

 

La persistance de la peine capitale était largement due à l’instabilité politique prévalant à cette époque. Il était en effet difficile de faire la distinction entre les exécutions judiciaires et les nombreuses exécutions extrajudiciaires qui ont eu lieu pendant les guerres d’indépendance ainsi qu’au cours des guerres civiles et des coups d’État qui se sont succédés. En 1813, le leader de l’indépendance, Simone Bolivar, a décrété que tout citoyen espagnol qui ne soutenait pas activement la cause indépendantiste serait sommairement exécuté par peloton d’exécution. Lorsque la paix est temporairement revenue au cours des décennies suivantes, il a été massivement fait recours à la peine de mort, notamment contre les opposants politiques. La grande Colombie, qui comprenait le territoire vénézuélien actuel, a été créée en tant que république indépendante en 1821 et, au cours de ces premières années de consolidation, les lois pénales étaient dans l’ensemble beaucoup plus sévères que sous la domination coloniale. Dans les années 1820, la peine de mort a été autorisée pour punir les crimes de corruption, vol, vol qualifié, ainsi que pour « trouble à l’ordre public, à la paix et à la tranquillité », crime dont la définition est sujette à interprétation. La nouvelle constitution promulguée en 1830 contenait une déclaration générale sur la nécessité de limiter l’utilisation de la peine capitale. Cependant, en juin 1831 le pays a étendu la peine de mort aux « traîtres et conspirateurs » agissant contre les intérêts de l’État. Dans ce contexte, les dirigeants politiques étaient particulièrement exposés aux exécutions.

 

Le premier tournant abolitionniste a eu lieu au milieu des années 1830. En 1835, le président José Antonio Páez a garanti l’immunité aux auteurs d’une tentative de coup d’État afin de préserver la paix – même si de nombreux membres de son parti réclamaient la peine de mort. Un an plus tard, le cas de Vicente Ochoa a relancé le débat sur la peine de mort qui n’avait jamais cessé de susciter des remous au sein de l’élite intellectuelle du pays. Ochoa, une femme enceinte, avait été condamnée à mort à Caracas pour le vol et le meurtre d’une esclave en 1836. Sa condamnation a déclenché une vague de protestations parmi des groupes sociaux très divers notamment chez les femmes qui ont fait entendre leur voix pour demander la clémence. Les pamphlets appelant à une commutation de sa peine ont soulevé des arguments aussi bien philosophiques que moraux et ont contesté la légalité de sa peine au regard de la constitution. Sa peine de mort a été finalement commuée et Ochoa a été exilée pendant 6 ans sur l’île de Margarita.

L’affaire Ochoa est devenue un pivot sur lequel a tourné le débat sur la peine de mort, contribuant grandement au changement d’attitudes qui a mené au déclin de l’utilisation de la peine capitale pour meurtre, notamment après 1849. En avril 1849, une loi a aboli la peine de mort pour conspiration contre l’État. La Constitution de 1858 l’a également abolie pour les crimes politiques en général et a prévu une commutation pour certains types de condamnations à mort en peine d’exil. Dans le contexte vénézuélien, l’abolition de la peine capitale pour crime politique a permis de réduire considérablement le nombre de condamnations à mort.

 

Ces avancées ont été temporairement balayées par la Guerre fédérale (Guerra Federal) qui a éclaté en 1859 et est généralement considérée comme la guerre civile la plus meurtrière qu’ait connue le Venezuela. Le 18 août 1863, quelques mois seulement après la fin de la guerre, le président intérimaire Juan Crisóstomo Falcón a signé un décret garantissant dans son premier article le droit à la vie et, par conséquent, abolissant la peine de mort pour tous les crimes et en toutes circonstances. Le Venezuela est ainsi devenu le premier pays du monde à totalement abolir la peine de mort. Le Décret des garanties (Decreto de Garantías) a également reconnu pour la première fois des droits démocratiques fondamentaux tels que la liberté d’expression, de pensée et d’association, l’égalité devant la loi et l’abolition définitive de l’esclavage.

