La défense des personnes passibles de la peine de mort : Manuel de bonnes pratiques à l’usage des avocat·e·s

La défense des personnes passibles de la peine de mort :

Manuel de bonnes pratiques à l’usage des avocat·e·s

 CORNELL CENTER ON THE DEATH PENALTY WORLDWIDE

 

Dans un souci d’inclusivité, le Cornell Center on the Death Penalty Worldwide s’efforce d’utiliser une écriture neutre, suivant, entre autres, les recommandations de l’Organisation des Nations Unies. À ce titre, le Centre tâche d’utiliser des règles et des termes d’écriture non-genrés, tels que les règles de proximité et d’accord de majorité, ainsi que la règle de l’ordre alphabétique, utilisées en France jusqu’au 17ème siècle. La règle de proximité consiste à accorder un mot avec le terme qui est le plus proche. La règle de l’ordre alphabétique permet de remédier à tout choix arbitraire quant à la proximité des mots accordés. Enfin, l’accord de majorité consiste à accorder un adjectif ou verbe avec le genre du mot qui représente le plus grand nombre. L’écriture inclusive est aussi mise en œuvre grâce à l’utilisation du point médian.

 

TABLE DES MATIÈRES

REMERCIEMENTS. 1

CHAPITRE 1 : INTRODUCTION.. 2

I. Comment utiliser ce manuel 2

A) Un guide étape par étape pour la défense des personnes passibles de la peine de mort 2

B) La loi et les ressources disponibles dans votre juridiction. 2

II. Qu’est-ce que le droit international ?. 2

Chapitre 2 : Le devoir de fournir une assistance efficace : que doit faire un·e avocat·e diligent·e ?  4

I.Le droit à une assistance juridique efficace. 4

A) Qu’est-ce qu’une assistance juridique efficace ?. 4

B) Qu’implique le droit à un·e avocat·e ? 4

C) En quoi vos devoirs sont-ils différents dans les dossiers de peine de mort ?. 6

II. Fournir une assistance juridique conforme aux garanties d’équité. 6

A) Le droit à un procès équitable 6

B) Comment vous assurer d’avoir suffisamment de temps et les moyens nécessaires pour préparer votre défense ? 7

C) Comment obtenir le personnel et les ressources nécessaires pour préparer ma défense ? 8

D) Défendre une personne accusée dans un dossier impliquant le terrorisme 9

III.   Développer une bonne relation avec votre client·e. 11

A) Comment développer une relation de confiance avec votre client·e ?. 11

B) Comment vous prémunir contre d’éventuels conflits d’intérêts ? 15

CHAPITRE 3 : LA GARDE À VUE ET LA DÉTENTION PROVISOIRE.. 17

I. Droits, santé et bien-être des personnes en garde à vue et en détention. 17

A) Droits de votre client·e en garde à vue 17

B) Que faire si vous n’avez pas eu accès à la personne dont vous assurez la défense lors de sa garde à vue ? 18

C) Les droits d’une personne en détention et les requêtes sur les conditions de détention. 21

D) Que faire en cas de traitement cruel, inhumain, dégradant ou de torture ?. 22

II. Demander la mise en liberté de la personne que vous défendez. 23

A) Droit à une audience visant à statuer sur la détention provisoire 23

B) Droit à la libération avec les conditions les moins restrictives 24

C) Droit à une nouvelle demande de mise en liberté 25

D) Droit à la libération immédiate en cas d’arrestation arbitraire ou de détention illégale. 25

Chapitre 4 : Les devoirs de l’avocat·e lors de l’instruction.. 27

I. Votre rôle actif lors de l’instruction. 27

A) Qui est responsable de l’enquête ? 27

B) Développer une stratégie 27

C) Assister aux interrogatoires et aux confrontations 28

D) Faire des demandes d’actes à la·au juge d’instruction. 28

E) Faire appel des décisions de la·du juge d’instruction. 28

II. Comment collaborer avec l’instruction à la recherche d’information ?. 28

A) Quand faut-il débuter vos recherches ? 29

B) Quels éléments devez-vous contrôler lors de l’instruction ? 29

C) Les sources d’information. 33

CHAPITRE 5 : LA DÉFENSE DES PERSONNES VULNÉRABLES. 40

I.La protection des personnes vulnérables par le droit international 40

II. Identifier les personnes vulnérables. 40

A) Les femmes enceintes ou mères de jeunes enfants 40

B) Les personnes mineures et les personnes âgées 41

C) Les personnes atteintes de troubles mentaux. 43

D) Les ressortissant·e·s étranger·e·s 47

CHAPITRE 6 : DROITS DES PERSONNES ACCUSÉES PENDANT LE PROCÈS ET STRATÉGIES DE DÉFENSE   49

I. Demandes in limine litis. 49

A) Demande d’accès au dossier de procédure 50

B) Requête aux fins de modifier le lieu du procès ou la composition de la juridiction. 50

C) Requête aux fins d’obtenir une aide financière 50

D) Requête aux fins de contester la jonction des procédures 51

E) Demande de huis clos 51

II. Le droit à un procès équitable. 51

A) Le droit d’être entendu·e par un tribunal impartial 51

B) Droit à un procès rapide. 53

C) Le droit au respect de la présomption d’innocence. 53

D) Le droit de la personne accusée d’assister à son procès et l’accès à des interprètes 54

E) Le droit de confronter les témoins à charge et de les interroger 54

F) Le droit de connaître le fondement de la décision du tribunal : le droit à un jugement motivé. 55

III.   Développer une stratégie de défense. 56

A) Développer une thèse relative à l’affaire 56

B) La sélection du jury. 57

C) Les témoins lors du procès 58

D) Les preuves 61

E) Préparer une plaidoirie d’introduction et de conclusion. 63

Chapitre 7 : L’individualisation des peines. 65

I. Introduction. 65

II. Les circonstances atténuantes 66

A) Les circonstances du crime. 67

B) L’état mental de la personne accusée. 68

C) Le parcours de vie de la personne accusée 69

D) Preuves de la bonne moralité et de la bonne réputation de la personne accusée : la « personnalité » de la personne accusée 70

E) Autres éléments pouvant susciter la compassion du tribunal 71

III.   Autres arguments pour contester une condamnation à la peine de mort 72

Chapitre 8 : Appels et recours après la condamnation.. 73

I. Défendre les droits d’une personne condamnée à mort après sa condamnation. 73

A) Le droit de faire appel de la condamnation et de la peine. 73

B) Conseils pratiques 75

C) Est-ce que la personne condamnée à mort a le droit d’être physiquement présente lors de l’audience d’appel ?. 79

D) Quelles demandes formuler ?. 79

II. Remettre en cause la peine de mort et contester son application. 80

A) La peine de mort obligatoire 80

B) La peine de mort pour les « crimes les plus graves ». 82

C) Le syndrome du couloir de la mort 83

D) L’interdiction d’exécuter certaines catégories de personnes telles que les personnes atteintes de troubles mentaux. 84

E) L’assistance inefficace de l’avocat·e de la défense 85

F) Les personnes ressortissantes de pays étrangers privées de droits consulaires 85

G) Le principe de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère 86

H) La violation du droit à un procès équitable 86

I) La remise en cause des preuves utilisées pour la condamnation. 87

III. La demande de grâce. 89

A) Le droit de solliciter la grâce ou la commutation de la peine 89

B) Vos devoirs lorsque vous présentez une demande de grâce. 89

C) Le droit à une suspension de l’exécution. 90

VII. Sensibiliser l’opinion publique. 90

A) Développer une stratégie de médiatisation de l’affaire 90

B) Les médias traditionnels 92

C) Les réseaux sociaux. 92

CHAPITRE 9 : PLAIDER DEVANT LES INSTANCES INTERNATIONALES. 94

I. Quand porter une affaire devant un organe international des droits humains ?. 94

A) Réfléchir à une stratégie internationale 94

B) Identifier les droits humains et les traités violés 95

C) Épuiser les voies de recours internes 95

D) Respecter le principe de non-duplication des procédures et les délais 96

E) Demander des mesures provisoires 96

F) Préparer votre dossier 97

II. Où déposer votre requête ?. 97

A) Le Comité des droits de l’homme de l’ONU – Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) 97

B) Le Comité contre la torture – Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (CAT) 98

C) Le Conseil des droits de l’homme. 99

D) Les mécanismes régionaux africains relatifs aux droits humains 101

III.   Forces et faiblesses de la jurisprudence des organismes internationaux. 104

CHAPITRE 10 : Annexe.. 105

I. Ressources. 105

II. Formulaires types 105

III.   Liste d’acronymes. 105

III. Liste d’ONG, de cliniques juridiques et d’autres organisations susceptibles de vous aider à présenter des plaintes auprès des organisations des droits humains et à publiciser votre affaire. 106

A) Cliniques juridiques de droits humains 106

B) ONG.. 106

IV. Liste de circonstances atténuantes possibles à étudier: 106

A) Introduction. 106

B) Liste de questions que vous devriez poser au cours d’une rencontre avec les proches de la personne que vous défendez : 107

C) Terminer l’entretien. 108

CHAPITRE 11 : NOTES DE FIN.. 110

 

 

REMERCIEMENTS

En 2017, le Cornell Center on the Death Penalty Worldwide, sous la direction de la Professeure Sandra Babcock, publiait la deuxième édition d’un manuel unique en son genre : un Guide de bonnes pratiques destiné aux avocat·e·s défendant les personnes passibles d’une condamnation à mort. Rédigé en anglais par un collectif international de juristes, le Guide a pour vocation d’offrir des conseils concrets et détaillés à l’usage d’avocat·e·s du monde entier qui assument la lourde responsabilité de ces mandats, pour lesquels bien souvent ils manquent de formation spécialisée. Depuis le lancement de la première édition en 2012, le Guide a été traduit en français, en mandarin, en arabe, et en swahili.

La présente édition du Guide représente bien plus qu’une traduction en langue française. Conscientes des attributs uniques des systèmes de droit pénal relevant des pays de droit civil, les co-auteures de ce Guide, Ariane Jacoberger et Anna Kiefer, sous la direction de la Professeure Sandra Babcock et de Delphine Lourtau, ont adapté, complété, et étendu le Guide afin d’offrir des conseils mieux adaptés à la réalité des avocat·e·s exerçant dans les juridictions de tradition civiliste, caractérisées par des procédures dites « inquisitoires ».

Cette adaptation du Guide complète la formation dispensée dans le cadre de l’Institut Makwanyane, un institut de formation destiné aux avocat·e·s de la défense représentant des personnes passibles de la peine de mort en Afrique anglophone et francophone.

Une grande partie du Guide d’origine en anglais (Representing Individuals Facing the Death Penalty : A Best Practices Manual), demeure pertinent, surtout en ce qui concerne les droits de la personne accusée, la relation entre l’avocat·e et la personne qu’il·elle défend, et le droit international.

Cette édition s’appuie sur les recherches menées par les auteures entre 2018 et 2021 avec les conseils précieux de nos partenaires Maître Liévin Ngondji (RDC) et Maître Nestor Toko (Cameroun), que nous remercions tout particulièrement.

Nous souhaitons également remercier tous·tes ceux et celles qui ont apporté des éclaircissements pendant nos recherches, qui ont partagé des exemples de réussite, et qui ont contribué à la révision du Guide, en premier lieu Salomé Amati, ainsi que Zohra Ahmed, Nédra Ben Hamida, Joseph Breham, Fatimata Mbaye, et Meredith Rountree. Ce Guide a de plus bénéficié des très riches échanges qui ont eu lieu en février 2019, lors de la formation pilote de l’Institut Makwanyane pour juristes francophones. Nous en remercions vivement tous·tes les participant·e·s.

 

CHAPITRE 1 : INTRODUCTION

Ce manuel a été rédigé par le Cornell Center on the Death Penalty Worldwide, un projet affilié à Cornell Law School. Le manuel a pour but de fournir aux avocat·e·s des arguments juridiques et des conseils stratégiques pour la défense des personnes passibles de la peine de mort. En s’appuyant sur les expériences d’avocat·e·s du monde entier, sur les principes internationaux des droits humains ainsi que sur la jurisprudence des tribunaux nationaux et internationaux, ce manuel énonce les bonnes pratiques en matière de défense des personnes passibles de la peine capitale. Nous espérons qu’il vous sera utile.

 

I.  Comment utiliser ce manuel

 

A.  Un guide étape par étape pour la défense des personnes passibles de la peine de mort

 

Ce manuel couvre les différents aspects de la défense des personnes susceptibles d’être condamnées à mort, du moment de leur arrestation jusqu’à leur demande finale de grâce. Il vous guidera à travers toutes les étapes d’une affaire, y compris la garde à vue, l’instruction, le procès, la condamnation et les appels devant les instances nationales et internationales. Ce manuel n’est pas un aperçu des législations ou des normes applicables dans votre pays, mais plutôt un guide qui énonce, étape par étape, les bonnes pratiques qui vous permettront de défendre au mieux les personnes dans des affaires de peine capitale. Vous pouvez trouver de plus amples informations sur l’application de la peine de mort dans le monde en consultant la base de données approfondie gérée par le Cornell Center on the Death Penalty Worldwide, à l’adresse suivante :

https://deathpenaltyworldwide.org/fr/database/.

 

B.  La loi et les ressources disponibles dans votre juridiction

 

Ce manuel est destiné à être utilisé par des avocat·e·s de différents pays du monde, et en particulier par celles et ceux exerçant dans des pays francophones d’Afrique subsaharienne. Par conséquent, vous trouverez peut-être que certaines sections sont plus adaptées que d’autres au système juridique de votre pays. En particulier, les pratiques liées à la stratégie judiciaire et à la phase d’instruction diffèrent dans les systèmes de droit civil et de common law. Néanmoins, un grand nombre des principes et des méthodes décrites dans les chapitres qui suivent sont d’application universelle. Néanmoins, vous pourriez avoir des difficultés à convaincre vos collègues et les tribunaux d’adhérer aux principes énoncés ici s’ils ne conforment pas aux pratiques locales. Si ces pratiques ne sont pas encore d’usage dans votre pays, les tribunaux ainsi que vos confrères et consœurs pourraient bénéficier de programmes de formation au cours desquels vous pourriez discuter de la pertinence des normes internationales concernant l’application de la peine de mort.

Ce manuel préconise également le recours à des personnes qualifiées pour réaliser des expertises et des enquêtes ainsi qu’à d’autres ressources dont vous ne disposerez pas nécessairement. Par exemple, nous recommandons de consulter des personnes expertes en santé mentale dans pratiquement toutes les affaires de peine capitale, mais il arrive parfois, dans certains contextes, qu’un·e expert·e ne soit pas disponible. Nous savons qu’il existe de grandes disparités en termes de ressources dont disposent les avocat·e·s plaidant dans les affaires de peine de mort. Dans la mesure du possible, et pour surmonter ces obstacles liés à des ressources limitées, nous suggérons des stratégies créatives afin que vous puissiez fournir, en toutes circonstances, une assistance juridique de qualité.

 

II.  Qu’est-ce que le droit international ?

 

Tout au long de ce manuel, nous utiliserons de nombreux concepts, de termes et d’acronymes que vous ne connaissez peut-être pas. Avant de consulter le manuel, il pourrait être utile de lire ce bref aperçu du droit international, surtout si vous avez l’intention de recourir au droit international pour contester l’imposition de la peine de mort dans vos dossiers. Vous pouvez également consulter la liste des acronymes utilisés dans ce manuel et leurs définitions, qui se trouvent en annexe.

Le droit international, également appelé « droit international public », désigne l’ensemble des règles, normes et standards juridiques qui régissent les relations entre les États. Il régit également le traitement des personnes par ces États, en particulier dans le domaine du droit international des droits humains.

Il n’existe pas d’organe spécialisé dans la création des normes du droit international. Les États sont considérés comme les « principaux acteurs » de la création du droit international. L’article 38 (1) du Statut de la Cour internationale de Justice identifie quatre sources de droit international : les traités, le droit international coutumier, les principes généraux de droit, ainsi que les décisions judiciaires et la doctrine élaborée par les personnes les plus qualifiées des différentes nations.

Les traités sont la première et principale source du droit international public. Les traités peuvent être bilatéraux (entre deux États) ou multilatéraux (entre trois États ou plus). Les accords et traités internationaux ne lient que les États qui choisissent de les ratifier. Les traités relatifs aux droits humains les plus pertinents dans le cadre d’une affaire de peine de mort, et pour le présent manuel, incluent : le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, et la Convention relative aux droits de l’enfant. En outre, selon l’endroit où vous exercez, plusieurs traités régionaux peuvent s’appliquer, notamment : la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, la Convention américaine relative aux droits de l’homme et la Convention européenne des droits de l’homme, ainsi que d’autres traités régionaux sur les droits de l’homme. Ces traités sont abordés plus en détail tout au long de ce manuel, car ils portent sur tous les aspects de la défense d’une personne passible de la peine de mort.

La deuxième source du droit international est le droit coutumier. La coutume découle de la répétition dans le temps d’une pratique étatique. Pour qu’une pratique devienne du droit coutumier, deux conditions doivent être remplies. Premièrement, la coutume doit être une pratique générale de l’État. Deuxièmement, les États qui adhèrent à cette pratique doivent le faire par obligation légale, c’est-à-dire en ayant le sentiment d’y être juridiquement contraints.

Les principes généraux de droit constituent la troisième source du droit international. Il s’agit des principes communs aux différents systèmes juridiques nationaux qui sont transposés à l’ordre juridique international. À titre d’exemple, le concept de force majeure, le principe d’égalité entre les parties, le principe selon lequel « nul·le ne peut être juge et partie » sont des principes généraux de droit[1].

La quatrième source du droit international est constituée par les décisions judiciaires et la doctrine élaborée par les personnes les plus qualifiées. La Cour internationale de Justice considère qu’il s’agit de sources de droit « auxiliaires » ou secondaires. En d’autres termes, elles ne sont utilisées que pour interpréter les trois sources primaires du droit international. Toutefois, dans la pratique, les tribunaux internationaux ont tendance à donner aux décisions judiciaires antérieures une valeur de jurisprudence.

La compréhension du droit international et de son application en droit interne est particulièrement importante si vous défendez des personnes passibles de la peine de mort. Dans de nombreux pays, la constitution stipule expressément que le droit international doit être pris en compte dans l’interprétation des droits humains. Les traités relatifs aux droits humains et les décisions des organismes internationaux peuvent être des outils extrêmement utiles pour plaider en faveur de restrictions à l’application de la peine de mort et, en fin de compte, peuvent contribuer à sauver la vie de la personne que vous défendez.

Chapitre 2 : Le devoir de fournir une assistance efficace : que doit faire un·e avocat·e diligent·e ?

 

Dans les affaires de peine de mort, la personne accusée a des droits, et il en résulte des devoirs pour celui ou celle qui assure sa défense. Ce chapitre décrit l’étendue de vos devoirs vis-à-vis des personnes dont vous assurez la défense et énonce des conseils pratiques pour utiliser efficacement vos ressources et les défendre au mieux. Ce chapitre présente également les contours de l’obligation légale de fournir une assistance juridique efficace afin de vous informer sur les arguments que vous pouvez invoquer devant les tribunaux pour obtenir plus de temps et de moyens pour défendre des personnes passibles de la peine de mort.

I.  Le droit à une assistance juridique efficace

 

A.  Qu’est-ce qu’une assistance juridique efficace ?

 

Que vous soyez commis·e d’office[2] ou retenu·e par votre client·e, vous avez pour devoir de fournir à la personne que vous défendez une assistance juridique efficace[3]. Le terme « efficace » se réfère à une assistance de qualité, ce qui implique plusieurs prérequis. Vous devez faire preuve d’indépendance. Vous devez avoir « une expérience et des compétences suffisantes au vu de la nature de l’infraction »[4]. Vous devez vous limiter à un nombre de client·e·s vous permettant de fournir une assistance juridique de qualité. Enfin, vous devez veillez à disposer de suffisamment de ressources pour assurer une défense efficace.

Afin d’exercer votre rôle avec diligence et de respecter votre code déontologique, vous avez notamment les devoirs suivants[5] :

  • Informer la personne dont vous assurez la défense des avancées de l’affaire et les lui communiquer clairement et régulièrement.
  • Respecter le secret professionnel : il est primordial que vous lui fassiez comprendre que vous êtes à ses côtés pour assurer sa défense et que vous insistiez sur le caractère confidentiel de vos échanges.
  • Faire preuve de loyauté et ne pas accepter d’autres dossiers qui pourraient donner lieu à un conflit d’intérêts.

Le droit international reconnaît le droit de chaque personne accusée d’obtenir une assistance juridique efficace. Il s’agit d’une « composante essentielle de toute justice pénale équitable, humaine, efficace fondée sur la légalité. Elle est le fondement de la jouissance d’autres droits, notamment le droit à un procès équitable »[6]. L’État doit donc s’assurer « qu’une assistance juridique efficace est fournie rapidement à toutes les étapes de la justice pénale »[7]. D’après les Principes des Nations Unies sur l’accès à l’assistance juridique dans le système de justice pénale, « une assistance juridique efficace comprend notamment, mais non exclusivement, la possibilité pour toute personne détenue d’avoir librement accès aux prestataires d’assistance juridique, la confidentialité des communications, l’accès aux dossiers, ainsi que le temps et les moyens suffisants pour préparer sa défense »[8]. Enfin, le droit international prévoit que la personne accusée doit avoir le temps et les moyens de préparer sa défense, ce qui implique, au minimum, l’accès à une assistance juridique efficace[9].

 

B.  Qu’implique le droit à un·e avocat·e ?

Le droit à l’assistance d’un·e avocat·e est essentiel pour garantir le droit à un procès équitable[10]. Tout le monde n’a pas cependant les moyens de rémunérer un·e avocat·e pour ses services, et il est donc essentiel qu’une aide juridictionnelle soit offerte pour garantir un procès équitable[11]. Le droit international établit que toute personne, même indigente, accusée d’une infraction pénale, a droit à une aide juridictionnelle[12]. Dans ce cadre, les avocat·e·s commis·e·s d’office pour assurer la défense de personnes accusées indigentes ont droit à une rémunération fournie par l’État[13]. Il en découle pour les avocats une obligation de coopération pour que ces services puissent être fournis.

Les autorités judiciaires ont pour obligation de garantir une assistance juridique efficace et effective. Dans l’affaire Artico c. Italie, la Cour européenne des droits de l’homme a estimé que le simple fait de nommer un·e avocat·e commis·e d’office ne suffisait pas à remplir l’obligation de l’État à fournir une assistance juridique « car l’avocat d’office peut mourir, tomber gravement malade, avoir un empêchement durable ou se dérober à ses devoirs. Si on les en avertit, les autorités doivent le remplacer ou l’obliger à s’acquitter de sa tâche »[14]. Un État peut être tenu responsable de la conduite d’un·e avocat·e de la défense si, pour les juges, son comportement ou son niveau de compétence étaient manifestement incompatibles avec les intérêts de la justice.

Enfin, le devoir de fournir une assistance juridique efficace ne se limite pas à la phase du procès[15]. Vous devez commencer à assister la personne que vous défendez dès que vous acceptez de prendre en charge sa défense. Votre présence est requise le plus tôt possible dans la procédure et vous devez l’assister dès l’enquête préliminaire. Cela inclut la garde à vue, la détention provisoire, et l’instruction de l’affaire (voir chapitres 3 et 4). Vous avez l’obligation de garantir le droit de toute personne accusée à être informée des accusations portées contre elle dans une langue qu’elle comprend en demandant l’aide d’interprètes si nécessaire[16]. Vous devez également vous charger des divers actes de procédure liés au dossier, comme par exemple faire une demande de libération sous caution, contester les conditions de détention ou les limites imposées aux communications avec l’extérieur.

La personne que vous défendez a également le droit d’être assistée d’un·e avocat·e pour faire appel de la décision ou pour tout autre recours, ce qui inclut le droit à une aide juridictionnelle[17]. Dans l’hypothèse où vous ne la défendriez plus après sa condamnation, vous avez néanmoins l’obligation de l’informer des délais en vigueur pour faire un recours et devez immédiatement informer la personne qui vous succède de l’historique du dossier de l’affaire, notamment si une demande d’appel a été déposée. Par ailleurs, il vous incombe de surveiller l’exécution de la peine et d’intervenir en cas de manquements aux droits de la personne que vous défendez ou avez défendue, ou pour appuyer ses demandes (demande de transfert, etc.). Une personne accusée doit également être assistée d’un·e avocat·e pour formuler un recours en grâce ou soumettre une communication devant les juridictions régionales et les instances internationales (voir chapitre 9)[18].

 

Exemple de réussite

Établir des normes pour garantir la qualité de la défense de personnes condamnées à mort en Chine

  • En 2010, les trois barreaux des provinces chinoises du Shandong, du Henan et du Guizhou ont publié des directives sur la représentation de personnes condamnées à mort pour servir de cadre normatif et de référence dans leurs provinces. Ces directives s’appliquent à tous les avocats sous la supervision de leur barreau respectif. Les barreaux ont pris des mesures pour s’assurer que ces directives soient mises en œuvre efficacement afin d’améliorer la qualité de la défense dans les affaires de peine de mort.
  • Le projet de représentation des personnes passibles de mort au sein l’American Bar Association (ABA) et le programme de l’ABA pour l’État de droit en Chine travaillent depuis 2003 en étroite collaboration avec l’Association des avocats de Chine, des avocat·e·s de la défense et des universitaires en Chine à l’élaboration de ces directives sur la représentation des condamné·e·s à mort. L’ABA dispose d’une expertise unique et approfondie dans ce domaine, puisqu’elle a publié les Guidelines for the Appointment and Performance of Defense Counsel in Death Penalty Cases (« ABA Guidelines »), adoptées par l’organisation en 1989 et révisées en 2003. Les directives de l’ABA sont actuellement considérées comme le cadre normatif de référence pour la défense des personnes passibles d’une condamnation à mort aux États-Unis.
  • Les associations d’avocats en Chine utilisent désormais des normes de pratique professionnelle pour harmoniser et améliorer la qualité de la défense dans les affaires de peine de mort. Les associations pionnières d’avocats du Shandong, du Guizhou et du Henan ont examiné le processus par lequel les directives de l’ABA ont été largement acceptées aux États-Unis et la manière dont elles ont été utilisées pour mieux protéger les personnes accusées et leurs avocat·e·s. Il s’agit d’une excellente illustration de la façon dont les avocat·e·s peuvent travailler ensemble au-delà des frontières pour améliorer les normes de représentation dans les affaires de peine capitale.

– Robin Maher, Directrice du Projet de représentation des condamnés à mort de l’American Bar Association

 

C.  En quoi vos devoirs sont-ils différents dans les dossiers de peine de mort ?

 

De manière générale, dans une affaire de peine de mort, où la vie de la personne que vous défendez est en jeu, il vous incombe de (1) vous assurer que la·le juge d’instruction mène une enquête approfondie sur les preuves à décharge autant que les preuves à charge et (2) développer par vous-même une connaissance approfondie de l’histoire familiale et psychosociale de votre client·e, afin de tenter de convaincre les juges qu’elle·il ne mérite pas la peine de mort (et ce même si il·elle est reconnu·e coupable)[19]. Le Conseil économique et social des Nations unies (ECOSOC) a demandé aux gouvernements de fournir « une protection spéciale aux personnes risquant d’encourir la peine de mort, qui leur permette d’avoir le temps et les moyens de préparer leur défense, notamment de bénéficier des services d’un avocat à tous les stades de la procédure, cette protection devant aller au-delà de celle qui est accordée aux personnes qui ne sont pas passibles de la peine capitale »[20]. Ainsi, le droit international prévoit que dans toute affaire où la personne accusée encourt la peine de mort, les droits de cette personne à une procédure régulière doivent être rigoureusement respectés[21]. Il vous incombe de vous assurer que les tribunaux respectent ses droits à chaque stade de la procédure.

Il existe par ailleurs, dans certaines juridictions, des règles spéciales plus strictes s’agissant des conditions préalables pour défendre une personne passible de la peine de mort. Au Tchad, par exemple, avant l’abolition de la peine de mort, seul·e·s les avocat·e·s justifiant d’une ancienneté de 5 ans au grand tableau pouvaient assurer la défense de personnes passibles de la peine de mort.

Dans les juridictions où il n’existerait pas de règle particulière ou de condition préalable requise pour les avocat·e·s qui s’engagent à défendre des personnes passibles de la peine de mort, il est toutefois primordial de ne pas accepter une affaire si vous vous trouvez dans l’incapacité de vous en occuper promptement et avec diligence compte tenu de vos autres obligations, ou si vous savez que vous n’avez pas les compétences nécessaires pour le faire.

 

D. Fournir une assistance juridique conforme aux garanties d’ÉquitÉ

 

  1. Le droit à un procès équitable

Toute personne a droit à un procès équitable, tenu dans le respect des droits de la défense, et mené dans un délai raisonnable. Ce droit est fondamental et est garanti par de nombreux instruments internationaux et régionaux des droits humains. Il vous incombe d’assurer autant que possible le respect de ce droit. Vous pouvez vous baser sur de nombreux textes de droit international pour défendre le droit à un procès équitable. L’article 11(1) de la Déclaration universelle des droits de l’homme dispose que « [t]oute personne accusée d’un acte délictueux est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie au cours d’un procès public où toutes les garanties nécessaires à sa défense lui auront été assurées »[22]. L’article 14(1) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) prévoit que toute personne a droit « à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal compétent, indépendant et impartial, établi par la loi »[23]. De même, l’article 7 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) dispose que « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue. Ce droit comprend (…) le droit à la défense, y compris celui de se faire assister par un défenseur de son choix ; le droit d’être jugé dans un délai raisonnable par une juridiction impartiale »[24].

Dans les affaires où la personne accusée encourt la peine de mort, l’avocat·e (commis·e d’office ou non) doit souvent faire face à de nombreux obstacles pour accomplir son devoir de fournir une assistance efficace. Dans ce manuel nous abordons un grand nombre de ces obstacles et nous vous encourageons vivement à contester les dysfonctionnements de votre système juridique lorsque ceux-ci portent atteinte au droit de la personne que vous défendez à un procès équitable. Par exemple, si vous êtes systématiquement désigné·e·s le jour-même de la première audience du procès, il ne faut pas hésiter à contester ces désignations tardives et soulever l’argument qu’elles violent le droit de la personne accusée d’avoir le temps de préparer sa défense, en se basant notamment sur le droit international et les décisions des instances internationales. Ces obstacles peuvent parfois devenir des occasions à saisir pour sensibiliser les acteurs et actrices clé·e·s de votre juridiction et œuvrer en faveur d’un changement à l’échelle du système dans son ensemble.

2.  Comment vous assurer d’avoir suffisamment de temps et les moyens nécessaires pour préparer votre défense ?

 

L’article 14(3)(b) du PIDCP dispose que « [t]oute personne accusée d’une infraction pénale a droit, (…) à disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense »[25]. Le droit de votre client·e d’avoir le temps nécessaire pour préparer sa défense s’applique aussi à vous qui l’assistez. En d’autres termes, en tant que personne chargée de la défense d’une personne accusée, vous avez droit au temps et à des moyens suffisants pour les défendre, non seulement pendant le procès mais également au cours de l’instruction de l’affaire et des recours consécutifs au procès. Il vous incombe de faire valoir ces droits.

Par exemple, si l’on vous désigne pour défendre une personne passible de la peine capitale seulement quelques semaines ou quelques jours avant la date à laquelle le tribunal est saisi de l’affaire, voir le jour-même, il vous faudra sûrement demander son report pour pouvoir vous entretenir avec votre client·e, développer une stratégie de défense et préparer le procès. Si le tribunal s’y oppose, vous devez documenter cette violation de son droit à disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense. Pour cela, il vous faudra présenter au tribunal une objection dans laquelle vous détaillerez le temps dont vous avez disposé pour préparer l’affaire, ainsi que les actions que vous n’avez pas pu accomplir par manque de temps. Même si vous ne parvenez pas à convaincre le tribunal d’accéder à votre demande, vos efforts pour documenter la violation du droit à disposer de suffisamment de temps et de ressources pour sa défense pourront vous servir lors des recours, le cas échéant. D’autre part, cette documentation est une étape cruciale pour l’épuisement des voies de recours internes, en vue d’un éventuel recours auprès d’une instance internationale.

La définition du « temps nécessaire » varie en fonction des faits, de la complexité des questions posées par l’affaire et des difficultés d’accès aux preuves[26]. Le Comité des droits de l’homme de l’ONU a conclu, dans plusieurs dossiers, que les droits de la personne accusée tels qu’énoncés dans le PIDCP avaient été violés lorsque l’avocat·e n’avait eu que quelques minutes ou quelques heures pour préparer sa défense[27]. Dans ces dossiers, le Comité a estimé que le temps de préparation octroyé était « inadéquat » lorsque l’avocat·e n’avait pu s’entretenir que brièvement avec la personne qu’elle représentait avant le procès.[28]

 

Surmonter les obstacles

Vous avez été désigné·e pour assurer la défense d’une personne accusée au moment où son procès commence et vous n’avez pas eu l’occasion de la rencontrer auparavant. Que devez-vous faire ?

  • Il vous faut d’abord demander plus de temps au tribunal. En effet, en vertu de principes établis en droit international, la personne que vous défendez a le droit de disposer du temps nécessaire à la préparation de sa défense. Si vos arguments ne parviennent pas à convaincre la·le juge, il vous faudra impérativement rassembler les preuves de votre objection, par écrit si possible. Vous devez expliquer combien de temps vous avez eu pour préparer sa défense et fournir la liste de tout ce que vous n’avez pas eu le temps de faire par manque de temps. Cela remplit une double fonction : sensibiliser les juges au droit de la personne accusée d’avoir le temps nécessaire pour préparer sa défense et servir d’argument pour un éventuel recours. Certain·e·s avocat·e·s vont même parfois jusqu’à créer un incident d’audience en refusant de défendre la personne accusée lorsque le renvoi de l’affaire leur est refusé. En effet, dans ce cas l’audience est souvent reportée d’office, car la plupart des législations imposent que les personnes accusées soient impérativement assistées d’un·e avocat·e.

 

Conseil pratique

Que faire si vous ne rencontrez la personne dont vous assurez la défense que le jour du procès ?

  • Dans certains pays, il se peut que vous ne rencontriez la personne dont vous assurez la défense que le jour du procès. Le Comité des droits de l’homme de l’ONU a estimé que cela constituait une violation des droits de la personne accusée au temps et aux ressources nécessaires pour préparer sa défense.
  • Par exemple, dans l’affaire Little c. Jamaïque, le requérant n’a eu que 30 minutes pour consulter son avocat avant le procès, et un temps de consultation similaire pendant le procès. Le Comité a conclu que ce temps de consultation ne permettait pas de garantir une préparation adéquate de la défense pour le procès et l’appel. Le Comité a déclaré que « [l]e droit d’un accusé de disposer de suffisamment de temps et de moyens pour préparer sa défense est un élément important de la garantie d’un procès équitable et un corollaire du principe de l’égalité des armes. Dans les cas où la peine capitale peut être prononcée à l’encontre de l’accusé, il va de soi qu’il faut lui accorder, ainsi qu’à son avocat, suffisamment de temps pour préparer sa défense ; cette condition s’applique à toutes les étapes d’une procédure judiciaire »[29].

Afin de faire respecter le droit à être jugé dans un délai raisonnable[30] certaines lois nationales imposent des limites quant au délai maximal pouvant s’écouler avant un procès. Cependant, le droit à être jugé dans un délai raisonnable doit être mis en équilibre avec le droit à une défense efficace. Dès lors, si l’enquête est incomplète, il vous faudra insister auprès du tribunal pour que des compléments d’enquête soient effectués s’ils apparaissent essentiels dans l’intérêt des droits de la défense, si de tels compléments d’enquête sont possibles dans votre juridiction. De la même manière, si vous ne sollicitez pas un complément d’enquête mais que vous n’avez pas eu suffisamment de temps pour préparer le procès, il vous faudra demander le renvoi à une date de jugement ultérieure, dans un délai raisonnable, également dans l’intérêt des droits de la défense.

Il est important de garder à l’esprit que le droit à un temps de préparation suffisant pour préparer une défense s’applique également aux procédures de recours et d’appel. Dans une affaire de peine de mort, vous avez le droit, entre la date de la condamnation et la date de l’exécution, à disposer de suffisamment de temps pour préparer et déposer des recours, notamment en vue d’obtenir une grâce ou une commutation de peine[31].

 

Surmonter les obstacles

Que pouvez-vous faire si un·e employé·e de la prison ou du palais de justice ou toute autre personne refuse de vous laisser voir votre client·e ?

  • Tâchez de garder votre calme et de ne pas élever la voix. Il est souvent mal venu de s’emporter contre une personne qui pourrait vous aider. Essayez d’abord de la raisonner. Au lieu de la remettre en cause (« Pourquoi vous ne me laissez pas voir ma·mon client·e ? »), tâchez de faire une distinction entre la personne et le problème (« Je sais que ce n’est pas de votre faute, mais j’ai beaucoup de mal à voir la personne dont j’assure la défense »).
  • Si cela ne fonctionne pas, essayez de parler à la personne responsable. Si elle n’est pas disponible, notez son nom et ses coordonnées et repartez calmement. Notez bien la date et l’heure de votre visite, ainsi que les personnes à qui vous vous êtes adressé·e. Attendez que la personne suivante prenne son service si vous le pouvez. En effet, peut-être aurez-vous plus de chance avec quelqu’un d’autre. Si vous n’arrivez toujours pas à voir votre client·e, demandez un permis de communiquer à l’autorité judiciaire compétente ou demandez de l’aide à une organisation chargée de fournir des services juridictionnels. En dernier recours, vous pourrez déposer plainte devant les tribunaux nationaux et, si cela échoue, devant les instances internationales.

 

C.  Comment obtenir le personnel et les ressources nécessaires pour préparer ma défense ?

 

Les États ont l’obligation de fournir une assistance juridictionnelle et « doivent allouer les ressources humaines et financières nécessaires au système d’assistance juridique »[32]. Vous êtes en droit de demander l’obtention des ressources humaines et financières nécessaires pour défendre votre client·e. Cependant, il se peut que l’État ne réponde pas positivement à vos demandes, et il vous faudra dans ce cas user de créativité et d’ingéniosité pour contourner ces obstacles.

S’entourer de professionnel·les compétent·e·s : Bien que dans les juridictions civilistes l’enquête soit confiée à des juges d’instruction qui enquêtent à charge et à décharge, vous devez néanmoins veiller à ce que cette enquête respecte les droits de la personne que vous défendez et prenne notamment en compte les circonstances atténuantes. Il vous faudra donc rassembler des preuves et des circonstances atténuantes (sur sa personnalité, sur les circonstances du crime etc.) et les soumettre à la·au juge d’instruction, ou demander des compléments d’enquête (par exemple l’interrogation de témoins ou une expertise médicale et psychologique) si la·le juge d’instruction n’a pas pris d’initiative en ce sens. Il est donc important de vous entourer d’autres professionnel·les tel·les que des psychologues et psychiatres, des criminologues, etc. Il est important, en particulier dans les affaires de peine de mort, que vous utilisiez toutes les ressources à votre disposition et fassiez également preuve de créativité lorsque les ressources mises à votre disposition par le système judiciaire sont limitées. Par exemple, les assistant·e·s juridiques (appelés « parajuristes » dans certaines juridictions) et les étudiant·e·s en droit peuvent vous aider à rassembler des preuves, à interroger des membres de la famille de votre client·e pour comprendre son parcours etc. Si le tribunal n’accède pas à votre demande d’effectuer une expertise psychologique, tâchez de trouver un·e psychiatre, un·e psychologue, des membres du personnel infirmier ou une autre personne avec des connaissances en santé mentale qui pourra évaluer sa santé mentale et présenter cette évaluation à la·au juge d’instruction ou à la·au juge du procès.