 

La nouvelle constitution promulguée en 1864 a consacré « l’inviolabilité de la vie » et a prévu que « la peine de mort restera abolie, quelle que soit la loi qui l’a établie », primant explicitement sur toute disposition législative contraire. Toutes les constitutions suivantes réaffirmeront le statut constitutionnel de l’abolition. L’article 43 de la constitution actuelle du Venezuela, promulguée en 1999, prévoit que « Le droit à la vie est inviolable. Aucune loi ne pourra établir la peine de mort, ni aucune autorité l’appliquer. »

 

En sa qualité de premier pays au monde à avoir complètement aboli la peine de mort, le Venezuela a invariablement soutenu les initiatives internationales visant à l’abolition universelle de ce châtiment au cours des deux dernières décennies. En 1993 et 1994, le pays a adhéré à deux traités internationaux – le deuxième Protocole facultatif se rapportant au PIDCP et le Protocole à la Convention américaine des droits de l’Homme relatif à la peine de mort – qui engagent les États parties à abolir la peine capitale de manière irréversible.

 

Même après 153 ans d’abolition, la question de la peine de mort refait surface de temps à autre, ce qui illustre la dimension symbolique persistante que revêt ce châtiment sur le plan politique. En 1994, une proposition de rétablissement de la peine capitale a été rejetée par les législateurs vénézuéliens. Tout récemment, en octobre 2015, le Parti pour le progrès social a appelé à rétablir la peine de mort pour meurtre, agression sexuelle et trafic de drogue. Ces demandes sont fondées sur des tactiques politiques démagogiques et sont contraires aux engagements internationaux du Venezuela en matière de droits de l’Homme ainsi qu’au combat historique du pays en faveur de l’abolition.

 

facteurs menant à l’abolition

  • Une guerre civile dévastatrice a jeté les fondations d’une réforme radicale de l’État axée sur les droits fondamentaux de la personne. La peine de mort n’a pas été considérée comme compatible avec le premier de ces droits, à savoir le droit à la vie.
  • L’abolition de la peine capitale a été estimée nécessaire afin de consolider l’engagement du pays en faveur de la paix et des réformes démocratiques.
  • L’abolition de la peine de mort pour les crimes politiques a été la première étape visant à réduire l’utilisation de la peine capitale.
  • La condamnation à mort d’une femme enceinte a suscité de vifs débats au sein de la société vénézuélienne et a remobilisé le camp abolitionniste.

 

 

Conclusions

Prôner le maintien de la peine de mort n’est pas simplement une question de préférer un système pénal plutôt qu’un autre ; il s’agit également d’une prise de position politique. Par conséquent, la remise en cause des mérites pénologiques de la peine capitale ne représente qu’une seule dimension du processus d’abolition. Les pays ont tendance à parvenir à l’abolition dans un contexte plus général de transformation politique et non en réformant uniquement un aspect du système de justice pénale.

 

L’abolition est donc souvent associée à des périodes de changements politiques historiques, notamment lorsqu’elle fait partie d’un vaste programme de réformes axé sur les droits de l’Homme et dont l’objectif est de rompre avec un passé répressif ou violent. Les premières constitutions démocratiques au Népal et en Côte d’Ivoire ont fait de l’abolition l’un des actes fondateurs du nouvel ordre juridique fondé sur les droits de l’Homme. En Allemagne de l’Ouest, la peine de mort a été abolie immédiatement après la seconde guerre mondiale afin d’opérer une distinction claire entre la constitution d’après-guerre et la machine de mort du régime nazi. Au Venezuela et au Burundi, deux pays qui ont aboli à des époques très différentes, la question de l’abolition de la peine de mort a été rattachée au droit à la vie suite à des guerres civiles sans merci et à des décennies d’exécutions, aussi bien judiciaires qu’extrajudiciaires, à des fins politiques. L’instrumentalisation historique de la peine de mort afin de se débarrasser des adversaires politiques a révélé dans ces deux pays que ce châtiment était un outil de répression politique et a remis en question sa légitimité en tant que mesure de justice pénale. Des tendances similaires ont pu être observées en Afrique du Sud après l’apartheid, et au Rwanda et au Cambodge dans le sillage du génocide et des violations des droits de l’Homme à grande échelle. Preuve supplémentaire du caractère politique de ce châtiment, la peine capitale a tendance à être remise à l’ordre du jour par des régimes qui se sentent menacés et contraints de faire une démonstration de force. Cela a été le cas, par exemple, au Népal avec le régime panchayat au moment de la répression du mouvement pro-démocratique, ou bien en Côte d’Ivoire, à la fin des années 1990, lorsque le gouvernement était confronté à des tentatives de coups d’État. L’abolition n’emprunte pas toujours un chemin linéaire.

Cependant, cela ne signifie pas que la peine de mort puisse être abolie uniquement quand s’opèrent de profondes mutations à l’échelon national. Il est également possible de parvenir à l’abolition de manière progressive. Notre étude a démontré qu’un certain nombre de facteurs concourent à l’abolition de la peine capitale. Tout d’abord, il est rare de pouvoir abolir en l’absence de leadership politique. Les dirigeants gouvernementaux jouent un rôle primordial, c’est un fait déjà bien établi. Au Burundi, le président, ayant lui-même séjourné dans les couloirs de la mort, était enclin à soutenir la cause abolitionniste. Aux États-Unis, dans l’État du Maryland, la contribution du gouverneur a été également cruciale. Plusieurs de nos cas d’étude soulignent aussi le rôle moteur joué par les parlementaires pour parvenir à l’abolition. Au Suriname, une législatrice a mobilisé et pris la tête d’un groupe de députés. Grâce à son initiative, le Parlement a voté à l’unanimité en faveur de l’abolition. Au Madagascar, c’est un législateur (le président de l’Assemblée nationale), et non le gouvernement, qui a pris l’initiative de proposer une loi abolitionniste – la première proposition de loi parlementaire – qui a débouché sur l’abolition. Dans d’autres États comme le Bénin et le Canada, les groupes de défense des droits de l’Homme ont axé leurs campagnes sur les parlementaires en organisant des sessions individuelles d’information et de sensibilisation en vue des votes sur l’abolition.

 

Dans de nombreux pays, la première étape sur la voie de l’abolition a consisté à restreindre l’application de la peine capitale. L’abolition est souvent précédée par une diminution progressive du recours à la peine de mort, voire l’abandon pur et simple des exécutions. Même lorsque l’État ne le reconnaît pas publiquement, un moratoire sur les exécutions réduit la visibilité et la pertinence de la peine de mort et ce châtiment est au fil du temps de moins en moins perçu comme un élément nécessaire pour le fonctionnement du système de justice pénale. La présente étude s’est penchée sur des exemples de moratoires de longue durée : allant de 20 ans pour le Djibouti et 25 ans pour le Bénin jusqu’à 54 ans pour le Madagascar et 87 ans pour le Suriname. Ces périodes de moratoire donnent également l’occasion aux États de rassembler des informations sur les conséquences de l’abolition, notamment en ce qui concerne le taux de criminalité. Au Canada et au Népal, la peine capitale a été suspendue à titre expérimental dans le but explicite d’évaluer l’impact de l’abolition sur la fréquence des crimes graves. Dans les deux cas, les données recueillies ont démontré qu’il n’y avait pas de hausse de la criminalité violente et l’abolition en droit n’a pas tardé à suivre. Les moratoires de longue durée peuvent toutefois s’avérer problématiques s’ils aboutissent à un désengagement sur la question. Au Suriname, il a été difficile d’éveiller l’intérêt pour la cause abolitionniste après une période de 87 ans sans exécutions.