Interprètes : Il ne faut pas sous-estimer l’importance de vérifier la langue maternelle de la personne dont vous assurez la défense et son niveau de langue dans celle qui est employée par les tribunaux, la police etc. Ne partez pas du principe qu’elle parle la langue du pays où elle est accusée. Au premier abord, elle peut sembler parler couramment une langue qui n’est pas sa langue maternelle, alors qu’en réalité elle ne la comprend pas parfaitement et ne peut pas pleinement s’exprimer. Vous avez l’obligation de garantir son droit à être assistée d’un·e interprète durant le procès[33]. Si elle ne l’a pas été lors de son interrogatoire par la police, par la·le juge d’instruction ou lors du procès, il vous faut relever cette violation de son droit à un·e interprète, l’impact que cela a eu sur la qualité de sa défense et le préjudice que cela lui a causé. Si un·e témoin ou la personne accusée témoigne dans une langue étrangère, l’interprétation revêt une importance toute particulière. Il existe des normes internationales concernant les interprètes, mais les interprètes assermenté·e·s et/ou qualifié·e·s ne sont pas toujours disponibles. Si les interprètes sont disponibles mais ne sont pas qualifié·e·s, vous devez soit le faire noter dans le procès-verbal de l’audition devant le juge d’instruction (il est généralement demandé à l’avocat s’il a des observations à faire en fin d’interrogatoire), soit le noter dans des observations que vous remettrez au greffier si vous êtes au stade du procès.

 

Surmonter les obstacles

Que faire si vous ne parlez pas la même langue que votre client·e ?

  • Essayez de trouver un·e interprète qui parle la langue dans laquelle la personne que vous défendez est la plus à l’aise, et pas seulement une langue qu’elle connaît. Une grande partie des informations dont vous avez besoin peuvent être suffisamment difficiles à exprimer dans sa langue maternelle. La barrière linguistique lui rendra la tâche plus difficile pour s’exprimer et comprendre vos conseils, et peut conduire à des malentendus aux conséquences néfastes.
  • Si un·e interprète officiel·le n’est pas disponible, essayez de trouver quelqu’un qui parle couramment la langue de votre client·e. N’utilisez jamais un·e membre de la famille ou un·e témoin comme interprète, car ces personnes ont un parti pris implicite qui peut affecter la qualité et l’objectivité de leur interprétation.

D.  Défendre une personne accusée dans un dossier impliquant le terrorisme

 

Dans les affaires impliquant le terrorisme, en raison des intérêts de sécurité nationale et de souveraineté invoqués par les États, il se peut qu’il vous soit difficile d’accéder à votre client·e et de faire respecter ses droits. En effet, dans les pays faisant face à une menace terroriste, le droit à un procès équitable et les garanties de la défense (préalables au procès et pendant le procès) sont parfois bafouées par les autorités[34]. Certains ont adopté des lois d’exception afin de faciliter les poursuites judiciaires contre les personnes présumées terroristes. Ces lois sont souvent contraires aux normes d’équité et portent atteinte aux garanties procédurales protégeant les personnes accusées contre les erreurs judiciaires[35]. Il se peut que la personne accusée ne soit pas détenue par la police mais par les services de sécurité ou de renseignement de l’État ; qu’elle soit détenue à l’isolement ; et qu’elle comparaisse devant des juridictions militaires et non civiles. De telles pratiques continuent malgré le fait que la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples ait déclaré que la poursuite des personnes civiles par des tribunaux militaires était une violation de l’article 7(1)(b) de la Charte africaine (droit à la présomption d’innocence jusqu’à ce que la culpabilité soit établie par une juridiction compétente)[36]. Afin de montrer qu’ils ne restent pas inactifs face au terrorisme, certains États en viennent parfois à accuser des personnes innocentes, sans preuves suffisantes. De plus, de nombreux États définissent de manière imprécise les infractions dites « terroristes » et qualifient parfois une simple opposition au gouvernement, même non violente, d’acte « terroriste ». Du fait de ces définitions très vagues, certaines lois antiterroristes peuvent être appliquées à des situations qui ne relèvent pas de terrorisme.

Face à ces contraintes, il est d’autant plus important que la personne dont vous assurez la défense ait conscience de votre détermination à la défendre peu importe l’accusation qui pèse sur elle. Vous devez vous prévaloir de tous les droits de la défense et du droit à un procès équitable garantis par votre droit national et le droit international, sans distinction selon la nature de l’infraction. Les principes énoncés ci-dessus sur vos devoirs en tant qu’avocat s’appliquent également aux cas de terrorisme et il vous faudra faire preuve de détermination malgré les obstacles que vous rencontrerez pour assurer une assistance juridique efficace.

Néanmoins, vos conditions d’exercice dans ce contexte sont très compliquées et il est recommandé d’user de beaucoup de prudence. Le soutien d’autres avocat·e·s et de l’association du barreau, et/ou l’organisation de réseaux d’entraide entre membres de la profession peut permettre d’éviter que l’on vous prenne pour cible en raison de votre travail. Selon le contexte dans lequel vous exercez, adressez-vous au barreau, à la·au procureur, au ministère de la Justice ou à une autre autorité étatique pour les alerter des violations des droits de la personne et des graves vices de procédure dont vous êtes témoin. Si vous ne parvenez pas à obtenir de réaction de leur part et que la situation des personnes que vous défendez ne s’améliore pas, il vous faudra réfléchir à une stratégie médiatique et éventuellement à une stratégie internationale (voir chapitre 9).

 

Exemple de réussite (Cameroun)

  • Au Cameroun, une loi contre le terrorisme passée en décembre 2014 rend certaines infractions dites terroristes passibles de la peine de mort et donne compétence aux juridictions militaires pour traiter de ces affaires, même lorsque les personnes accusées sont des personnes civiles. Dans ces dossiers, les avocat·e·s ont beaucoup de mal à accéder aux personnes accusées et ne peuvent consulter leurs dossiers que brièvement, peu avant le début de l’audience[37].
  • Le cas de Moctar Amadou et de Salissou Moussa, condamnés à mort sur la base de preuves ténues pour une infraction non violente qualifiée de « terrorisme », est emblématique des déficiences préoccupantes que peuvent présenter les poursuites en matière de terrorisme[38]. Moctar Amadou et Salissou Moussa[39], accusés d’avoir soigné des combattants de Boko Haram, sont condamnés à mort en avril 2016 par le tribunal militaire de Maroua uniquement sur la base de la déposition d’un rival politique auprès de la police. Le réquisitoire repose entièrement sur des preuves par ouï-dire, à savoir le rapport écrit de la police contenant la dénonciation du chef de village et d’autres villageois. Aucun des accusateurs n’a vu les prévenus soigner des combattants de Boko Haram. En outre, aucun des accusateurs n’a témoigné lors du procès, ce qui n’a pas permis à la défense de remettre en cause leur témoignage, or il s’agit d’un droit de la personne accusée garanti par l’article 14(3)(e) du PIDCP[40]. Moctar Amadou et Salissou Moussa sont exonérés en appel grâce à la détermination de leur famille qui a couvert les coûts juridiques, d’enquête et de transport de plusieurs témoins qui établissent les alibis des condamnés. Cet exemple illustre l’importance pour l’avocat·e d’examiner de près les circonstances de l’infraction et de développer des preuves à décharge dans un contexte où l’enquête judiciaire est bâclée.

 

Surmonter les obstacles

Que faire si la personne que vous défendez est auditionnée et détenue dans un lieu secret ?

  • En principe, vous devez pouvoir être aux côtés de la personne que vous défendez pour lui apporter une assistance juridique lors de son audition. Si vous n’avez pas pu l’assister et qu’elle a subi une audition dans un lieu secret, vous devez contester la légalité de cette audition, l’objectif étant d’aboutir à l’annulation de l’audition et des actes subséquents de l’enquête.
  • À cet effet, vous pouvez, selon les circonstances, invoquer les irrégularités qui entachent l’audition :
    • Incompétence des personnes chargées de l’enquête ;
    • Arrestation illégale ;
    • Détention arbitraire ;
    • Absence de notification des droits reconnus aux personnes soupçonnées de crime ;
    • Usage de la violence, mauvais traitements et torture etc.
  • Même si le procès-verbal d’enquête n’est pas annulé, cette action pourrait ultérieurement contribuer à faire écarter du dossier des aveux obtenus illégalement, sous pression ou avec violences.
  • Si la santé de votre client·e est fragile et requiert une attention particulière (consultation médicale, soins etc.), essayez d’en informer le personnel de sécurité et gardez une preuve de votre démarche.
  • Vous pouvez également alerter l’opinion nationale et internationale par le biais des médias ou en saisissant les instances de protection des droits humains, faire une demande de mesures provisoires en raison de l’urgence de la situation (voir chapitre 9).

 

Surmonter les obstacles

Que faire si la personne dont vous assurez la défense est publiquement présentée par les médias comme l’auteur·e d’attaques terroristes ?

  • Il s’agit là d’une violation de la présomption d’innocence, un droit dont peut se prévaloir toute personne soupçonnée d’avoir commis une infraction[41]. La présomption d’innocence implique le droit de ne pas être présenté comme coupable avant une condamnation. Ce droit s’applique à la phase de l’enquête, de l’instruction, et du procès. Vous devez veiller au respect de ce droit fondamental. Pour cela vous pouvez :
  • Obtenir l’interdiction des images de la personne que vous défendez avec des menottes, ou des commentaires accablants (dans le cadre d’un argument de diffamation) ;
  • Réaliser des communiqués et exercer, à la demande de votre client·e, un droit de réponse dans les médias ;
  • Agir en dénonciation calomnieuse ou en diffamation.

 

III.  Développer une bonne relation avec votre client·e

 

Pour fournir une assistance juridique de qualité, il est primordial que vous développiez une bonne relation avec votre client. Dans les dossiers de peine de mort, la qualité de votre relation pourrait lui sauver la vie[42]. Mettre en place de bonnes bases de communication vous aidera à préparer sa défense car cela vous donnera des pistes pour élaborer une stratégie qui soit cohérente et prenne en compte les circonstances atténuantes (voir chapitre 6).

Le développement et le maintien d’une bonne relation avec votre client·e peut s’avérer particulièrement difficile dans une affaire de peine capitale. En effet, de nombreux gouvernements isolent les personnes passibles de la peine de mort des autres personnes détenues et de leurs proches, de sorte que vous êtes peut-être son seul lien avec le monde extérieur. Dans ces conditions, gagner sa confiance peut être un réel défi. Mais si vous communiquez régulièrement avec elle, que vous la traitez avec respect et professionnalisme et que vous défendez ses droits avec zèle, vous développerez certainement une meilleure relation de travail.

 

Exemple de réussite

L’affaire Ahmed Khan[43] (Pakistan)

  • Ahmed a été accusé de blasphème au Pakistan, où ce crime est passible de la peine de mort. Lorsqu’on nous a confié cette affaire, la première chose que nous avons faite a été d’organiser une visite en prison pour le rencontrer. Même si cela devrait être la norme et une pratique habituelle pour des avocats, il est rare qu’au Pakistan un avocat rende visite à son client. Cette simple visite nous a permis d’entrer en contact avec le surintendant de l’établissement, qui est devenu un allié important. Nous avons maintenant librement accès à notre client et nous pouvons le voir sans surveillance, à tout moment de la journée, et aussi longtemps que nécessaire, ce qui est inhabituel au Pakistan.
  • Nos entretiens réguliers en prison avec notre client nous ont beaucoup aidés pour préparer sa défense :
    1. Nous avons découvert qu’il souffrait depuis longtemps d’un trouble mental qui n’avait jamais été diagnostiquée et qui n’aurait pas été perceptible pour quelqu’un qui ne l’aurait vu qu’une ou deux fois.
    2. Nous avons obtenu l’autorisation de faire venir notre expert médical à la prison pour examiner le client. Les résultats de cet examen ont ensuite été présentés à la cour et validés par les médecins locaux.
    3. Grâce à nos recherches sur la famille d’Ahmed, nous avons réussi à reconstituer son histoire sociale et à remonter aux origines de son trouble mental.
  • Cette affaire nous a montré à quel point des pratiques simples peuvent être efficaces. Il y a désormais plusieurs experts régionaux et internationaux qui attestent du fait que notre client est atteint d’un trouble mental, ce qui contribuera grandement à démontrer qu’il n’est pas coupable.
  • Sarah Belal, Directrice, Justice Project Pakistan (Projet Justice au Pakistan)

 

A.  Comment développer une relation de confiance avec votre client·e ?

Pour développer une bonne relation avec votre client·e, il est important que vous soyez régulièrement en contact avec elle et que vous la teniez informé des avancées de l’affaire et du stade de la procédure. Rendez-lui visite régulièrement. Il est particulièrement important de respecter son droit à la confidentialité[44]. Garantissez-lui que tous vos échanges resteront confidentiels, à moins qu’il·elle ne vous autorise à divulguer certaines informations dans le cadre de votre stratégie pour le procès.

Il vous incombe également de répondre dans des délais raisonnables à ses courriers et à ses appels (dans les pays où les personnes détenues ont accès au téléphone), et de communiquer avec ses proches lorsque cela est nécessaire. Au fur et à mesure de l’avancement de l’affaire, il se peut que la personne dont vous assurez la défense devienne de plus en plus frustrée : c’est une réaction normale face aux retards inhérents à toute procédure juridique. Si vous n’arrivez pas à la voir aussi souvent que vous le souhaiteriez, peut-être vous faudra-t-il désigner une autre personne qualifiée (une personne de votre cabinet ou de l’équipe de défense, ou encore un·e parajuriste) pour garder un contact régulier avec elle.

Vos entretiens avec la personne dont vous assurez la défense seront plus productifs si vous avez développé une relation de confiance avec elle. Ce n’est que si elle vous fait confiance qu’elle vous donnera des informations personnelles, parfois douloureuses (comme son rôle dans le crime), mais indispensables à l’élaboration d’une défense efficace. Elle sera plus à même de se confier à vous et par exemple à admettre qu’elle a tué la « victime » pour se défendre, ce qui dans certains cas pourra constituer une défense efficace. À l’inverse, si vous ne la rencontrez que 10 minutes avant le procès, elle sera beaucoup moins encline à vous révéler ce qui s’est passé, et sera peut-être tentée de vous dire qu’elle n’était pas là et ne sait pas ce qui s’est passé.

 

Surmonter les obstacles

 Que faire s’il y a une grande différence de niveau social entre votre client·e et vous ?

  • Il est fréquent qu’il y ait une différence de niveau social entre les avocat·e·s et les personnes accusées, surtout dans les affaires de peine de mort. L’approche appropriée dépendra de la culture locale, mais quelques principes généraux sont toujours applicables.
  • Essayez de mettre la personne dont vous assurez la défense à l’aise. Commencez par faire la conversation en parlant de son quotidien afin de faire connaissance. Adoptez une attitude détendue et un ton amical. Assurez-vous qu’elle soit bien installée et soit à son aise. Lorsque c’est possible, apportez quelque chose à boire et à manger et partagez-les avec elle. Selon le contexte culturel, utilisez un langage simple, habillez-vous de façon appropriée, et faites preuve d’empathie pour sa situation.
  • Demandez-lui de vous expliquer ce qu’elle comprend de sa situation, mettez-la au courant des informations qui lui manquent, et n’oubliez pas de lui demander si elle a des questions.
  • Ne faites pas l’impasse sur des questions importantes simplement parce qu’elles nécessitent de faire mention de votre différence de niveau social. Si vous agissez avec respect, que vous êtes direct·e et honnête, cela vous aidera à établir une relation de confiance.

 

Que faire si vous n’arrivez pas à voir la personne que vous défendez ?

  • Il est important que vous déterminiez pourquoi vous n’arrivez pas à la voir votre cliente. Les problèmes de transport ou de charge de travail sont des obstacles que vous pouvez généralement surmonter. Il est important de marquer la différence entre les véritables obstacles qui ne dépendent pas de votre volonté, et ceux, d’ordre pratique, qui créent une charge de travail supplémentaire.
  • S’il vous est véritablement impossible de vous rencontrer en personne, vous devez essayer de communiquer avec elle par téléphone ou par courrier. Cependant ces moyens de communication ne sont pas idéaux, car ils peuvent être soumis à la surveillance du personnel de la prison. S’il ne vous est pas possible de communiquer avec votre cliente, tâchez de rencontrer ses proches qui pourraient vous fournir des informations capitales pour préparer votre défense.

 

Établir une relation de confiance avec la personne que vous défendez est d’une importance capitale pour obtenir des informations sur des faits qui peuvent constituer des circonstances atténuantes. Ces informations sont cruciales pour humaniser votre client·e ou susciter la compassion du tribunal et auront un impact sur la détermination de sa peine[45]. Il s’agit par exemple d’informations sur son impulsivité, son incapacité à porter un jugement sur une situation, son jeune âge et sa tendance à se laisser influencer, d’éventuelles déficiences mentales, de retards de développement ou de troubles mentaux, sur des violences sexuelles et physiques subies durant son enfance, sa dépendance à différentes substances, ou encore sa capacité à s’adapter au milieu carcéral[46]. Les personnes accusées hésitent souvent à transmettre ces informations à leur avocat·e, même si elles peuvent être utilisées comme circonstances atténuantes. Il est fort probable que votre client·e soit au premier abord sur la défensive si vous l’interrogez sur d’éventuels sévices sexuels, physiques ou psychologiques, car elle peut avoir honte ou vouloir protéger les membres de sa famille[47]. De même, dans certaines cultures, les troubles mentaux sont un sujet tabou et sont parfois liées à des croyances comme la sorcellerie ou d’autres pouvoirs surnaturels. Il faut donc du temps, de la persévérance, et une certaine sensibilité culturelle pour trouver ces informations. Le chapitre 4 donne un aperçu des recherches à effectuer pour rassembler des preuves de circonstances atténuantes qui seront décisives lors de la détermination de la peine et le chapitre 7 énonce des conseils pour présenter ces preuves au moment du procès.

Il est parfois plus difficile de développer une relation de confiance avec certaines personnes qu’avec d’autres. Lorsque vous défendez des personnes « difficiles », il vous faut garder à l’esprit que ce qui les rend « difficiles » est souvent lié à des éléments de leur vie et/ou de leur personne qui peuvent constituer des circonstances atténuantes. Par exemple, si la personne dont vous assurez la défense est atteinte de troubles mentaux, elle aura plus de mal à communiquer avec vous. Il sera d’autant plus important que vous passiez assez de temps avec elle pour vous apercevoir de son trouble mental et obtenir l’aide d’une personne pouvant réaliser une expertise et évaluer sa santé mentale. Les chapitres suivants expliquent plus en détail comment les troubles mentaux peuvent vous aider à expliquer la conduite de la personne accusée au moment du crime (même si elle n’était pas « démente » juridiquement parlant au moment des faits). Il peut s’agir d’une circonstance atténuante cruciale pour la détermination de la peine, mais il vous faudra prêter attention aux signes et symptômes des troubles mentaux pour pouvoir les détecter sans une évaluation de sa santé mentale. Vous devrez d’abord évaluer la portée de son incapacité mentale avant de soutenir devant le tribunal que cette incapacité entraîne son irresponsabilité pénale ou une peine moins sévère. Par ailleurs, il est indispensable que vous vous familiarisiez avec les règles de votre juridiction sur l’impact des troubles mentaux sur la responsabilité pénale.

 

Conseil pratique

Circonstances atténuantes courantes : (les chapitres 4, 5 et 7 présentent une analyse plus détaillée des circonstances atténuantes)

  • Âge au moment des faits
  • Rôle secondaire dans le crime
  • Absence de préméditation
  • Provocation à l’origine de l’infraction
  • Remords
  • A agi sous l’effet d’une menace ou d’une crainte de violences à son égard ou celui de sa famille, ou sous l’emprise d’une personne qui exerce une autorité sur ellelui
  • Dépendance à une drogue
  • Troubles mentaux
  • Violences physiques ou sexuelles
  • Extrême pauvreté
  • Preuve de bonne moralité
  • Absence d’antécédents criminels
  • Bonne conduite en prison
  • Coopération avec les autorités
  • Liens familiaux
  • Situation professionnelle stable
  • Après le crime, la·le coupable a réparé (ou fait des efforts visibles pour réparer) les conséquences du crime, ou a proposé une compensation à la victime ou sa famille sous quelque forme que ce soit
  • Réhabilitation significative après avoir commis le crime (surtout si le crime a été commis il y a longtemps)

 

Enfin, la création d’une relation de confiance avec votre client·e peut avoir un impact sur la façon dont le tribunal la perçoit. Quand un jury ou un·e juge détermine la peine appropriée pour une personne condamnée, sa personnalité est une considération importante. Si votre relation est chaleureuse et cordiale, cela la rendra « plus humaine » à leurs yeux. Si vous parvenez à faire ressortir la dignité inhérente à sa personne, vous remplissez le principal de vos devoirs.[48]

 

Surmonter les obstacles

 Que faire si le personnel de la prison ne veut pas vous laisser seul·e avec la personne que vous défendez ?

  • Vous avez le droit de vous entretenir seul·e·s en toute confidentialité avec la personne que vous défendez. La présence des employés de la prison affectera la qualité de l’entretien, car elle ne se sentira pas en confiance pour se confier. Il faut donc parfois insister pour pouvoir vous entretenir seul·e·s. C’est votre rôle de faire respecter le droit à la confidentialité de vos entretiens et de protester lorsque cela n’est pas appliqué.
  • Dans une affaire en Mauritanie, Fatimata Mbaye a insisté pour que le gardien de la prison quitte la pièce où elle s’entretenait avec son client. Le gardien disait devoir être présent pour la sécurité de l’avocate. Fatimata Mbaye a menacé de partir, et lorsque le régisseur de la prison a été averti de la situation, il a confirmé le droit du client à s’entretenir seul avec son avocate. Dans la plupart des cas, il vaut mieux essayer de s’entretenir avec les responsables de la prison en cas de problème avec le personnel.

  

Conseils pratiques

  • Il faut parler à vos cliente·s comme à des êtres humains, et se soucier de leur bien être mental et physique pour construire une relation de confiance. (Nédra Ben Hamida – Avocate tunisienne)
  • La meilleure façon de gagner la confiance des personnes que vous défendez est de leur rendre visite plusieurs fois. Au Malawi par exemple, lors des premiers entretiens les personnes accusées ne faisaient souvent pas confiance aux avocat·e·s, mais par la suite, au bout de la deuxième ou de la troisième visite, elles étaient plus enclines à parler. Ces visites ont fait toute la différence. (Sandra Babcock – Avocate américaine)
  • Il est important de ne pas adopter une attitude hautaine ou condescendante. Il faut au contraire essayer de se mettre au même niveau que la personne que vous défendez et utiliser son langage. Cela va l’aider à surmonter son stress. Il est utile par exemple de lui demander dans quelle langue elle souhaite s’exprimer : dans la langue du pays ou dans sa langue maternelle? (Fatimata Mbaye – Avocate mauritanienne)
  • Dans beaucoup de cas, la personne que vous défendez a déjà été interrogée par la police, les juges, ou la·le procureur avant de vous rencontrer. Il faut qu’elle comprenne que contrairement à ces personnes, vous êtes là pour la défendre. Si vous venez lui rendre visite plusieurs fois, prenez le temps de l’écouter, de poser des questions sur sa vie avant d’aborder les faits, ainsi que de répondre à ses questions. Elle va voir la différence entre vous et les personnes qui l’ont interrogée auparavant, ce qui vous permettra de construire une relation de confiance. Il est important de montrer de l’empathie lorsqu’elle se confie à vous. Contrairement à ce que pourrait faire la police, il ne faut pas essayer de forcer un aveu de sa part, mais au contraire la laisser parler et l’écouter. Lorsqu’elle se sentira en confiance elle sera plus à même de se confier à vous, le cas échéant. (Liévin Ngondji Ongombe Taluhata – Avocat de République démocratique du Congo)
  • Si la personne que vous défendez commence à pleurer, laissez-la pleurer. Elle a peut-être été victime de traumatismes, et il est important de la laisser se libérer de ses pleurs et du poids qu’elle porte. Attendez qu’elle ait fini de pleurer avant de lui poser des questions sur sa situation. Vous êtes peut-être la première personne qu’elle rencontre avec laquelle elle peut être vulnérable et pleurer. (Fatimata Mbaye – Avocate mauritanienne)
  • Vous devez protester contre les mauvais traitements et contre la méconnaissance des droits de votre cliente. Si cette personne vous confie qu’elle a des difficultés à manger, prenez le temps de comprendre les raisons de ce problème, bien qu’il ne s’agisse pas d’un problème juridique. En effet, vous devez la défendre non seulement devant les juges, mais aussi en prison. Si vous essayez d’améliorer sa situation en saisissant par exemple la·le responsable de la prison, cela lui montrera que vous êtes sa voix, que vous êtes là pour la défendre. (Fatimata Mbaye – Avocate mauritanienne)

 

 

Exemple de réussite (Malawi)

  • Au Malawi, lors des rencontres en prison, les personnes détenues ne recevaient pas de chaises pour s’asseoir, alors que le personnel de la prison fournissait une chaise aux avocate·s. Cela créait de la distance et installait un rapport de force entre client·e et avocat·e, car une personne était par terre alors que l’autre était sur une chaise. Un jour un groupe d’avocat·e·s a demandé des chaises pour les personnes détenues. Ayant rencontré un refus, les avocat·e·s ont commencé une résistance pacifique, refusant de s’asseoir sur les chaises fournies et s’asseyant également par terre. Cette démonstration de solidarité leur a permis de gagner plus facilement la confiance de leur client·e·s. De plus, le personnel de la prison, embarrassé par cette situation, a fini par apporter des chaises pour tout le monde dès le lendemain. Depuis lors, les personnes détenues reçoivent toujours une chaise quand elles s’entretiennent avec leurs avocat·e·s.

 

Surmonter les obstacles

Que devez-vous faire si la personne que vous défendez ne veut plus de vos services ?

  • Il n’est pas rare que des personnes accusées disent vouloir se passer d’avocat·e·s. Souvent ces personnes ne maîtrisent rien dans leur vie : ce qu’elles mangent, à qui elles parlent, quand elles dorment, etc. Vous congédier est donc pour elles une occasion rare d’exercer une forme de contrôle dans leur vie. De plus, beaucoup de personnes détenues dans les prisons souffrent de dépression, ce qui peut provoquer le désire de renoncer à leurs droits. Il est important de ne pas prendre les décisions de votre client comme une attaque personnelle.
  • Il faut souligner que cette décision est souvent la conséquence d’une rupture dans votre relation. Passer du temps avec la personne que vous défendez afin d’établir une relation de confiance doit être votre premier réflexe pour vous assurer qu’elle vous permettra de présenter la défense la plus efficace possible. Une communication ouverte peut être bénéfique au-delà de sa relation avec vous, et peut améliorer son bien-être général.
  • Si possible, essayez de répondre aux craintes qui se cachent derrière sa décision de vous licencier. Il est important que vous lui fassiez comprendre qu’elle est votre partenaire pour sa défense et que vous serez à l’écoute de ses préoccupations et de ses préférences. Prenez le temps de lui expliquer les avancées récentes de l’affaire ou de répondre à ses préoccupations concernant le manque de progrès dans l’affaire.

 

B.  Comment vous prémunir contre d’éventuels conflits d’intérêts ?

 

Vous devez toujours faire passer les intérêts de votre client·e avant les vôtres[49]. Afin d’être un·e avocat·e impartial·e, il est nécessaire d’identifier tout potentiel conflit d’intérêts déjà existant ou qui pourrait apparaître dans le cadre de la défense[50]. Il est fréquent qu’un conflit d’intérêts naisse lorsque l’on demande à un·e avocat·e de défendre plusieurs personnes coaccusées d’une même affaire. En effet, une personne accusée peut décider de plaider coupable ou de témoigner contre une autre personne coaccusée afin de bénéficier de circonstances atténuantes et ainsi encourir une moindre peine. De plus, les personnes coaccusées peuvent avoir des défenses différentes, voire contradictoires, et ne pas avoir le même degré de culpabilité. Il vous sera donc impossible de les défendre efficacement en même temps[51].

 

Lors de la préparation d’une stratégie de défense, l’on voit bien quels problèmes pratiques peuvent se poser si la même personne assure la défense de plusieurs personnes coaccusées. Si vous ne défendez qu’une personne accusée dans une affaire qui en compte plusieurs, vous pouvez librement soutenir que les preuves démontrent la culpabilité des autres, et non pas de la personne que vous défendez[52]. Cependant, si vous défendez plusieurs personnes accusées dans une même affaire vous serez confrontés à des obligations contradictoires, à savoir de défendre chaque personne de façon compétente et sans égards pour les autres. Si vous défendez à la fois la personne accusée A et la personne accusée B, et vous soutenez que A est moins coupable que B, vous enfreignez vos obligations éthiques envers B. Mais si vous ne mentionnez pas que les preuves indiquent que B est coupable, et non A, vous enfreignez vos obligations éthiques envers A. Plus les preuves de l’accusation contre chaque personne accusée diffèrent, plus le conflit d’intérêts qui vous empêche de les défendre efficacement est important.

Il existe des affaires pénales dans lesquelles les personnes coaccusées ont des arguments de défense compatibles qui vous permettront de les défendre efficacement en même temps. Mais cela est rare dans les dossiers de peine de mort. Même si les personnes coaccusées ont des arguments de défense compatibles, les circonstances du crime peuvent différer d’une personne accusée à l’autre et les circonstances atténuantes pour l’une peuvent aller à l’encontre des intérêts d’une autre. Vous pouvez vous trouver face à un choix cornélien : si vous minorez le rôle de l’une, vous risquez d’accroître la responsabilité de l’autre, alors que vous devez assurer la défense des deux. Vous devez choisir entre faire du tort à l’une en ne présentant pas de circonstances atténuantes pour épargner l’autre, ou bien présenter les preuves ou circonstances atténuantes, qui vont directement causer du tort à l’autre.

Par conséquent, si l’on vous désigne pour assurer la défense de plusieurs personnes coaccusées, vous devez immédiatement demander la nomination d’avocat·e·s supplémentaires. Si cela vous est refusé, vous devez formuler une requête, ou suivre les procédures en vigueur dans votre juridiction, afin de rassembler tous les éléments nécessaires pour documenter votre désapprobation, car cela pourra contribuer à faire annuler la condamnation en appel. Vous devez ensuite informer les personnes que vous défendez que vous avez été nommé·e pour les représenter même si elles sont coaccusées dans la même affaire. N’hésitez pas à faire valoir que les personnes que vous défendez ne doivent pas être condamnées à la peine de mort étant donné que le tribunal ne respecte pas leur droit à une assistance juridique efficace et impartiale.

 

 

Surmonter les obstacles

Que faire si vous êtes commis·e d’office et que l’on exige de vous que vous défendiez plusieurs personnes dans une même affaire ?

  • De nombreuses juridictions ont un grand nombre d’affaires à traiter et vous pouvez avoir l’impression que vous ne pouvez pas vous récuser. Cependant, il vous incombe de refuser d’assurer la défense d’une personne en cas de conflit d’intérêts. Même si dans votre juridiction il est courant de défendre plusieurs personnes coaccusées dans une même affaire, cette pratique n’est pas justifiée, et vous ne devez pas vous y soumettre sans objection.

 

 

 

CHAPITRE 3 : LA GARDE À VUE ET LA DÉTENTION PROVISOIRE

 

Vous devez intervenir à toutes les étapes de la procédure pénale pour assurer la défense de la personne que vous défendez[53]. Les enquêtes débutent généralement par l’arrestation et la garde à vue des personnes soupçonnées d’avoir commis un crime, et sont suivies par leur mise en détention provisoire dans l’attente de leur procès. Votre travail commence dès ce stade. En effet, les instruments internationaux des droits humains reconnaissent un certain nombre de droits aux personnes suspectées d’avoir commis un crime, et vous devez veiller à ce que ces droits soient respectés. Il s’agit notamment du droit à la liberté et à la sécurité de sa personne, du droit à la défense, du droit à l’intégrité physique et au respect de la dignité inhérente à la personne humaine.

Certains des conseils qui suivent vont peut-être à contre-courant de la pratique de votre pays. En effet, il se peut que là où vous exerciez, la place de l’avocat·e lors de la garde à vue ou de la détention provisoire soit réduite au strict minimum. Les forces de l’ordre, les juges, et même vos confrères et consœurs considèrent peut-être que ce n’est pas votre rôle d’intervenir lors de l’enquête policière, ou si vous intervenez, que votre rôle devrait être « passif ». En dépit de ce contexte défavorable, votre rôle reste de défendre les droits de votre client·e, y compris au stade de l’enquête. En effet, de nombreux textes internationaux des droits humains reconnaissent le droit des personnes privées à l’assistance d’un·e avocat·e, et ce même si elles ne sont pas en mesure de la·le rémunérer[54].

L’enquête est déterminante pour le reste de l’affaire. La plupart des personnes soupçonnées d’avoir commis un crime n’ont aucune connaissance de la procédure et de leurs droits, et ne parlent parfois pas la langue utilisée par la police. Elles sont donc particulièrement vulnérables et, à moins que vous n’interveniez, leurs droits risquent d’être bafoués. Les personnes chargées de l’enquête profitent parfois de leur position de force et de la vulnérabilité des personnes soupçonnées d’avoir commis un crime pour obtenir des aveux sous la contrainte, par la violence ou d’une autre manière illégale. Les cas de torture et de traitement inhumain ou dégradant lors de la phase d’enquête restent malheureusement d’actualité. Il est donc primordial que vous assistiez la personne dont vous assurez la défense à chaque étape de l’enquête et que vous veilliez au respect de ses droits en détention.

 

I.  Droits, santé et bien-être des personnes en garde à vue et en détention

 

A.  Droits de votre client·e en garde à vue

La garde à vue se fait sous l’autorité de la police et constitue l’un des domaines dans lesquels votre intervention est primordiale, car vous devez veiller au respect des droits de la défense de la personne privée de liberté pour les besoins de l’enquête. En effet, c’est au cours de la garde à vue que les personnes chargées de l’enquête commencent à rassembler des éléments à charge contre la personne soupçonnée d’une infraction. Il s’agit donc d’une étape extrêmement sensible dans laquelle vous pouvez jouer un rôle clé.

Malgré l’existence de réglementations dans les législations nationales pour encadrer la garde à vue, afin d’éviter les abus et garantir le respect des droits de la défense, force est de constater que ces droits sont souvent bafoués. Il est impératif que vous connaissiez la législation de votre pays et les règles internationales afin de pouvoir aisément identifier les violations des droits de la personne que vous défendez et les vices de procédure durant la garde à vue. Cela pourrait vous permettre d’obtenir l’annulation d’actes d’enquêtes et de procès-verbaux en lien avec la garde à vue. Les règles régissant la garde à vue diffèrent d’une juridiction à l’autre, mais certains principes généraux sont applicables à la majorité des juridictions.

Le droit international et la plupart des législations nationales prévoient que les personnes arrêtées ou privées de leur liberté ont le droit à un·e avocat·e[55]. Si vous vous présentez au commissariat, mais que l’on vous refuse l’accès à la personne que vous défendez, vous pouvez invoquer son droit à votre assistance en vous appuyant sur les textes nationaux et internationaux. Si vous ne parvenez pas à convaincre la police de vous laisser la voir, documentez ce refus et adressez-vous au tribunal compétent ou à la·au procureur pour les informer de cette violation.

Si vous réussissez à entrer en contact avec la personne que vous défendez, informez-la de ses droits, en particulier de son droit de garder le silence[56]. En effet, les personnes soupçonnées d’avoir commis un crime ne sont pas tenues de collaborer à l’administration de la preuve : elles ont le droit de ne pas s’auto-incriminer, et ne sont donc pas tenues de répondre aux questions qui leur sont posées. Informez également la personne que vous défendez de son droit d’être assistée par un·e avocat·e (et ce même si elle ne peut pas la·le rémunérer), d’être informée du motif de son arrestation, de prévenir ses proches, de consulter un·e médecin etc. Soyez à son écoute, posez-lui des questions sur les circonstances de son arrestation, demandez-lui de vous raconter ce qu’il lui est arrivé depuis le début de sa garde à vue (comment a-t-elle été traitée par la police ? A-t-elle été informé de ses droits ? etc.). Cela pourrait vous permettre de recueillir des informations montrant que son arrestation est viciée.

Assurez-vous que la garde à vue ait été ordonnée par l’autorité compétente et que les conditions requises pour une mise en garde à vue sont réunies. Vérifiez que l’autorité compétente en question ait averti la personne que vous défendez des faits qui lui sont reprochés et de la suspicion qui pèse sur elle d’avoir commis une infraction passible de la peine de mort. Lors de l’audition, les personnes chargées de l’enquête doivent l’informer de ses droits. L’heure de commencement et de fin de la garde à vue doivent être mentionnées dans le procès-verbal. Assurez-vous que les personnes chargées de l’enquête en respectent la durée légale, et que son renouvellement, le cas échéant, soit conforme aux lois en vigueur[57]. Veillez à ce que la personne que vous défendez reçoive suffisamment de nourriture, des soins médicaux, des temps de pause pour dormir etc.

Informez-la des suites possibles de la garde à vue (déferrement auprès d’un·e juge, ouverture d’une instruction, classement sans suite etc.) et expliquez-lui la procédure dans un langage qu’elle comprend. Cela lui permettra de se préparer psychologiquement et vous aidera à développer une relation de confiance avec elle.

 

Surmonter les obstacles

Que faire si vous n’arrivez pas à rencontrer la personne que vous défendez après son arrestation ? 

  • Si vous ne parvenez pas à entrer en contact avec la personne que vous défendez, essayez de recueillir des informations sur son arrestation et les faits qui lui sont reprochés auprès des membres de sa famille ou de toute personne ayant assisté à son arrestation. Puis, muni·e d’une lettre de constitution, adressez-vous à la direction de l’unité de police où elle est détenue et demandez à la voir. En cas de réponse défavorable, documentez ce refus, (par exemple en notant les noms des personnes vous ayant refusé l’accès, le lieu, la date etc.) et adressez une demande de communication auprès du tribunal compétent ou de la·du procureur. Selon le contexte dans lequel vous êtes et l’affaire en question, réfléchissez à la possibilité et l’utilité stratégique d’avertir les médias de cette entrave à la communication avec votre client·e.

 

Surmonter les obstacles

 Que faire si la personne chargée de l’enquête semble avoir un parti pris ?

  • Après avoir rencontré la personne en charge de l’enquête, si vous estimez que cette dernière manque d’objectivité et d’impartialité, sollicitez son remplacement auprès de la·du procureur en expliquant pourquoi celle-ci risque d’être partiale. À titre d’exemple, une personne qui a des liens avec la victime ou sa famille ou qui vient du même village que la victime risque de manquer d’objectivité. Il est également possible que, pour des raisons raciales ou ethniques, elle favorise un groupe et fasse preuve de discrimination envers la personne que vous défendez.