 

Les États s’acheminant sur la voie de l’abolition réduisent également souvent leur utilisation de la peine capitale en restreignant sa portée par le biais de modifications législatives. Les Fidji et le Canada ont progressivement réduit le nombre de crimes de droit commun passibles de la peine de mort jusqu’à ce qu’il ne reste plus que le meurtre. Les réformes de la loi permettent également d’exclure certaines catégories de personnes – tels que les mineurs – de la peine capitale. Dans le cadre de leur processus de réforme, les îles Fidji ont revu leur législation afin de mettre fin à la peine capitale obligatoire et, à la place, ont accordé aux tribunaux le droit de prononcer des peines moins sévères. Dans l’État du Maryland, l’assemblée législative a conditionné l’imposition de la peine de mort à la présence de certains types de preuves (biologiques et vidéo) qui permettaient de réduire le nombre d’erreurs judiciaires.

 

Dans de nombreux pays, les membres de la profession juridique jettent les fondations de l’abolition en instaurant une culture juridique nationale qui met l’accent sur la primauté des droits fondamentaux. Les décisions des tribunaux nationaux peuvent préparer le terrain pour une réforme législative en réduisant progressivement les pratiques admissibles en matière de peine de mort. Le droit à une représentation juridique, la possibilité de faire appel et d’être gracié et les méthodes d’exécution inhumaines peuvent ainsi être redéfinis en rapport avec le droit à la vie, l’interdiction de la torture et les garanties d’équité des procès. Les acteurs du système de justice pénale, qu’ils soient juges, procureurs, avocats de la défense ou surveillants de prison, contribuent tous à la promotion de la culture des droits de l’Homme. Aux Fidji, le corps judiciaire a sensibilisé la population aux grands principes régissant la détermination des peines dans le cadre d’une série de procès diffusée à la télévision qui a contribué à affaiblir le soutien de la population à la peine capitale. En Allemagne, un groupe d’experts composés de juristes a joué un rôle clé dans le maintien de l’abolition. En s’opposant à la peine de mort, ce comité chargé de réformer le système de justice pénale a aidé à déjouer plusieurs tentatives visant à la rétablir. Plus rarement, les tribunaux estiment que la peine capitale n’est pas compatible avec les garanties relatives aux droits fondamentaux qui sont inscrites dans la constitution de leur pays et la peine de mort est abolie par voie judiciaire, comme cela a été le cas en Afrique du Sud.

 

Le cas des personnes condamnées à mort suite à une erreur judiciaire est un argument de poids dans le débat sur la peine capitale et les dirigeants politiques reconnaissent souvent que le risque d’exécuter un innocent est une excellente raison d’abolir. Les personnes qui relaient ces histoires auprès du public – qu’elles soient journalistes, réalisateurs, artistes ou universitaires – jouent un rôle essentiel en dévoilant les risques inhérents à la peine capitale et en contribuant à réduire le soutien de la population à ce châtiment. Au Canada, la condamnation à mort d’un garçon de 14 ans suite à une erreur judiciaire a été fortement médiatisée et a permis d’altérer les termes du débat sur la peine de mort. Dans l’État du Maryland, Kirk Bloodsworth, un ancien condamné à mort innocenté, a contribué à l’avènement de l’abolition en prenant la parole en public et en militant sur les thématiques en lien avec la peine de mort.

 

La progression des connaissances des parties prenantes sur l’application et les effets de la peine capitale, notamment grâce à la commande et à la publication d’analyses factuelles, a été un facteur crucial dans plusieurs pays. Au Canada, le gouvernement a fait réaliser une étude longitudinale portant sur la question de la dissuasion. Elle est parvenue à la conclusion qu’aucun élément ne démontrait l’effet dissuasif de la peine de mort. Onze ans après l’abolition, alors que le Parlement débattait d’une proposition de loi de rétablissement de la peine de mort, les statistiques gouvernementales ont révélé que le taux de criminalité avait diminué après l’abolition de la peine capitale, ce qui a contribué au rejet massif de cette proposition de loi. Dans plusieurs États américains, des études sur la discrimination des groupes ethniques marginalisés dans l’application de la peine de mort ont joué un rôle clé dans l’abolition.

 

L’impact de la tendance mondiale à l’abolition a été significatif. Au cours des vingt à trente dernières années, les traités internationaux et régionaux engageant les États parties à abolir la peine de mort ont ouvert une nouvelle voie, bien distincte, menant à l’abolition. Le Bénin et la Mongolie ont adhéré au deuxième Protocole facultatif se rapportant au PIDCP – s’engageant ainsi à abolir de manière irréversible au regard du droit international – avant d’abroger les dispositions nationales relatives à la peine capitale (le Bénin n’a pas encore modifié les textes législatifs faisant référence à la peine de mort). L’abolition en Lettonie a été façonnée par les deux protocoles à la Convention européenne des droits de l’Homme relatifs à la peine de mort ainsi que par les règles d’adhésion au Conseil de l’Europe. Les discussions actuelles sur un protocole africain sur la peine capitale peuvent inciter les pays de cette région à prendre à leur tour cette direction. La jurisprudence et les rapports publiés par les organisations régionales et internationales de défense des droits de l’Homme appellent les pays à restreindre l’application de la peine de mort ou à l’abolir purement et simplement. En outre, les procédures internationales d’examen des pays telles que l’Examen périodique universel, au cours desquelles la décision des États de maintenir la peine de mort est régulièrement remise en cause, ont placé l’abolition au cœur des programmes de défense des droits de l’Homme. La volonté des tribunaux pénaux internationaux à écarter l’option de la peine capitale a également contribué à définir les contours de plusieurs processus abolitionnistes nationaux. La mise en place de tribunaux internationaux post-conflit a influencé le Burundi et le Rwanda dans leur décision d’abolir et la ratification du Statut de Rome de la Cour pénale internationale a aidé à maintenir la Côte d’Ivoire sur la voie de l’abolition en période d’instabilité politique.

 

Dans la plupart des pays, diverses organisations et individus, bénéficiant parfois de l’appui du monde universitaire et des médias, ont participé à l’information du grand public et des décideurs sur les thématiques afférentes à l’abolition comme par exemple sur l’idée reçue que la peine de mort a un effet dissuasif sur la criminalité. Les défenseurs des droits de l’Homme ont été activement impliqués dans le processus abolitionniste de pratiquement tous les pays couverts par la présente étude qui ont aboli après 1990.

 

Il peut sembler étonnant que le soutien de la population à la peine capitale n’ait pas mis en échec les mouvements abolitionnistes dans ces pays. Les États rétentionnistes justifient fréquemment leur réticence à abolir en évoquant l’attachement du public à la peine de mort. L’expérience montre cependant que si la population est rarement en faveur de l’abolition avant qu’elle ne soit décidée, son soutien à la peine capitale diminue après l’abolition. Dans de nombreux États, les décideurs politiques ont été contraints d’être à l’avant-garde du processus d’abolition, adoptant une position qui n’était pas nécessairement partagée par la majorité de la population. Dans les pays que nous avons étudiés, aucun trouble à l’ordre public n’a été constaté après que l’abolition ait été annoncée et aucune carrière politique n’a pâti de l’engagement abolitionniste. Au Canada, par exemple, près de 70 % des personnes interrogées dans le cadre d’un sondage étaient favorables à la peine de mort au moment de l’abolition – aucun parlementaire n’a toutefois perdu son siège après avoir voté pour l’abolition. En outre, il est plus ardu d’évaluer l’intensité du soutien populaire à la peine capitale que ne le suggèrent les fréquentes déclarations politiques à ce sujet. Dans de nombreux pays, les enquêtes d’opinion ne font pas partie de la vie politique nationale, et même lorsqu’elles existent, des études récentes ont démontré que leurs résultats varient en fonction de la formulation des questions, de la possibilité d’opter pour une peine alternative et de la présentation de faits spécifiques. Au Canada et en Allemagne de l’Ouest, le soutien à la peine de mort a chuté parmi les jeunes citoyens une génération après l’abolition.