 

B.  Que faire si vous n’avez pas eu accès à la personne dont vous assurez la défense lors de sa garde à vue ?

 

Que faire si vous avez été désigné·e pour défendre une personne après que l’enquête policière s’est terminée ou si la police ne vous a pas laissé la voir lors de la garde à vue ? Même si vous n’avez pas pu l’assister lors de l’enquête policière, vous ne devez pas vous en tenir à ce qui est écrit dans les procès-verbaux rédigés par la police. Vous devez impérativement vérifier a posteriori la légalité de l’enquête policière et de la garde à vue, et éventuellement remettre en cause les procès-verbaux. En principe, les procès-verbaux de police ont valeur de simples renseignements, mais ils peuvent s’avérer cruciaux pour la suite de la procédure. Par conséquent, si les règles de procédure n’ont pas été respectées ou si les informations que contiennent les procès-verbaux ne reflètent pas la réalité, vous devez soulever leur nullité et demander l’exclusion des preuves obtenues, y compris des aveux le cas échéant. Pour ce faire, il vous faudra discuter avec la personne que vous défendez pour comprendre comment s’est déroulée l’enquête et examiner les procès-verbaux afin de rechercher si des irrégularités ont été commises. Si votre client·e est détenu·e et que l’on vous empêche de la·le voir, il vous faudra peut-être demander auprès de l’autorité judiciaire compétente un « permis de communiquer » vous autorisant à lui rendre visite.

 

Exemple de réussite (Tchad)

  • Il faut parfois faire preuve de persévérance pour avoir accès aux personnes détenues, comme le montre l’histoire d’un avocat tchadien qui, souhaitant rendre visite à son client, s’est vu refuser l’accès à la maison d’arrêt dans laquelle ce dernier se trouvait. Lorsqu’il est revenu le lendemain avec les documents juridiques prouvant qu’il avait le droit d’accéder à la prison, le surveillant de la maison d’arrêt a persisté dans son refus de lui permettre l’accès. Il a finalement dû présenter les dispositions légales à un juge, qui a appelé la maison d’arrêt afin de demander au surveillant de laisser l’avocat accéder à la prison.

– Gozzo Tourndide, Avocat tchadien

 

  1. Vérifier le respect des procédures

Votre rôle est de vérifier si les règles de procédure ont été respectées. Cela passe notamment par l’examen des procès-verbaux qui contiennent des informations importantes sur l’arrestation, la garde à vue et l’audition de la personne suspectée d’avoir commis une infraction. Il vous faut donc connaître les règles de forme et de procédure pour leur rédaction. À titre d’exemple, dans certains pays un procès-verbal peut être frappé de nullité s’il contient des ratures, n’a pas été signé, ou ne mentionne pas la personne procédant à l’interrogatoire.

 

Dans la plupart des juridictions, un procès-verbal d’audition sera nul s’il ne mentionne pas que la personne suspectée a été informée des faits qui lui sont reprochés, de son droit de se faire assister d’un·e conseil·lère et de son droit de garder le silence. Si le procès-verbal mentionne que la personne que vous défendez a été informée de ses droits et y a renoncé, il faut que vous vérifiiez auprès d’elle que c’est réellement le cas car il est fréquent que cela ne le soit pas.

Il se peut également que la police ait violé les règles encadrant la garde à vue. Vérifiez les dates et heures inscrites sur le procès-verbal pour vous assurer que les délais, les temps de pause entre les interrogatoires, les formalités pour autoriser la garde à vue et la renouveler ont été respectées. De même, il convient de vérifier que les règles concernant les arrestations et perquisitions ont été respectées, la méconnaissance de ces dernières pouvant entraîner leur nullité et celle des actes subséquents.

Gardez à l’esprit que les formalités peuvent avoir été respectées « sur le papier », mais pas dans les faits. Il vous incombe de vérifier ce qui s’est réellement passé, au-delà des procès-verbaux.

 

  1. Vérifier la véracité du contenu des procès-verbaux

Quand bien même un procès-verbal n’aurait à première vue pas de vice de procédure, il se peut qu’il soit fabriqué de toute pièce, ou qu’il contienne des informations erronées sur les déclarations de la personne interrogée. Il est donc indispensable de discuter avec elle du déroulement de l’enquête policière, d’examiner avec précision le procès-verbal et de comparer sa version des faits avec celle du procès-verbal.

Il se peut qu’à la lecture du procès-verbal certaines violations des droits de la personne dont vous assurez la défense n’apparaissent pas. Quand bien même elle aurait signé un procès-verbal mentionnant qu’elle a été informée de ses droits et y a renoncé, il faut vérifier qu’elle a été effectivement informée et a été en mesure de comprendre ses droits. Bien souvent les personnes interrogées ne sont pas informées ou ne comprennent pas la portée de leurs droits en raison d’une mauvaise compréhension de la langue utilisée, car elles n’ont pas un niveau d’éducation suffisant, ne savent pas lire et/ou n’ont pas été informées oralement etc. Si vous doutez de la fiabilité du procès-verbal ou de la signature, demandez-lui si elle se souvient l’avoir signé et demandez-lui de signer devant vous pour pouvoir comparer les deux signatures.

 

Surmonter les obstacles

 Que devez-vous faire si vous avez l’impression que la personne que vous conseillez est analphabète ?

  • Dès le début de votre relation, il est important de déterminer si la personne que vous conseillez sait lire et écrire. Dans certains pays l’analphabétisme est si courant qu’elle reconnaîtra qu’elle ne sait pas lire ou écrire. Mais dans les pays où le taux d’alphabétisation est élevé, elle pourrait avoir honte de son analphabétisme.
  • Abordez le sujet en douceur, et quand vous soupçonnez qu’elle vous dit qu’elle sait lire alors qu’elle ne semble pas en être capable, essayez de déterminer sa capacité à comprendre des documents écrits. Cela est tout particulièrement important dans les affaires où la personne que vous conseillez aurait supposément signé des aveux.
  • Par exemple, proposez-lui de lire des documents ou demandez-lui de vous expliquer les informations contenues dans des documents qu’elle dit avoir lu, afin d’évaluer son niveau de compréhension. Demandez-vous si ses difficultés de compréhension révèlent éventuellement un problème de capacité juridique ou une déficience intellectuelle (voir chapitre 5).

D’autre part, les procès-verbaux de garde à vue peuvent être faussés. Par exemple, il se peut qu’ils ne fassent pas état de la durée réelle durant laquelle la personne a été détenue, ou qu’ils mentionnent qu’elle a reçu de la nourriture alors que ce n’est pas le cas etc. De nombreux abus peuvent avoir lieu au cours de la garde à vue et le procès-verbal n’en fera vraisemblablement pas mention. Demandez à la personne que vous conseillez de vous raconter en détail les conditions de sa garde à vue ainsi que le temps qu’elle y a passé pour vérifier si cela correspond aux règles en vigueur.

Par ailleurs, il convient de garder à l’esprit qu’en règle générale, les procès-verbaux dressés par la police judiciaire ont valeur de simples renseignements. Ils ne s’imposent pas à l’autorité judiciaire qui garde toute sa liberté d’appréciation à leur égard. Vous ne devez donc pas vous résigner à accepter un procès-verbal défavorable, car vous pouvez contester son contenu en apportant des preuves contraires. Ainsi, si vous doutez de la véracité du contenu d’un procès-verbal utilisé par l’accusation, faites appeler la personne qui l’a dressé devant le tribunal pour l’interroger sur ce qui y est mentionné. Cela permet de faire respecter le principe du contradictoire (voir chapitre 6).

 

Surmonter les obstacles

Que faire si la personne que vous défendez a signé un procès-verbal mentionnant qu’elle renonçait à son droit d’être assistée d’un·e avocat·e et de garder le silence ?

  • La police utilise parfois des questionnaires types pour les procès-verbaux qui mentionnent que la personne auditionnée renonce à ses droits, sans qu’en réalité la police lui ait posé la question. Il est donc fréquent qu’une personne auditionnée n’ait pas compris qu’elle avait le droit de ne pas répondre aux questions des personnes chargées de l’enquête et avait le droit de demander un·e avocat·e.
  • Ainsi, quand bien même elle aurait signé un procès-verbal mentionnant qu’elle a renoncé à ses droits, il se peut que vous puissiez en obtenir la nullité, en argumentant qu’elle n’était pas en mesure de comprendre les droits auxquels elle renonçait ou qu’elle n’a pas été informée de manière effective.
  • Posez-lui des questions sur son audition : Est-ce-que les personnes chargées de l’enquête l’ont informée oralement de ses droits ? Lui ont-elles demandé si elle acceptait de renoncer à son droit d’être assistée par un·e avocat·e et de garder le silence avant de procéder à l’audition ? A-t-elle été informée de ses droits dans une langue qu’elle comprend ou a-t-elle été assistée par un·e interprète ?

 

Exemple de réussite

Affaire Ebolle Ekalle Hélène c. Soul Bienvenu (Cameroun)

  • Au cours de l’enquête policière, une personne soupçonnée d’un crime passible de la peine de mort a été auditionnée sans que lui soient préalablement notifié son droit à être assistée par un·e avocat·e et son droit à garder le silence. En effet, en examinant le dossier, son avocat a constaté que le procès-verbal d’audition ne faisait pas mention de ces droits. Il a donc demandé au tribunal d’annuler le procès-verbal d’enquête préliminaire et tous les actes subséquents en raison du défaut de notification à sa cliente de ses droits. Cette omission était particulièrement importante car elle a permis d’annuler le procès-verbal d’audition sur lequel reposait l’accusation. La cliente a été déclarée non coupable, faute de preuves, et a été relaxée.

– Nestor Toko Monkam, Président du Réseau des Avocats Camerounais contre la Peine de Mort

 

  1. Demander l’exclusion d’aveux et de preuves

Dans la plupart des pays de tradition civiliste, la police judiciaire agit sous l’autorité du parquet (le ministère public) qui veille à l’application de la loi et au respect de la procédure par ses agents. Par conséquent, le parquet doit répondre des violations commises par la police. Vous pouvez donc saisir la·le procureur pour dénoncer les abus subis par votre client·e au cours de l’enquête. Si l’affaire a été renvoyée devant un·e juge d’instruction, portez à sa connaissance tout vice de procédure ou violation des droits de votre client·e afin d’obtenir la nullité de ces actes d’enquête. Si vous vous apercevez que l’enquête a été viciée ou que ses droits ont été violés après la clôture de l’instruction, informez-en le tribunal et demandez la nullité des actes en question.

Posez des questions à la personne que vous conseillez pour déterminer si ses déclarations inscrites dans le procès-verbal sont sincères et si elles ont été obtenues sans violence, ruse ou menace. Si vous vous apercevez qu’elle a subi des violences, a été torturée physiquement ou psychologiquement, a été soumise à des traitements inhumains et dégradants, ou a été privée de nourriture, de sommeil ou autre, vous devez mettre ces violations en lumière et demander à ce que les aveux et preuves ainsi obtenues soient écartées. Selon les lignes directrices Luanda adoptées par la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, « il appartient à l’accusation de prouver que les aveux obtenus l’ont été en l’absence de toute contrainte, intimidation ou incitation »[58]. Renseignez-vous sur les règles d’exclusion de votre juridiction et appuyez-vous si besoin sur les règles internationales qui interdisent l’utilisation de déclarations obtenues sous la torture[59].

 

Surmonter les obstacles

Que faire si vous avez été constitué·e après que la personne que vous défendez a fait des déclarations qui lui sont défavorables ?

  • Quand bien même les faits paraissent accablants pour la personne que vous défendez, vous ne devez pas vous contenter uniquement de cette version « officielle » et devez vérifier la sincérité des déclarations faites ainsi que leur concordance avec les faits.
  • Vous devez garder à l’esprit qu’un procès-verbal d’audition a valeur de simple renseignement et peut donc être contesté en rapportant la preuve contraire aux faits qui y sont contenus.
  • Il est important d’identifier les faits accablants que vous ne pouvez pas contester et les intégrer dans vos arguments sur les circonstances atténuantes.

 

C.  Les droits d’une personne en détention et les requêtes sur les conditions de détention

Toute personne, même si elle est accusée d’avoir commis un crime, doit être « traitée avec humanité et avec le respect de la dignité inhérente à la personne humaine »[60]. Si la personne que vous assistez est détenue avant la tenue de son procès, par principe elle ne devrait pas endurer d’épreuves au-delà de celles découlant directement de sa privation de liberté[61]. Cependant, sa santé mentale et sa santé physique peuvent être menacées en détention, car elle est isolée de sa famille et peut subir des mauvais traitements de la part du personnel de la prison ou des autres personnes détenues. Vous êtes probablement la seule personne ayant la possibilité d’agir en sa faveur pour lui éviter de mauvais traitements.

Une personne détenue dispose de nombreux droits en détention que vous êtes tenu·e de protéger:

  • Le droit à l’intégrité physique et à ne pas être soumis·e à la torture ou à des traitements cruels, inhumains ou dégradants, y compris à l’isolement prolongé[62];
  • Le droit d’être détenu·e séparément des personnes déjà condamnées[63];
  • Le droit d’être détenu·e séparément des personnes de l’autre sexe[64];
  • Pour les personnes mineures, le droit d’être détenu·e séparément des adultes[65];
  • Le droit d’être logé·e de façon décente, notamment avec un couchage et des installations sanitaires décentes[66];
  • Le droit à des conditions de travail décentes[67];
  • Le droit de profiter d’installations récréatives adaptées[68];
  • Le droit d’avoir accès à des services médicaux[69];
  • Le droit à une alimentation ayant une valeur nutritive suffisante pour permettre à la personne détenue de conserver une bonne santé mentale et physique[70];
  • Le droit de ne pas subir de discrimination quelle qu’elle soit, notamment le droit de pratiquer sa religion[71];
  • Le droit de maintenir des contacts avec ses proches[72];
  • Le droit à des contacts confidentiels avec son avocat·e[73].

 

Chacun de ces droits est important. Si la personne que vous défendez est placée en détention dans l’attente de son procès, vous devez veillez à ce qu’elle soit détenue dans des conditions respectant les droits précités. Malheureusement, il se peut que vous n’ayez que peu d’influence sur ses conditions de détention. Dans de nombreux pays, les établissements pénitentiaires sont surpeuplés, vétustes, et disposent d’un budget insuffisant. Les conditions de détention sont souvent bien pires dans les commissariats de police où certaines personnes sont détenues plusieurs jours, ou semaines, voire pendant des mois, avant d’être transférées dans des maisons d’arrêt. La police ou le personnel pénitentiaire peuvent, pour diverses raisons, être hostiles et rendre la vie des personnes détenues désagréable, voire insupportable.

Votre rôle ne se limite pas à défendre votre client·e au cours du procès, mais à l’assister tout au long de la procédure, y compris lors de sa détention dans l’attente de son procès. Si ses droits sont enfreints lors de sa détention (que ce soit par la police, le personnel de la prison ou les autres personnes détenues, de façon volontaire ou par une négligence intolérable), vous devez prendre les mesures nécessaires pour y remédier. Si par exemple vous craignez pour la santé en détention de la personne que vous défendez, vous pouvez demander qu’une expertise médicale soit réalisée. Ses facultés et sa capacité à communiquer avec vous peuvent être affectées si elle ne reçoit pas les médicaments dont elle a besoin ou suffisamment de nourriture. Vous devez rapporter cette situation au tribunal et, si besoin, porter plainte au sujet des conditions et des infrastructures de détention en invoquant les règles nationales sur les conditions de détention (si elles existent), ainsi que le droit international, en particulier les règles Nelson Mandela des Nations Unies, les Lignes directrices Luanda de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples et les Règles de Bangkok des Nations Unies concernant le traitement des détenues et des délinquantes.

 

Exemple de réussite (Mauritanie)

  • La quantité et la qualité des repas des personnes détenues peut avoir une grande influence sur leur moral et leur physique, mais également sur leur défense. Par exemple, en Mauritanie, les repas en prison sont normalement servis à midi. Si la personne détenue doit aller au tribunal à 7 heures du matin et ne revient qu’en fin d’après-midi, elle ratera l’unique repas du jour. Dans une affaire, un accusé restait silencieux devant les questions de la cour, il avait la tête baissée et semblait très triste. Le parquet s’est énervé. L’avocate a ensuite demandé à son client : « avez-vous mangé ce matin ? » Il a répondu que cela faisait quatre jours qu’il n’avait pas mangé. L’avocate a ensuite interpellé le tribunal en soulignant qu’on ne pouvait pas demander à une personne accusée de répondre aux questions de la Cour alors qu’elle n’a pas reçu de nourriture depuis plusieurs jours. Le président a immédiatement levé la séance et a demandé au parquet de s’occuper de l’alimentation du détenu. Cet exemple montre l’importance de dénoncer le manque d’alimentation des personnes détenues.

– Fatimata Mbaye, Présidente de l’Association mauritanienne des droits de l’Homme

 

D.  Que faire en cas de traitement cruel, inhumain, dégradant ou de torture ?

Si la personne dont vous assurez la défense est soumise à des traitements inhumains ou à des actes de torture, vous devez déterminer quelle est l’autorité compétente vers laquelle vous tourner pour dénoncer cette situation, et quelles preuves vous devez rapporter. Dans la plupart des cas, il vous incombe en premier lieu de dénoncer ces mauvais traitements auprès du Parquet, de l’administration pénitentiaire, ou du tribunal compétent pour la supervision des prisons. Cependant, demandez-vous d’abord si cela ne risque pas de mettre la personne détenue encore plus en danger et renoncez-y le cas échéant. Il peut être utile de demander de l’aide aux organisations locales de défense des droits humains ou à la commission nationale des droits humains pour vous aider à déterminer quels sont les risques et quel forum serait le plus approprié pour dénoncer ces actes de torture et ces mauvais traitements.

Dans les cas très sérieux et urgents, vous pouvez demander aux organes internationaux des droits humains de mettre en place des mesures de protection « temporaires » ou « provisoires » pour essayer de mettre fin aux mauvais traitements (voir chapitre 9). Même si votre pays n’est partie à aucun traité relatif aux droits de la personne, vous pouvez saisir la·le Rapporteur spécial de l’ONU sur la torture et lui demander de publier une déclaration appelant votre gouvernement à respecter les droits de la personne détenue. Vous pouvez également réfléchir à une stratégie pour sensibiliser l’opinion publique et alerter les médias de ces mauvais traitements afin d’éviter qu’ils ne continuent.

 

Dans certains cas, il peut être nécessaire de faire placer la personne détenue en milieu protégé, par exemple, si elle est exposée à des représailles de la part des autres personnes détenues, du personnel de la prison ou de la police. Pour ce faire, vous devez présenter à la cour ou aux autorités pénitentiaires des preuves des risques auxquels elle est exposée et demander qu’elle soit détenue dans des conditions appropriées à sa situation.

 

Surmonter les obstacles

 Que faire si la personne que vous défendez a fait des aveux à la suite d’actes de torture et/ou d’autres mauvais traitements ?

  • Si la personne que vous défendez fait des déclarations sous la torture, la première chose à faire est de rassembler des preuves pour étayer l’accusation de torture (certificat médico-légal, expertise médicale, carnet de santé, témoignages, photos etc.). Vous pouvez par exemple prendre des photos de ses blessures à l’aide de votre téléphone, et demander à la·au procureur à ce qu’elle soit examinée par du personnel médical qui dressera un rapport qui pourra être ajouté au dossier. Il est important de tout consigner par écrit.
  • Informez l’autorité compétente et si possible portez plainte contre les personnes à l’origine de ces actes.
  • Demandez la nullité des procès-verbaux d’audition afin que les aveux obtenus de façon irrégulière soient écartés.

 

II.  Demander la mise en liberté de la personne que vous défendez

 

Lors de la phase d’enquête, préalable au procès, l’un des enjeux principaux est de déterminer si la personne que vous défendez sera placée en détention provisoire (également appelée détention préventive) ou si elle sera libre dans l’attente de son procès. La personne que vous défendez doit être présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été établie[74], et ne doit pas être sanctionnée à moins d’être condamnée par un tribunal compétent. Cependant, il se peut qu’elle soit détenue dans l’attente de son procès aux motifs que si elle était en liberté elle pourrait blesser quelqu’un, prendre la fuite pour éviter les poursuites à son encontre, communiquer avec des complices, ou détruire des preuves accablantes[75]. Or, que vous parveniez à la faire acquitter ou non, si elle est placée en détention provisoire, elle risque de faire l’objet de sanctions injustifiées, de subir les épreuves physiques et psychologiques de la détention et il sera plus compliqué pour elle d’avoir accès à un·e avocat·e pour préparer sa défense. De plus, ses proches qui dépendent économiquement d’elle pourraient se retrouver dans une situation difficile. Votre rôle à cette étape est donc crucial : vous devez protéger les droits de la personne que vous défendez en vous opposant à la détention provisoire et en demandant sa remise en liberté avec le moins de conditions restrictives possibles. Toutefois, si son placement en détention provisoire s’avère inévitable, vous devez essayer de minimiser l’impact de la détention sur sa personne et sur sa défense.

Les traités des droits humains et de nombreuses constitutions nationales établissent qu’une personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie, et par conséquent ne doit pas être punie avant d’avoir été condamnée[76]. Il existe donc une présomption que la personne accusée doit être remise en liberté dans l’attente du procès[77]. Cependant, une personne suspectée d’avoir commis un crime ne peut pas toujours en bénéficier, car cette mise en liberté peut être subordonnée à des garanties assurant sa comparution à l’audience, et le tribunal dispose d’un certain pouvoir d’appréciation pour décider de sa remise en liberté ou en détention[78]. La détention provisoire doit être une mesure de dernier recours, qui ne doit être utilisée qu’en l’absence de toute autre alternative[79].

 

A.  Droit à une audience visant à statuer sur la détention provisoire

Il se peut que la personne qui fait l’objet de poursuites soit détenue par la police ou les autorités sans avoir bénéficié d’une audience visant à déterminer si sa détention est nécessaire. Cela enfreint son droit à la présomption d’innocence tant que sa culpabilité n’a pas été établie[80]. Elle doit être rapidement présenté à un·e juge pour demander sa libération dans l’attente du procès, et ce dans les jours qui suivent son arrestation, de façon que si la libération lui est accordée, elle ne soit pas détenue trop longtemps sans raison[81]. Si la personne que vous défendez est détenue plusieurs jours, voire plusieurs semaines, sans avoir au préalable comparu devant un·e juge, et sans être convoquée par la·le juge d’instruction, vous devez demander à ce qu’une audience se tienne aussi vite que possible et exiger sa mise en liberté[82]. Vous aurez peu de temps pour vous préparer avant l’audience, mais c’est une étape cruciale qu’il ne faut pas négliger. Vous devez tout d’abord évaluer s’il y a assez de preuves l’incriminant. Si ce n’est pas le cas, elle doit être libérée. Pour évaluer ces preuves, demandez à avoir accès au dossier. Lors de cette audience vous devez démontrer au juge pourquoi elle ne doit pas être placée en détention dans l’attente de son procès en présentant des preuves plaidant pour une mise en liberté avec le moins de conditions restrictives.

 

B.  Droit à la libération avec les conditions les moins restrictives

La·le juge statuant sur la détention provisoire (en règle générale la·le juge d’instruction) doit tenir compte de différents facteurs pour déterminer si une personne doit être détenue dans l’attente du procès. Elle·il doit partir du principe que la mise en liberté est la règle et la détention l’exception. En raison de la présomption d’innocence, la preuve incombe à l’accusation, et il reviendra donc au ministère public de démontrer que la personne détenue ne doit pas être libérée dans l’attente de son procès[83]. A titre d’exemple, en République démocratique du Congo, où il n’y a pas de juge d’instruction, c’est le ministère public qui place la personne en détention et qui peut décider de lui accorder la liberté provisoire. Cependant, le contrôle de la régularité et de l’opportunité de maintenir la personne en détention est exercé au bout de cinq jours (puis tous les 15 jours) par la·le juge. En outre, dans certains pays, comme au Cameroun, les personnes poursuivies pour des crimes passibles de la peine de mort ne peuvent pas soumettre de demande de mise en liberté provisoire. Vous pouvez cependant essayer de contester l’absence d’un procédé de mise en liberté en vous appuyant sur le droit international.

Dans la plupart des pays francophones d’Afrique, les juges d’instruction peuvent ordonner à tout moment de l’instruction la mainlevée du mandat de détention provisoire. Au cas où la·le juge d’instruction n’accorde pas d’office cette faveur à la personne dont vous assurez la défense, vous devez présenter une requête en ce sens, en précisant qu’elle souscrit à l’engagement de déférer aux convocations de la·du juge. La·le juge doit prendre la décision qui pénalise le moins la personne soupçonnée d’avoir commis une infraction, tout en préservant l’ordre public. Ainsi, la·le juge peut ordonner une mise en liberté, mais la placer sous contrôle judiciaire en imposant certaines conditions à sa mise en liberté qui permettent d’accommoder son droit à être en liberté et les intérêts de la société́.

Pour décider si une personne accusée sera placée en détention provisoire, la plupart des juridictions tiennent compte des facteurs suivants :

  • La probabilité qu’elle se présente aux convocations de la·du juge d’instruction et au procès;
  • Le besoin de protéger les autres membres de la communauté si elle représente une menace, notamment les victimes présumées et les témoins potentiel·les;
  • Le risque qu’elle détruise des preuves[84].

Vous devez argumenter en faveur de la mise en liberté de de la personne que vous défendez avec le moins de restrictions possibles. Pour y parvenir, vous devez présenter des preuves démontrant qu’elle ne risque pas de fuir, qu’elle sera présente aux convocations de la·du juge d’instruction et au procès, qu’elle ne représente pas une menace pour autrui, ne risque pas de détruire des preuves, et que son maintien en détention n’est pas nécessaire à la manifestation de la vérité. Pour ce faire, montrez par exemple que la personne :

  • A des liens avec la communauté (et donc qu’il est peu probable qu’elle prenne la fuite);
  • A une famille;
  • A un emploi;
  • A un domicile;
  • Est de bonne moralité (des proches, collègues etc. peuvent attester de sa bonne moralité en témoignant ou en rédigeant des attestations).

D’autre part, si la personne que vous défendez souffre d’une maladie nécessitant des soins, vous pouvez soutenir que la détention pourrait nuire à sa santé. Le cas échéant vous pouvez demander à la cour de lui faire prescrire un traitement médical, un programme de suivi médico-psychologique, un programme d’insertion professionnelle ou autre.

Dans certains cas, la·le juge peut accéder à la demande de mise en liberté provisoire, mais à la condition que votre client·e respecte certaines conditions qui visent à garantir sa participation à toutes les étapes de la procédure. Le tribunal peut par exemple limiter sa liberté de se déplacer (interdiction de sortie du territoire, interdiction de s’absenter de son domicile, obligation de l’informer de ses déplacements etc.) et lui demander de se soumettre à une surveillance ou un confinement partiel (obligation de se présenter régulièrement au commissariat de police etc.).

La·le juge vous demandera peut-être de fournir une caution ou de présenter une personne garante qui prendra l’engagement que la personne accusée comparaîtra à chaque convocation. Si la caution demandée est trop élevée pour elle, ou si elle est soumise à des restrictions qui ne sont pas justifiées, son droit à ne pas être sanctionnée avant d’être jugée coupable est compromis. Si la cour considère qu’une caution suffit à garantir qu’elle sera présente aux audiences mais que cette dernière n’a pas les moyens de régler la somme réclamée, demandez une diminution du montant de la caution en argumentant que son incapacité à payer la somme réclamée n’est pas une raison suffisante pour la garder en détention. Vous devez souligner que même si elle n’a pas les ressources financières nécessaires, elle ne risque pas de prendre la fuite et qu’elle est disposée à se présenter aux autorités aussi fréquemment que nécessaire afin de prouver qu’elle se trouve toujours dans la juridiction de la cour.

Si la procédure le permet, demandez de faire appeler des témoins pour contester les preuves de l’accusation et pour attester que la personne que vous défendez ne représente pas une menace ou qu’elle ne risque pas de prendre la fuite. Ses proches ou des membres de son entourage, tels que la personne qui l’emploie ou toute personne ayant travaillé avec elle, peuvent, si la·le juge accepte votre demande, témoigner. Si le ministère public fait appel à des témoins, et que vous y êtes autorisé·e·s, posez-leur des questions.

Si la·le juge décide de ne pas placer la personne que vous défendez en détention provisoire, mais de la placer sous contrôle judiciaire, assurez-vous que cette dernière ait bien compris toutes les conditions énoncées avant d’être remise en liberté, afin d’éviter qu’elle ne soit de nouveau arrêtée.

 

C.  Droit à une nouvelle demande de mise en liberté

La décision de placement en détention dans l’attente du procès est par nature provisoire, et vous pouvez donc à tout moment solliciter la mise en liberté de la personne détenue qui n’est pas encore passée en jugement ou qui a intenté un recours à l’encontre de la condamnation (appel, opposition, pourvoi en cassation).

 

Si votre demande de mise en liberté est rejetée, vous avez le droit de faire appel contre cette décision de rejet. Si vous décidez de faire appel, il vous faudra convaincre la·le juge que les conditions légales de la détention provisoire ne sont pas ou plus remplies (voir II. B) ou que le dossier de la personne que vous défendez et sa personnalité imposent désormais la mise en liberté.

 

D. Droit à la libération immédiate en cas d’arrestation arbitraire ou de détention illégale

En cas d’arrestation arbitraire ou de détention illégale, vous devez user de tous les moyens légaux afin que la personne que vous défendez recouvre sa liberté. Il vous faudra faire preuve de créativité et de ténacité, car bien que le droit international et la plupart des législations nationales interdisent la détention arbitraire, il est parfois difficile de faire entendre les droits des personnes détenues.

Les recours disponibles varient d’une juridiction à l’autre. Saisissez par exemple la·le procureur ou une autre autorité compétente afin de dénoncer les irrégularités qui ont émaillé l’arrestation et la détention de la personne que vous défendez, et exigez qu’elle soit remise en liberté immédiatement.

Si cette démarche n’aboutit pas, il se peut que vous puissiez introduire une requête en libération devant la juridiction compétente, ou toute autre procédure disponible permettant la libération des personnes injustement ou illégalement arrêtées ou détenues. Il s’agit dans certaines juridictions de la procédure de contrôle de la régularité de la détention. Au Cameroun, celle-ci est appelée procédure d’habeas corpus. Ces décisions sont susceptibles d’appel.

Votre requête en libération immédiate devra contenir :

  • L’identité de la personne arrêtée ou détenue;
  • L’indication du lieu de l’arrestation ou de la détention; et
  • L’exposé des faits constitutifs de l’arbitraire ou de l’illégalité.

Si vous ne parvenez pas à obtenir gain de cause devant les autorités nationales, réfléchissez à une stratégie internationale, et notamment à saisir le Groupe de travail sur la détention arbitraire des Nations unies (voir chapitre 9).

 

Exemple de réussite (Tunisie)

  • En Tunisie, dans l’affaire Lajili[85] les avocats ont saisi le Groupe de travail sur la détention arbitraire, car leur client était détenu illégalement dans l’attente de son procès. Bien que le client ne risquât pas la peine capitale, les principes applicables étaient les mêmes que pour une affaire de peine de mort. Le Groupe de travail a constaté la violation de plusieurs droits de la défense, y compris le droit de la personne accusée à être assistée par son avocat·e pendant son interrogatoire, droit protégé par l’article 14(3)(d) du PIDCP. Le gouvernement tunisien n’avait pas apporté de preuve pour démontrer que la personne accusée avait renoncé à ce droit. D’autre part, l’État n’a pas justifié des raisons de l’arrestation de M. Lajili et a ainsi violé l’article 9 du PIDCP qui impose à l’État de produire un mandat d’arrêt pour justifier l’arrestation et la détention subséquente d’une personne. De plus, la durée de la détention provisoire de M. Lajili avait dépassé les délais prescrits. Le Groupe de travail a également dénoncé la violation de l’Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des personnes détenues en raison des mauvais traitements subis par M. Lajili, et notamment de la mauvaise prise en charge de son état de santé défaillant. Le Groupe de travail en a conclu que la privation continue de liberté de M. Lajili était arbitraire en ce qu’elle était contraire aux articles 9 et 10 de la Déclaration universelle des droits de l’homme et aux articles 9 et 14 du PIDCP et a demandé au gouvernement de le libérer immédiatement. Le gouvernement n’a tout d’abord pas coopéré, mais M. Lajili a finalement été libéré.

– Nédra Ben Hamida, Avocate tunisienne.

 

Chapitre 4 : Les devoirs de l’avocat·e lors de l’instruction

 

I.  Votre rôle actif lors de l’instruction

 

A.  Qui est responsable de l’enquête ?

 

Dans les juridictions de tradition civiliste, la procédure est majoritairement inquisitoire lors de la phase d’enquête, ce qui signifie que le devoir d’investigation est principalement attribué à un·e magistrat·e. Ainsi, la·le juge d’instruction a pour mission d’enquêter sur l’affaire qui lui est soumise et a le pouvoir de faire tout acte utile à la manifestation de la vérité. Elle·il doit instruire à charge et à décharge.

Pour autant, cela ne signifie pas que vous n’avez pas de responsabilités à ce stade et que vous ne puissiez pas prendre part à l’enquête. Au Mali comme en France, par exemple, même si le système pénal repose sur la direction de l’enquête criminelle par un·e juge d’instruction, une personne accusée peut rassembler des preuves et demander à la·au juge d’effectuer des recherches dans son intérêt[86]. Elle peut notamment lui demander de convoquer des témoins, de les entendre, de désigner des personnes ayant une expertise particulière et de leur confier une mission d’ordre technique (expertise médicale, graphologique, recherche d’ADN, expertise balistique etc.).

Vous avez la responsabilité de mener des recherches, quel que soit le système juridique dans lequel vous exercez. Vous devez vous assurez que l’enquête ne porte pas uniquement sur les éléments à charge, mais également sur les éléments à décharge qui pourraient innocenter ou réduire la peine de la personne que vous défendez. Si la·le juge d’instruction ne remplit pas sa mission d’instruire à décharge, vous devez faire des demandes d’actes en ce sens, ou à défaut effectuer des recherches vous-même. Si vous ne faites pas de recherches approfondies, vous encourez plus de risques de voir la personne que vous défendez condamnée à la peine de mort.

En pratique, il est fréquent que la·le juge d’instruction lors de son enquête se contente de savoir si les charges imputées à la personne inculpée sont avérées ou non. Si oui, elle·il la renvoie devant une juridiction de jugement sans enquêter sur d’éventuelles circonstances atténuantes. Votre rôle ne se cantonne donc pas seulement à assister la personne que vous défendez. Une défense efficace requiert de la proactivité afin de trouver et mettre en lumière des preuves à décharge et des circonstances atténuantes, tout en veillant à ce que ses droits soient scrupuleusement respectés.

 

B. Développer une stratégie

Pour chaque nouvelle affaire, il vous faut dès le stade de l’instruction développer une stratégie sur mesure, selon notamment les circonstances de l’affaire, les preuves, et la personnalité de la personne accusée (voir également chapitre 6). Faire des recherches permet souvent de trouver des failles dans le dossier de l’accusation et de préparer une stratégie de défense efficace. Afin de persuader la·le juge ou le jury de ne pas condamner à mort la personne accusée, il vous faut essayer de rassembler des preuves de son innocence, mais aussi des preuves atténuant sa responsabilité, ou des preuves en faveur de l’application de circonstances atténuantes. Enfin, il est nécessaire que vous fassiez des recherches sur la personne que vous défendez pour déterminer si elle est « éligible » ou non à la peine de mort, c’est-à-dire si elle fait partie ou non des catégories de personnes qui sont protégées et ne peuvent pas être exécutées. En outre, même lorsqu’une personne ne fait pas partie des catégories de personnes protégées, les tribunaux de nombreux pays ont reconnu que les juges et les membres du jury devaient se pencher de façon minutieuse sur la situation personnelle de la personne accusée avant de décider si sa culpabilité était suffisante pour mériter la peine capitale[87].

Ces évolutions légales et jurisprudentielles constituent une opportunité de soutenir qu’une condamnation à mort est illégale ou injustifiée selon les circonstances de la personne accusée et d’exhorter la cour à faire preuve d’indulgence et de compassion à son égard. Cependant, afin de pouvoir tirer profit au maximum de ces possibilités, il vous faudra faire des recherches approfondies auprès de la personne que vous défendez, de son environnement social, faire des demandes d’actes à la·au juge d’instruction etc.

Réfléchissez également dès ce stade à une éventuelle stratégie internationale et à une stratégie médiatique. Gardez à l’esprit qu’au stade de l’instruction, le secret de l’instruction vous est applicable et que vous ne pouvez donc pas révéler aux médias le contenu du dossier.

 

C. Assister aux interrogatoires et aux confrontations

Vous devez assister la personne accusée lors des interrogatoires et des confrontations menées par la·le juge d’instruction. Rappelez-lui son droit de garder le silence. Si elle souhaite répondre aux questions ou faire des déclarations, aidez-la à se préparer en lui rappelant ses déclarations et celles des témoins.

La·le juge d’instruction dirige les interrogatoires et les confrontations, mais vous pouvez faire des observations et poser des questions pour éclairer des points qui n’auraient pas été couverts.

Afin de pouvoir défendre la personne accusée, il vous faudra prendre connaissance de son dossier. Une fois que votre constitution en tant qu’avocat·e a eu lieu, vous avez droit à avoir accès au dossier avant que la personne accusée ne soit interrogée. Si cela est possible, demandez une copie du dossier que vous pourrez emporter avec vous. En effet, le dossier peut être très long et vous pourriez ne pas avoir le temps d’en prendre connaissance et d’analyser toutes les pièces pendant le temps qui vous est accordé pour le consulter.

 

D. Faire des demandes d’actes à la·au juge d’instruction

 

Afin d’aider à la manifestation de la vérité et de défendre les intérêts de la personne que vous défendez, vous pouvez faire des demandes d’actes à la·au juge d’instruction qui peut y faire droit, ou rejeter la demande. Sa décision doit toutefois être motivée et est susceptible d’appel (voir ci-dessous). Vous pouvez ainsi orienter le cours des investigations au cas où la·le juge omettrait d’enquêter sur certains aspects.

Quels types de demandes d’actes pouvez-vous faire ?

  • Demandes d’audition de témoins;
  • Demande de confrontation;
  • Demande de transport sur les lieux;
  • Demande d’examen médical, médico-psychologique et psychiatrique;
  • Demande de désignation d’une personne experte;
  • Demande de contre-expertise ou de complément d’expertise;
  • Demande d’effectuer une enquête de personnalité ou une enquête sociale;
  • Demande d’obtention des factures de téléphone auprès des opérateurs téléphoniques; et
  • Demande de production de tout autre pièce utile à l’information (par exemple, une vidéosurveillance).

Vous devez étudier le dossier tout au long de l’enquête préliminaire et réclamer qu’un point soit examiné si vous avez le sentiment que c’est dans l’intérêt de la personne que vous défendez. Votre demande doit être écrite et motivée pour obliger la·le juge d’instruction à y répondre par une décision également motivée. Indiquez de manière précise l’objet de votre demande. Par exemple si vous demandez à ce que des témoins soit entendu·e·s, il vous faut décliner leur identité. La·le juge doit traiter vos requêtes; tout refus de sa part peut donner lieu à un recours.

 

E. Faire appel des décisions de la·du juge d’instruction

Il est possible de contester les actes de la·du juge d’instruction, ce qui vous permet de surveiller le bon déroulement de l’instruction. En effet, si la·le juge d’instruction refuse votre demande d’acte ou si la procédure n’est pas respectée, il existe dans certains pays un double degré d’instruction[88] vous permettant de faire appel des décisions et ordonnances rendues et de soulever des nullités de procédure. Le contrôle exercé par la chambre de l’instruction dépend des requêtes que vous déposerez. Vous avez donc un rôle actif à jouer pour mettre en lumière les actes de l’instruction qui seraient contraires aux droits de la personne que vous défendez. Vous pouvez par exemple contester le refus de désigner un·e expert·e ou invoquer la nullité d’une perquisition etc. La chambre de l’instruction peut être amenée à refaire ou compléter l’instruction.