 

La présente étude s’est attachée à identifier les points communs entre les différents processus abolitionnistes nationaux afin de mieux cerner les stratégies abolitionnistes couronnées de succès. Si des conclusions générales ont été tirées sur les circonstances propices à l’abolition, nous devons également souligner le caractère imprévisible et souvent non linéaire des sentiers de l’abolition qui sont invariablement ancrés dans une histoire politique, sociale et culturelle locale. Il n’existe pas de modèle universel. Chaque pays parvient à l’abolition en suivant sa propre voie et à son propre rythme.

Sources

entretiens

  • Paul Angaman, président d’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT Côte d’Ivoire).
  • Marc Bossuyt, président émérite de la Cour constitutionnelle de Belgique.
  • Mona Cadena, conseillère en stratégie, Equal Justice USA.
  • Raju Prasad Chapagai, avocat basé à Katmandou spécialiste des droits de l’Homme et de droit constitutionnel.
  • Boriss Cilevics, membre de la Saeima (Parlement letton) et membre de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.
  • Rolland Wylfried C’Kouayoukou, magistrat en République du Congo.
  • Isaac Fayomi, directeur des services législatifs de l’Assemblée nationale béninoise et ancien membre de la Commission béninoise des droits de l’Homme.
  • Tanguy Fouemina, membre de l’Assemblée nationale de la République du Congo.
  • Verónica C. Fraíz Ascanio, historienne.
  • Andrew Hammel, professeur adjoint de droit américain, Heinrich-Heine Universität Düsseldorf.
  • Shaleur Itoua, magistrat en République du Congo.
  • Omer Kalameu, conseiller aux droits de l’Homme, HCDH Madagascar.
  • Nazhat Shameem Khan, représentante permanente des Fidji au bureau des Nations unies à Genève, ancienne juge de la Haute cour des Fidji.
  • Liévin Ngondji, président de Culture pour la paix et la justice, République démocratique du Congo.
  • Christian Loubassou, président de l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT Congo).
  • Juvence Ramasy, directeur de cabinet de Jean Max Rakotomamonjy (président de l’Assemblée nationale de Madagascar) au moment de l’entretien, maître de conférences en sciences politiques à l’Université de Toamasina, Madagascar.
  • Maïa Trujillo, chargée de programmes senior et responsable de campagnes, Action mondiale des parlementaires.
  • Marie-Thérèse Volahaingo, présidente du Comité judiciaire de l’Assemblée nationale de Madagascar.
  • Mark Warren, Human Rights Research, Ottawa, Canada.
  • Richard Wetzell, chercheur, German Historical Institute, Washington DC.
  • Ruth Wijdenbosch, membre de l’Assemblée nationale du Suriname.
  • Abdillahi Zakaria, avocat et ancien magistrat à Djibouti et président de la Ligue djiboutienne des droits humains.
  • Aimée Zebeyoux, avocate générale à la Cour suprême de Côte d’Ivoire et présidente de l’Association des femmes juristes de Côte d’Ivoire.
  • Ineta Ziemele, juge à la Cour constitutionnelle de la République de Lettonie, ancienne juge à la Cour européenne des droits de l’Homme, professeure à l’École supérieure de droit de Riga, directrice fondatrice de l’Institut des droits de l’Homme à la Faculté de droit de l’Université de Lettonie.
  • Pascal Zohoun, président de l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT Bénin).
  • Autres sources anonymes.