 

II.  Comment collaborer avec l’instruction à la recherche d’information ?

 

Il arrive parfois que la·le juge d’instruction ne recherche pas de preuves à décharge lors de son enquête. Vous devez donc contribuer à la recherche d’information et vous assurer que les preuves à décharge sont prises en compte. En plus de lui demander de procéder à des actes, tel que faire auditionner des témoins qui peuvent confirmer l’alibi de la personne accusée ou ordonner une expertise qui peut montrer qu’elle souffre d’un trouble mental, vous pouvez faire des recherches de votre côté et présenter des preuves à la·au juge d’instruction qui pourra décider de les ajouter au dossier.

Soyez prudent·e! Vous ne pouvez pas vous arrogez les pouvoirs de la·du juge d’instruction ou supplanter la police et ne pouvez donc pas faire de perquisitions, saisies, auditions, interrogatoires etc. Vous pouvez cependant faire des recherches avec des moyens ordinaires, comme toute personne, en posant, avec précaution, des questions à des personnes pour rassembler des renseignements sur les circonstances du crime, ou en vous entretenant avec la famille et l’entourage de la personne accusée pour, par exemple, vous familiariser avec sa personnalité. Ces informations vous aideront à définir votre stratégie. Il est important que vous documentiez vos démarches afin de vous protéger contre d’éventuelles allégations de subornation de témoins ou d’entrave à l’enquête, ou afin d’avoir des personnes pouvant témoigner contre ces allégations.

Si vous exercez dans un pays n’ayant que peu de ressources, il vous faudra peut-être trouver des moyens inventifs pour faire des recherches. Dans certains pays, par exemple, les assistant·e·s juridiques ayant reçu une formation adéquate peuvent vous aider à accomplir un certain nombre de tâches nécessaires à la préparation d’une affaire.

 

A. Quand faut-il débuter vos recherches ?

 

Vous devez commencer à faire des recherches le plus tôt possible, idéalement peu de temps après l’arrestation de la personne que vous défendez. D’importantes preuves pourraient ne plus être accessibles si vous remettez vos recherches à plus tard.

Vous devez également commencer à rassembler des preuves qui militent en faveur de circonstances atténuantes dès le début de la procédure, par exemple en faisant des recherches sur l’arrière-plan familial, socio-économique, et médical de la personne accusée. Dans les pays où la peine de mort n’est pas obligatoire, le parquet peut choisir de ne pas requérir la peine de mort quand bien même la personne accusée serait reconnue coupable. Rassembler de telles preuves peut donc permettre de persuader la cour que la peine capitale n’est pas méritée.

  

Exemple de réussite

L’affaire Shabbir Zaib (Pakistan)

  • Shabbir Zaib, un homme ayant la double nationalité britannique et pakistanaise, a été accusé du meurtre de sa femme en 2009. Sa femme avait été tuée au cours d’une intrusion dans son domicile par un gang de criminels (connus sous le nom de « dacoity » au Pakistan). Les cambrioleurs sont entrés chez eux, ont attaché Shabbir et sa famille, et lorsque sa femme a refusé de se taire, ils l’ont tuée en lui tirant une balle dans la tête. Peu après cet incident, la belle-mère de Shabbir changea (sur ordre de ses fils) la déclaration initiale qu’elle avait faite à la police et accusa Shabbir d’avoir tiré sur sa femme.
  • Ayant la double nationalité, Shabbir était considéré comme une personne relativement aisée dans son village et, comme la plupart des ressortissants étrangers d’origine pakistanaise n’ayant aucun véritable lien avec la communauté ou la police, il fut une cible d’extorsion facile. En faisant porter les soupçons sur Shabbir pour le meurtre de sa femme, sa belle-famille cherchait à prendre le contrôle de sa propriété.
  • Grâce à nos recherches actives sur l’affaire et nos entretiens avec les personnes qui y étaient liées, nous avons pu mettre à jour la vérité. Au fur et à mesure de nos voyages dans le village, le bruit s’est répandu que l’équipe en charge de la défense de Shabbir posait de nombreuses questions. Peu de temps après, les témoins de l’accusation commencèrent tellement à craindre que la vérité n’éclate et qu’ils soient jugés coupables de parjure, qu’ils choisirent de retirer leurs déclarations accusant Shabbir de meurtre et de résoudre l’affaire selon la Shariah.
  • Cette affaire démontre comment des recherches rigoureuses peuvent renverser la situation en faveur de la personne accusée et finalement conduire à son acquittement.

– Sarah Belal, Directrice, Justice Project Pakistan

 

B.  Quels éléments devez-vous contrôler lors de l’instruction ?

 

Il faut que vous enquêtiez non seulement sur les faits relatifs à la culpabilité de la personne dont vous assurez la défense, mais aussi sur les éléments pouvant jouer un rôle lors de la détermination de la peine dans le cas où elle serait reconnue coupable. En effet, les recherches sur les preuves à décharge et les circonstances atténuantes sont des éléments cruciaux de votre travail dans un procès où la personne que vous défendez risque la peine capitale. Cela vous permet de fournir à la cour des éléments pouvant faire pencher la balance de votre côté face à des circonstances aggravantes.

Le développement d’une relation de confiance avec la personne que vous défendez vous permettra de récolter plus facilement ces informations. Les circonstances atténuantes concernent tout renseignement au sujet de la personnalité et du passé de la personne accusée pouvant servir à persuader la cour que cette dernière ne devrait pas être condamnée à mort. Cela inclut des preuves de son impulsivité, d’une altération de son jugement, de déficience intellectuelle ou de retard de développement psychomoteur, d’antécédents d’abus sexuels ou physiques, de dépendance à des substances, de son jeune âge, de sa pauvreté et son influençabilité, et de sa capacité à s’adapter en milieu carcéral (voir chapitre 7).[89]

 

  1.  Les éléments constitutifs du crime

 

Vous devez mener des recherches sur le crime principal ainsi que sur les autres infractions ou faits en rapport avec ce crime. En effet, dans certaines affaires, si une personne est reconnue coupable d’une infraction, telle qu’un viol ou un cambriolage, cela pourrait conduire à une condamnation à mort.

 

a. Les témoins à charge

Au cours de votre recherche sur les faits reprochés, vous devez vous pencher sur les témoins à charge. Vous pouvez demander à la·au juge d’instruction de poser des questions spécifiques aux témoins à charge. Renseignez-vous sur le milieu dont les témoins viennent et sur leur relation avec la personne accusée. Votre recherche devrait particulièrement porter, entre autres, sur les aspects suivants :

  • Est-ce que les personnes amenées à témoigner étaient présentes au moment de la commission du crime ou leur témoignage est-il uniquement fondé sur des ouï-dire ?
  • Comment ont-elles pu observer ce qui était en train de se produire ? Y a-t-il des raisons de remettre en doute la fiabilité de leurs observations ? Étaient-elles, par exemple, sous l’emprise d’une substance quelconque; les conditions d’éclairage ou de visibilité étaient-elles mauvaises ?
  • Pourraient-elles manquer d’objectivité vis-à-vis de la personne accusée ? En effet, les personnes amenées à témoigner qui sont impliquées dans le crime peuvent avoir tout intérêt à faire reposer l’entière responsabilité sur les autres afin de se dédouaner complètement.
  • Est-ce-que leurs déclarations étaient sincères ? La police ou d’autres personnes les ont-elles poussés à faire une déclaration particulière ?
  • Avaient-elles une raison quelconque de faire un faux témoignage ? Par exemple, si elles sont elles-mêmes suspectées ou accusées, leur a-t-on offert une peine moins lourde ou d’autres avantages en échange d’informations « utiles » ? Y a-t-il eu par le passé des tensions entre elles et la personne accusée?

 

b. Les témoins à décharge

Vous devez par ailleurs essayer de trouver des témoins qui pourront contester la version des faits décrite par l’accusation, corroborer le récit de la personne que vous défendez, ou apporter un éclairage utile à l’affaire. Par exemple, si la personne accusée a déclaré avoir agi en état de légitime défense, vous devez déterminer si des témoins pourraient attester du comportement agressif de la « victime ». De même, si la personne accusée affirme avoir un alibi (c’est-à-dire qu’elle se trouvait dans un autre lieu au moment des faits reprochés), il est essentiel que vous localisiez des personnes susceptibles de confirmer ses propos.

Par ailleurs, si les preuves de moralité sont admissibles au sein de votre juridiction et que vous pensez que présenter de telles preuves pourrait vous être utile, essayez de trouver des personnes pouvant témoigner de la bonne moralité de la personne accusée. Gardez à l’esprit que les preuves de moralité ne doivent être utilisées qu’avec une extrême vigilance. Dans certaines juridictions, la présentation de preuves soulignant la moralité de la personne accusée autorise l’accusation à répondre en présentant des preuves de son immoralité.

c. Le recours aux preuves scientifiques et médico-légales

Si la·le juge d’instruction n’a pas fait recours aux preuves scientifiques ou médico-légales, et que vous pensez qu’il est dans l’intérêt de la personne accusée de le faire, demandez à la cour de faire procéder à des analyses de sang ou ADN, à une autopsie etc. qui pourraient confirmer la thèse de la personne accusée.

Faites toutefois preuve de vigilance car les personnes accusées sont bien trop souvent condamnées sur la base de preuves scientifiques et médico-légales erronées ou de témoignages de personnes dites « expertes » douteux. Aux États-Unis par exemple, des condamnations ont été annulées en raison du manque de fiabilité d’éléments de preuve essentiels, tel que les comparaisons de cheveux et de marques de morsure, ou des prédictions de personnes dites « expertes » sur la probabilité qu’une personne accusée commette un autre meurtre en se fondant seulement sur la lecture d’un dossier ou après un court entretien avec cette dernière[90]. Au Soudan, certaines condamnations ont été obtenues presque uniquement grâce à des empreintes de pied censées correspondre à celles de la personne accusée[91].

Afin d’éviter des condamnations ne reposant que sur des preuves minces ou incertaines, vous devez contrôler la fiabilité des preuves à charge. Si l’accusation cherche à présenter des preuves médico-légales, renseignez-vous sur les qualifications des personnes « expertes » désignées. Disposent-elles des qualifications requises pour évaluer les preuves ? Vérifiez également si les preuves ont été testées de façon adéquate en ayant recours à la meilleure technologie disponible ou si d’autres analyses médico-légales sont possibles. Vous serez peut-être en mesure d’avancer l’argument que des défaillances liées à la préservation des preuves ou aux examens menés les rendent peu fiables. Vous pouvez également demander à la·au juge d’instruction une contre-expertise des preuves.

d. Les causes de la mort

Dans les affaires d’homicide, demandez à voir le rapport de l’examen post-mortem de la victime (aussi appelé « autopsie ») afin de pouvoir analyser les causes du décès. Si un examen post-mortem n’a pas été effectué, demandez à la·au juge à ce qu’une personne experte dans ce domaine soit désignée pour faire un examen des causes de la mort. Ce rapport peut révéler des informations cruciales : la victime pourrait par exemple être morte de causes naturelles ! Prêtez une attention toute particulière aux détails du rapport, tels que les emplacements des blessures. Lorsque les témoins décriront leur version des faits ayant conduit au décès de la victime, vous aurez peut-être la possibilité de contester leurs dires en soulignant les incohérences entre leur récit et le rapport post-mortem. Ces informations pourraient également vous aider à préparer votre plaidoirie. Enfin, vous devez vous renseignez sur les qualifications de la personne ayant effectué l’examen post-mortem, car vous pourriez trouver matière à attaquer la fiabilité de ses conclusions.

 

  1. Les évènements liés à l’arrestation

 

a. Vérifier la régularité de la procédure et la véracité du contenu des procès-verbaux

Il est fréquent que les personnes suspectées d’avoir commis un crime fassent des déclarations à la police lors de leur arrestation. Votre travail consiste à déterminer si les déclarations de la personne que vous défendez ont été faites librement, de son plein gré et conformément aux lois en vigueur, à la constitution, ainsi qu’au droit international des droits des personnes.

Prêtez une attention particulière à la possibilité que des déclarations aient été obtenues sous la contrainte physique ou psychologique. Si la personne que vous défendez a signé une déclaration, assurez-vous qu’elle savait réellement ce qu’elle contenait. Lui a-t-on donné le temps de lire la déclaration ? Avait-elle le niveau d’instruction nécessaire pour la comprendre ? Était-ce écrit dans sa langue maternelle ?

Si une personne accusée souffre d’un trouble mental ou de tout autre handicap, elle a pu subir l’influence d’autres personnes et pourrait avoir été plus à-même à confesser un crime. Des études ont montré que les personnes présentant des troubles mentaux sont particulièrement enclines à faire de faux aveux. Il est possible que ces personnes ne comprennent pas qu’elles ont le droit de garder le silence et de faire appel à un·e avocat·e. La police peut aisément les orienter dans leur récit des évènements et leur suggérer des réponses qui les incrimineraient. Passer en revue les procès-verbaux des auditions des forces de l’ordre peut révéler que la personne que vous défendez ne faisait que répéter les informations que lui donnaient la police.

Un aveu peut également avoir été obtenu sous la contrainte, par le biais notamment de sévices physiques, de pressions ou de menaces. Dans certains pays comme au Niger, la loi exige qu’au moment de son déferrement une personne ayant été placée en garde à vue soit examinée par un·e médecin et reçoive un certificat médical attestant qu’elle n’a pas subi des sévices. Si vous soupçonnez que la personne que vous défendez s’est faite malmener durant sa garde à vue, quelle que soit la législation de votre pays, demandez à ce qu’elle bénéficie d’un examen médical afin de documenter les éventuels abus, mauvais traitements ou torture qu’elle aurait subis. Il se peut qu’elle ait fait des déclarations alors qu’elle était très affaiblie, car elle n’avait pas reçu de nourriture ou le traitement médical dont elle avait besoin et n’a donc pas su résister à la pression exercée par la police. Il se peut également qu’elle ait eu peur pour la sécurité de sa famille. Des déclarations recueillies dans de telles conditions ne sont pas volontaires et doivent être contestées.

 

b. Demander l’exclusion d’aveux et de preuves

En droit pénal la preuve est libre. Cependant, soyez prêt·e à demander l’exclusion des preuves « douteuses » ayant été obtenues en violation des droits de la défense de la personne accusée ou par la torture ou des traitements inhumains ou dégradants. Dans ces cas, la règle d’exclusion s’applique. De telles preuves sont irrecevables devant les juridictions des pays africains qui ont ratifié la Convention des Nations unies contre la torture, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ou la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples[92]. Dans de nombreux pays, la constitution nationale interdit aussi l’utilisation de telles preuves. De la même façon, aux États Unis, de telles preuves sont soumises à la règle d’exclusion, ce qui signifie qu’elles ne peuvent pas être utilisées lors du procès.

 

  1. Les causes d’irresponsabilité ou d’atténuation de la responsabilité

 

Vous devez réfléchir à toutes les défenses que la personne accusée pourrait avoir face au crime qui lui est reproché[93]. Les causes pouvant annuler ou atténuer sa responsabilité incluent notamment la légitime défense et les troubles abolissant ou altérant le discernement.

a. Légitime défense

De manière générale, toute personne craignant pour sa sécurité ou celle d’un tiers est autorisée à avoir recours à la force face à une personne qui l’assaille. Si la personne dont vous assurez la défense affirme avoir commis un homicide en état de légitime défense, vous devez vous efforcer de prouver que sa peur de la victime était raisonnable. Repassez scrupuleusement en revue les raisons pour lesquelles elle se croyait en danger. Essayez de trouver des témoins ayant assisté à la confrontation pouvant attester de son récit. Il se peut que vous soyez autorisés à présenter des preuves confirmant que la victime était connue pour son comportement violent, ce qui vous aidera à démontrer que la peur de la personne accusée était justifiée.

 

Exemple de réussite

 Gagner un procès grâce à vos recherches (Malawi)

  • Dans une affaire de meurtre au Malawi, une équipe de juristes a pu corroborer grâce à ses recherches les affirmations de leur client qui disait s’être trouvé dans une situation de légitime défense. En effet, aucun des rapports de police n’indiquait que l’accusé avait agi pour se défendre et cette information n’avait pas été intégrée à la déclaration faite par l’accusé aux forces de l’ordre. Néanmoins, l’accusé insistait sur le fait qu’il avait été attaqué par la victime. Il jurait que lors de son arrestation, il avait des entailles à l’arrière de son crâne et de ses bras et a montré ses cicatrices à ses avocats.
  • Armés de cette information, les avocats se sont lancés à la recherche de l’officier de police qui avait arrêté leur client. Un des assistants juridiques connaissait l’officier et l’a localisé à un barrage routier. Les juristes se sont entretenus avec le policier qui a confirmé qu’au moment de son arrestation l’accusé avait d’importantes et profondes blessures.
  • Lors du procès, l’officier de police a été forcé de reconnaître la vérité à propos des blessures de l’accusé et ce dernier a également témoigné pour sa propre défense. Après avoir entendu toutes les preuves, la cour a finalement acquitté l’accusé de toutes les charges retenues contre lui.

 

b. Démence et troubles abolissant le discernement

Les conditions requises pour plaider la démence (aussi appelée « aliénation mentale » ou « trouble abolissant le discernement ») varient selon les juridictions. De manière générale, vous devez prouver non seulement que la personne que vous défendez souffre de troubles mentaux (aussi appelés « troubles psychiques ou neuropsychiques »), mais aussi qu’au moment du crime elle était incapable de distinguer le bien du mal ou de contrôler ses réactions, et que ce trouble mental avait aboli son discernement. Même si la personne accusée ne souffre pas d’un trouble mental de façon permanente, il se peut qu’elle ait eu un épisode psychotique l’ayant déconnecté de la réalité ou qu’elle ait agi sous l’influence de substances intoxicantes administrées involontairement ayant aboli son discernement.

c. Déficience intellectuelle et troubles altérant le discernement

Bien qu’une défense plaidant la démence soit rarement couronnée de succès, il vous sera peut-être possible de soutenir que la personne accusée a commis le crime alors que ses capacités intellectuelles étaient altérées. Cet argument ne représente généralement pas l’intégralité de la défense, mais peut être reconnu comme circonstance atténuante. S’il est présenté de manière convaincante, la gravité des charges retenues contre la personne accusée et la peine prononcée peuvent ainsi être réduites.

 

Vous devez vous penchez sur les différentes raisons pour lesquelles les capacités de la personne que vous défendez auraient pu être amoindries au moment des faits. Un trouble mental ou une déficience mentale peuvent affecter le jugement et le comportement d’une personne, même lorsqu’elles ne correspondent pas à l’acception juridique de « démence ». Le fait d’être sous l’emprise d’une substance quelconque s’avère être un autre facteur important pouvant conduire à une condamnation moins sévère dans certaines juridictions. Enfin, vous serez peut-être en mesure d’affirmer que la personne accusée n’était pas entièrement responsable de ses actes parce qu’elle a été provoquée ou ressentait un stress immense, voire une émotion ou un désespoir intense au moment du crime.

 

  1. Les antécédents criminels

Si la personne que vous défendez a des antécédents criminels inscrits dans son casier judiciaire, l’accusation cherchera peut-être à les utiliser afin de plaider en faveur d’une condamnation à mort. Vous devez étudier ces infractions antérieures et être prêt à expliquer sa conduite et à réfuter les arguments affirmant qu’elle est incapable de changer.

 

  1. L’éligibilité à la peine capitale

Les développements juridiques survenus dans de nombreux pays au cours de la dernière décennie rendent les recherches sur les circonstances personnelles de la personne accusée et son éligibilité à la peine capitale plus importantes que jamais. Le recours à la peine capitale est en diminution à travers le monde. Différentes catégories de personnes sont devenues inéligibles à la peine de mort, notamment les personnes atteintes de troubles mentaux, les femmes enceintes et les personnes de moins de 18 ans au moment des faits[94]. Les instances internationales appellent les États qui maintiennent la peine de mort à ne pas exécuter les personnes atteintes d’une quelconque forme de déficience mentale ou intellectuelle[95].

Vérifiez que la personne que vous défendez ne fait partie d’aucune des catégories la rendant inéligible à la peine de mort. Par exemple, vous devez vérifier son âge au moment des faits. Dans de nombreux pays, beaucoup d’individus ne possèdent pas d’actes de naissance et ne connaissent pas leur âge. Afin de déterminer son âge, il vous faudra peut-être parler avec ses parents, ses proches, ses professeur·e·s ou d’autres personnes qui pourraient se rappeler du mois et de l’année de sa naissance par rapport à d’autres événements, tels qu’une importante sécheresse, une élection ou le décès d’une éminente personnalité. Vous pouvez aussi demander à ce que soit réalisé un examen médical pour évaluer l’âge de la personne accusée (âge osseux etc.), bien qu’il s’agisse d’une science inexacte. Par ailleurs, vous pouvez soutenir qu’une grossesse[96] ou un âge avancé la rende inéligible à la peine de mort[97]. Pour davantage d’informations, référez-vous au chapitre 5 sur la défense des personnes vulnérables.

 

  1. Les circonstances atténuantes

Les circonstances atténuantes sont présentées de façon à humaniser la personne accusée et à expliquer son comportement au jury ou à la·au juge. En présentant de telles preuves, votre objectif n’est pas d’excuser le crime commis par la personne accusée mais plutôt de susciter de la compassion, de montrer qu’elle n’est pas aussi coupable qu’il n’y parait et qu’elle mérite une peine moins lourde. Les circonstances atténuantes peuvent inclure tous les aspects de la personnalité de la personne accusée, ses origines, son histoire familiale, socio-économique et médicale pouvant militer en faveur d’une peine plus légère que la peine capitale, telles que sa fragilité d’esprit, sa capacité à se repentir, le fait qu’elle ne représente pas de danger futur ainsi que ses qualités ou bonnes actions. Dans la mesure où les circonstances atténuantes représentent un aspect essentiel de la défense dans une affaire susceptible d’emporter la peine capitale, le chapitre 7 explique plus en détails comment les utiliser et les présenter.

 

C.  Les sources d’information

Pour mener vos recherches, il vous faudra en tout état de cause puiser dans diverses sources d’informations, à commencer par la personne que vous défendez. Vous devrez vous tourner vers différentes personnes de son entourage, de potentiels témoins, des expert·e·s, etc. Lors de vos échanges, vous êtes libre de récolter des informations, mais gardez-vous de divulguer des informations sous le secret de l’instruction et veillez à ce que la personne à qui vous posez des questions n’a pas déjà la qualité de témoin dans le cadre de l’enquête du juge d’instruction. Il vous faudra également prendre garde à ne pas vous faire accuser de subornation de témoin, et il peut donc être utile de documenter vos entretiens afin que vous ayez la preuve que vous n’avez pas essayé d’influencer de potentiels témoins.

  1. Le rôle de la personne accusée lors de l’instruction

La personne que vous défendez sera vraisemblablement le point de départ de vos recherches et sera peut-être en mesure de vous aider à identifier des témoins et sources qui pourront vous aider à trouver des preuves à décharge et des circonstances atténuantes.

Développer une relation de confiance avec la personne que vous défendez dans une affaire de peine capitale peut s’avérer laborieux. Les personnes accusées hésitent souvent à faire certaines révélations à leur avocat·e, même lorsque celles-ci pourraient être utilisées comme circonstances atténuantes. Beaucoup de personnes accusées encourant la peine de mort souffrent d’anxiété, de dépression, de troubles mentaux, de troubles de la personnalité ou de déficience intellectuelle ayant une incidence sur leur façon de communiquer. Cela peut empêcher le développement d’une relation de confiance ou la rendre difficile. Des troubles psychiatriques peuvent, par exemple, susciter un sentiment de gêne. Une personne accusée pourrait être réticente à partager des informations la dépeignant comme souffrant de « folie ». De même, elle pourrait éprouver de la honte et hésiter à parler des mauvais traitements physiques ou psychologiques que des proches lui auraient infligés au cours de son enfance ou dans le cadre de son mariage[98].

Néanmoins, bon nombre de personnes accusées partageront des informations douloureuses en réponse à vos efforts continus pour tisser un lien fort avec elles. Vous devrez peut-être vous entretenir plusieurs fois avec elles avant qu’elles ne soient suffisamment à l’aise pour divulguer des informations pouvant constituer des circonstances atténuantes essentielles. La personne que vous défendez peut être réticente à dévoiler les détails de mauvais traitements qu’elle a subis et vous ne devez donc pas vous attendre à ce qu’elle vous les révèle spontanément. Vous devez lui poser des questions factuelles qui vous aideront à déterminer sur quels thèmes bâtir votre stratégie relative aux circonstances atténuantes. Prêtez attention aux signes de déficience intellectuelle, comme lorsqu’elle semble avoir des difficultés à comprendre sa situation ou à communiquer des détails.

 

Conseil pratique

Comment détecter si la personne que vous défendez souffre d’un trouble mental ?

Les questions que vous poserez varieront selon le contexte culturel et son niveau d’éducation. Voici quelques exemples de questions à poser :

  • A-t-elle déjà été blessée à la tête ?
  • A-t-elle déjà eu un accident ?
  • A-t-elle déjà perdu connaissance ?
  • A-t-elle déjà été hospitalisée ?
  • A-t-elle déjà eu recours à une personne prodiguant des soins « traditionnels » pour quelque raison que ce soit ?
  • Lui a-t-on déjà prescrit des remèdes traditionnels pour quelque maladie que ce soit ?
  • A-t-elle déjà été victime des convulsions ?
  • A-t-elle déjà vécu des moments durant lesquels elle perdait toute notion du temps et « se réveillait » plus tard ?
  • A-t-elle déjà eu des accès de fureur inexplicables ?
  • S’est-elle déjà sentie possédée ou « ensorcelée » ?
  • Y a-t-il des personnes dans sa famille souffrant de problèmes mentaux ?
  • Lui a-t-on déjà prescrit des médicaments pour un problème mental quel qu’il soit ?

 

Prenez soin de ne pas vous reposer uniquement sur les informations que la personne que vous fournit. Vous devez étudier les faits indépendamment de ce qu’elle vous dit. Même si elle souhaite plaider coupable, vous devez mener une recherche approfondie. Sans une telle recherche, vous ne pouvez être certain·e qu’elle est apte et capable de prendre une décision éclairée sur sa défense[99].

Par ailleurs, vous ne pouvez pas que compter sur la personne accusée pour vous révéler tous les faits pouvant constituer une cause d’irresponsabilité ou une circonstance atténuante. En effet, la personne que vous défendez pourrait ne pas comprendre pourquoi certains aspects de sa vie personnelle auraient un impact sur sa condamnation. Il est possible qu’elle ne se souvienne pas ou soit incapable d’expliquer certains éléments cruciaux pour sa défense. Les personnes ayant souffert d’une blessure grave à la tête peuvent n’avoir que peu de souvenirs de cette blessure. Une personne aux capacités intellectuelles limitées ne sera peut-être pas en mesure de vous raconter son histoire personnelle. Gardez également à l’esprit qu’elle peut faire semblant de comprendre des choses alors qu’en réalité elle ne les comprend pas. En raison de ces difficultés, il vous faudra faire des recherches supplémentaires auprès de sa famille et de son entourage, et regarder ses dossiers scolaires et médicaux.

 

Surmonter les obstacles

Comment savoir à qui parler si les rapports de police n’identifient pas de témoins oculaires ?

  • Tout d’abord, vous devez vous entretenir avec la personne accusée. Il est possible qu’elle sache si quelqu’un a assisté à l’incident ayant conduit à sa détention.
  • Elle peut également vous fournir des informations essentielles concernant le manque d’objectivité des témoins susceptibles d’être appelé·e·s par le ministère public.
  • Si tant est que cela soit possible, essayez de vous rendre sur la scène de crime et de trouver quelqu’un ayant pu fréquenter cet endroit.
  • Demandez de l’aide aux personnes influentes de la communauté, tels que les responsables du village, des représentant·e·s des communautés religieuses etc. afin de localiser de potentiels témoins. Des proches peuvent également vous fournir de précieux renseignements sur de potentiels faits justificatifs, des causes d’irresponsabilité et d’atténuation de la responsabilité et des circonstances atténuantes qui pourraient remettre en cause la culpabilité de la personne accusée ou lui permettre d’obtenir une peine moins lourde.

 

  1. Les proches de la personne accusée

Si vous souhaitez faire des recherches sur les circonstances atténuantes entourant la commission du crime, mais aussi la personnalité de la personne accusée, il est indispensable de vous entretenir avec sa famille, à condition que ces personnes ne soient pas déjà des témoins dans le cadre de l’enquête du juge d’instruction. Il vous faudra peut-être rendre visite plusieurs fois aux membres de sa famille afin de les rassurer et de leur faire comprendre que révéler l’histoire intime de leur foyer ne fera porter le blâme à personne, mais pourrait au contraire contribuer à sauver la vie de la personne accusée[100]. À titre d’exemple, la mère de la personne accusée peut être réticente à admettre avoir bu de l’alcool pendant sa grossesse, or il pourrait s’agir d’une preuve cruciale que la personne accusée est atteinte du syndrome d’alcoolisation fœtale qui lui aurait causé des lésions cérébrales permanentes. Lors de vos visites, il est primordial que vous posiez des questions sur la santé mentale de la personne accusée et sur d’éventuels antécédents médicaux dans la famille.

Enfin, demandez aux membres de la famille quelles seraient pour eux les conséquences de l’exécution de la personne accusée et en quoi cela les affecterait négativement. Cela pourrait par la suite vous aider à convaincre la cour de faire preuve de compassion.

 

Exemples de réussite

Gagner un procès grâce à des recherches créatives

  • Navrikan Singh, un avocat indien, a défendu un client accusé d’avoir tué sa femme. Grâce à son enquête, Navrikan a découvert que plusieurs des parents de l’épouse s’étaient suicidés, ce qui confirmait sa thèse que celle-ci avait mis fin à ses jours. Il est parvenu, en discutant avec les membres de la famille, à les convaincre de lui remettre le journal intime de l’épouse, ce qui a permis de renforcer la thèse de la défense, à savoir que celle-ci s’était suicidée.
  • Pour trouver des témoins dans une affaire où l’accusé risquait la peine capitale, Yi Fan, un avocat taïwanais, a travaillé avec une famille qui réalisait des prospectus et les a distribués dans la rue.
  • Dans une affaire aux États-Unis impliquant un accusé mexicain, les avocats ont obtenu l’aide du consulat mexicain pour retrouver un témoin à l’aide de messages diffusés à la radio.
  • Dans une affaire au Malawi, une personne avait été identifiée par erreur puis arrêtée sous un autre nom. Les enquêteurs ont créé un panel de photos de différents prisonniers et l’ont apporté au village pour identifier le client qui avait été arrêté par erreur. Il a finalement été libéré de prison après avoir passé 11 ans dans le couloir de la mort pour un crime commis par quelqu’un d’autre.

 

  1. Autres proches et professionnel·le·s

Vous pouvez également rencontrer les proches de la personne que vous défendez, des membres du voisinage, les responsables du village, les membres du personnel enseignant, les membres du clergé, les responsables des activités sportives, ses collègues de travail, les membres du personnel médical, des travailleur·ses sociales·aux et thérapeutes etc (à nouveau, à condition que ces personnes ne soient pas déjà des témoins dans le cadre de l’enquête du juge d’instruction). Ces personnes seront peut-être en mesure de vous aider à compléter le récit de la vie de la personne accusée ou connaîtront parfois des détails que la famille et la personne intéressée ont été réticentes à divulguer. Il se peut qu’elles partagent des informations quant à des traumatismes, des épreuves ou des événements survenus dans la vie de la personne accusée prouvant qu’il s’agit d’une personne bienveillante, serviable et attentionnée.

 

Surmonter les obstacles

Que faire si les proches de la personne avec qui vous voulez vous entretenir refusent que vous discutiez en tête-à-tête ?

  • S’entretenir individuellement avec les proches de la personne que vous défendez est la meilleure façon de vous assurer que leurs déclarations ne soient pas influencées par les opinions d’autres membres de leur famille ou de leur communauté. Ceci est particulièrement important lorsque la victime présumée et les personnes que vous souhaitez rencontrer résident au sein de la même communauté ou que ces personnes habitent en zone rurale ou dans un village où les rumeurs sur le crime diffusent une version des faits qui ne coïncide pas forcément avec la réalité.
  • Il arrive parfois que les proches ne souhaitent pas s’entretenir en tête-à-tête avec vous, sans l’appui de leur famille ou leurs amis. Dans cette situation, montrez que vous comprenez leurs craintes et rassurez-les. Dans certaines cultures, il peut par exemple sembler déplacé qu’un homme reste seul avec une femme si celle-ci n’est ni son épouse, ni un parent proche. Dans ce cas, il serait judicieux que des personnes des deux genres participent aux recherches et rencontrent les témoins.
  • Si vous ne pouvez pas mener l’entretien sans qu’une personne tierce soit présente, essayez de limiter le nombre de personnes participant à l’entretien, d’autant plus si leur présence met la personne mal à l’aise ou la rend plus réticente à s’exprimer. Demandez également à ce que personne ne réponde pas à la place de votre interlocuteur·rice ni ne fasse de commentaire pouvant affecter ses déclarations.
  • Soyez prudent·e lorsque vous vous entretenez avec des proches de la personne que vous défendez; vous pourriez être accusé·e de vouloir les influencer s’ils sont appelés à être témoins de l’instruction. Si vous pensez qu’il s’agit d’un risque, demandez à les faire citer devant la·le juge d’instruction mais n’oubliez pas que, dans ce cas, vous ne connaîtrez pas le contenu de leur témoignage.
    1. Le personnel pénitentiaire

Des entretiens avec le personnel de la prison peuvent vous fournir de précieuses informations concernant le comportement de la personne que vous défendez en milieu carcéral, notamment concernant d’éventuels cours, activités, formations ou traitements médicaux qu’elle aurait suivis.

 

  1. La famille de la victime

Dans certains pays, le fait que vous rendiez visite à la famille de la victime peut être important. À Taïwan par exemple, la cour permet à la famille de la victime de donner son opinion sur la peine qu’elle juge appropriée. L’avocat·e de la défense doit par conséquent vérifier leur ressenti vis-à-vis de la personne accusée. Dans certains cas, il est même possible de trouver un « accord » aux termes duquel la personne accusée fera un don à la famille ou à une association caritative en échange de son pardon. Ceci est plus facile à faire, bien sûr, lorsque la personne accusée a les moyens d’offrir une compensation à la famille. Dans d’autres cas, il arrive que l’avocat·e travaille avec des intermédiaires, tels que des membres du clergé ou des travailleur·ses sociale·aux, afin de savoir si la famille serait favorable à une peine moins lourde.

 

  1. Les personnes réalisant des expertises

Dans la plupart des affaires où la personne accusée encourt la peine de mort, il est essentiel, durant la phase d’instruction de l’affaire, de faire appel à des personnes réalisant des expertises. L’expertise est une opération qui a pour objet l’examen de questions d’ordre technique[101] et est confiée à une personne ayant les connaissances requises pour faire des vérifications matérielles ou donner un avis professionnel dans son domaine d’expertise.

Différents types d’expertises peuvent être requis selon les circonstances du crime, les preuves mises en avant pour prouver la culpabilité de la personne accusée et le type de circonstances atténuantes présentées. Si des preuves matérielles apparaissent décisives pour l’affaire, une expertise visant à étudier ces preuves doit être réalisée. Par exemple, il peut s’agir : d’une expertise visant à déterminer la nature d’une substance afin de voir s’il s’agit d’un poison, d’une recherche ADN, d’une analyse balistique, d’une analyse du groupe sanguin etc. De même, dans une affaire où la personne accusée aurait fait un aveu que vous soupçonnez être faux, il est important de faire appel à une personne pouvant réaliser un examen de l’état de sa santé mentale. Vous pouvez demander à la même personne d’évaluer l’état psychologique de la personne accusée au moment du crime, ainsi que l’impact de son histoire personnelle (par exemple une enfance tumultueuse) sur sa santé mentale.

Les juges d’instruction peuvent ordonner d’office des expertises mais, si tel n’est pas le cas, c’est votre devoir de demander la désignation d’une personne ayant une expertise particulière pour évaluer les éléments de preuves et l’état mental de la personne accusée. Les règles de désignation des personnes pouvant fournir une expertise dépendent de votre juridiction. Ces personnes doivent être reconnues comme faisant autorité dans leur domaine. Dans certains pays des listes de ces personnes sont établies par les tribunaux. La·le juge d’instruction peut toutefois désigner quelqu’un qui ne figure pas sur la liste en motivant sa décision. Si les personnes figurant sur la liste ne vous semblent pas à même de mener l’expertise requise dans le cas d’espèce, demandez à la·au juge la désignation d’une autre personne en justifiant votre demande. Identifier les personnes compétentes pour fournir des expertises peut se révéler compliqué. Les universités peuvent être de bons endroits pour en trouver, car elles regorgent de personnes reconnues dans leur domaine. Renseignez-vous pour connaître qui a fait des recherches ou a publié des articles parus dans des revues et magazines spécialisés dans le domaine d’expertise que vous recherchez. Par ailleurs, les barreaux et autres organisations juridiques ont souvent des listes de personnes pouvant être consultées. Certaines organisations pourront éventuellement être en mesure de vous allouer des fonds pour payer les honoraires demandés par les personnes qui feront une expertise si ceux-ci ne sont pas pris en charge par le tribunal.

Les expert·e·s peuvent exprimer un avis allant à l’encontre des intérêts de la personne que vous défendez. Cela pourrait avoir des conséquences désastreuses si cet avis était utilisé par le tribunal. Faites donc preuve de vigilance quant au choix des personnes qui vont réaliser une expertise, quitte à demander leur récusation si vous avez des doutes sur leurs compétences et leur impartialité et à en solliciter d’autres, ou le cas échéant, à faire une demande de contre-expertise.

La personne désignée par la·le juge pour réaliser une expertise effectue sa mission sous son contrôle : la·le juge définit le cadre de l’expertise et les questions posées à la personne réalisant l’expertise. Vous pouvez toutefois demander à la·au juge à ce que des questions spécifiques soient posées et ainsi étendre le cadre de l’expertise. La personne chargée de l’expertise, qui agit sous serment, rend ensuite un rapport à la·au juge d’instruction. Les rapports d’expertise tout comme les témoignages sont soumis au principe du contradictoire, ce qui signifie que vous pouvez les contester, demander un complément d’expertise ou une contre-expertise[102]. Les personnes ayant rendus des rapports d’expertise peuvent être appelées à comparaître lors du procès. En raison du principe de l’intime conviction, la·le juge n’est pas lié par les conclusions du rapport d’expertise et reste libre de les apprécier[103].

 

Surmonter les obstacles

Que faire si les tribunaux de votre juridiction n’autorisent généralement pas les expertises?

  • Il ne faut pas partir du principe qu’ils le refuseront pour votre affaire ; il y a une première fois pour tout. Navrikan Singh, avocat en Inde, a raconté avoir travaillé sur une affaire pour laquelle, contre toute attente, la cour l’a autorisé à faire appel à un expert pour témoigner des tendances suicidaires de la femme de son client qu’il était accusé d’avoir tuée.
  • De même au Malawi, il était auparavant extrêmement rare que des expertises puisse être présentées à la Cour. Il est cependant désormais possible de le faire, en particulier concernant la santé mentale de la personne accusée, et plusieurs juges incorporent maintenant dans leurs décisions des éléments des rapports d’expertise.

 

a. Les expertises médico-psychologiques et psychiatriques

Dans toutes les affaires où la personne que vous défendez encourt la peine de mort vous devez demander à la·au juge d’instruction (ou si cela n’a pas été fait à l’instruction, à la·au juge du jugement) à ce qu’une personne qualifiée évalue la santé mentale de la personne accusée par des examens et des entretiens cliniques. Cette expertise a pour but de déterminer si la personne accusée était atteinte d’un trouble ayant altéré ou aboli son discernement au moment des faits. Dans certains pays, les personnes accusées d’homicide sont examinées peu après leur arrestation pour déterminer si leur responsabilité pénale peut être engagée. Dans d’autres pays, c’est la cour qui désignera gratuitement une personne experte en santé mentale s’il existe des doutes sérieux sur la responsabilité pénale de la personne accusée. La nécessité d’avoir recours à une expertise médico-psychologique ou psychiatrique va cependant au-delà de la question de la responsabilité pénale. En effet, ces évaluations initiales ne prennent souvent pas en compte l’arrière-plan familial et social, les antécédents médicaux (pathologies, addictions, dépressions, etc.), professionnels et scolaires de la personne accusée, ses relations avec autrui, sa personnalité, et son environnement. Or cela est nécessaire pour détecter des troubles mentaux et des déficiences intellectuelles qui peuvent susciter la compassion du tribunal et jouer un rôle crucial lors de la détermination de la peine, et ce même lorsque ces troubles n’atteignent pas le niveau de la démence et donc de l’irresponsabilité pénale.

Dans certaines juridictions, la personne que vous défendez aura peut-être droit à une évaluation de sa santé mentale si vous découvrez les preuves d’un éventuel trouble mental. Par exemple, dans l’affaire Dacosta Cadogan c. Barbade, la Cour interaméricaine des droits de l’homme a jugé que l’État avait violé le droit de l’accusé à un procès équitable car l’État n’avait pas informé ce dernier qu’étant passible de la peine de mort, il avait le droit de bénéficier d’une évaluation de sa santé mentale détaillée et réalisée par un psychiatre aux frais de l’État[104].

Cependant, vous ne devez pas compter sur la cour pour déterminer si une évaluation de la santé mentale de la personne accusée est nécessaire. Même si une expertise préliminaire a été effectuée pour déterminer sa responsabilité pénale, il est primordial que vous demandiez à ce qu’un examen complémentaire soit effectué pour évaluer sa santé mentale dans son ensemble. En effet, si la personne que vous défendez souffre d’une pathologie qui n’est pas détectable au premier coup d’œil, telle qu’une déficience intellectuelle ou une dépression, il se peut que le premier examen ne permette pas de le détecter. Si vous passez du temps avec elle, vous serez peut-être la seule personne en mesure d’identifier ce trouble et de demander à ce qu’un examen approfondi soit réalisé par une personne ayant les qualifications nécessaires pour évaluer l’état mental de la personne accusée au-delà du simple examen de sa responsabilité pénale. L’importance de réaliser des expertises en santé mentale est discutée plus en détails au chapitre 5.

 

Conseils pratiques

Que faire si la·le juge n’ordonne pas d’expertise de la compétence et de la santé mentale de la personne accusée ?

  • Dans de nombreux pays, comme au Cameroun, il est rare que les juges d’instruction prennent l’initiative d’ordonner une évaluation de l’état de santé mentale de la personne accusée. La plupart des législations donnent pourtant le pouvoir aux juges d’instruction et aux juges du jugement d’ordonner une expertise. Si la·le juge n’use pas de ce pouvoir d’office, vous devrez lui demander de le faire. Si votre demande est refusée, vous pourrez dans certaines juridictions interjeter appel de ce refus. En tout état de cause, il est bon d’avoir une trace écrite de votre demande et du refus, car cela pourra vous servir en appel, ou à défaut au niveau des instances internationales.

 

b. Les détectives privé·e·s

Certaines juridictions autorisent dans le cadre d’un procès pénal le recours par les parties aux services de détectives privé·e·s. En effet, par principe en droit pénal la preuve est libre et peut être apportée par tous moyens[105]. Dans certaines juridictions, quand bien même les preuves seraient obtenues de manière illicite ou déloyale, elles n’en seraient pas moins recevables[106] (mais la personne ayant rapporté ces preuves peut s’exposer à des poursuites). La force probante des informations rapportées par des détectives privé·e·s dépend du pouvoir souverain d’appréciation de la·du juge, suivant le principe de l’intime conviction[107]. De telles preuves sont donc régulièrement produites et prises en compte par les tribunaux. Si vous estimez que les investigations menées par la·le juge d’instruction prennent trop de temps ou présentent des manquements, voire des erreurs, vous pouvez faire appel à des détectives qui ne doivent, toutefois, pas empiéter sur l’enquête menée par la·le juge d’instruction, ni dissimuler, altérer ou détruire des preuves. Les détectives peuvent être entendu·e·s comme témoins pendant le procès.

 

  1. Les preuves écrite

Vous devez chercher des documents venant corroborer l’existence de circonstances atténuantes (par exemple des capacités intellectuelles limitées), ou qui dépeignent la personne accusée sous son meilleur jour. Bien que des archives, dossiers, et certificats ne soient pas disponibles dans tous les pays, ils peuvent être des éléments de preuves cruciaux lorsqu’ils existent.

 

Dossiers scolaires

Les troubles mentaux ne sont pas toujours détectables après une simple conversation. En effet, la plupart de ces troubles ne sont pas tout de suite apparents si vous n’y prêtez pas une attention particulière et certaines personnes font d’énormes efforts afin de dissimuler leurs troubles en raison de la stigmatisation qui y est liée. Si vous parvenez à obtenir les dossiers scolaires de la personne que vous défendez, ceux-ci pourraient révéler des troubles de l’apprentissage ou des difficultés dans sa scolarité qui peuvent être des signes de troubles mentaux ou de déficiences intellectuelles.

 

Dossiers médicaux

Le dossier médical ou l’acte de naissance de la personne accusée peuvent par exemple montrer si sa mère souffrait de malnutrition ou consommait de la drogue ou de l’alcool durant sa grossesse. Les dossiers médicaux de la personne que vous défendez peuvent également révéler si elle a été victime d’accidents ayant engendré des traumatismes, ou si elle a déjà été atteinte de troubles mentaux ou a développé des troubles mentaux.

 

Autres documents

Des photos, des lettres de recommandations, des récompenses et des certificats scolaires, professionnels ou de service militaire accompli peuvent par exemple aider à présenter la personne accusée sous son meilleur jour et à démontrer sa bonne moralité.

 

Surmonter les obstacles

Que faire si vous pensez que votre client·e vous ment?

  • Les client·e·s ne disent pas toujours toute la vérité à leur avocat·e. Plutôt que de s’offusquer, il est souvent préférable d’examiner leurs motivations. Tout d’abord, ne supposez pas que la personne que vous défendez a menti intentionnellement – il peut s’agir d’un simple malentendu. Et même si elle a menti intentionnellement, elle n’avait peut-être pas d’intention malveillante. Elle a peut-être menti pour protéger quelqu’un d’autre ou pour éviter d’être embarrassé·e. Il faut du temps pour que les client·e·s fassent confiance à leur avocat·e, et parfois ces personnes mentent lorsqu’elles n’ont pas confiance en la volonté de leur avocat·e de travailler dur en leur faveur. De nombreuses personnes pensent que leur avocat·e ne les aidera que si elles·ils sont innocent·e·s.
  • Si vous pensez que la personne que vous défendez a menti sur un élément pertinent pour son affaire, demandez des éclaircissements sans que cela ressemble à une accusation. Avant de poser votre question, expliquez-lui son importance pour son affaire et rassurez-la en lui disant que vous continuerez à vous battre pour elle, quoi qu’elle vous dise. Exprimez de l’empathie pour sa situation (par exemple, dites-lui que vous savez qu’il n’est pas facile d’e faire preuve de franchise au sujet d’informations qui peuvent causer de la douleur et de la tristesse).
  • Cela rappelle l’importance d’établir une relation avec la personne que vous défendez avant de l’interroger. Idéalement, vous devriez rencontrer la personne que vous défendez à plusieurs reprises avant de lui poser des questions délicates sur son rôle potentiel dans une infraction dont elle est accusée. Établissez une relation en apprenant à connaître la personne que vous défendez, en discutant avec elle de sa famille, de son travail et de ses loisirs. Établissez la confiance en prenant le temps de lui expliquer ce à quoi elle peut s’attendre concernant la procédure dans son cas.

 

Exemple de réussite 

Utilisation de rapports médicaux pour contester la théorie de l’accusation (Guinée)

  • Dans une affaire impliquant sept policiers accusés d’avoir battu un voleur à mort, j’ai utilisé des rapports médicaux pour contester avec succès la thèse de l’accusation. Lorsque la victime a été transportée à l’hôpital, les médecins n’ont pas précisé la cause du décès. Cette omission était particulièrement importante dans ce cas, puisque d’autres preuves indiquaient que la victime souffrait d’une maladie préexistante.
  • En l’absence de l’avis d’un médecin légiste, j’ai fait valoir que l’accusation ne pouvait pas prouver que les policiers étaient responsables de la mort de la victime. J’ai demandé au tribunal d’ordonner l’exhumation du corps de la victime afin qu’il puisse être examiné par un expert compétent. Comme il n’y avait aucun moyen de le faire, le tribunal a été convaincu par mon argument. Deux des accusés ont été purement et simplement acquittés, quatre ont été condamnés à deux ans de prison avec sursis, et le commandant a été condamné à une peine de 15 ans de prison.

– Labila Michel Sonomou, Président Avocats Sans Frontières Guinée

 

 

CHAPITRE 5 : LA DÉFENSE DES PERSONNES VULNÉRABLES

 

I.  La protection des personnes vulnérables par le droit international

 

Au fil des ans, le droit international a mis en lumière certaines catégories de personnes faisant l’objet de poursuites judiciaires nécessitant une protection spécifique au sein du système de justice pénale. Au cours de votre carrière, vous allez vraisemblablement assurer la défense de personnes qui correspondent à une ou plusieurs de ces catégories. De ce fait, il est essentiel que vous connaissiez chacune de ces catégories ainsi que les droits spécifiques qu’elles leurs offrent.[108]

Le droit international interdit l’exécution de certaines catégories de personnes accusées. Les mécanismes internationaux ont ainsi exclu de la peine capitale : les personnes âgées de moins de 18 ans au moment où le crime a été commis[109], les femmes enceintes[110], les personnes âgées[111], les femmes mères de nourrissons[112], les femmes ayant des enfants en bas âge[113], et les personnes ayant un trouble mental ou une déficience intellectuelle[114]. D’autre part, le droit international prévoit des procédures spécifiques pour certaines catégories de personnes; c’est le cas par exemple des ressortissant·e·s étranger·e·s qui bénéficient de l’aide consulaire[115]. De même, certaines caractéristiques d’une personne accusée, tel qu’un trouble mental, sont largement reconnues comme circonstances atténuantes lors de la détermination de la peine.

Ce chapitre traite de chacune de ces catégories de personnes. Il a été conçu pour vous aider à comprendre les critères qui définissent ces catégories, vous informer sur les droits offerts à ces personnes si elles remplissent ces critères, et vous suggérer des méthodes afin de protéger au mieux leurs droits.

Ces normes internationales pourraient rendre la personne que vous défendez inéligible à la peine de mort, exiger que l’État agisse avec plus de précautions, ou vous fournir des éléments justifiant un allègement de la peine. Ainsi, votre connaissance de ces catégories et de leurs implications fera toute la différence pour la personne que vous défendez.

II. Identifier les personnes vulnérables

 

A.  Les femmes enceintes ou mères de jeunes enfants

 

  1. Quelles conséquences juridiques découlent de la grossesse de votre cliente?

 

Lorsque la personne que vous défendez est une femme, il est important de vérifier si elle attend un enfant. La communauté internationale condamne de façon quasi universelle l’exécution des femmes enceintes et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) rejette explicitement cette pratique[116]. De ce fait, si votre cliente est enceinte, vous devez en avertir le tribunal et exiger qu’elle ne soit pas exécutée.

Malheureusement, bien que sa grossesse lui évite d’être exécutée jusqu’à ce qu’elle ait accouché, cela ne la protège pas indéfiniment d’une exécution[117]. Par conséquent, il est essentiel que vous vérifiiez les normes nationales afin de déterminer combien de temps après sa grossesse votre cliente peut rester inéligible à une exécution.

 

  1. Quelles conséquences juridiques découlent du fait que votre cliente vient d’avoir un enfant ou continue à allaiter ?

Il est important de déterminer le statut parental de toutes vos clientes, car si votre cliente a récemment donné naissance à un enfant ou continue à l’allaiter, cela peut la rendre inéligible à l’application de la peine capitale.

L’impact de ce statut sur l’éligibilité de votre cliente à la peine de mort varie considérablement en fonction de l’interprétation des normes internationales adoptées par votre pays. Ainsi, une des interprétations données au PIDCP est qu’il interdit l’exécution d’une femme pendant un certain temps après son accouchement, alors que d’autres lui donne l’interprétation inverse et considèrent qu’un accouchement récent ne constitue pas un critère d’inéligibilité[118]. La même ambiguïté existe par ailleurs dans la Convention américaine relative aux droits de l’homme et dans le Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits des femmes. Cependant, certains mécanismes régionaux offrent plus de clarté : la version révisée de la Charte arabe des droits de l’homme énonce par exemple que les mères allaitant leur enfant sont exclues de la peine capitale pour une période pouvant durer jusqu’à deux ans, voire plus s’il est prouvé que cela est « dans le meilleur intérêt de l’enfant »[119].

Après avoir déterminé si votre cliente a récemment donné naissance à un enfant ou si elle continue à l’allaiter, il est important de déterminer comment cette situation affecte son éligibilité à l’application de la peine capitale dans votre juridiction. Renseignez-vous sur les normes nationales, régionales et internationales afin de savoir comment cette situation a été traitée par le passé et regardez s’il existe une réglementation, une doctrine, ou une jurisprudence sur le sujet. Vous pouvez trouver des informations sur la manière dont votre pays et d’autres pays ont traité des cas similaires en effectuant une recherche sur la base de données du Cornell Center on the Death Penalty Worldwide[120].

 

B.  Les personnes mineures et les personnes âgées

 

  1. En quoi l’âge de la personne que vous défendez est-il important ?

En fonction de la juridiction dans laquelle vous exercez, l’âge de la personne que vous défendez (actuellement ou celui qu’elle avait au moment où le crime a été commis) peut l’exclure de la peine capitale. Si tel n’est pas le cas dans votre loi nationale, vous pouvez néanmoins envisager d’utiliser sa jeunesse ou son âge avancé comme circonstance atténuante au regard de la peine qui lui sera attribuée.

 

a. Les personnes mineures

Si une personne est mineure ou était mineure à l’époque des faits, toute une série de normes internationales existe pour vous guider dans l’élaboration de sa défense.

En vertu du droit international, l’âge de la majorité, ou l’âge en dessous duquel une personne est considérée comme mineure, est fixé à 18 ans et ce à moins que les lois de votre pays n’en disposent autrement[121]. Les tribunaux ne peuvent pas déroger à cette norme de droit international, même en étudiant les affaires au cas par cas. En 2006, par exemple, le Comité créé pour faire respecter la Convention des droits de l’enfant a réprimandé l’Arabie Saoudite pour avoir autorisé ses juges à déterminer si une personne accusée avait atteint l’âge de la majorité avant d’avoir eu 18 ans[122].

Si la personne que vous défendez était mineure au moment où le crime en question a été commis, elle ne peut être condamnée à mort. En effet, la communauté internationale interdit l’exécution de personnes âgées de moins de 18 ans à l’époque des faits[123]. L’article 37-a de la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant dispose que : « [n]i la peine capitale ni l’emprisonnement à vie sans possibilité de libération ne doivent être prononcés pour les infractions commises par des personnes âgées de moins de dix-huit ans ». L’article 5-3 de la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant dispose que « [l]a peine de mort n’est pas prononcée pour les crimes commis par des enfants ». L’article 2 de ce traité précise qu’on entend par « enfant » toute personne âgée de moins de 18 ans. En 2002, la Commission interaméricaine des droits de l’homme a établi que cette interdiction était une norme jus cogens, c’est-à-dire une norme à laquelle aucune dérogation n’est permise, même au titre de la souveraineté d’un État[124]. Par conséquent, si vous savez que la personne que vous défendez était mineure au moment où les faits qui lui sont reprochés ont été commis, vous devez à tout prix en informer le tribunal.

Le droit international prévoit une protection particulière pour les personnes mineures à tous les stades de la procédure pénale. Vous devez reconnaître la vulnérabilité exceptionnelle découlant de l’âge de la personne que vous défendez, et vous référer aux directives internationales pour la protéger des dangers qui en résultent.

Les normes internationales exigent que les États évitent d’incarcérer des personnes mineures, sauf en dernier recours. De ce fait, vous devez vous assurer que la personne que vous défendez n’est pas placée en détention provisoire. Si un tribunal détermine que la détention provisoire s’avère nécessaire, vous devez vous assurer qu’elle est détenue dans un établissement réservé aux personnes mineures ou, tout du moins, qu’elle n’est pas incarcérée avec des adultes.

Il est par ailleurs possible que les personnes mineures ne comprennent pas leurs droits aussi bien que les adultes. Vous devez prendre soin de leur expliquer les procédures ainsi que la protection qui leur est offerte par la loi. Dans la mesure où les personnes mineures peuvent ne pas comprendre leur droit à communiquer avec leur avocat·e, vous devez faire des efforts réguliers pour les contacter en planifiant des entretiens réguliers et fréquents.

 

Exemples de réussite

Comment établir l’âge d’une personne accusée qui n’a pas de certificat de naissance?

  • Établir l’âge de la personne que vous défendez à l’aide de témoignages (République démocratique du Congo): En 2002, une loi au Congo a exclu la possibilité de condamner des personnes mineures à la peine de mort. Un enfant soldat dont on ne connaissait pas l’âge et qui n’avait ni une carte d’identité, ni un certificat de naissance, était passible de la peine de mort. Nous avons fait appel à son enseignant et à son pasteur pour témoigner qu’il était mineur. Il revenait ensuite au procureur de la justice militaire de prouver que ces allégations étaient fausses. Nous avons ainsi réussi à prouver à l’aide de ces témoignages qu’il était mineur et l’enfant n’a donc pas été condamné à mort.

– Liévin Ngondji Ongombe Taluhata, Président de l’ONG « Culture pour la Paix et la Justice »

 

  • Établir son âge par le biais de la·du procureur (Mauritanie): Fatimata Mbaye, avocate mauritanienne, était persuadée que son client emprisonné était mineur. Son dossier avait cependant été perdu pendant son transfert. Le procureur affirmait que l’enfant était majeur. Fatimata Mbaye lui a demandé de se rendre lui-même à la prison afin de constater le jeune âge de l’enfant. Le procureur s’est finalement rendu à la prison et a constaté que l’accusé était mineur.

– Fatimata Mbaye, Présidente de l’Association mauritanienne des droits de l’homme

 

  • Plaider l’inéligibilité à la peine de mort pour les personnes mineures(République démocratique du Congo): En 1999, un jeune soldat avait été arrêté au front pour fuite face à l’ennemi en temps de guerre. Les faits se sont déroulés dans la province de l’Équateur. Des rebelles avaient lancé une attaque contre son camp, alors que le jeune homme était en train de se laver dans une rivière. Il a traversé la rivière, en laissant son arme et ses affaires sur l’autre rive, et cela a été interprété comme une fuite devant l’ennemi. À l’époque, en République démocratique du Congo, les personnes mineures étaient passibles de la peine de mort. Après le procès, en s’appuyant sur les obligations de l’État en vertu de la Convention relative aux droits de l’enfant qui interdit la condamnation à mort des personnes mineures, l’avocat congolais Liévin Ngondji a plaidé auprès des autorités judiciaires et administratives pour établir que le soldat était mineur au moment des faits et ne pouvait pas être exécuté. Il fut ainsi sauvé. En 2001, suite au travail de nombreuses associations, dont Culture pour la Paix et la Justice, présidée par Maître Ngondji, l’État a adopté une loi concernant la protection de l’enfant qui interdit l’application de la peine de mort aux personnes mineures au moment d’une infraction. Cela a, par la suite, été consacré dans le code judiciaire militaire adopté en 2002.

– Liévin Ngondji Ongombe Taluhata, Président de l’ONG « Culture pour la Paix et la Justice »

 

Surmonter les obstacles

Que faire s’il est difficile d’établir précisément l’âge de la personne que vous défendez ?

  • Généralement, l’âge d’une personne au moment des faits est facile à déterminer. En vertu du droit international, les États ont l’obligation de mettre en place un système efficace d’enregistrement des naissances[125]. L’établissement d’un acte de naissance devrait vous apporter les renseignements adéquats pour déterminer l’âge de la personne que vous défendez.
  • Cependant, certains pays en développement ou ceux sortant récemment d’un conflit ne sont parfois pas en mesure de maintenir un système d’enregistrement des naissances satisfaisant. Dans les cas où l’âge d’un enfant impliqué dans une procédure judiciaire demeure inconnu, le Conseil économique et social de l’ONU oblige les États à prendre des mesures afin de faire en sorte que l’âge « véritable de l’enfant soit défini grâce à une évaluation indépendante et objective »[126]. En outre, les normes internationales suggèrent qu’une fois que la possibilité qu’une personne soit mineure a été émise, c’est à l’État de prouver sa majorité (et non à vous de prouver sa minorité) avant de pouvoir la traiter comme une personne adulte au sein du système de justice pénale[127].
  • Vous devez tout mettre en œuvre afin de prouver que la personne est mineure si vous pensez que c’est le cas, ou même si vous le soupçonnez. Vous pouvez entreprendre différentes démarches afin de définir son âge lorsque des registres nationaux officiels ne sont pas disponibles.
  • Certains mécanismes communautaires locaux d’enregistrement des naissances peuvent s’avérer utiles pour obtenir des justificatifs sur l’âge d’une personne. Par exemple, en Éthiopie, l’UNICEF contacte les communautés religieuses afin d’obtenir les certificats établis lors de baptêmes ou d’entrées dans une communauté musulmane afin de définir l’âge des personnes n’ayant pas été enregistrées. En Sierra Leone, l’agence entre en contact avec des tribus locales afin de tenir des registres similaires[128]. Commencez par interroger la famille afin de savoir si la communauté locale possède des coutumes équivalentes.
  • Parfois les tribunaux ordonnent un examen médical pour établir un âge approximatif grâce à des radiographies dentaires ou des os du poignet. Cependant, ces méthodes ne peuvent fournir qu’une estimation de l’âge de la personne examinée. De ce fait, vous devez faire attention à la nature spéculative de ce genre de procédures et vous assurer qu’une vague approximation n’entraîne pas de privation de la protection que la personne que vous défendez aurait pu avoir si elle était mineure.
  • Enfin, il vous sera peut-être possible d’estimer l’âge de la personne que vous défendez par vos propres moyens en discutant avec les membres de sa famille. En effet, beaucoup de familles sont capables de lier la naissance de leur enfant à un événement historique marquant, comme un tremblement de terre, un conflit, ou une élection, même si elles ne parviennent pas à se souvenir de la date exacte.

 

b. Les personnes âgées

Si la personne que vous défendez vous semble arrivée à un âge avancé, cela peut avoir des conséquences du point de vue de sa responsabilité pénale. Contrairement à l’unanimité dont fait preuve la communauté internationale sur la question des personnes mineures, cette dernière commence tout juste à se pencher sur la situation des personnes âgées au sein du système pénal. Elle ne prodigue donc pas autant de normes et de lignes directrices en la matière qu’en ce qui concerne les personnes mineures.

Il est toutefois important que vous effectuiez des recherches sur les normes locales et régionales pertinentes afin d’établir si l’âge de la personne que vous défendez peut la rendre inéligible à la peine capitale. À titre d’exemple, la Convention américaine relative aux droits de l’homme instaure une limite d’âge en ce qui concerne les condamnations à mort : elle interdit l’exécution de personnes âgées de plus de 70 ans au moment où le crime a été commis[129]. Les constitutions du Soudan[130], du Soudan du Sud[131] et du Zimbabwe[132] interdisent l’exécution des personnes de plus de 70 ans. De même, en Biélorussie, les personnes de 65 ans ou plus sont exclues de l’application de la peine capitale[133]. La limite d’âge pourrait à l’avenir se répandre encore plus : dans une résolution sur l’application des Garanties pour la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort, le Conseil économique et social des Nations unies (ECOSOC) a recommandé aux États de fixer un « âge maximal au-delà duquel nul ne peut être condamné à mort ni exécuté »[134].

Même si au regard des lois en vigueur dans votre pays, l’âge de la personne que vous défendez ne l’exclut pas d’office de l’application de la peine de mort, son âge peut néanmoins jouer un rôle important comme circonstance atténuante lors de la détermination de la peine.

 

C.  Les personnes atteintes de troubles mentaux

 

  1. Quelles conséquences juridiques découlent d’un trouble mental ?

Selon le type de trouble dont est atteinte la personne que vous défendez et la juridiction dans laquelle vous exercez, il se peut que ses troubles mentaux la déchargent de toute responsabilité sur le plan pénal, l’excluent de l’application de la peine de mort, ou puissent être utilisés comme circonstances atténuantes. Il est souvent extrêmement difficile de déterminer si une personne accusée est atteinte d’un trouble mental. Cela s’avère même impossible si vous ne prenez pas le temps de vous entretenir avec cette personne de façon régulière. Comme nous l’avons souligné ailleurs dans ce manuel, il est essentiel que vous passiez du temps avec la personne que vous défendez afin de développer une relation de confiance qui vous permettra d’identifier de potentielles circonstances atténuantes liées et de présenter une défense efficace.

 

Surmonter les obstacles

Comment obtenir une évaluation de santé mentale de qualité s’il n’y a que très peu de psychiatres ayant les qualifications nécessaires dans la région où vous exercez ?

  • Même s’il n’y a pas de psychiatre ayant les qualifications nécessaires dans votre région, la plupart des juridictions ont mis au point une méthode grâce à laquelle il est possible d’évaluer la santé mentale d’une personne. Les évaluations de santé mentale sont parfois réalisées par du personnel infirmier ou des personnes ayant suivi une formation médico-légale, même si elles ne sont pas officiellement agréées. Si vous pensez que la personne que vous défendez est atteinte d’une déficience intellectuelle ou d’un trouble mental, le tribunal renverra le plus souvent la personne accusée vers une clinique ou un hôpital psychiatrique où l’évaluation sera réalisée.
  • Dans les régions où les personnes expertes en santé mentale sont rares, les évaluations médico-légales peuvent être de faible qualité. D’ailleurs, le cadre de ce type d’évaluation est presque toujours limité aux questions de capacité de la personne accusée et de son état mental au moment du crime. Les évaluations ne s’intéressent pas toujours, comme elles devraient le faire, à la question de la déficience intellectuelle, ou de l’influence des troubles mentaux sur le comportement de la personne accusée, au-delà de la définition juridique de la démence. Votre rôle est donc de veiller à ce que l’évaluation de santé mentale de la personne que vous représentez ne se limite pas à la question de sa compétence.
  • Dans la mesure où la santé mentale de la personne que vous défendez joue un rôle crucial dans la détermination de sa culpabilité et dans sa condamnation, vous devez demander à la juridiction qui a ordonné l’expertise qu’il soit prescrit aux personnes expertes d’effectuer certaines recherches que vous jugez nécessaires[135]. En effet, il se peut que vous déteniez des informations contextuelles déterminantes en rapport direct avec l’état de santé mentale de la personne évaluée. Si elle ne communique pas et se montre réticente à fournir des informations sur son trouble mental, la personne en charge de l’évaluation pourrait en conclure à tort qu’elle n’est atteinte d’aucun trouble mental. (Pour plus d’informations, voir le chapitre 7 portant sur l’utilisation des circonstances atténuantes dans la phase de détermination de la peine.)

 

  1. Quels genres de troubles mentaux sont juridiquement pertinents ?

Le terme « troubles mentaux » fait référence à un grand éventail de situations[136]. De ce fait, la santé mentale de la personne que vous défendez peut avoir de nombreuses incidences sur l’issue de l’affaire. Si vous parvenez à démontrer que la personne que vous défendez n’était pas saine d’esprit au moment où le crime en question a été commis, vous serez peut-être en mesure d’empêcher qu’un procès n’ait lieu. En effet, dans la plupart des systèmes judiciaires, la démence exclue toute responsabilité pénale. S’il apparaît que la personne que vous défendez est mentalement incapable, vous pourrez soutenir qu’elle n’est pas éligible à l’application de la peine capitale, puisque le droit international proscrit l’exécution des personnes atteintes d’une déficience mentale[137]. Si ses troubles mentaux ne sont pas suffisamment graves pour la rendre inéligible à la peine de mort, ils peuvent néanmoins atténuer sa responsabilité pénale ou faire office de circonstance atténuante lors de la détermination de la peine.

 

  1. L’importance d’effectuer une évaluation de la santé mentale

La preuve la plus décisive que vous puissiez produire afin de soutenir qu’une personne est atteinte de troubles mentaux est un examen médical officiel réalisé par une personne experte en santé mentale. De nombreux tribunaux ont déclaré que les personnes accusées avaient droit à une évaluation de leur santé mentale avant d’être condamnées à mort[138]. Vous devez faire tout votre possible pour que cet examen soit administré conformément aux normes professionnelles les plus élevées.

 

Exemple de réussite (Mauritanie)

  • Fatimata Mbaye, avocate mauritanienne, était en charge de l’appel d’un client condamné à mort. La mère du client avait précisé que son fils était atteint d’un trouble mental mais elle n’avait pas de document pour l’attester. Fatimata Mbaye s’est rendue à la prison pour voir son client, mais il a refusé de la voir. Elle a alors demandé au régisseur de mentionner que son client était malade et a demandé à ce qu’il puisse bénéficier d’une consultation médicale. Elle a également enquêté auprès de sa famille et de son médecin traitant. Ce dernier lui a envoyé un certificat médical attestant que son client avait été suivi pendant une certaine période, mais sans que sa pathologie ne soit diagnostiquée. Cela n’était pas suffisant pour prouver l’existence d’un trouble mental mais cela a été ajouté au dossier. Le juge de la cour d’appel a pris en compte ce document et a décidé d’ordonner une évaluation médicale.

– Fatimata Mbaye, Présidente de l’Association mauritanienne des droits de l’Homme

 

a. Qui doit réaliser l’évaluation ?

 

Bien qu’il soit fortement recommandé que vous demandiez qu’un·e psychiatre ou un·e psychologue réalise cette évaluation, si aucun·e psychiatre n’est disponible, vous pouvez demander à du personnel médical ayant suivi une formation en psychologie ou, à défaut, à des travailleur·se·s sociales·ux de vous aider à déterminer si la personne que vous défendez est atteinte d’un trouble mental.

 

b. Quelles normes doivent être utilisées lors de l’évaluation ?

 

Il n’existe pas de norme universelle dictant la procédure à suivre pour évaluer la santé mentale d’une personne à des fins judiciaires. Cependant, le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-5) fait figure de référence et est largement respecté[139]. Publié par l’American Psychiatric Association (Association américaine de psychiatrie), il catalogue les troubles de santé mentale chez les enfants et les adultes et est utilisé dans de nombreux pays en dehors des États-Unis. Toutefois, il convient de garder à l’esprit que le DSM-5 est en grande partie un produit de la recherche menée aux États-Unis, et ses critères peuvent ne pas être pertinents dans tous les pays. L’évaluation de la santé mentale de la personne que vous défendez ne devrait donc pas se limiter aux troubles décrits par le DSM-5, ni à ceux pouvant éventuellement la décharger de sa responsabilité pénale ou la rendre inéligible à la peine capitale.

 

Conseil pratique

Comment pouvez-vous contribuer à l’examen de la santé mentale de la personne que vous défendez ?

  • Renseignez-vous sur les signes et les symptômes des troubles mentaux.
  • Le diagnostic, si possible, doit s’appuyer sur les informations recueillies auprès de la famille et de l’entourage de la personne évaluée. Vous pouvez demander au juge d’instruction qu’il soit prescrit aux personnes expertes d’effectuer certaines recherches et d’entendre certaines personnes qui serait susceptibles de leur fournir des renseignements d’ordre technique.
  • Si votre juridiction le permet, obtenez les dossiers médicaux et de santé mentale de la personne que vous défendez et demander au juge d’instruction de les transmettre à la personne qui réalise l’examen médical.
  • Veillez à ce que la personne qui réalise l’examen utilise des mots et expressions que la personne évaluée puisse comprendre et non pas un jargon médical. À titre d’exemple, en Mauritanie, l’expression « avoir la tête chaude » est couramment utilisée pour parler de trouble mental. Une personne interrogée au sujet des troubles mentaux de la personne accusée ne sera pas forcément à même de comprendre ce que cela signifie, mais comprendra en revanche si l’expression utilisée localement telle que « avoir la tête chaude » est employée.
  • De même, si la personne qui réalise l’examen est citée à comparaître pour exposer ses conclusions, assurez-vous qu’elle n’utilise pas de jargon médical, et qu’elle explique de manière claire ses conclusions afin que les juges et les membres du jury puissent comprendre.

 

c. Comment utiliser l’évaluation de la santé mentale de la personne que vous défendez ?

 

Une évaluation de la santé mentale peut être utilisée à différentes phases du procès dans le cadre d’une affaire de peine de mort. En effet, même si la personne que vous défendez n’est pas déclarée démente ou atteinte de troubles mentaux la rendant juridiquement irresponsable, d’autres troubles mentaux peuvent faire office de circonstances atténuantes et contribuer à ce qu’elle soit condamnée à une peine moins lourde.

L’affaire Ouganda c. Bwenge Patrick est une parfaite illustration de l’utilisation des troubles mentaux comme circonstance atténuante lors de la détermination de la peine[140]. Dans cette affaire, la Haute Cour de l’Ouganda a révisé la condamnation d’un détenu condamné à mort qui était incarcéré depuis dix-sept ans. La Haute Cour a accordé une importance particulière aux preuves concernant l’état mental déficient de l’accusé à l’époque du crime, ses antécédents d’alcoolisme, le fait qu’il ait conservé des liens forts avec sa famille tout au long de son emprisonnement, ses bonnes relations avec les autres personnes détenues, ses remords, ainsi que les nombreuses années qu’il avait déjà passées en prison[141]. En se fondant sur ces circonstances atténuantes, la Haute Cour a déclaré que l’accusé ne méritait pas la peine capitale et a changé sa peine, en le condamnant aux dix-sept ans d’emprisonnement qu’il avait déjà purgés, complétés par une année supplémentaire de prison et un an de libération conditionnelle[142].

Au Malawi, les tribunaux ont déclaré que des signes de troubles mentaux ou émotionnels qui ne s’apparentent pas à une démence peuvent néanmoins contribuer à diminuer la culpabilité d’une personne accusée de meurtre et doivent être pris en considération comme circonstance atténuante lors de la détermination de la peine[143].

 

Surmonter les obstacles

Que devez-vous faire si vous n’avez pas les fonds pour engager une personne ayant l’expertise nécessaire pour effectuer un examen de santé mentale?

  • Si aucun financement n’est disponible, essayez de contacter les universités enseignant la médecine légale et la psychologie. Vous pourrez peut-être trouver des personnes prêtes à réaliser cette évaluation à titre de bénévoles.
  • À titre subsidiaire, vous pouvez chercher des personnes qualifiées en santé mentale qui ne sont pas nécessairement agréées, mais qui pourront vous apporter de précieux renseignements sur la personne que vous défendez. Si elles ont rencontré la personne que vous défendez avant son arrestation et peuvent témoigner de son état psychologique, leurs déclarations seront utiles non seulement pour que le tribunal évalue sa culpabilité mais aussi pour qu’elle détermine la peine.
  • En dernier recours, beaucoup de livres, d’articles, et certains sites internet[144] offrent des informations sur la santé mentale que vous ne pourrez pas forcément exploiter devant le tribunal, mais qui peuvent d’ores et déjà vous orienter.

 

  1. Quels sont vos autres devoirs à l’égard d’une personne atteinte de troubles mentaux ?

Les troubles mentaux de la personne que vous défendez peuvent la rendre plus vulnérable aux complications du système judiciaire et aux dangers liés à l’incarcération. De ce fait, des responsabilités particulières vous incombent afin de faire en sorte qu’elle comprenne ses droits en toutes circonstances et qu’elle soit traitée comme il se doit durant son incarcération.

 

a. Faire en sorte que la personne comprenne ses droits

Les personnes atteintes de troubles mentaux peuvent ne pas comprendre leurs droits au sein du système de justice pénale[145]. Vous devez vous assurer que la personne que vous défendez comprenne ses droits et la procédure, en prenant soin de lui en expliquer le déroulement à chaque étape. Il vous faudra éventuellement prendre les devants afin de vous entretenir régulièrement avec elle étant donné qu’elle ne sera pas nécessairement capable d’exprimer son désir de vous voir lorsqu’elle en aura besoin ou ne saura pas forcément comment demander une entrevue avec vous.

 

b. Faire en sorte que la personne reçoive un traitement adéquat

La personne que vous défendez a le droit de recevoir un traitement adéquat pendant son incarcération et vous devez vous assurer qu’elle en bénéficie[146]. La plupart des mécanismes internationaux de défense des droits humains garantissent le droit à un niveau de vie et à des soins de santé appropriés. L’Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus exige que les normes définies par ces mécanismes soient appliquées en milieu carcéral[147].

Vous devez faire en sorte que la personne que vous défendez soit examinée par des personnes qualifiées pour évaluer sa santé mentale dès son admission en prison[148]. Cela permet au personnel médical d’identifier toute pathologie préexistante afin de pouvoir la traiter convenablement, d’identifier d’éventuels handicaps ou blessures en cours de développement ou ayant été infligées pendant la garde à vue, d’analyser l’état psychologique de la personne détenue et d’apporter un soutien adéquat à celles et ceux présentant des risques potentiels d’automutilation[149]. Assurez-vous que la personne que vous défendez bénéficie d’examens périodiques, voire quotidiens, si elle se plaint d’être malade.

 

Surmonter les obstacles

Que devez-vous faire si vous croyez que la personne que vous défendez ne consentira pas à une évaluation de sa santé mentale ?

  • Tout d’abord, soyez-en sûr·e. Adressez-vous directement à elle et faites-lui savoir pourquoi vous pensez qu’une évaluation serait utile dans son cas. Les troubles mentaux sont un sujet tabou dans de nombreuses cultures ; montrez-vous donc respectueuse·x et évitez de lui donner l’impression que vous pensez que quelque chose « ne tourne pas rond » chez elle. Une fois de plus, faire preuve d’honnêteté, de franchise, de courtoisie et de respect, vous aidera à aborder cette question et à résoudre le problème.
  • Si elle ne change pas d’avis, il vous faudra prendre une décision difficile. Si vous avez la conviction qu’il est dans son intérêt de passer cet examen, vous parviendrez peut-être à obtenir une ordonnance de la cour l’obligeant à s’y soumettre. Cependant votre relation pourrait en pâtir. Vous devez donc soigneusement prendre en considération plusieurs facteurs : l’étendue du trouble dont cette personne est atteinte, la vraisemblance qu’elle soit condamnée à mort si aucune preuve de sa condition n’est présentée et l’existence d’autres stratégies de défense. Dans beaucoup d’affaires, vous vous rendrez compte que la nécessité de la soumettre à une évaluation de santé mentale prévaut sur les dommages que cela pourrait causer à votre relation.