 

livres et articles universitaires

  • Louise Brown, The Challenge to Democracy in Nepal: A Political History, Routledge: London and New York, 1996.
  • Lilian Chenwi, Towards the Abolition of the Death Penalty in Africa: A Human Rights Perspective, Pretoria University Law Press: Pretoria, 2007.
  • Arlene J. Diaz, Female Citizens, Patriarchs, and the Law in Venezuela, 1786-1904, University of Nebraska Press: Lincoln and London, 2004.
  • Surya PS Dunghal, Bipin Adhikari, BP Bhandari, Chris Murgatroyd, Commentary on the Nepalese Constitution, Bhrikuti Pustak: Kathmandu, 1998.
  • Richard J. Evans, Rituals of Retribution: Capital Punishment in Germany 1600-1987, Oxford University Press: Oxford, 1996.
  • Jon Fraenkel, Stewart Firth, eds., From Election to Coup in Fiji: The 2006 Campaign and Its Aftermath, ANU E Press: Canberra, 2007.
  • Verónica C. Fraíz Ascanio, Abolición de la pena de muerte en Venezuela 1863-1864 : “Yo no habrá quien diga: la ley condena a muerte, ni verdugos que la ejecutan”, Universidad Central de Venezuela, Facultad de Humanidades y Educacion, Escuela de Historia, oct. 2006.
  • Hans Göran Franck et Klas Nyman, The Barbaric Punishment: Abolishing the Death Penalty, Martinus Nijhoff Publishers: The Hague, 2003.
  • Andrew Hammel, Ending the Death Penalty: The European Experience in Global Perspective, Palgrave Macmillan: Basingstoke, 2010.
  • Roger Hood et Carolyn Hoyle, The Death Penalty: A Worldwide Perspective, Oxford University Press: Oxford, 5e éd., 2015.
  • Brij V. Lal, Broken Waves: A History of the Fiji Islands in the Twentieth Century, University of Hawaii Press: Honolulu, 1992.
  • Michael Millemann et Gary Christopher, Preferring White Lives: The Racial Administration of the Death Penalty in Maryland, 5 Md. L. J. Race, Religion, & Class 1 (Spring 2005).
  • Tulasi Ram Vaidya et Tri Ratna Manandhar, Crime and Punishment in Nepal: A Historical Perspective, Bini Vaidya and Purna Devi Manandhar: Kathmandu, 1985.
  • John Whelpton, A History of Nepal, Cambridge University Press: Cambridge, 2005.

 

documents gouvernementaux

  • Constitutions nationales, lois, commentaires et décisions des cours nationales.
  • Rapports pays présentés au Comité des droits de l’Homme de l’ONU.
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  • Solliciteur général du Canada, La peine de mort : données nouvelles, 1965-1972, Ottawa, 1972.
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  • Centre canadien de la statistique juridique (Statistique Canada), Données historiques sur les homicides et autres données qui s’appliquent à la peine capitale (matériel d’information communiqué aux parlementaires lors d’une tentative de rétablissement de la peine de mort en 1987), fév. 1987.
  • Gouvernement du Canada, Statistique Canada, L’homicide au Canada, 2014, http://www.statcan.gc.ca/pub/85-002-x/2015001/article/14244-fra.htm, 11 nov. 2015.
  • Commission canadienne des droits de la personne, Mark Warren, The Death Penalty in Canada: Facts, Figures and Milestones, http://www.ccadp.org/deathpenalty-canada.htm, dernière visite le 6 déc. 2015.
  • Deutscher Bundestag, Die Todesstrafe bleibt abgeschafft, https://www.bundestag.de/dokumente/textarchiv/2012/40767465_kw40_todesstrafe_kalenderblatt/209552, 2012.
  • Commission internationale contre la peine de mort, Comment les États abolissent la peine de mort, http://www.icomdp.org/cms/wp-content/uploads/2013/02/Report_french_v1.pdf, avr. 2013.
  • Maryland Commission on Capital Punishment, Final Report to the General Assembly, 12 déc. 2008.
  • Maryland Dept. of Public Safety and Correctional Services, Capital Punishment History: Number of Persons Executed in Maryland Since 1923, https://www.dpscs.state.md.us/publicinfo/capitalpunishment/demographics_persons1923.shtml, dernière visite le 29 avr. 2016.