 

c. Développement de troubles mentaux au cours de l’incarcération

Si la personne que vous défendez développe un trouble mental pendant son incarcération, vous devez soulever le problème dans chaque procédure d’appel et de demande de grâce car le droit international interdit l’exécution de personnes atteintes de troubles mentaux majeurs. Vous devez par ailleurs prendre soin d’informer les membres de sa famille de tout changement important concernant sa santé mentale[150]. Si elle a été déclarée juridiquement irresponsable en raison de troubles mentaux, vous devez vous assurer qu’elle soit libérée de prison et ait accès à un traitement approprié[151].

 

D.  Les ressortissant·e·s étranger·e·s

 

  1. Quels sont les droits spécifiques des personnes ressortissantes étrangères ?

Si la personne que vous défendez est ressortissante étrangère, elle a vraisemblablement droit à des procédures juridiques qui pourraient mener à une assistance juridique et diplomatique supplémentaire, ainsi qu’à l’assistance d’expert·e·s, et ce tout au long des poursuites. Aux termes de l’article 36(1)(b) de la Convention de Vienne sur les relations consulaires, les autorités sont dans l’obligation d’informer sans attendre les personnes ressortissantes étrangères incarcérées de leur droit d’aviser le personnel consulaire les représentant de leur détention[152]. Elles sont également autorisées à communiquer librement avec le personnel du consulat. Par conséquent, vous devez toujours tenter de déterminer si un pays étranger quel qu’il soit considérerait la personne que vous défendez comme une personne ayant la citoyenneté de ce pays, et ce même si la personne que vous défendez est également ressortissante du pays où elle a été arrêtée. Elle pourrait, en effet, avoir une double nationalité. Si vous découvrez que tel est le cas, vous devez immédiatement l’informer de son droit à communiquer avec son consulat. Après l’avoir informée de son droit à une assistance consulaire, si elle en émet le souhait, contactez au plus vite son consulat afin de les aviser de la situation[153].

 

  1. Que peut faire le consulat de l’État dont la personne que vous défendez est ressortissante?

Les consulats peuvent selon les cas fournir un large éventail de services, et notamment une aide financière ou juridique. Les consulats peuvent également faciliter certains éléments cruciaux de l’enquête préalable au procès, tels que la prise de contact avec les membres de la famille ou la recherche sur les antécédents sociaux de la personne accusée. Ils peuvent également défendre les droits de leur ressortissant·e·s, en leur offrant une assistance diplomatique et l’accès à des tribunaux internationaux. Par exemple, le gouvernement mexicain a ainsi déposé des recours et obtenu des jugements de la Cour interaméricaine des droits de l’homme et de la Cour internationale de Justice afin de faire valoir les droits de personnes mexicaines ayant été condamnées à la peine capitale sans avoir été informées de leur droit de notifier et d’avoir accès à leur consulat[154].

Si les autorités pénitentiaires n’informent pas la personne que vous défendez de ses droits consulaires, ou si elles l’empêchent de communiquer avec son consulat, vous devez adresser une requête au tribunal afin de trouver une solution appropriée. Si la personne est en détention provisoire, vous devez envisager de demander une ordonnance du tribunal pour obliger les autorités pénitentiaires à lui accorder un accès consulaire. Si les autorités l’ont interrogée et ont rédigé un procès-verbal avec ses déclarations sans l’informer au préalable de ses droits consulaires, envisagez de demander l’exclusion de ses déclarations et la nullité du procès-verbal[155]. Si elle a été condamnée à la peine capitale sans avoir eu la possibilité de contacter son consulat, vous devez demander à ce que sa condamnation et sa peine soient annulées[156].

Il est essentiel que vous obteniez le consentement de la personne que vous défendez avant de contacter son consulat. Il existe différents contextes dans lesquels cette dernière pourrait préférer ne pas le contacter. Par exemple, si elle est une dissidente politique, il est possible qu’informer son consulat n’ait que des conséquences négatives pour elle ou pour sa famille.

 

  1. Autres considérations concernant les personnes ressortissantes étrangères

Il existe tout un éventail d’obstacles uniques auxquels une personne ressortissante d’un autre pays devra éventuellement faire face tout au long de la procédure pénale. Elle pourrait avoir des difficultés à comprendre le vocabulaire complexe employé dans le système judiciaire si elle ne maîtrise pas suffisamment bien la langue. De ce fait, il est crucial de lui offrir des services d’interprétation, en dépit des capacités linguistiques qu’elle peut sembler avoir. Si elle accepte les services d’interprétation, assurez-vous que l’interprète est présent·e et l’assiste au cours de toutes les étapes de la procédure.

De la même manière, il se peut qu’elle ne comprenne pas les normes juridiques du pays dans lequel elle est incarcérée. Vous devez prendre le temps de lui expliquer ses droits, ainsi que les procédures auxquelles elle devra se conformer. Certains consulats peuvent même fournir des ressources culturellement adéquates afin d’expliquer le fonctionnement des systèmes juridiques étrangers à leurs ressortissant·e·s.

 

 

CHAPITRE 6 : DROITS DES PERSONNES ACCUSÉES PENDANT LE PROCÈS ET STRATÉGIES DE DÉFENSE

 

I.  Demandes in limine litis

 

Comme leur nom l’indique, les demandes in limine litis, une expression latine qui signifie « au seuil du procès », doivent être invoquées dès le début de l’instance, avant toute défense au fond, sous peine d’irrecevabilité[157]. Ainsi, si vous n’invoquez pas certaines demandes au début de l’instance, vous ne pourrez plus le faire par la suite. Il s’agit principalement des exceptions de procédure, telles que les exceptions de nullité qui doivent être présentées avant toute défense au fond[158].

La forme, les délais et la procédure selon lesquelles ces demandes peuvent être invoquées dépendent du code de procédure pénale de votre système juridique.

Certaines des demandes les plus communes qu’il convient de soulever avant le procès incluent :

  • Des délais, des ressources et des moyens appropriés pour préparer la défense de la personne que vous défendez (voir chapitre 2) ;
  • Une assistance juridique efficace dans une affaire où la personne accusée risque la peine de mort ;
  • La demande de délai supplémentaire aux fins de se préparer de manière appropriée au procès (voir chapitre 2) ;
  • Le droit d’avoir accès à des services d’aide juridictionnelle et de choisir l’avocat·e de son choix ;
  • Votre droit d’être rémunéré par la cour ou par l’État si la personne que vous défendez est indigente ;
  • Le droit à la confidentialité de vos échanges avec la personne que vous défendez;
  • Le droit à la libération dans les conditions les moins restrictives dans l’attente de son procès (voir chapitre 3) ;
  • Le droit à une procédure contradictoire, impliquant le droit de contester les accusations ;
  • Le droit de contester les preuves apportées par l’accusation ;
  • La citation des témoins et leur audition au procès, c’est-à-dire le droit de fonder sa défense sur des preuves, y compris en citant des témoins et en interrogeant les témoins à charge ;
  • Le changement de lieu du procès ;
  • La constitutionnalité́ des lois en vigueur applicables au litige ;
  • Les incidents intervenus au cours de la procédure d’instruction ;
  • Les obligations de divulgation de pièces par la·le procureur ou la demande d’accès au dossier ;
  • Le droit d’avoir accès au dossier y compris aux éléments de preuve récemment découverts si l’enquête est encore en cours ;
  • L ’exclusion d’aveux obtenus sous la contrainte ;
  • L ’exclusion de preuves obtenues illicitement ;
  • L ’exclusion des preuves par ouï-dire ;
  • La gratuité des services d’interprétation et de traduction ;
  • La notification des accusations dans une langue comprise par la personne accusée ;
  • Le droit à un traitement humain ;
  • Des questions afférentes à la procédure régissant le procès, notamment l’audience ;
  • L’interdiction de la double incrimination (être jugé·e deux fois pour la même infraction) ;
  • La division de plusieurs instances ou la jonction des chefs d’inculpation ;
  • Le caractère public du jugement, c’est-à-dire le droit de bénéficier d’un procès public plutôt qu’à huis clos ;
  • Le droit de recevoir des décisions motivées sur les questions préalables au procès ;
  • La récusation d’un·e juge en raison de son manque d’impartialité́ ou de conflits d’intérêts ;
  • Le droit à un procès dans les meilleurs délais ;
  • Le droit de la personne accusée d’assister à son procès ;
  • Le fait que l’ordonnance de mise en accusation ne comporte pas de charges suffisantes pour justifier un renvoi devant la Cour d’Assises ;
  • Le fait que le procès se tienne devant des tribunaux ordinaires selon les procédures légales établies ;
  • Le fait que le procès se tienne devant un tribunal indépendant et impartial.

La décision de soulever certaines de ces demandes dépend des circonstances particulières de l’affaire touchant la personne que vous défendez, et de vos réflexions stratégiques. Une partie de ces requêtes est abordée de façon plus détaillée ci-dessous.

 

A.  Demande d’accès au dossier de procédure

 

En vue de la préparation du procès, vous devez, d’une part, vous assurer que vous avez recueilli le maximum d’informations concernant les accusations contre la personne que vous défendez et, d’autre part, que les renseignements dont vous disposez sont exacts. Vous devez avoir accès au dossier le plus tôt possible et pouvoir le copier avant le procès. Si vous ne parvenez pas à accéder au dossier, vous devez tout faire pour en obtenir une copie. Adressez-vous aux autorités compétentes pour dénoncer cette situation et demander à disposer des éléments de preuve et des informations nécessaires pour la préparation de la défense de la personne accusée.

 

Exemple de réussite (Cameroun)

  • Alors que Maître Nestor Toko, avocat du Cameroun, demandait à avoir accès au dossier de son client avant l’ouverture du procès, le ministère public refusait catégoriquement de lui en remettre une copie. Le ministère prétextait que le dossier de procédure contenait sa stratégie et qu’il vouait garder cette dernière secrète. Après plusieurs tentatives infructueuses, Maître Toko rédigea une lettre dans laquelle il décrivit les difficultés auxquelles il était confronté et l’envoya au Procureur ainsi qu’au Président du tribunal. Le Ministère public refusa encore de lui transmettre une copie. Au début du procès, lorsque le Président donna la parole à Maître Toko pour qu’il fasse part à la cour de ses observations sur les pièces à convictions produites par le Ministère public, l’avocat attira l’attention du Président sur le fait qu’il lui était impossible de faires ces observations puisqu’il n’avait pas eu la possibilité de prendre connaissance du dossier avant l’audience. Il présenta la requête écrite qu’il avait envoyée avant l’audience et demanda la permission d’obtenir une copie du dossier afin de pouvoir préparer ses observations. Reconnaissant que c’est un droit de la défense, le Président ordonna que le dossier soit reproduit et transmis à Maître Toko et lui accorda 30 jours pour l’examiner.

 

B. Requête aux fins de modifier le lieu du procès ou la composition de la juridiction

Toute personne accusée a le droit d’être jugée par un tribunal impartial. Si le procès se déroule devant un jury, demandez-vous s’il existe un risque que ce dernier ait des préjugés envers la personne accusée en raison de la proximité géographique. Si vous estimez qu’un tel risque existe, vous devez demander un changement de lieu afin que le jury désigné vienne d’une autre circonscription. En effet, il est possible que les membres du jury soient influencé·e·s si, par exemple :

  • Les médias ont abondamment couvert l’affaire ;
  • La personne accusée ou la victime sont connues dans la communauté ;
  • Des crimes similaires ont été commis dans la communauté.

De même, si vous avez de sérieuses raisons de soupçonner que la juridiction saisie manque d’impartialité ou d’indépendance, vous devez demander à ce que cette juridiction soit dessaisie et que l’examen de l’affaire soit soumis à une autre juridiction. Les motifs à invoquer au soutien de votre demande doivent être suffisamment graves et précis pour faire craindre que le jury ou la juridiction dont le dessaisissement est demandé ne se décide qu’avec partialité ou en considération de l’intérêt personnel d’un·e ou plusieurs de ses membres. À titre d’exemple, après avoir reçu une requête motivée de la personne accusée, la Cour Suprême du Cameroun peut dessaisir toute juridiction et renvoyer l’affaire à une autre juridiction pour cause de suspicion légitime[159]. De telles dispositions pouvant aboutir au changement du lieu du procès ou à la modification de la composition de la cour se retrouvent dans les codes de procédure pénale de plusieurs pays africains et visent à garantir l’impartialité du procès.

Par ailleurs, une cour peut accepter une demande de changement de lieu qui serait dans l’intérêt de la justice. Cela peut être le cas par exemple lorsque la plupart des témoins auraient besoin de voyager de très loin pour témoigner, rendant le lieu du procès peu pratique.

 

C.  Requête aux fins d’obtenir une aide financière

 

Si la personne accusée n’a pas les moyens de couvrir les frais entraînés par sa défense, vous devriez formuler une demande d’assistance auprès du tribunal. Cela inclut l’exemption de frais judiciaires, ainsi que l’obtention de fonds pour procéder à une évaluation de la santé mentale de la personne accusée et recourir à d’autres personnes qualifiées pour procéder à cette évaluation[160], si le tribunal n’a pas déjà fourni de tels examens et que vous les jugez nécessaires[161].

À ce sujet, l’article 14(3)(b) du PIDCP dispose que toute personne accusée d’une infraction pénale a droit à disposer « des facilités nécessaires à la préparation de sa défense » et « à obtenir la comparution et l’interrogatoire des témoins à décharge »[162]. Dans l’affaire Diocles William c. Tanzanie, la Cour Africaine des droits de l’homme et des peuples a jugé que l’État doit assister la défense en assurant la présence de témoins durant le procès.[163] D’autre part, la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples reconnait le droit des personnes accusées à disposer des facilités nécessaires à la préparation de leur défense, ainsi que le droit de tout personne passible de la peine de mort à être représentée par un·e avocat·e[164] et à ce que les avocat·e·s commis·e·s d’office soient correctement rémunéré·e·s pour les inciter à représenter les personnes accusées de manière adéquate et efficace[165].

 

D.  Requête aux fins de contester la jonction des procédures

Si la personne que vous défendez est jugée en même temps que d’autres personnes, vous devez envisager de contester la décision de jonction des procédures car cela pourrait lui être préjudiciable. Dans certaines juridictions, la jonction des procédures est facultative lorsque les infractions sont connexes[166], mais obligatoire lorsque les infractions sont indivisibles[167]. Renseignez-vous sur les règles applicables dans votre juridiction, et soyez prêt·e le cas échéant à argumenter en faveur de la disjonction des procédures.

 

E. Demande de huis clos

Certaines juridictions reconnaissent le droit de la personne accusée à demander le « huis clos », c’est-à-dire à ce que les débats judiciaires se déroulent hors de la présence du public. Dans ce cas, seules les parties intéressées et leurs avocat·e·s peuvent pénétrer dans la salle d’audience. Le huis clos peut être ordonné par un·e juge si la publicité est dangereuse pour l’ordre, la sérénité des débats, la dignité de la personne, les intérêts de personnes tierces, ou si elle poserait un danger pour l’ordre public. Il y a danger pour l’ordre public lorsque les débats sont perturbés par le public présent dans la salle (esclandres, commentaires ou intimidation). Du fait de son caractère exceptionnel et dérogatoire, le huis clos ne concerne que l’audience, les débats et les jugements séparés (intervenants sur des exceptions ou des incidents) mais pas le prononcé de la décision au fond qui reste public.

 

II.  Le droit à un procès équitable

 

Aux termes du droit international, toutes les personnes accusées ont droit à une procédure régulière et sont égales devant la loi[168]. Ces droits fondamentaux comportent de multiples facettes : le droit à un procès équitable devant une juridiction impartiale, le droit à un jugement sans retard excessif et dans un délai raisonnable, le droit d’assister physiquement au procès et d’y participer de façon significative, le droit à la présomption d’innocence, et le droit de ne pas témoigner contre soi-même.

A. Le droit d’être entendu·e par un tribunal impartial

Toute personne accusée a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement devant un tribunal indépendant, impartial et dans un délai raisonnable à partir du moment où elle a été accusée ou placée en détention. Ce droit est fondamental et est énoncé dans de nombreux documents de droit international[169].

 

  1. Quels sont les éléments constitutifs du droit à un procès équitable ?

Tous les instruments internationaux et régionaux en matière de droits humains, ainsi que les législations de nombreux pays[170], garantissent le droit à un procès équitable.[171] Certaines des garanties fondamentales provenant de ces sources incluent :

  • Le principe d’« égalité des armes » entre l’accusation et la défense ;
  • Le droit à une procédure contradictoire ;
  • Le droit de recevoir sans délai des informations compréhensibles et détaillées relatives aux motifs de l’accusation ; et
  • Le droit au temps et aux facilités nécessaires à la préparation de sa défense (voir chapitre 2).

 

Selon le Lawyers Committee for Human Rights (Comité de juristes pour les droits de l’homme), le critère le plus important pour évaluer l’équité d’un procès est le respect du principe d’égalité des armes entre les parties au procès[172]. L’égalité des armes, qui doit être respectée tout au long du procès, signifie que les deux parties sont traitées de manière à assurer qu’elles sont à position égale d’un point de vue procédural au cours du procès.

L’égalité des armes « implique l’obligation d’offrir à chaque partie une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire »[173]. La Commission africaine des droits de l’homme et des peuples considère que « [l]e droit à un traitement égal par une juridiction, particulièrement en matière criminelle, signifie en premier lieu, l’accès de la défense et du ministère public aux mêmes chances de préparation et de présentation de leurs plaidoiries et réquisitoires au cours du procès »[174].

Il est impossible d’identifier toutes les situations qui constitueraient une violation de ce principe. Il peut s’agir par exemple de l’exclusion de la personne accusée et/ou de son avocat·e d’une audience en présence de la·du procureur, ou du refus de lui accorder le temps suffisant pour préparer sa défense. Ce principe comprend aussi l’accès au dossier d’instruction afin de réfuter les faits reprochés et préparer la défense de la personne accusée.

 

Le droit à un procès équitable comprend également le droit à un procès public. Par principe, les audiences doivent être publiques, mais dans certains cas le tribunal peut demander le huis clos. En revanche, tout jugement rendu en matière pénale doit être public[175].

 

Exemple de réussite (Burundi) 

  • Dans l’affaire Bwampamye c. Burundi, la Commission africaine a jugé que le refus du juge d’accorder un renvoi d’audience à la personne accusée pour permettre à son avocat malade de venir plaider est contraire aux droits de la défense. La Commission a estimé « que le juge aurait dû accéder à la demande du prévenu étant donné le caractère irréversible de la peine encourue » (à l’issue de l’audience, le prévenu a été condamné à la peine de mort). « La commission considère qu’en refusant d’accéder à la requête de report sollicitée par le prévenu, la Cour d’appel a violé le droit à l’égalité de traitement, l’un des principes fondamentaux du droit à un procès équitable »[176]. La Commission a considéré que le Burundi avait violé les dispositions de l’article 7(1)(c) de la Charte africaine et a demandé à ce que le Burundi réexamine l’affaire.

 

  1. Quelle importance revêtent l’indépendance et l’impartialité d’un tribunal ?

 

L’indépendance et l’impartialité du tribunal sont essentielles à la conduite d’un procès équitable. Les juges et les membres du jury ne doivent pas avoir d’intérêt personnel dans une affaire, ni d’opinion formée d’avance sur l’issue du procès. Elles·ils doivent être en mesure de se faire une opinion sur l’affaire sans faire l’objet de pressions ou d’ingérences provenant du gouvernement ou de toute autre source[177]. Lorsque de tels obstacles à l’indépendance et l’impartialité du tribunal sont écartés, le tribunal peut rendre des décisions en s’appuyant sur les faits et dans le respect de la loi. Ce droit garantit également que la désignation des juges doit se faire sur la base de leur expertise juridique. Le tribunal doit être indépendant, non seulement de l’exécutif, mais aussi des parties en cause[178].

La présence de personnes qualifiées du point de vue judiciaire ou juridique au sein d’un tribunal est un des signes de son indépendance[179]. Lorsque vous défendez le droit de votre client·e à être jugé·e par un tribunal indépendant, vous devez tenir compte des questions suivantes :

  • La nomination des juges dans votre juridiction est-elle satisfaisante ? Quelle est l’implication et le contrôle qu’exerce le pouvoir exécutif sur la nomination des juges ?
  • Est-ce que la composition du tribunal en charge du procès est suspecte ? En d’autres termes, est-ce-que le choix des juges ou des membres du jury est entaché de motifs susceptibles d’influencer l’issue de la procédure ?
  • Le tribunal a-t-il le pouvoir de rendre une décision contraignante qui ne saurait être modifiée par une autorité non judiciaire ?

 

Dans ce cadre, la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples note que « la comparution et le jugement de personnes civiles par un tribunal militaire, présidé par des officiers militaires en activité, qui sont encore régis par le règlement militaire viole les principes fondamentaux du procès équitable »[180].

De même, la Commission africaine a déclaré que « la sélection de responsables militaires en activité, sans aucune formation en droit, pour jouer le rôle de juge, constitue une violation du paragraphe 10 des Principes fondamentaux relatifs à l’indépendance de la magistrature qui dispose que ‘Les personnes sélectionnées pour remplir les fonctions de magistrats doivent être intègres et compétentes et justifier d’une formation et de qualifications juridiques suffisantes’ »[181].

Si vous pensez qu’un·e ou plusieurs membres du tribunal ne sont pas en mesure de rendre un jugement impartial et objectif, il vous faudra éventuellement recourir à une autorité d’un ordre supérieur, conformément à ce que prévoit le droit interne. Pour établir un tel manque d’impartialité et obtenir le retrait d’un·e ou plusieurs membres du tribunal, il vous faudra apporter des éléments de preuve solides de sa ou de leur partialité.

 

Surmonter les obstacles

Que faire si vous doutez de l’impartialité d’un·e ou plusieurs des juges du procès ?

  • Avant de formuler des allégations de partialité, regardez s’il existe en droit interne une règle vous permettant de contester la compétence d’un·e juge sans avoir à donner de motifs.
  • Avant de soulever la partialité du tribunal, il vous faudra recueillir des preuves démontrant qu’il existe un doute quant à l’impartialité d’un·e des juges, ce qui pourrait influencer l’issue de la procédure.
  • Vous pouvez par exemple démontrer qu’au moins un·e des juges a pris part à la procédure en amont, a un lien avec la personne accusée (lien de parenté, relation etc.) ou a un intérêt personnel dans l’issue de la procédure (existence d’une procédure pénale entre une des parties et la·e juge ou sa famille etc.).
  • Vous devriez pouvoir, à titre subsidiaire, démontrer qu’un·e des juges s’est par avance forgé une opinion qui va influencer sa décision ou qu’il existe d’autres raisons remettant en cause son impartialité[182].

 

B.  Droit à un procès rapide

 

Toute personne accusée a le droit à ce que sa cause soit entendue dans un délai raisonnable[183]. Dans les affaires pénales, le délai commence à courir lorsqu’une personne soupçonnée est inculpée. Ce délai prend fin lorsque la procédure est terminée au plus haut niveau possible, lorsque la décision devient définitive et que le jugement est exécuté. Ce qui constitue un « retard excessif » dépend des circonstances particulières de votre affaire, à savoir : sa complexité, la conduite des parties, le fait que la personne accusée soit ou non en détention, etc.[184].

Les retards excessifs constituent un problème récurrent et non négligeable dans de nombreux pays en raison du nombre élevé de personnes détenues en attente de jugement, des contraintes pesant sur la magistrature et de ses capacités limitées pour traiter efficacement les affaires. Si la personne que vous défendez a été détenue sans procès pendant des années, vous devez envisager de demander aux tribunaux sa libération immédiate en vertu du droit interne et de la Constitution[185]. Si ce moyen échoue, vous devez envisager un recours auprès d’un organe international des droits humains (voir chapitre 9).

 

C.  Le droit au respect de la présomption d’innocence

En vertu du droit international, toute personne accusée a le droit de bénéficier de la présomption d’innocence[186]. Selon l’article 14(2) du PIDCP « [t]oute personne accusée d’une infraction pénale est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie ». L’article 7(1)(b) de la Charte africaine des droits de l’homme et des Peuples s’inscrit dans la même logique et dispose que « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue. Ce droit comprend (…) le droit à la présomption d’innocence, jusqu’à ce que sa culpabilité soit établie par une juridiction indépendante ».

Bien que les articles mentionnés ne fournissent pas de détails au sujet des exigences requises en matière de preuve, on admet généralement que « la culpabilité doit être établie, soit sur la base de l’intime conviction des juges, soit au-delà d’un doute raisonnable, selon le système qui assure la plus grande protection au principe de la présomption d’innocence en droit national »[187]. La Commission africaine a jugé dans l’affaire Malawi Africa Association et autres c. Mauritanie que le droit à la présomption d’innocence est violé si, au cours d’un procès, le tribunal considère que le refus des personnes accusées de se défendre elles-mêmes revient à admettre leur culpabilité et fonde leur condamnation sur des déclarations obtenues par la force lors de leur détention par la police[188]. Par ailleurs, dans une autre affaire impliquant le Nigéria, la Commission africaine a estimé que le droit à la présomption d’innocence avait été violé, d’une part, car le tribunal avait admis au moment de la condamnation qu’il n’y avait pas de preuve directe qui liait les personnes accusées aux meurtres, mais qu’elles n’avaient pas été en mesure de prouver leur innocence, et d’autre part, car les hautes autorités du gouvernement avaient affirmé à diverses conférences de presse et devant les Nations Unies que les personnes accusées étaient coupables de ces crimes[189].

Dans l’affaire Diocles William c. Tanzanie, la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, a jugé qu’un procès équitable « requiert que la condamnation d’une personne d’une sanction pénale et particulièrement d’une lourde peine de prison, soit fondée sur des preuves solides. » Dans ce cas, le requérant avait été condamné pour viol. La Cour a jugé qu’en l’absence de contraintes techniques, une diligence raisonnable requière le recours à l’ADN afin de « lever tout doute quant à qui a commis le crime ». Selon la Cour, les autorités auraient dû faire plus d’efforts pour clarifier les circonstances du crime quand les témoignages des témoins étaient contradictoires. Par conséquent, la condamnation du prévenu a violé l’article 7 de la Charte Africaine, y compris la présomption d’innocence.[190]

Cette présomption ne s’applique pas nécessairement aux moyens de défense que vous pourriez soulever durant le procès. En effet, l’article 6(2) de la Convention européenne des droits de l’homme n’interdit pas les présomptions de fait ou de droit en droit pénal, mais indique que toute norme faisant peser la charge de la preuve sur la défense doit être enserrée dans des « limites raisonnables prenant en compte la gravité de l’enjeu et préservant les droits de la défense »[191]. À partir du moment où la charge de prouver la culpabilité incombe dans son ensemble au ministère public, la présomption d’innocence ne fait pas blocage aux règles qui transfèrent à la personne accusée la charge de la preuve pour prouver son moyen de défense. Par conséquent, si la personne accusée soutient qu’elle a agi en état de légitime défense ou sous la contrainte, il est possible que la charge de la preuve pèse sur elle afin de démontrer que l’excuse qu’elle invoque est valable en l’espèce.

Les juges et les autorités publiques ont le devoir de préserver la présomption d’innocence et de « s’abstenir de préjuger de l’issue d’un procès »[192]. Vous devez être particulièrement attentif à l’apparence de votre client·e lors d’un procès afin de maintenir la présomption d’innocence. Par exemple, vous devez être prêt à vous opposer si le tribunal exige sans justification raisonnable que la personne que vous défendez porte des menottes ou un uniforme de prison, ou soit enchaînée, dans la salle d’audience.

Dans l’affaire Media Rights Agenda c. Nigéria, la Commission africaine a jugé que le fait qu’un gouvernement organise une intense publicité́ pour persuader le public de la culpabilité des personnes poursuivies est contraire aux normes d’un procès équitable[193]. De même, dans l’affaire Law office of Ghazi Suleiman c. Soudan, la Commission africaine a condamné la « publicité́ faite par les officiers de l’État visant à culpabiliser les personnes accusées d’un délit avant que leur culpabilité ne soit établie par un tribunal compétent » et a déclaré que « la publicité́ négative de la part du gouvernement viole le droit de présomption d’innocence, protégé́ par l’article 7 (1)(b) de la Charte africaine. »[194]

 

D.  Le droit de la personne accusée d’assister à son procès et l’accès à des interprètes

 

Afin de défendre convenablement une personne qui encourt la peine de mort, vous devez pouvoir avoir immédiatement accès à cette personne en audience publique en vue de communiquer, entre autres, au sujet des preuves et des témoignages. C’est pourquoi elle doit être présente au procès pour prendre part à sa propre défense[195]. Pour que la personne accusée puisse participer de manière effective à sa propre défense, il faut qu’elle puisse comprendre ce qui se passe à l’audience. Le droit international prévoit que tout individu a le droit à « se faire assister gratuitement d’un·e interprète, s’il ne comprend pas ou ne parle pas la langue employée à l’audience »[196]. A titre d’exemple, en 2006, la Cour Suprême du Niger a annulé deux condamnations à mort d’une cour d’assises car les personnes accusées n’avaient pas été assistées par des interprètes[197]. Assurez-vous que l’interprète mis à disposition par le tribunal a les compétences requises et suffisamment d’expérience, et intervenez à chaque fois que vous remarquez que l’interprète n’a pas traduit une information fidèlement. De manière générale, le droit de bénéficier de services d’interprétation inclut également la traduction de tous les documents pertinents[198]. L’assistance d’un·e interprète est généralement gratuite et l’on ne saurait restreindre ce droit en demandant à la personne accusée après sa condamnation de rembourser les frais d’interprétation.

 

E.  Le droit de confronter les témoins à charge et de les interroger

 

Toute personne a le droit d’interroger les témoins à charge. Ce même droit l’autorise également à obtenir la comparution de témoins à décharge[199]. Selon ce principe général appliqué dans la plupart des tribunaux, les personnes accusées d’une infraction doivent pouvoir appeler et interroger tout individu si elles considèrent que le témoignage est pertinent pour leur cause. Elles doivent, de même, pouvoir interroger toute personne appelée à témoigner et ayant apporté des éléments de preuve sur lesquels s’appuie le tribunal.

Plusieurs autres droits découlent de ces principes fondamentaux. Tout d’abord, le même traitement doit être réservé aux parties en ce qui concerne l’introduction d’éléments de preuve par le biais de l’interrogation des témoins (cf. partie sur les témoins ci-dessous). Par ailleurs, l’accusation doit vous transmettre les noms des témoins qu’elle entend appeler à la barre dans un délai raisonnable avant le procès afin que vous disposiez du temps suffisant pour préparer la défense de la personne accusée. Enfin, la personne accusée est également en droit d’être présente durant le témoignage des témoins et un tel droit ne peut être restreint que dans des circonstances exceptionnelles, par exemple lorsque la personne qui témoigne a des raisons de craindre des représailles de la part de la personne accusée.

Afin de prévenir toute violation de ces droits, vous devez pousser les tribunaux à examiner de près toute allégation concernant un risque éventuel de représailles. Certaines mesures moins drastiques que le retrait de la personne accusée peuvent être prises, telles que placer un écran entre les témoins et la personne accusée pour qu’elles ne se voient pas, ou permettre à la personne accusée de visionner le témoignage depuis une autre salle. Le retrait de la personne accusée ou des personnes coaccusées de la salle d’audience ne devrait avoir lieu que lorsque le risque de représailles est avéré. Si des témoins sont interrogé·e·s en votre absence, vous devez vous y opposer. De même, le recours à des témoignages anonymes ne peut généralement pas être admis étant donné que cela constitue une violation du droit de la personne accusée à interroger ou faire interroger les témoins à charge[200].

Plusieurs systèmes juridiques africains reconnaissent aux personnes accusées le droit de garder le silence. La Cour européenne des droits de l’homme a statué que le droit à un procès équitable dans le cadre d’affaires criminelles incluait le « droit pour tout accusé … de se taire et de ne point contribuer à sa propre incrimination »[201]. Dans l’affaire Saunders c. Royaume-Uni, la Cour a expliqué que, même s’ils n’étaient pas explicitement énoncés dans l’article 6 de la Convention, le droit de se taire et le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination étaient des normes internationales reconnues, au cœur de la notion de procès équitable consacrée par l’article 6[202]. Ces droits existent en vue de protéger la personne accusée contre des pressions inappropriées de la part des autorités, y compris une coercition abusive, qu’elle soit directe ou indirecte, physique ou mentale, avant ou durant le procès, et de tout ce qui pourrait être utilisé pour forcer la personne accusée à témoigner contre elle-même ou à avouer sa culpabilité. La Cour européenne déclare ainsi que « le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination présuppose que, dans une affaire pénale, l’accusation cherche à fonder son argumentation sans recourir à des éléments de preuve obtenus par la contrainte ou les pressions, au mépris de la volonté de l’accusé. En ce sens, ce droit est étroitement lié au principe de la présomption d’innocence » [203].

Ce droit signifie que la personne que vous défendez pourrait choisir de garder le silence et de ne pas témoigner durant le procès[204]. De manière générale, le silence de la personne accusée ne saurait être utilisé comme preuve de sa culpabilité et aucune conséquence défavorable ne devrait pouvoir en découler.

 

F.  Le droit de connaître le fondement de la décision du tribunal : le droit à un jugement motivé

 

Vous devez défendre le droit de la personne que vous défendez à obtenir dans les meilleurs délais une décision motivée par écrit du tribunal. Ce droit est inhérent au droit à un procès équitable et il constitue la base sur laquelle le droit à interjeter appel de la décision se fonde. Si le tribunal ne fournit pas automatiquement de jugement écrit, vous devez demander au tribunal de rédiger ledit jugement dès lors que la décision est prononcée et de vous transmettre le document.

Dans plusieurs États africains, la loi prévoit expressément que les jugements soient motivés en fait et en droit, sous peine de nullité[205]. L’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme prévoit que les tribunaux doivent motiver leurs décisions relatives à des affaires pénales. De même, l’article 74(5) du Statut de la Cour pénale internationale indique que les décisions de la Chambre de première instance doivent être présentées par écrit et doivent contenir « l’exposé complet et motivé des constatations de la Chambre de première instance sur les preuves et les conclusions ». Bien qu’un tribunal n’ait pas l’obligation de donner des explications détaillées quant à chacun des aspects de sa décision, il doit néanmoins aborder toutes les questions cruciales à l’issue de l’affaire pour motiver sa décision[206]. La Chambre criminelle de la Cour de Cassation française a jugé que « tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence »[207]. Par conséquent, vous devez vérifier si les problèmes de droit soulevés dans le dispositif des conclusions des parties ont été examinés, et si la Cour y a répondu de manière satisfaisante dans son jugement. Au Cameroun, il est de jurisprudence constante que le défaut de réponse aux conclusions équivaut à l’absence de motifs, et un tel jugement ne peut qu’être cassé[208]. Les décisions doivent contenir une motivation réelle, ce qui n’est pas le cas d’un jugement qui se contente de déclarer qu’« il résulte des débats de l’audience et des pièces versées à la procédure que le prévenu a bien commis les faits qui lui sont reprochés »[209] ou qui énonce que « les faits sont suffisamment établis »[210]. Dans ce cas, vous devez demander l’annulation de ce jugement pour défaut de motivation.

Lorsque les décisions sont prises par un jury, il est fréquent que le verdict ne soit accompagné d’aucune motivation écrite[211]. Renseignez-vous sur les règles afférentes au verdict des jurys dans votre pays. Si la·le juge adresse des questions ou des consignes au jury, vérifiez qu’elles soient précises, qu’elles ne portent pas à confusion, et qu’elles comprennent des questions qui correspondent à la thèse de l’affaire que vous défendez. Si nécessaire, contestez les questions posées ou demandez l’ajout ou la modification de certaines questions. De même, si cela est autorisé dans votre juridiction, demandez aux membres du jury de répondre individuellement au sujet de leur verdict. Vous devriez également demander à la·au juge l’autorisation de parler avec les membres du jury une fois que le procès est terminé. Si le jugement n’a pas été rendu à l’unanimité, vous devez chercher à comprendre les raisons pour lesquelles certain·e·s membres du jury ou juges ont eu un avis différent. Ces informations pourraient vous être utiles, si vous entendez interjeter appel contre le jugement.

 

III.  Développer une stratégie de défense

En vue de défendre votre client·e de manière efficace lors du procès, il vous faudra porter une attention particulière à la manière dont vous développerez votre stratégie pour le procès. Cela implique tout d’abord, de développer une thèse relative à l’affaire qui donnera une trame et une direction à l’ensemble de votre défense. Ce manuel a pour objectif de présenter quelques règles et conseils généraux pour élaborer une stratégie de défense. Certaines de ces règles, comme le développement d’une thèse relative à l’affaire, sont d’application universelle. D’autres, comme la sélection du jury, ne s’appliquent que dans certains pays. Par ailleurs, le développement de votre stratégie judiciaire sera déterminé par les règles et la culture de votre pays et par votre appréciation de la manière dont les juges et les membres du jury réagiront aux tactiques que vous choisirez.

 

A.  Développer une thèse relative à l’affaire

Les procès consistent souvent à opposer deux versions des faits : la version fournie par l’accusation et la version fournie par la défense. Il est nécessaire de développer une thèse relative à l’affaire afin de s’assurer que la défense présentée soit cohérente et crédible. La thèse que vous adopterez peut également guider votre recherche d’informations pour préparer votre défense. Par exemple, votre thèse peut consister à plaider que la personne que vous défendez a agi en état de légitime défense lorsqu’elle a tué la victime, ou qu’une erreur a été commise concernant l’identité de la personne ayant commis l’agression et que la personne accusée n’a commis aucun crime. Quel que soit votre choix, il vous faudra mettre en avant des preuves cohérentes à l’appui de votre thèse et apporter des explications vis-à-vis des preuves qui semblent la décrédibiliser. La thèse que vous élaborerez permettra donc de vous guider dans le choix des preuves que vous traiterez, y compris dans la sélection des témoins et des pièces à conviction. Vous devez pouvoir vous appuyer sur votre thèse durant toutes les phases du procès, que ce soit lors de la sélection du jury, de l’audition des témoins ou des déclarations liminaires et finales.

 

  1. Une thèse globale

 

Pour être efficace, il est nécessaire que votre thèse soit « globale », c’est-à-dire qu’elle englobe tous les aspects de l’affaire. Votre thèse doit incorporer tous les faits de l’affaire pour en faire un récit unique et unifié. Ainsi, elle devra être beaucoup plus élaborée qu’une simple allégation d’un moyen de défense. Pour qu’une thèse soit efficace, elle doit être facile à comprendre, et former un récit qui rend compte de chaque élément de preuve qui sera présenté. Vous devez analyser tous les faits et tous les arguments juridiques que vous pourriez être amené·e à présenter et sélectionner la thèse qui prend le mieux en compte tous ces éléments.

 

  1. Une thèse cohérente

 

Pour que votre thèse convainque les juges et les membres du jury, elle devra être cohérente. Dans la mesure du possible, essayez, dès le stade de l’instruction, de développer une thèse sur laquelle vous pourrez vous appuyer en cas de procès. Même si la composition du tribunal ne sera pas la même, les éléments du dossier d’instruction reflèteront votre stratégie et votre thèse de l’affaire à ce stade. Si vous changez de thèse lors du procès et adoptez une position en contradiction avec la thèse soutenue lors de l’instruction, cela peut créer une confusion et vous, ainsi que la personne que vous défendez, risquez de perdre votre crédibilité auprès du tribunal. Ainsi, la thèse que vous présenterez durant la phase d’instruction doit permettre de poser les fondements pour la thèse qui sera présentée au procès, et préparer le terrain concernant les circonstances atténuantes qui permettront d’influer sur la peine. Vous devez donc veiller autant que possible à formuler une thèse unique et cohérente d’un bout à l’autre de la procédure.

Vous pourriez être tenté·e·s d’avancer toutes les thèses concevables pour contester chaque élément de preuve, sans souci de cohérence, même si les thèses en question se contredisent entre elles. Vous devriez éviter de faire cela car si vous présentez de nombreuses thèses qui s’opposent, la Cour ne saura pas à laquelle se fier. Concentrez-vous au contraire sur une thèse et liez-la de façon cohérente avec votre présentation des preuves.

 

  1. Une thèse rappelée en permanence

 

Les juges et les membres du jury commencent à se forger une opinion relative à une affaire très tôt. C’est pourquoi vous devez présenter la thèse que vous aurez choisie dès le début du procès et la répéter à chaque étape de la procédure, y compris lors des demandes in limine litis, des observations liminaires, de la présentation des preuves et de la plaidoirie finale.

Votre thèse doit dès le début englober les éléments nécessaires à la détermination de la culpabilité, mais aussi ceux relatifs à la détermination de la peine. Par exemple, si les questions de santé mentale font partie de votre thèse, vous devez introduire les éléments de preuves afférents à la santé mentale de la personne accusée dès le début du procès et ne pas attendre votre plaidoirie finale pour mentionner cette circonstance atténuante.

 

  1. Une thèse concise

Même dans le cadre d’affaires complexes, vous devez être en mesure de présenter la thèse de l’affaire de manière concise, c’est-à-dire en une ou deux phrases. Il est important que vous ayez une thèse simple et courte qui puisse être répétée tout au long du procès lorsque vous prenez la parole, lors de vos questions, de votre présentation des preuves et de vos plaidoiries. La répétition d’une seule et même thèse aidera les juges et les membres du jury à s’en souvenir.

 

a.  La sélection du jury

 

Les procès avec jury sont une des caractéristiques des systèmes de justice pénale de Common Law, mais le recours à un jury est de plus en plus utilisé dans les juridictions de tradition civiliste[212]. Si dans votre pays les procès de personnes passibles de la peine de mort se font avec un jury, alors la sélection du jury constitue une des étapes du procès au cours de laquelle votre rôle est essentiel. Toute personne accusée a le droit d’être jugée par un jury impartial qui examinera sans préjugés les moyens de défense que vous présenterez. Vous devez donc vous assurer du mieux que vous le pouvez et conformément aux règles du tribunal, que le jury soit composé de personnes qui examineront la cause de la personne accusée de façon équitable.

Selon les règles en vigueur dans votre juridiction, il vous sera possible de récuser un certain nombre des membres du jury tiré·e·s au sort. Assurez-vous de bien connaitre les normes qui s’appliquent à la récusation des membres du jury. Demandez par avance la liste des personnes tirées au sort et faites des recherches sur elles pour identifier lesquelles risquent d’être moins favorables à la personne accusée, afin de pouvoir les récuser si elles sont sélectionnées.

S’il est permis aux avocat·e·s de votre juridiction de poser des questions aux membres du jury, vous devez avoir trois principales questions en tête afin de détecter d’éventuels préjugés :

 

  • Est-ce que la personne sera en mesure d’examiner toutes les preuves de manière impartiale ?

Vous devez poser des questions visant à dévoiler la disposition de chaque membre du jury d’écouter la présentation des preuves et des arguments de manière impartiale, sans parti pris ni préjugé. Il vous faut également vérifier que personne n’est mal disposé envers la personne accusée pour des raisons raciales, de genre, religieuses ou d’autres appartenances à un groupe social. De même, vous avez intérêt à poser des questions visant à déterminer si chaque membre du jury a la volonté ou non d’étudier véritablement les circonstances atténuantes (ce qui est particulièrement important si le jury participe à la détermination de la peine). Ces questions vous donnent également l’opportunité́ d’introduire votre thèse de l’affaire, que vous développerez tout au long du procès. Par exemple, si vous prévoyez de présenter des preuves concernant les problèmes de santé mentale de la personne accusée, il convient de poser des questions visant à vérifier que chaque membre du jury sera disposé·e à examiner des preuves afférentes à la santé mentale lors des délibérations. Vous pourrez ainsi atteindre un double objectif : identifier et récuser les membres du jury qui auraient des préjugés envers ces éléments de preuve et indiquer très tôt dans la procédure que les questions de santé mentale joueront un rôle dans le procès.

 

  • Est-ce qu’elle aidera la personne que vous défendez durant les délibérations du jury ?

En raison de leur origine ou de leur histoire, certaines personnes pourraient se montrer bien disposées à l’égard de la personne accusée et plus sensibles à vos arguments concernant sa culpabilité, sa personnalité et son passé. Vous aurez donc intérêt, dans la mesure du possible, à adresser vos questions de telle sorte que ces membres du jury ne se fassent pas récuser par les autres parties. Pour atteindre un tel objectif, il vous faudra poser vos questions de manière à empêcher l’accusation de trouver une base légale pour les récuser. Par exemple, l’accusation pourrait vouloir exclure les membres du jury qui exprimeraient leur réticence à participer à un procès où la personne accusée encourt la peine de mort. Si vous pensez que ces personnes pourraient être de bons membres du jury, sensibles à vos arguments, essayez de montrer au travers de vos questions qu’elles seront justes dans leur décision et examineront toutes les preuves de façon impartiale. Pour ce faire, vous pourriez leur demander : « Vous suivrez la loi et les instructions de la·du juge, n’est-ce pas ? ».

 

  • Est-ce qu’elle pourrait voter pour une peine alternative à la peine de mort ?

Enfin, dans les pays où le jury a le pouvoir de déterminer non seulement la culpabilité mais aussi la peine, vous devez vous assurer que chaque membre du jury est disposé·e à envisager des peines alternatives à la peine de mort. Assurez-vous de poser des questions visant à déterminer si certaines personnes seraient enclines à voter automatiquement pour l’imposition de la peine de mort si la personne accusée est déclarée coupable, quelles que soient les circonstances atténuantes.

 

C.  Les témoins lors du procès

 

a) À quels témoins faire appel ?

 

Le nombre et le type de témoins qu’il vous conviendra de présenter variera énormément en fonction du crime dont la personne que vous défendez est accusée, de la solidité du dossier de l’accusation et des ressources dont vous disposez. Dans de rares cas, il se pourrait qu’il soit dans votre intérêt que vous ne fassiez pas citer de témoin et que vous consacriez votre défense à mettre en évidence l’incapacité du ministère public de s’acquitter de la charge de la preuve pour chaque élément constitutif du crime que la personne que vous défendez est accusée d’avoir commis. Cependant dans la plupart des cas, il sera nécessaire que vous fassiez citer des témoins. Il conviendra de décider de concert avec la personne accusée qui faire citer.

 

b) Les témoins des faits

 

Les témoins des faits (dont il est également question au chapitre 4) sont souvent essentiel·le·s pour la réussite de votre stratégie de défense. Les témoins qui se trouvaient avec la personne accusée ou sur la scène du crime au moment des faits peuvent apporter des informations importantes au tribunal et attester par exemple de la véracité de son alibi (et par là même établir son innocence) ou certifier de l’avoir pas vue, ou que quelqu’un d’autre a commis le crime ou même que la personne que vous défendez a agi en état de légitime défense. De même, les témoins qui se trouvaient avec la personne accusée au moment de son arrestation peuvent souvent apporter des informations précieuses au sujet de son attitude et du comportement de la police.

 

c) Les témoins de moralité

 

Vous pouvez faire citer des témoins qui apporteront des informations sur la personnalité de la personne que vous défendez. Les membres de sa famille ou les personnes qui la connaissent depuis longtemps peuvent témoigner favorablement pour elle, notamment en ce qui concerne son caractère, permettant ainsi de l’humaniser. Dans les communautés rurales africaines, les responsables de villages peuvent être des témoins de moralité très utiles. Les collègues, les responsables religieux·ses, les membres du corps professoral et enseignant peuvent également apporter des témoignages convaincants permettant de montrer la bonne moralité et le bon caractère de la personne que vous défendez.

 

d) Les témoins ayant une expertise particulière

 

Lorsque vous disposez des ressources nécessaires ou lorsque le tribunal prend en charge ces frais, il est important d’envisager de faire appel à des personnes ayant des qualifications spécifiques qui apporteront leur expertise ou feront une contre-expertise et pourront notamment remettre en cause la fiabilité des techniques d’enquête utilisées, analyser les preuves médico-légales de l’accusation, le rapport d’autopsie indiquant les causes du décès, la parade d’identification de la personne accusée, le rapport balistique, les preuves ADN et génétiques et les empreintes digitales (voir chapitres 4 et 5). Si ces témoignages sont cruciaux pour la défense de la personne que vous défendez, cette dernière a le droit à ce qu’ils soient entendus par le tribunal[213]. Avant de faire citer une personne ayant une expertise particulière vérifiez ses qualifications et son expérience et assurez-vous qu’elle est suffisamment qualifiée conformément aux normes en vigueur au sein de votre juridiction.

 

d) Est-ce que la personne accusée doit témoigner ?

 

Tel que susmentionné, toute personne accusée d’un crime a le droit de ne pas témoigner contre elle-même et de garder le silence[214]. Par conséquent, dans une affaire où la personne que vous défendez est passible de la peine de mort, l’une des décisions les plus fondamentales à prendre est celle de déterminer si elle devrait témoigner ou non. Le fait de lui permettre de proclamer ouvertement son innocence et de raconter sa version des faits peut s’avérer être une stratégie de défense efficace. À l’inverse, si elle n’est pas en mesure de témoigner de façon convaincante, ou si elle ne dispose pas des capacités suffisantes pour supporter un contre-interrogatoire intense, il est peut-être dans son intérêt de ne pas témoigner. La décision de témoigner ou non lui incombe; cependant, il est de votre devoir de l’assister en l’informant de la manière dont son témoignage pourrait aider ou desservir sa défense et avoir une incidence sur la stratégie et la thèse que vous souhaitez développer[215].

 

e) Que faire si des témoins refusent de coopérer ?

 

Si vous identifiez une personne qui pourrait apporter des éléments à décharge, mais qui refuse de témoigner, demandez au tribunal d’exiger qu’elle prenne part à la procédure. Dans de nombreuses juridictions, le tribunal peut délivrer une citation à comparaître en vue d’obliger une personne à témoigner. Assurez-vous de bien connaître les procédures qui existent au sein de votre juridiction pour contraindre des témoins à comparaître. Gardez cependant à l’esprit que le Comité des droits de l’homme a averti que le droit de contraindre une personne à comparaître, du moins en vertu de l’article 14(3)(e) du PIDCP, est limité aux situations dans lesquelles l’incapacité de le faire serait contraire au principe d’égalité des armes[216].

 

f) Que faire après avoir sélectionné vos témoins ?

 

Une fois que vous avez décidé quel·le·s sont les témoins que vous souhaitez faire citer, il vous appartient de vous assurer qu’elles·ils sont prêt·e·s à témoigner et ont les moyens de se rendre au tribunal. Prenez le temps de les informer de la tenue et du comportement qu’il convient d’adopter en salle d’audience. D’autre part, vérifiez que votre témoin connaît la date et le lieu des audiences et prenez toutes les mesures nécessaires pour garantir sa présence à l’audience. Dans les zones rurales où les routes sont en mauvais état, les témoins peuvent avoir besoin d’un jour ou plus pour voyager jusqu’au tribunal. Il faut donc les prévenir à l’avance. Le transport des témoins représente souvent un défi. Si des témoins ne peuvent pas être présents à une audience où leur présence était nécessaire et attendue, il est important d’en faire part au tribunal immédiatement et de demander le renvoi de l’audience. Si le tribunal rejette votre demande, assurez-vous que votre demande a bien été inscrite dans les notes d’audience car cela pourra éventuellement vous être utile en appel.

Les témoins doivent également avoir été préparé·e·s sur le fond et comprendre ce qui est attendu à l’audience. Dans certaines juridictions, en vue d’éviter la subornation de témoin, il existe des limites très strictes au nombre de contacts que les avocat·e·s peuvent avoir avec les témoins avant le procès. Lorsque vous les aidez à se préparer, vous êtes dans l’obligation de les aider à présenter leur propre version des faits, leur propre témoignage, et non pas le témoignage que vous, ou la personne que vous défendez, souhaiteriez.

 

  1. Comment interroger les témoins ?

 

Les systèmes juridiques de tradition civiliste sont de nature inquisitoire et c’est le plus souvent la·le juge qui interroge les témoins, plutôt que les avocat·e·s. Cependant l’influence du système accusatoire des juridictions de Common Law conduit de nombreuses juridictions de tradition civilistes à adopter un système mixte, où la phase du procès devient plus accusatoire, ce qui vous donne une plus grande liberté pour poser des questions aux témoins, traditionnellement par l’intermédiaire du tribunal.

Dans les systèmes de Common Law, il existe une deux types d’interrogatoires : l’interrogatoire dit « direct » et le « contre-interrogatoire ». Par transposition, dans les juridictions de tradition civiliste, l’on distingue donc l’interrogatoire des témoins à décharge, de l’interrogatoire des témoins à charge. En effet, vous ne poserez pas des questions de la même manière selon que les sont témoins sont à charge ou à décharge. Les questions que vous posez aux témoins doivent renforcer votre thèse de l’affaire.

 

a) Les questions à destination des témoins à décharge

 

Poser des questions aux témoins à décharge représente pour vous l’opportunité de présenter la ligne de défense de la personne que vous défendez : il sert à présenter votre stratégie de défense et votre thèse de l’affaire. Si par exemple la personne que vous défendez veut arguer comme moyen de défense ou comme circonstance atténuante des capacités mentales altérées, il vous faudra obtenir des témoignages permettant de prouver une telle affirmation. Les déclarations des témoins peuvent servir de base à la présentation de preuves sur lesquelles vous appuierez votre défense. Pour chaque témoignage que vous envisager d’apporter, posez-vous les questions suivantes :

  • Qu’est-ce-que je veux prouver ou réfuter avec ce témoignage ?
  • De quelle manière ce témoignage peut-il soutenir la thèse que j’ai développée ?
  • Ce témoignage peut-il affaiblir un élément de preuve à charge ?
  • Ce témoignage peut-il renforcer ou remettre en question la crédibilité d’autres témoins ?
  • Puis-je m’appuyer sur ce témoignage pour présenter l’une des preuves à décharge que j’ai l’intention d’utiliser ?

Évitez la tentation qui consiste à essayer de prouver trop d’éléments grâce à un seul témoignage. Si vous vous appuyez trop sur un témoignage, et que celui-ci ne semble pas crédible aux yeux de la·du juge ou du jury ou que la personne qui témoigne n’est pas appréciée, votre thèse sera moins convaincante et votre stratégie en pâtira.

Les questions que vous adressez aux témoins à décharge vous permet d’étayer leur crédibilité. Posez-leur des questions leur permettant d’expliquer les raisons pour lesquelles elles·ils témoignent, les raisons de leur connaissance des faits, leur capacité à observer l’incident, leur impartialité, ainsi que leur absence d’intérêt personnel quant à l’issue du procès. En ce qui concerne les témoins ayant une expertise particulière, il est important de leur demander de présenter leur expertise dans le domaine au sujet duquel elles·ils témoignent.

 

b) Les questions à destination des témoins à charge

Poser des questions aux témoins à charge vous donne l’opportunité de remettre en cause leur témoignage. En vue de vous préparer, vous devez essayer d’anticiper les déclarations que les témoins à charge vont faire et réfléchir aux éléments que vous pourrez, si nécessaire, contester ou rectifier.

Si le tribunal dont relève votre affaire vous autorise à poser des questions dites « fermées », c’est-à-dire qui appellent une réponse par oui ou non, utilisez ce type de questions avec les témoins à charge. Ne posez jamais une question dont vous ne connaissez pas la réponse, à moins qu’il n’y ait aucun risque que la réponse puisse nuire à votre défense. Vos questions doivent concerner un seul point à la fois. Par exemple : « Vous avez dit qu’il était 19 heures quand vous avez vu l’incident ? », « Le soleil se couche bien à 18 heures ? », « Il n’y avait pas de lampadaires ? » ou « Vous étiez à 50 mètres ? ». Surtout ne posez pas de question telle que : « Vous n’avez donc pas pu voir ce qui se passait ? » En posant cette question, vous invitez la personne qui témoigne à insister sur le fait qu’elle pouvait voir de là où elle était, et vous détruisez l’effet de votre contre-interrogatoire soigneusement préparé jusque-là.

Posez-vous les questions suivantes en vue de préparer un contre-interrogatoire efficace :

  • Est-ce que la personne témoigne est partiale ou a des raisons de vouloir témoigner contre la personne que vous défendez et en faveur de l’accusation ?
  • Y a-t-il des éléments de son témoignage qui se contredisent ?
  • Ses déclarations contredisent-t-elles ses propres déclarations antérieures sur le même sujet ?
  • Pouvez-vous identifier des incohérences entre ses déclarations et celles des autres témoins ?
  • Est-ce que cette personne était en mesure d’observer l’incident au sujet duquel elle témoigne ?
  • Est-ce qu’elle peut vous aider à établir des faits qui affaibliraient certains aspects de la stratégie de l’accusation ?
  • Est-ce qu’elle peut vous aider à établir des faits utiles pour votre thèse et votre stratégie ?
  • Comment pouvez-vous minimiser ou discréditer un témoignage défavorable qui aurait été élicité pendant les questions avancées par la·le procureur?
  • Pouvez-vous la pousser à se rétracter ou à discréditer son propre témoignage ?
  • Pouvez-vous la pousser à admettre qu’elle n’a pas de certitude au sujet d’un point qu’elle a abordé ?
  • Existe-t-il des faits supplémentaires que vous pouvez soulever qui atténueraient l’impact des déclarations des témoins de l’interrogatoire direct ?
  • Si la personne qui témoigne a exagéré sa connaissance relative à un élément, pouvez-vous la pousser à se rétracter ou à revenir sur son témoignage ?
  • Est-ce que cette personne a déjà été accusée de mentir sous serment ?
  • Est-ce qu’elle a déjà été condamnée pour un crime ? (Vous devriez enquêter sur le casier judiciaire de tous·tes les témoins et demander à obtenir leurs casiers judiciaires).
  • Est-ce qu’elle a présenté des preuves qui ne relèvent pas de son domaine d’expertise ?
  • Est-ce qu’elle est une experte dont la compétence, la formation ou l’expérience pourraient être contestées ?
  • Son indépendance peut-elle être contestée ?
  • Est-ce qu’elle respecte les exigences imposées par votre juridiction pour être qualifiée de personne ayant une expertise particulière?

 Vous devez également préparer tous les documents et preuves que vous avez l’intention d’utiliser lorsque vous poserez des questions à destination des témoins à charge.

 

D.  Les preuves

 

La charge de la preuve incombe à l’accusation qui doit renverser la présomption d’innocence et prouver la culpabilité de la personne accusée au-delà de tout doute raisonnable, de manière à convaincre la·le ou les juré-e-s. La personne que vous défendez peut donc en principe rester silencieuse car la défense n’a pas à apporter de preuve de sa non-culpabilité. Cependant il est le plus souvent dans son intérêt d’apporter des preuves qui viendront contrecarrer les preuves apportées par l’accusation. Les preuves matérielles peuvent avoir un effet persuasif sans commune mesure auprès d’un·e juge ou d’un jury. Rien n’est aussi efficace que de permettre à un jury de tirer ses propres conclusions après avoir vu, touché, senti ou écouté une preuve. Par exemple, les déclarations de témoins concernant une scène de crime deviennent plus convaincantes et crédibles si elles sont accompagnées d’une photographie ou d’une vidéo qui viennent confirmer le témoignage.

 

  1. Quelles preuves présenter et comment les présenter ?

 

Par principe en droit pénal, la preuve est libre[217]. Les juges évaluent la force probante des preuves qui leurs sont présentées selon leur intime conviction, c’est-à-dire que les juges sont libres d’apprécier la valeur à donner à chaque preuve[218]. Cela signifie notamment qu’aucune preuve n’est irréfutable ou absolue. Cependant, certaines règles encadrent la recevabilité des preuves. Toutes les preuves doivent respecter le principe du contradictoire, ce qui signifie qu’elles doivent être soumises à la discussion des parties, sans quoi elles ne seront pas recevables. Dans certaines juridictions, quand bien même les preuves seraient obtenues de manière illicite ou déloyale, elles n’en seraient pas moins recevables[219] (mais la personne ayant rapporté ces preuves peut s’exposer à des poursuites). Renseignez-vous sur les règles en vigueur dans votre juridiction en matière de recevabilité des preuves.

Afin de bien vous préparer au procès vous devez déterminer quels éléments de preuve vous souhaitez présenter pour appuyer votre thèse de l’affaire et vous assurer que les preuves sont recevables. Bien que les spécificités de chaque affaire dictent quel type de preuve il vous conviendra de présenter, examinez dans chaque affaire s’il existe des preuves matérielles qui pourraient disculper la personne que vous défendez ou plaider en faveur de circonstances atténuantes. Les rapports favorables de personnes ayant une expertise particulière dans le domaine des sciences « forensiques » (criminalistiques), tels que la balistique, les preuves génétiques ou les empreintes digitales, doivent être soumis à la Cour (et au jury lorsque les preuves écrites sont admises). De même, si vous disposez de rapports de personnes expertes en santé mentale qui décrivent l’état psychologique de la personne que vous défendez, présentez-les à la Cour. Dans la mesure où cela est permis dans votre juridiction et que cela permet d’étayer votre thèse de l’affaire, présenter des preuves montrant la personne que vous défendez sous son meilleur jour (telles que des prix, des trophées, des médailles militaires etc.) ainsi que des preuves pour l’humaniser (telles que des photographies de famille etc.).

 

  1. Comment s’opposer à la présentation de preuves ?

 

Chaque juridiction impose ses propres restrictions quant aux preuves pouvant être admises durant un procès pénal. Bien qu’il soit impossible d’établir une liste de tous les types de preuves irrecevables et des exceptions à ces exclusions, il est important que vous connaissiez quelques principes répandus.

Une preuve obtenue de manière illégale ou irrégulière ne sera pas forcément irrecevable, cela dépend des règles en vigueur dans votre juridiction. Posez-vous les questions suivantes : La preuve est-elle fiable ? La preuve remet-elle en cause le droit de la personne que vous défendez à un procès équitable ?

Il arrive souvent que, durant le procès, l’accusation tente d’utiliser des éléments de preuve qui, selon la défense, ne devraient pas être retenus. Par exemple, il se peut que les autorités aient obtenus des aveux de la part de la personne que vous défendez en violation du droit national ou international. Aux termes de l’article 14(3)(g) du PIDCP, de l’article 55(1)(a) du Statut de la Cour pénale internationale, toute personne est en droit de ne pas témoigner contre elle-même et de garder le silence. En outre, les violences policières à l’égard des personnes soupçonnées d’avoir commis un crime sont monnaie courante au sein de nombreuses juridictions, et vous devriez toujours chercher à savoir si une déclaration de la personne que vous défendez a été faite sous la contrainte[220]. L’article 15 de la Convention contre la torture interdit l’utilisation de déclarations obtenues par la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants dans le cadre de poursuites pénales. Habituellement, les juges ont le pouvoir d’examiner une allégation de coercition ou de torture quelle que soit la phase de la procédure. Certains systèmes juridiques ne permettent pas à la personne accusée de faire exclure des éléments de preuves lors du procès, malgré́ les circonstances douteuses dans lesquelles ces preuves ont pu être obtenues. Si vous vous trouvez dans cette situation, vous devez décider s’il convient ou non de présenter une requête aux fins d’écarter des éléments de preuve ou de conserver cette question pour la phase d’appel, et vous assurer que vous avez épuisé tous les recours internes si vous souhaitez former un recours auprès d’un organisme international.

En fonction des juridictions, on trouve d’autres types de requêtes visant à supprimer des éléments de preuve telles que :

  • Les requêtes aux fins d’exclure des moyens de preuve obtenus de manière illicite ou injuste, par exemple durant la détention arbitraire ou l’arrestation illégale de la personne que vous défendez, ou lors de perquisitions sans mandat.
  • Les requêtes aux fins d’exclure toute information préjudiciable à la personne accusée, incluent par exemple des déclarations de la victime sur les répercussions de l’infraction, des preuves d’antécédents criminels (en particulier l’introduction d’infractions pour lesquelles la personne accusée n’a pas été reconnue coupable), et des circonstances aggravantes. Certaines juridictions empêchent l’accusation d’utiliser des preuves concernant le mauvais caractère ou la mauvaise réputation de la personne accusée pour prouver sa culpabilité[221]. Vous pourrez parfois empêcher l’accusation de présenter des preuves de crimes antérieurs commis par la personne que vous défendez.
  • Les requête aux fins de supprimer les photographies choquantes de la scène du crime ou d’autres scènes. Au sein de certaines juridictions, des éléments extrêmement préjudiciables, tels que des clichés d’une scène du crime, peuvent ne pas être montrés aux membres du jury, d’autant plus si leur valeur probante est faible.
  • Les requêtes aux fins d’exclure les preuves par ouï-dire.

Vous devriez pouvoir remettre en cause un témoignage lorsque les témoins spéculent, devinent des faits ou ne remplissent pas les exigences nécessaires pour être considéré·e·s comme des personnes expertes et essaient d’avancer leurs opinions ou leurs conclusions. Par principe, les témoins doivent témoigner de ce qu’elles·ils ont vu ou entendu. Par conséquent, les preuves par ouï-dire sont généralement irrecevables[222]. Très rarement, certaines juridictions autorisent les témoignages indirects car ces derniers peuvent être vérifiés. Plus précisément, il s’agit de témoignages portant sur ce qu’une personne déterminée a dit en la présence du ou de la témoin. En revanche, la preuve « par commune renommée » qui concerne des faits dont les témoins n’ont pas eu personnellement connaissance, mais dont elles·ils ont simplement ouï-dire, n’est pas admise.

En raison du principe du contradictoire, toute personne accusée d’un crime a le droit de contredire les éléments de preuves présentés contre elle[223]. Par principe, seules les déclarations prononcées lors d’un procès peuvent être avancées comme preuve. La raison sous-jacente à cette règle est la tenue d’un procès équitable pour lequel il convient d’« accorder à l’accusé une occasion adéquate et suffisante de contester un témoignage à charge et d’en interroger l’auteur, au moment de la déposition ou plus tard »[224]. Bien que cela puisse sembler évident, l’application d’un tel scénario peut, en pratique, entraîner des difficultés. Par exemple, les procureurs tentent très souvent de présenter des déclarations réalisées par des témoins auprès des fonctionnaires de police. Si les témoins en question ne comparaissent pas durant le procès et que vous n’avez pas eu par ailleurs l’opportunité de les soumettre à un interrogatoire contradictoire, vous devez vous opposer à la recevabilité de ces preuves et demander à ce que leurs déclarations antérieures au procès ne soient pas prises en considération par le tribunal[225]. Faites preuve de vigilance vis-à-vis des tentatives de contournement du droit de la personne que vous défendez à soumettre les témoins aux questions de l’avocat·e de la défense et rappelez au tribunal le principe du contradictoire chaque fois qu’il accepte comme preuve des déclarations de témoins sans accorder à la personne accusée une occasion adéquate et suffisante de contester ce témoignage à charge.

Dans tous les cas, souvenez-vous que vos demandes visant à écarter certaines preuves à charge doivient être déterminées d’une part par ce qui est autorisé ou non par le règlement de procédure et de preuve appliqué au sein de votre juridiction, et d’autre part par votre vision stratégique permettant de déterminer si ces preuves affaiblissent ou renforcent votre défense. Autrement dit, vous pourriez décider de ne pas vous opposer à la présentation de certaines preuves qui ne devraient pas être admises si celles-ci vous permettent d’étayer votre stratégie de défense. Par exemple, il peut être stratégique de ne pas vous opposer à l’utilisation de preuves de crimes antérieurs commis par la personne que vous défendez si les circonstances des crimes en question vous permettent de renforcer la thèse selon laquelle elle souffre d’un trouble mental.

 

E.  Préparer une plaidoirie d’introduction et de conclusion

 

Les plaidoiries d’introduction et de conclusion représentent des opportunités cruciales pour la défense. Votre introduction est votre première chance de présenter votre thèse de l’affaire dans son ensemble aux juges ou au jury. De même, votre plaidoirie de conclusion constitue votre dernière chance de donner des explications concernant les différents éléments de preuve et de convaincre les juges ou le jury de l’innocence de la personne accusée et/ou de l’existence de circonstances atténuantes. Vous devez donc consacrer du temps à préparer et à répéter ce que vous allez dire en introduction et en conclusion. Cela vous aidera à être crédible et à les convaincre.

 

  1. Plaidoirie d’introduction

 

Seules certaines juridictions africaines autorisent expressément la plaidoirie d’introduction à l’ouverture d’un procès pénal. Les déclarations d’ouverture ne sont, toutefois, pas non plus expressément interdites.

Il se peut que donner la parole à l’avocat·e de la défense à l’ouverture du procès ne soit pas la norme là où vous exercez, sans pour autant que cela ne soit codifié. Toutefois, les plaidoiries d’introduction représentent des opportunités cruciales pour présenter votre thèse de l’affaire. Il est donc opportun de demander au Président de la juridiction si vous pouvez prendre la parole. Vous pourriez, par exemple, dire : « Je demande respectueusement l’opportunité de dire quelques mots avant que la Cour ne commence à entendre les preuves, car je pense que cela aidera la Cour à comprendre les enjeux de ce procès. »

Votre introduction doit être de nature factuelle. Vous devez exposer aux juges ou au jury le récit correspondant à votre thèse de l’affaire. Il n’est pas nécessaire de couvrir tous les faits durant votre première déclaration, mais assurez-vous de couvrir les aspects les plus importants de votre version des faits. Essayez de présenter une histoire convaincante et crédible qui s’appuie sur des preuves.

Vous devez débuter par une phrase ou deux qui résument votre thèse de manière simple et concise. Présentez ensuite un récit des faits montrant au jury que la personne accusée est innocente ou que sa culpabilité est limitée. Essayez de lier votre récit aux sujets qui s’appliquent tant au stade de la détermination de la culpabilité de la personne accusée qu’à la détermination de la peine. Ces sujets devraient se compléter.

Votre introduction ne devrait pas être utilisée comme une occasion pour expliquer à la Cour ce qu’est un procès, quelles procédures devraient être suivies, ou encore à qui incombe la charge de la preuve. Vous devrez plutôt vous concentrer sur le récit des faits et donner au jury ou aux juges suffisamment d’informations pour qu’elles·ils comprennent le rôle de chaque personne clé dans votre thèse de l’affaire et les évènements que les témoignages viendront étayer.

Utilisez un langage qui peut être compris par tout le monde. Évitez d’utiliser des termes du jargon juridique. Les meilleures introductions sont courtes et simples.

 

  1. Plaidoirie finale

 

Votre plaidoirie finale constitue votre dernière opportunité de communiquer aux juges ou au jury votre thèse de l’affaire. C’est l’occasion de résumer les preuves présentées et surtout d’expliquer ce qu’elles impliquent et comment le tout s’imbrique dans votre thèse. Votre plaidoyer doit se limiter aux preuves présentées et aux déductions raisonnables que l’on peut en tirer. Mieux vaut ne pas tenir de propos incendiaires, ni donner votre opinion personnelle quant à la véracité ou au manque de véracité des éléments de preuve présentés. Vous devriez, en revanche, indiquer aux juges ou au jury quelles conclusions devraient être tirées des éléments de preuve venant d’être présentés.

Dans certaines juridictions, la personne accusée a la possibilité de faire une déclaration finale après les réquisitions du ministère public et la plaidoirie finale de l’avocat·e de la défense. Lorsque cette possibilité existe, et si la personne que vous défendez le souhaite, aidez-la à préparer le contenu de sa déclaration et conseillez-la sur la manière de faire sa déclaration finale.

 

Chapitre 7 : L’individualisation des peines

 

I.  Introduction

 

Vous devez profiter de toutes les occasions qui s’offrent à vous pour argumenter contre la condamnation à mort de la personne que vous défendez, et ce à chaque étape de la procédure. Vous devez commencer à rechercher des preuves de circonstances atténuantes le plus tôt possible après avoir été désigné·e comme avocat·e dans une affaire[226]. La stratégie que vous développerez quant aux circonstances atténuantes doit être cohérente avec la thèse que vous présenterez (voir chapitre 6 pour des conseils sur le travail d’élaboration de la thèse de l’affaire). Dans les pays de tradition civiliste, il n’existe pas en général de phase de détermination de la peine séparée de la détermination de la culpabilité. Par conséquent, vous devez présenter toutes les preuves afférentes à la culpabilité (les preuves à décharge) ainsi qu’à la détermination de la peine (les circonstances atténuantes) lors de la même audience. Peu importe que vous développiez ou non une défense fondée sur l’innocence : vous devez dans tous les cas de figure présenter la personne que vous défendez de manière à l’humaniser à travers son histoire psycho-sociale et ses circonstances atténuantes, et ce dès le début de la procédure. Cette approche n’implique pas un aveu de culpabilité.

La Charte africaine des droits de l’homme et des peuples prévoit le principe de l’individualisation des peines (ou principe de la personnalisation) à l’art. 7(2) qui énonce que « [l]a peine est personnelle et ne peut frapper que le délinquant ». Ce principe s’oppose aux peines automatiques ou obligatoires, qui ne prennent pas en compte les circonstances particulières de chaque dossier et que le droit international qualifie donc d’arbitraires. Le principe d’individualisation des peines permet aux juges ou au jury d’user de leur pouvoir d’appréciation pour prononcer une peine « sur mesure », adaptée à la gravité de l’infraction, aux circonstances entourant l’infraction et la personne l’ayant commise. Ainsi, même si elles ne répondent pas forcément aux critères permettant d’exonérer une personne de sa responsabilité, les circonstances atténuantes peuvent vous servir à expliquer le comportement de la personne accusée, à l’humaniser, et à susciter ainsi la compassion des juges ou des membres du jury en charge de déterminer la peine, afin que la peine imposée s’écarte de la peine de mort[227].

Le respect du principe d’individualisation des peines est garanti à travers l’obligation de motivation des décisions[228], y compris de la peine imposée, et est également lié à celui de la légalité des peines. Vous devez vous assurer que la Cour prenne en compte les circonstances entourant l’infraction et la personne que vous défendez lors de la détermination de la peine. Vous devez donc vous assurer que les informations nécessaires pour qu’une décision éclairée sur la peine puisse être prise soient présentées à la Cour.

Dans certaines juridictions, la peine est déterminée par délibération entre les magistrats de la cour et les membres du jury. Dans certains cas, la·le président·e fait lecture des questions auxquelles le jury aura à répondre. Ces questions portent sur les faits présentés lors du procès, mais également sur les éventuelles causes d’irresponsabilité pénale, les causes légales d’exemption de peine ou d’atténuation de la peine, les circonstances aggravantes et atténuantes[229]. Le Comité des droits de l’homme de l’ONU, ainsi que de nombreux tribunaux, exigent que, dans les dossiers où la peine de mort est encourue, les tribunaux examinent les éléments de preuve pouvant constituer des circonstances atténuantes. À titre d’exemple, le Code pénal congolais prévoit à l’article 18 que « [s]’il existe des circonstances atténuantes, la peine de mort pourra être remplacée par la servitude pénale à perpétuité ou par une servitude pénale dont le juge déterminera la durée ». Montrer l’existence de circonstances atténuantes peut donc s’avérer crucial et permettre que la vie de la personne que vous défendez soit épargnée.

Dans de nombreux pays, et en particulier ceux ayant récemment aboli l’imposition automatique de la peine de mort pour certains crimes (également appelé peine de mort obligatoire), vous pourrez avoir de nouvelles opportunités de présenter des éléments de preuve établissant des circonstances atténuantes. Par exemple, en 2009 la Cour suprême de l’Ouganda a statué qu’une personne accusée devait avoir la possibilité présenter des éléments de preuve relatifs à son caractère et à son histoire, aux fins de déterminer quelle était la peine la plus appropriée[230]. Le tribunal ougandais a observé que :

« Tous les homicides ne sont pas commis dans les mêmes circonstances et tous les assassins n’ont pas nécessairement le même caractère. Certains peuvent être des primo-délinquants, et le meurtre peut avoir été commis dans des circonstances que la personne accusée regrette profondément et vis-à-vis desquelles elle a beaucoup de remords. Nous ne voyons aucune raison de ne pas soumettre l’existence de ces facteurs à la Cour avant que la peine ultime ne soit rendue [Traduction non officielle]. » [231]

La jurisprudence des tribunaux indiens illustre elle aussi la manière dont lesdites circonstances peuvent jouer. Dans l’affaire Mulla et al. c. État d’Uttar Pradesh, la Cour suprême de l’Inde a indiqué que les circonstances atténuantes pouvaient avoir un poids important dans la détermination d’une peine, y compris les troubles mentaux ou émotionnels de la personne accusée, son âge, le risque qu’elle commette d’autres actes de violences, son potentiel de réinsertion sociale, son sens moral, la contrainte, l’existence d’une déficience mentale, et son statut socio-économique[232]. La Cour suprême a également souligné qu’il incombait à l’accusation de prouver qu’une personne ayant commis un crime ne pourrait jamais s’amender. Après avoir considéré ces facteurs, la Cour en charge de l’affaire Mulla a refusé de condamner à mort des criminels extrêmement pauvres qui n’avaient pas d’antécédents criminels[233].

La Cour suprême des États-Unis a, quant à elle, reconnu comme circonstances atténuantes pouvant réduire la peine les abus et privations subis durant l’enfance, les déficiences mentales et la bonne conduite en prison. Les preuves de troubles mentaux ou de trouble mental peuvent être insuffisantes pour remettre en cause la responsabilité pénale de la personne accusée, mais peuvent toutefois influencer fortement la peine et éviter une condamnation à la peine de mort[234]. La Commission des droits de l’homme des Nations unies a exhorté les pays à ne pas exécuter les personnes atteintes de troubles mentaux ou de déficience intellectuelle. En 2002, la Cour suprême des États-Unis a cité un consensus international selon lequel « de manière catégorique, les criminels souffrant d’un retard mental sont moins coupables qu’un criminel moyen » [Traduction non officielle][235]. Au Malawi, les tribunaux ont déclaré que « les preuves démontrant l’existence de troubles mentaux ou de perturbations d’ordre émotif, même si elles ne répondent pas à la définition légale de la démence, peuvent néanmoins diminuer la responsabilité d’une personne accusée de meurtre, et que ces circonstances doivent être prises en compte pour atténuer la peine » [Traduction non officielle][236].