 

rapports d’organisations non GOUVERNEMENTALES de défense des droits de l’Homme

  • Amnesty Intl., rapports annuels et rapports annuels sur les condamnations à mort et les exécutions.
  • Amnesty Intl., bulletins Préoccupations d’Amnesty International en Europe, juillet 1996 à décembre 1999.
  • Amnesty Intl., The Baltic States: Time to Abolish the Death Penalty, n° de réf. AI : EUR/06/001/1993, 6 janv. 1993.
  • Amnesty Intl., Burundi: Summary of Human Rights Concerns, AFR 16/014/2002, 22 sept. 2002.
  • Amnesty Intl. Canada, Death Penalty in Canada, http://www.amnesty.ca/our-work/issues/abolish-the-death-penalty/death-penalty-in-canada, dernière visite le 29 avr. 2015.
  • Amnesty Intl., Fiji: Play Fair: A Human Rights Agenda, ASA 18/003/2014, 6 août 2014.
  • Amnesty Intl., Nepal: A Pattern of Human Rights Violations, n° de réf. AI : ASA 31/08/87, nov. 1987.
  • Amnesty Intl., Nepal: A Summary of Human Rights Concerns, n° de réf. AI : ASA 31/02/92, 16 juin 1992.
  • Amnesty Intl., Nepal: Human Rights Safeguards, n° de réf. AI : ASA 31/02/94, juin 1994.
  • Death Penalty Worldwide, www.deathpenaltyworldwide.org, dernière visite le 2 mai 2016.
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[1] Si certains rapports considèrent les exécutions d’octobre 2000 comme les dernières exécutions judiciaires au Burundi, nous estimons que ces dernières sont plus correctement appréhendées en tant qu’exécutions extrajudiciaires. Les deux inculpés ont été condamnés à mort par un conseil militaire suite à une procédure expéditive au cours de laquelle ils n’ont pas pu présenter leur défense. Ils ont été exécutés le lendemain, en violation de leur droit d’interjeter appel.

[2] Entretien avec Mark Warren, expert affilié à l’époque à Amnesty International Canada, le 10 décembre 2015.

[3] Il est troublant de constater que personne ne semble savoir où ils se trouvent actuellement ; leurs dossiers auraient été égarés par l’administration pénitentiaire.

[4] La délégation djiboutienne était absente lors du vote de 2008 mais son représentant a déclaré que, s’il avait été présent, il se serait abstenu de voter sur cette résolution.

[5] Richard J. Evans, Rituals of Retribution: Capital Punishment in Germany 1600-1987, p. 875, Oxford University Press: Oxford, 1996.

[6] Conformément à la structure fédérale de la RFA, la peine de mort a subsisté dans certaines lois de quelques Länder mais le principe de primauté du droit fédéral a rendu ces dispositions inapplicables le jour où la Loi fondamentale est entrée en vigueur. À Berlin Ouest, la peine de mort n’a été abolie en droit qu’en 1990 mais cette disposition n’a pas été appliquée. La dernière personne exécutée à Berlin Ouest a été Berthold Wehmeyer le 12 mai 1949 pour vol et meurtre. L’article 21.1 de la constitution de 1946 du Land allemand de la Hesse continue d’autoriser la peine capitale pour les crimes graves mais cette disposition a toujours été inopérante en raison des règles reconnaissant la primauté de la constitution fédérale.

[7] Entretien avec Ineta Ziemele, juge à la Cour constitutionnelle de la République de Lettonie, le 18 mars 2016.