 

 

II.  Les circonstances attÉnuantes

 

Les circonstances atténuantes incluent à la fois les circonstances de l’infraction et les circonstances liées à la personne accusée. Il n’existe pas de définition légale des circonstances atténuantes ni de liste exhaustive des circonstances pouvant être considérées comme atténuantes[237]. Au contraire, vous jouissez d’une pleine liberté pour présenter toutes les preuves pertinentes qui aideront les juges et les jurés à comprendre les circonstances de la personne que vous défendez. Bien qu’il revienne à la·au juge d’instruction d’instruire à charge et à décharge, dans beaucoup de pays en pratique sa mission se concentre davantage sur les faits mettant en cause la personne accusée, et ne s’attarde pour ainsi dire jamais sur les circonstances atténuantes. Vous devez donc chercher plusieurs types de circonstances atténuantes à présenter pour le compte de la personne que vous défendez, y compris des preuves afférentes :

  • Aux circonstances du crime (légitime défense, intoxication, menace, provocation etc.) ;
  • À l’état de santé mentale de la personne accusée (trouble mental, déficience intellectuelle);
  • Au parcours de vie de la personne accusée (l’histoire familiale, sociale et médicale) ;
  • À sa personnalité (bon caractère et bonne moralité) ; et
  • À d’autres facteurs pouvant susciter la compassion du tribunal.

Vous pouvez mener ces recherches avec l’aide d’assistant·e·s juridiques et de vos collaborateurs et collaboratrices. Vous pouvez, par exemple, aller à la rencontre des proches de la personne accusée, si ces personnes n’ont pas déjà la qualité de témoins, afin de pouvoir ensuite les proposer au juge d’instruction comme témoins au stade de l’enquête, ou les faire citer plus tard comme témoins au procès. Aussi longtemps que vous ne révélez pas d’informations faisant partie du secret de l’instruction ou provenant de vos communications confidentielles avec la personne que vous défendez, et que vous ne suggérez pas de réponses aux personnes que vous interrogez, mais ne faites que recueillir des informations, cela ne pose pas problème déontologique.

Dans de nombreux pays, les remords de la personne accusée peuvent constituer un puissant facteur d’atténuation de la peine. Gardez à l’esprit que l’expression de remords peut prendre une forme différente de celle à laquelle vous vous attendez : en effet, les normes culturelles tout comme les troubles mentaux influencent la forme des remords. Par exemple, les personnes ayant vécu des expériences traumatisantes peuvent avoir des difficultés à exprimer leurs émotions. Il est néanmoins fondamental que vous trouviez un moyen de montrer à la cour que la personne que vous défendez est consciente de sa responsabilité et est affligée par le tort qu’elle a causé aux victimes et, le cas échéant, la vie qui a été perdue.

 

Exemples de réussite

  • En Ouganda, la Foundation for Human Rights Initiative (Fondation pour l’initiative en faveur des droits de l’homme, FHRI) aide les avocat·e·s commis·e·s d’office dans le cadre des enquêtes dans les dossiers peine de mort. Constatant que bien souvent les moyens manquent pour faire des recherches poussées avant le procès, FRHI rencontre les personnes détenues, rassemble les informations concernant les circonstances atténuantes pertinentes et transmet le dossier complet aux avocat·e·s chargées de les défendre devant le tribunal. Doreen Lubowa, Fondation pour l’Initiative en faveur des droits de l’homme.
  • Au Malawi, la Malawi Human Rights Commission (Commission des droits de l’Homme) et le Paralegal Advisory Service (Service de Conseil des Parajuristes) ont travaillé ensemble pour faire appliquer deux décisions de la Cour suprême du Malawi déclarant la peine de mort obligatoire inconstitutionnelle et demandant le réexamen des peines prononcées contre les personnes condamnées automatiquement à mort[238]. Ces deux organismes ont mené des enquêtes sur les circonstances atténuantes dans 168 affaires. Après avoir examiné les éléments de preuve recueillis, les tribunaux ont décidé qu’aucune personne anciennement condamné·e à mort ne méritait la peine capitale. Plus de 140 personnes détenues ont été libérés après avoir purgé une peine d’emprisonnement.

 

A.  Les circonstances du crime

 

Dans un premier temps, analysez les faits relatifs à l’affaire. Selon l’article 6(2) du PIDCP, « une sentence de mort ne peut être prononcée que pour les crimes les plus graves ». Le Comité des droits de l’homme définit les crimes les plus graves comme ceux entraînant la mort[239]. La Commission africaine des droits de l’homme et des peuples a également repris ce principe dans les Directives et principes sur le droit à un procès équitable et à l’assistance judiciaire en Afrique[240].

Le Rapporteur spécial de l’ONU sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires a par ailleurs déclaré que « la peine capitale ne peut être imposée que lorsque l’intention de tuer est démontrée et a entraîné la mort »[241]. Il s’ensuit qu’une condamnation à la peine de mort pour des crimes économiques, pour trafic de drogue, pour cambriolage, pour vol ou pour d’autres crimes qui n’impliquent pas la mort d’autrui, constitue une violation du droit international. De même, les homicides involontaires ou non prémédités (par exemple un décès accidentel lors d’une rixe dans un bar) ne font pas partie des crimes les plus graves et ne méritent donc pas la peine de mort. La peine capitale ne devrait pas non plus être prononcée contre une personne accusée qui n’aurait fait que prendre part à un crime ayant entraîné la mort d’autrui, sans avoir tué directement la victime ou sans avoir eu l’intention d’entraîner la mort de quiconque.

On admet généralement que même dans des cas d’homicides volontaires, la peine de mort ne devrait être prononcée que dans les affaires les plus graves. La Cour suprême de l’Inde réserve cette peine aux « cas les plus rares où une autre option serait absolument exclue [Traduction non officielle] »[242]. En d’autres termes, la peine de mort devrait être une exception et la peine conseillée pour tout crime passible de la peine de mort serait la prison à perpétuité ou des peines d’incarcération de plusieurs années – y compris dans les cas les plus sérieux de meurtre[243]. En février 2012, la Cour suprême indienne a commué la peine de mort d’un homme à une peine de 21 ans de prison parce que le crime (l’assassinat de son épouse et de leurs trois enfants) n’avait pas été prémédité et que les circonstances suggéraient que l’accusé était mentalement déséquilibré[244]. De même, avant d’abolir totalement la peine de mort, l’Afrique du Sud ne l’appliquait que lorsqu’il n’y avait aucune perspective de réformation de la conduite des personnes accusées et lorsque les objectifs de la peine ne pouvaient être atteints en imposant une peine alternative[245]. Ainsi, si le crime pour lequel la personne accusée n’était pas prémédité et qu’il n’a impliqué aucun acte de torture ou autre circonstance aggravante, vous devez argumenter qu’elle ne mérite pas la sanction ultime qu’est la peine de mort.

Dans certains dossiers, vous pourrez également avancer que le rôle de la personne que vous défendez dans le crime est relativement mineur et que, par conséquent, elle mérite une peine moins lourde que les principaux responsables. Il est également possible que la personne accusée ait été provoquée ou ait agi dans une situation de stress extrême. Par exemple, dans le cadre d’une affaire impliquant un acte de terrorisme perpétré par des personnes musulmanes, un juge de première instance indien a conclu que la culpabilité des personnes accusées était réduite car elles avaient agi en réaction au massacre d’autres personnes musulmanes. Aux yeux du juge, une telle provocation a contribué à atténuer la responsabilité des personnes accusées.

Dans certains cas, la personne que vous défendez pourrait avoir agi en pensant qu’elle était en situation de légitime défense (pour elle ou pour défendre une tierce personne), même si son raisonnement était erroné. Une fois encore, cela pourrait atténuer sa responsabilité. De même, il se peut qu’elle ait agi en vue de mettre fin aux mauvais traitements infligés par sa·son partenaire ou une personne proche à d’autres membres de sa famille. Ce principe a également été appliqué dans des affaires de sorcellerie au Malawi, où la personne accusée ayant commis le crime pensait agir afin de bloquer un sort jeté contre elle ou autrui. Les tribunaux du Malawi ont reconnu dans plusieurs affaires qu’une croyance sincère en la sorcellerie pouvait constituer une circonstance atténuante[246].

Ainsi, même dans l’éventualité où la personne accusée serait reconnue coupable du crime, vous devez argumenter que des circonstances particulières atténuent sa responsabilité et devraient être prises en compte lors de la détermination de sa peine.

 

B.  L’état mental de la personne accusée

 

Il est fréquent de ne pas vouloir parler de problèmes de santé mentale et de traumatismes subis, et il existe un réel risque de minimisation de l’impact de ces troubles par les avocat·e·s et les tribunaux. Or détecter un trouble mental chez la personne accusée pourrait lui épargner la vie. Il n’est pas rare qu’une personne accusée ne soit pas atteinte de démence, mais souffre néanmoins d’un trouble mental qui atténue sa responsabilité. En effet, même si le trouble dont elle est atteinte n’abolit pas complètement son discernement et son libre arbitre, ce trouble peut au moment du crime avoir atténué son discernement et sa capacité à contrôler ses actes, et donc mérite d’être pris en compte lors de la détermination de la peine[247]. Les troubles en question incluent par exemple un faible quotient intellectuel, le syndrome de stress post-traumatique, la schizophrénie, les troubles bipolaires, les déficiences intellectuelles, le syndrome d’alcoolisation fœtale, les intoxications liés aux pesticides ou au plomb, et les traumatismes crâniens provoqués par des accidents ou des coups. Des tests et examens médicaux et psychiatriques peuvent être nécessaires pour prouver que la personne accusée est affectée par l’une de ces pathologies.

Des études dans plusieurs pays ont montré que les personnes ayant subis un traumatisme crânien présentent un risque plus élevé de commettre un crime en raison des troubles cognitifs et psycho-comportementaux qui s’en suivent[248]. Faites toutefois preuve de prudence si vous décidez d’utiliser cet argument afin d’éviter qu’elle ne se retourne contre la personne que vous défendez. Cette dernière pourrait, en effet, être perçue comme représentant un plus grand danger pour sa communauté en raison de son trouble.

Les preuves démontrant l’existence de troubles mentaux peuvent vous permettre de montrer à la Cour que la capacité de jugement de la personne accusée ou sa capacité à contrôler ses actes était altérée, qu’elle était sujette à des sautes d’humeur et à des explosions de colère, ou encore qu’elle a des difficultés à comprendre et à communiquer avec son entourage. Ces facteurs ne vous permettront pas forcément de plaider la démence (qui conduirait à son irresponsabilité pénale)[249], mais ils peuvent constituer une cause d’atténuation de sa responsabilité. Ils vous aideront à expliquer les circonstances du crime et ainsi à inspirer de l’empathie envers la personne accusée.

 

Conseils pratiques

Comprendre en quoi des troubles mentaux peuvent constituer des circonstances atténuantes

  • Il n’est pas toujours aisé de comprendre que des troubles mentaux qui n’entraînent pas une abolition totale du discernement et ne constituent donc pas une cause d’irresponsabilité pénale peuvent néanmoins atténuer la peine. Le cas de Joseph Kamanga* au Malawi illustre ce point. M. Kamanga a été condamné à la peine de mort en 2009 pour avoir tué la femme de ménage de son oncle en lui frappant la tête avec un tabouret. M. Kamanga a soutenu que la mort de la victime n’était pas intentionnelle. Il a déclaré à la Cour qu’au moment du crime, il souffrait de maux de tête violents et débilitants. Sa mère et sa tante ont expliqué à la Cour qu’il souffrait de maux de tête et de colères inexpliquées depuis un certain temps, bien qu’il ait essayé de se faire soigner par un guérisseur traditionnel. L’avocat commis d’office de M. Kamanga a argumenté qu’il était dément au moment du crime, mais il n’a pas appuyé sa défense sur un témoignage d’expert. Le tribunal a rejeté la thèse de la défense et a reconnu M. Kamanga coupable de meurtre. La défense n’a pas argumenté que le trouble mental de M. Kamanga devrait être pris en considération en tant que circonstance atténuante pour diminuer sa peine, mais a limité sa présentation des circonstances atténuantes au jeune âge de M. Kamanga et à son absence d’antécédent criminel. Le tribunal a condamné M. Kamanga à la peine de mort sans débattre des circonstances atténuantes.
  • Cet exemple montre la difficulté à laquelle vous pouvez être confronté·e pour comprendre et présenter à la Cour le lien entre un trouble mental et la culpabilité morale de la personne accusée. Il illustre également le fait que de nombreux juges ne saisissent pas le concept de circonstances pouvant atténuer la peine.

* Le nom de l’accusé a été changé pour protéger sa vie privée.

 

Exemple de réussite

Affaire V. M. M(alawi)

  • Au Malawi, dans le cadre des audiences de réexamen de la peine suite à l’abolition de la peine de mort obligatoire, un expert en santé mentale a mené un entretien avec une femme qui avait été condamnée à mort pour le meurtre de son petit-fils. Sur la base de son évaluation clinique, l’expert a conclu qu’elle avait une déficience intellectuelle qui avait été causée par l’alcool, car sa mère avait bu pendant la grossesse. Les assistant·e·s juridiques et avocat·e·s ont transmis à l’expert les déclarations qu’ils avaient recueillis de son entourage qui relatent notamment la famine qui se déroulait à l’époque des faits. L’expert a expliqué que le stress lié à la famine, combiné à sa déficience intellectuelle, avait affecté la capacité de raisonner de l’accusée au moment du crime. En effet, elle avait battu son petit-fils après avoir appris qu’il avait volé la nourriture du voisin. Le tribunal s’est appuyé sur les déclarations de l’expert pour commuer la peine capitale de V.M en peine de prison.

 

C.  Le parcours de vie de la personne accusée

Que les tests et les entretiens avec la personne que vous défendez révèlent ou non un trouble mental ou une déficience intellectuelle, vous devez mener des recherches sur son histoire familiale, sociale et médicale afin de trouver des éléments pouvant expliquer son comportement. Les éléments constitutifs de son histoire peuvent par exemple comprendre des abus et mauvais traitements sexuels ou physiques, une négligence pendant l’enfance, l’extrême pauvreté, tout autre traumatisme, des expériences de discrimination raciale, religieuse, ethnique, ou fondée sur le sexe, des troubles d’apprentissage, des antécédents de toxicomanie ou d’abus d’alcool, ou des relations familiales difficiles.

Même si l’on ne saurait fonder sa défense sur le fait qu’une personne ne devrait pas être tenue entièrement responsable de ses actes, présenter au tribunal son passé difficile, les traumatismes qu’elle a subis, son manque de maturité, son jeune âge, ou sa vulnérabilité, peut non seulement aider les juges à comprendre le crime, mais également à la rendre plus sympathique aux yeux du tribunal. Vous devez donc essayer d’expliquer aux juges ou au jury en quoi des circonstances difficiles l’ont conduite à commettre le crime.

En présentant son parcours de vie vous pouvez montrer la personne que vous défendez sous un meilleur jour et ainsi donner à la Cour une raison solide d’imposer une peine plus légère.

 

Exemple de réussite (Malawi)

  • Au Malawi, dans l’affaire République c. Richard Maulidi et Julius Khanawa, les personnes accusées avaient cambriolé de nuit une personne âgée qui a été blessée mortellement. Les avocat·e·s ont présenté à la juridiction en charge du réexamen de la peine les circonstances difficiles dans lesquelles se trouvaient les personnes accusées pour expliquer leurs actes. La Haute Cour a pris en compte le fait que ces personnes vivaient dans des conditions de pauvreté abjectes et avaient agi poussées par la faim et le désespoir. En raison de la situation désespérée dans laquelle elles s’étaient trouvées, la Cour ne les a pas condamnées à la peine de mort, mais à 19 ans de réclusion criminelle[250].

 

Conseils pratiques

 Comment mener un entretien avec la personne que vous défendez ou des membres de sa famille pour recueillir des informations sur son parcours de vie et certains sujets sensibles ?

  • Commencez par expliquer qui vous êtes si vous rencontrez la personne pour la première fois, et expliquez la raison pour laquelle vous devez recueillir des informations sur le parcours de vie de la personne accusée.
  • Assurez-vous que la personne comprenne la langue que vous utilisez, et dans le cas contraire, utilisez des services d’interprétation.
  • N’utilisez pas un langage trop technique ou intellectuel, mais adaptez votre langage à la personne que vous questionnez afin qu’elle vous comprenne.
  • Demandez à la personne de vous raconter des histoires spécifiques avec autant de détails que possible.
  • Dans certaines cultures il peut être tabou qu’un homme s’entretienne seul avec une femme et aborde des sujets touchant à sa pudeur. Il vous faudra éventuellement être accompagné·e d’une personne du même genre que la personne à laquelle vous souhaitez poser des questions.
  • Ne soyez pas dans le jugement et ne vous comportez pas comme si vous meniez un interrogatoire. Essayez de mettre la personne à l’aise afin qu’elle se sente en confiance pour s’ouvrir à vous et vous révéler des choses potentiellement difficiles du parcours de vie de la personne accusée.
  • Pour certains sujets qui peuvent éliciter un sentiment de honte ou de déshonneur, ou dont on ne parle pas ouvertement dans certaines cultures (par exemples la consommation d’alcool et de drogues, la sexualité, la santé, la famille etc.), commencez par poser des questions générales et ouvertes, puis limitez-vous à des questions plus spécifiques. Il peut être bénéfique de poser des questions de façon détournée. Si vous posez une question sensible de manière trop directe telle que « est-ce-que vous buviez de l’alcool durant votre grossesse ? », la personne risque de se braquer. Vous pourriez par exemple demander si quelqu’un fabrique de l’alcool dans le village, ou si les jeunes boivent de l’alcool, ou si elle accepte qu’il y ait de l’alcool dans sa maison. Essayez tant que possible d’utiliser le même langage et les mêmes codes que la communauté.
  • Rappelez-leur que vous ne divulguerez pas publiquement les informations qu’elles souhaitent garder confidentielles.
  • Vous trouverez plus de conseils sur la méthode à adopter pour mener des entretiens avec la personne que vous défendez et les questions à lui poser sur le site internet du Cornell Center on the Death Penalty Worldwide : https://deathpenaltyworldwide.org/fr/.

 

D.  Preuves de la bonne moralité et de la bonne réputation de la personne accusée : la « personnalité » de la personne accusée

 

Vous devez vous efforcer de dépeindre le caractère de la personne que vous défendez sous un jour favorable et de montrer à la Cour sa bonne moralité. Pour ce faire vous pouvez faire appel à des témoins de moralité[251] et à des preuves matérielles (pour plus de détails, voir chap. 6). Selon les faits, vous pouvez souligner que sa participation au crime était mineure et qu’elle ne présente aucune dangerosité ou risque de récidive. Si tel est le cas, mettez l’accent sur le fait que c’est la première fois que la personne commet un crime.

Vous pouvez également démontrer que la personne accusée éprouve des remords. Il peut s’avérer utile de montrer qu’elle a volontairement fait l’aveu du crime ou a essayé de réparer ses torts auprès de la famille de la victime. Inspirez-vous par exemple du récit présenté par l’avocat taïwanais Yi Fan, dans une affaire où les remords de son client ont permis de convaincre la Cour qu’il ne méritait pas la peine de mort :

« Le client est rentré chez lui et a vu son épouse en train de le tromper avec un autre homme. Pris d’une colère soudaine, il l’a tuée. Mais son attitude après le crime montre qu’il éprouvait des remords. Il n’a pas essayé de cacher le corps, mais est allé de lui-même se rendre à la police. » 

D’autres éléments peuvent vous aider à montrer la bonne moralité de la personne accusée : un mariage ou une relation de longue durée, des enfants à charge dont elle s’occupe bien, un emploi stable, l’accomplissement du service militaire, la participation à des activités communautaires, la fréquentation d’une église, des engagements éducatifs, ou la participation à des programmes de désintoxication pour les toxicomanes ou les alcooliques.

Sa bonne conduite en prison et ses relations positives avec le personnel pénitentiaire et les autres personnes détenues peuvent également être des éléments à évoquer en sa faveur. Par exemple, au Malawi, de nombreuses personnes détenues condamnées à la peine de mort ont suivi des études en prison. Certaines ont appris à lire, d’autres ont achevé leurs études secondaires ou ont acquis des connaissances et savoir-faire en couture, menuiserie, soudage ou mécanique. De telles activités montrent qu’une personne ayant commis un crime peut s’amender. Le fait que la personne que vous défendez occupe un poste de service ou qu’elle ait une responsabilité au sein de la communauté pénitentiaire peut plaider en sa faveur, et démontrer sa capacité à s’adapter et à se réhabiliter. La participation à des activités religieuses est courante parmi les personnes détenues au Malawi qui officient souvent en tant que prêtre·sse·s, ancien·ne·s, ou membres du conseil au sein des églises de la prison et des aumôneries. Le personnel pénitentiaire malawien désigne également certaines personnes détenues pour qu’elles fassent office de responsables ou de surveillant·e·s des autres personnes détenues. Pour pouvoir accéder à ce type de poste, une personne détenue doit avoir obtenu le respect du personnel mais également celui des autres personnes détenues. Lorsque la responsabilité d’un tel rôle lui est confiée, cela démontre qu’elle s’est amendée et qu’elle ne présente, a priori, pas de danger pour la société.

 

Surmonter les obstacles

Que faire si une enquête ayant trait à la bonne moralité de votre client·e n’a pas été réalisée par la·le juge d’instruction ?

  • Si vous devez défendre une personne accusée lors de son procès et qu’aucune enquête permettant de retracer son parcours de vie et sa situation familiale, sociale et professionnelle n’a été réalisée au préalable, demandez à la Cour de surseoir à statuer sur la peine tant qu’une telle enquête n’aura été réalisée afin de lui permettre d’individualiser la peine.
  • Si la Cour refuse d’ordonner une enquête de personnalité, il vous faudra présenter vous-même à la Cour des éléments du parcours et de la personnalité de la personne que vous défendez. Cela est indispensable afin de défendre au mieux ses intérêts et de faire tout votre possible pour que la peine prononcée prenne en compte ses circonstances personnelles.

 

E.  Autres éléments pouvant susciter la compassion du tribunal

 

La majorité des facteurs susmentionnés peuvent susciter la compassion et l’indulgence du tribunal. En outre, dans certains dossiers, vous pourrez présenter des preuves indiquant que la personne que vous défendez souffre de problèmes de santé ou qu’elle a enduré des conditions de détention difficiles. Par exemple, le fait qu’une personne accusée soit atteinte du Sida (VIH) pourrait attirer la sympathie du tribunal. Les personnes d’un certain âge qui auront plus de difficultés à endurer la pénibilité de la vie en prison pourraient également obtenir la compassion de la Cour. En outre, certaines instances internationales ont estimé qu’il était extrêmement cruel d’exécuter une personne âgée.

Les tribunaux de différents pays ainsi que des juridictions internationales ont estimé qu’une longue période passée dans le couloir de la mort pouvait constituer une peine cruelle et inhabituelle[252]. Dans l’affaire Patrick Reyes c. La Reine, la Cour suprême du Belize a déclaré que la détention de l’appelant dans le couloir de la mort durant plus de trois ans était en elle-même une circonstance justifiant une atténuation de sa peine[253].

De même, vous serez peut-être en mesure de soutenir qu’une longue période de temps passé en détention provisoire (ou détention préventive) justifie l’imposition d’une peine moins lourde, étant donné que la personne que vous défendez aura déjà été sévèrement puni pour son crime. Les prisons surpeuplées, le manque de nourriture, l’exposition aux maladies infectieuses, le manque d’activité et l’impossibilité d’être en contact avec sa famille sont des facteurs qui alourdissent la peine endurée par une personne détenue[254]. Dans l’affaire République du Malawi c. Chiliko Senti, la Haute Cour du Malawi a estimé que les conditions de détention épouvantables de la personne accusée, bien en deçà des normes internationales, devaient être prises en compte lors du réexamen de la peine et que, de fait, une peine d’emprisonnement dans ces conditions était déjà une punition en soi.

Enfin, la famille de la victime peut également être une source d’éléments pouvant influencer le quantum de la peine. Dans certains pays, vous pourriez essayer de discuter avec la famille de la victime et négocier une conciliation ou un arrangement entre la personne accusée et la famille de la victime. Lorsque cela est possible, obtenir une déclaration de la famille de la victime indiquant qu’elle n’est pas en faveur de la peine de mort peut avoir un impact important sur la détermination de la peine.

 

Conseils pratiques

Voici quelques domaines à explorer pendant vos recherches qui pourraient vous apporter des informations sur des circonstances atténuantes qui vous seront utiles pour influencer la détermination de la peine[255] :

  • Les antécédents médicaux (y compris les hospitalisations, les maladies, les troubles mentaux, les blessures, la consommation d’alcool et de drogues, les traumatismes survenus avant ou à la naissance, les problèmes de malnutrition, les retards de développement, et les troubles neurologiques) ;
  • L’histoire sociale et familiale (y compris les abus et mauvais traitements physiques, sexuels ou émotionnels ; les antécédents familiaux de troubles mentaux, déficiences intellectuelles, toxicomanie ou violences domestiques ; la pauvreté, l’instabilité familiale, l’environnement direct et l’influence des pairs) ; d’autres événements traumatisants tels que l’exposition à la violence criminelle, la perte d’êtres chers ou les catastrophes naturelles ; les discriminations raciales, sociales ou ethniques ; les influences culturelles ou religieuses ; les échecs de l’État et des systèmes de protection de l’enfance (par exemple, le défaut d’intervention des services de l’État, ou le défaut de mise à disposition des services nécessaires, le placement de personnes mineures dans des foyers d’accueils médiocres ou dans des établissements de détention pour personnes mineures inadaptés) ;
  • L’éducation (y compris les réussites de la personne que vous défendez, ses résultats scolaires, son comportement, et ses activités), les besoins éducatifs spéciaux (y compris les troubles cognitifs et d’apprentissage) et les opportunités ou le manque d’opportunités, ainsi que les activités réalisées ;
  • Le service militaire (y compris la durée et le type de service, la conduite pendant ce dernier, les entraînements spécifiques, la participation au combat, les services de santé et de santé mentale) ;
  • L’emploi et la formation professionnelle (y compris les compétences et les résultats obtenus, et les obstacles à l’emploi) ; et
  • De précédentes expériences dans des établissements correctionnels pour mineurs ou pour adultes (y compris le comportement sous surveillance dans des établissements d’enseignement ou de formation, ou lors d’hospitalisations).

 

III.  Autres arguments pour contester une condamnation à la peine de mort

 

En plus des circonstances atténuantes visant à démontrer que la personne que vous défendez ne mérite pas d’être condamnée à la peine de mort, vous devez également envisager de contester l’imposition de la peine de mort en elle-même. Dans le cadre d’une affaire pénale, vous pouvez généralement soulever des arguments pour contester l’application de la peine de mort, de manière générale, dans votre pays: dès le début du procès, ou plus tard lorsque sont évoquées les circonstances atténuantes visant à obtenir la clémence de la Cour, ou enfin dans le cadre d’un appel si la personne que vous défendez a été condamnée à la peine de mort en première instance. Ces arguments sont abordés avec davantage de précision au chapitre 8, qui traite des appels suite à une condamnation à mort.

 

Chapitre 8 : Appels et recours après la condamnation

 

Dans ce chapitre, nous abordons votre devoir d’assistance efficace après une condamnation à mort, et prodiguons des conseils afin d’assurer le respect du droit de la personne que vous défendez à un procès équitable en appel et lors des autres recours disponibles. Nous envisagerons également différentes approches pour remettre en cause la légalité de la peine de mort dans votre pays et pour contester son application à votre client·e.

 

I.  Défendre les droits d’une personne condamnée à mort après sa condamnation

 

A.  Le droit de faire appel de la condamnation et de la peine

 

Le droit de déposer un recours à la suite d’une condamnation à mort est très souvent garanti par la législation nationale d’un pays ou par sa Constitution[256]. En outre, de nombreux instruments internationaux des droits humains prévoient le droit de faire appel[257]. Le Comité des droits de l’homme de l’ONU a souligné que le droit de faire appel revêt une importance particulière dans les affaires où la personne condamnée encourt la peine de mort[258]. De même, la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples considère que « toute personne condamnée à mort a le droit de faire appel de la sentence auprès d’une juridiction supérieure et les États doivent prendre des mesures pour rendre ces appels obligatoires »[259]. En outre, l’État doit fournir une assistance juridique gratuite en appel si la personne condamnée n’a pas les moyens financiers d’engager sa ou son propre avocat·e[260].

L’étendue du droit de contester une décision de justice et de faire examiner un dossier par une juridiction supérieure varie d’un instrument international à l’autre, notamment en ce qui concerne les motifs de ce recours. Tandis que la Convention européenne des droits de l’homme admet que, dans certains cas, le réexamen de la déclaration de culpabilité et de la peine puisse être restreint à des questions de droit[261], le Comité des droits de l’homme estime que ce réexamen doit porter aussi bien sur des points de droit que sur les faits[262]. La Commission africaine considère que « le droit de faire appel doit donner lieu à un réexamen véritable (…) de l’affaire » ce qui pourrait laisser entendre que les faits ainsi que le droit doivent être examinés[263]. Néanmoins, dans certains pays, il n’existe pas de double degré de juridiction permettant d’examiner les faits, mais seulement une Cour de cassation pouvant se pencher sur des questions de droit. Si vous exercez dans un système juridique ne prévoyant pas de procédure pour interjeter appel de la décision de condamnation, vous devriez envisager de contester cette violation du droit de la personne condamnée de faire appel devant des instances régionales ou internationales. Vous pouvez également essayer de mobiliser le barreau et les parlementaires sur cette question pour faire évoluer la législation.

Dans de nombreux pays, la loi prévoit qu’une personne condamnée puisse présenter de nouvelles preuves en appel. En outre, la Commission africaine considère que le droit de faire appel comprend le droit de réviser une peine lorsque de nouvelles preuves sont découvertes et admet, par conséquent, que de nouvelles preuves soient examinées en appel[264]. Cela vous permettra de présenter de nouveaux éléments prouvant l’innocence de la personne que vous défendez ou des manquements de la part de la·du juge en charge de l’enquête, du parquet ou de la police. Vous pourrez aussi présenter des circonstances atténuantes que l’avocat·e n’aurait pas découvertes ou présentées en première instance. Dans l’affaire Benedetto c. La Reine, le Comité judiciaire du Conseil Privé, dernière cour d’appel pour de nombreux États du Commonwealth, a considéré que le pouvoir discrétionnaire des juges d’appel de prendre en considération de nouvelles preuves constitue une garantie majeure contre la possibilité d’injustice, et que bien que les preuves auraient pu être présentées en première instance, la cour d’appel peut, dans l’intérêt de la justice, décider de les considérer comme recevables et d’en tenir compte. En effet, une personne accusée doit être punie pour les crimes qu’elle a commis et non pas en raison de l’incapacité de celles et ceux qui l’assistent d’assurer comme il se doit sa défense[265].

Dans tous les cas, il est généralement admis que le droit de faire appel est un droit fondamental, en particulier dans les affaires de peine de mort, et il est essentiel qu’une personne condamnée à mort ait la possibilité de contester la légalité de sa condamnation et de sa peine devant une juridiction supérieure[266].

Certains pays imposent des limites au droit de demander un réexamen d’une condamnation. Ces limites doivent avoir un objectif légitime et ne doivent pas enfreindre l’essence même du droit de faire appel[267]. Ces limites ne seront pas considérées raisonnables si elles rendent le droit de faire appel illusoire, comme ce serait le cas, par exemple, si le laps de temps pour demander le réexamen d’une décision était excessivement court. À ce sujet, le Comité des droits de l’homme de l’ONU a réaffirmé à plusieurs reprises que les personnes condamnées ont droit à ce que leur appel soit instruit dans un délai raisonnable[268].

Il est de votre devoir de respecter les délais et les conditions d’appel prévues par la législation de votre pays, mais vous pouvez également contester les limites non raisonnables qui enfreignent le droit de la personne condamnée à avoir accès à un tribunal. Par exemple, en mars 2012, la Cour d’appel des Caraïbes orientales a considéré qu’un délai de 14 jours pour déposer un recours contre une condamnation à mort constituait une limite déraisonnable et arbitraire au droit d’une personne condamnée à mort de faire appel[269]. Dans cette affaire, les personnes condamnées avaient interjeté appel deux jours après le délai imparti. La Cour a clairement précisé que, bien que les États aient le droit de définir les règles et limites régissant la procédure d’appel, ces limites ne doivent pas restreindre l’accès au droit de faire appel au point d’en altérer l’essence même[270].

 

Surmonter les obstacles

 Dans quel(s) cas le droit de présenter un recours est-il enfreint ?

  • Deux situations différentes peuvent se présenter :
  • Soit la législation de votre pays ne prévoit pas la possibilité qu’une personne condamnée fasse appel de son jugement.
  • Soit le droit de faire appel est prévu par la législation nationale mais l’on empêche la personne dont vous assurez la défense d’y accéder (par exemple, en raison de limites imposées par la juridiction dans laquelle vous exercez au droit de demander le réexamen d’une condamnation ou en cas de perte du dossier, etc.).

 

Que devez-vous faire si la législation de votre pays ne prévoit pas le droit de faire appel ?

  • S’il existe une juridiction supérieure (cour d’appel, cour de cassation, cour suprême, etc.) dont l’accès vous est refusé en raison de la nature de votre affaire (par exemple, si la personne que vous défendez a été condamnée par un tribunal militaire), déposez malgré tout un recours, et soutenez que cette procédure est conforme, en vous appuyant sur le droit des personnes condamnées à faire appel de leur condamnation, et en faisant référence aux sources de droit international mentionnées ci-dessus.
  • Si aucune juridiction supérieure n’existe ou si aucune n’accepte de réexaminer votre affaire, il vous faudra envisager la possibilité de présenter un recours auprès d’une instance internationale (voir chapitre 9). Préparez également une demande de sursis d’exécution ou une demande de grâce (voir ci-dessous).

 

Pouvez-vous faire appel ou déposer un recours si le dossier de la personne que vous défendez a été perdu ?

  • La perte de certains éléments ou de l’intégrité du dossier de la personne dont vous assurez la défense par l’administration judiciaire ne doit pas être imputée à la personne condamnée. Son droit à déposer un recours en appel ou en révision ne doit donc pas être remis en cause par l’absence de pièces de son dossier.
  • Au Malawi, dans le cadre des procédures de révision des peines des personnes condamnées à mort, de nombreux dossiers étaient introuvables. Dans l’affaire République c. Lackson Dzimbiri, la Haute Cour a statué que la perte du dossier ne devait pas pénaliser la personne condamnée en l’empêchant d’exercer son droit de recours. La Cour a ajouté qu’il serait inconcevable de prononcer une condamnation à mort lorsqu’il manque une partie du dossier et qu’il existait des zones d’ombres entourant les circonstances dans lesquelles l’infraction avait été commise[271].

 

B.  Conseils pratiques

 

  1. Rencontrez la personne que vous défendez dès que possible

 

Vous devrez rencontrer la personne dont vous assurez la défense dès que vous avez été désigné·e pour la défendre, même si c’est sa famille qui a pris contact avec vous. Assurez-vous qu’elle comprenne la procédure d’appel et les différentes échéances. Il se peut que le personnel carcéral ou d’autres personnes détenues lui conseillent de faire promptement appel une fois le verdict prononcé ; dites-lui en amont de ne pas déposer de demande d’appel sans en avoir au préalable discuté avec vous. Expliquez-lui comment vous compter contester sa condamnation. Elle doit comprendre qu’il est encore possible d’agir, et que vous vous battez en sa faveur. Si elle ne comprend pas la situation, elle risque de ne pas coopérer.

L’impact psychologique d’une condamnation à mort est considérable, et cet impact est parfois accentué par des conditions carcérales difficiles. Ces deux facteurs peuvent affaiblir l’état de santé de la personne condamnée et la rendre peu encline ou incapable de vous aider dans la préparation de sa défense en appel. Essayez de lui rendre visite régulièrement, d’autant plus si vous êtes la seule personne autorisée à accéder à la prison. Prêtez attention à ses conditions de détention et intervenez si nécessaire auprès de la personne responsable au sein de l’administration pénitentiaire pour déposer une plainte. La mise à l’isolement d’une personne détenue peut avoir des conséquences dévastatrices sur son état mental. Vous devez donc faire votre possible pour vous assurer, le cas échéant, qu’elle puisse recevoir des visites, voir d’autres personnes détenues, et bénéficier d’opportunité éducatives et de travail.

Il n’est jamais possible de prédire avec certitude l’issue d’un procès ou d’un appel ; ne soyez donc ni excessivement confiant·e ni défaitiste à ce sujet avec la personne condamnée. Elle doit être consciente des conséquences juridiques des actions qu’elle entreprend (par exemple si elle décide de se défendre seule lors de la procédure d’appel). Elle doit également être conseillée quant aux démarches qu’elle doit entreprendre personnellement, conformément à la législation nationale ; par exemple, déposer une demande pour obtenir une assistance juridictionnelle. Vous devez lui communiquer de manière transparente les démarches à entreprendre et les délais à respecter.

Consultez le chapitre 2 pour plus d’informations sur l’obligation de représenter efficacement les personnes que vous représentez.

 

  1. Obtenez les dossiers judiciaires et la transcription du procès

Vous devez pouvoir consulter les pièces du dossier et la transcription du procès, où qu’elles soient conservées, et faire une copie de l’intégralité du dossier. L’accès aux dossiers du procès initial ne peut pas vous être refusé[272]. Il s’agit, en effet, d’un droit inhérent au droit à un procès équitable et au principe corrélé de l’égalité des armes[273] selon lequel « chaque partie doit se voir offrir une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de désavantage par rapport à son adversaire »[274].

 

  1. Procurez-vous une copie du dossier conservé par l’avocat·e précédent·e

Si vous n’assuriez pas la défense de la personne condamnée lors du procès en première instance, contactez la personne qui la défendait afin de vous procurer son dossier. Profitez-en pour en savoir plus sur leur relation, des difficultés procédurales ou factuelles rencontrées, ainsi que des décisions stratégiques prises avant, pendant et après le procès. Une telle discussion vous permettra non seulement de mieux cerner le comportement de la personne condamnée à mort, mais également de vous donner des idées concernant les questions et arguments à soulever en appel. Essayez de vous renseigner sur le travail accompli par l’avocat·e précédent·e. Cela pourrait vous permettre de faire valoir, en appel, que la personne condamnée n’a pas bénéficié d’une assistance efficace en première instance. Soyez prudent·e, toutefois, à ne pas paraître hostile et veillez à poser les questions de façon neutre et désintéressée (voir ci-dessous Section II.E).

 

  1. Cherchez de nouvelles preuves à décharge

Nombre de juridictions acceptent que de nouvelles preuves soient présentées en appel. Lorsque cela est possible, commencez toujours par examiner s’il existe de nouveaux éléments ou des pistes de recherches qui n’auraient pas encore été explorées. Par exemple, si en première instance des preuves de circonstances atténuantes n’ont pas été présentées mais que vous avez la conviction que la personne condamnée est atteinte d’un trouble mental, essayez de recueillir des témoignages et de recourir à une expertise professionnelle en santé mentale pour montrer à la cour d’appel de quel trouble elle est atteinte et l’impact de ce trouble sur sa capacité de discernement et sur son comportement.

Par exemple, dans l’affaire Pitman c. l’État, le Comité judiciaire du Conseil Privé a considéré recevables deux évaluations psychologiques réalisées par des personnes expertes en santé mentale, ainsi que de multiples déclarations sous serment émanant des proches du requérant attestant qu’il avait une capacité mentale réduite[275]. La Cour a admis ces preuves après avoir estimé qu’elles étaient crédibles, qu’il s’agissait d’éléments prouvant que le degré d’handicap intellectuel de l’appelant était substantiel et aurait dû être examiné par la Cour, et enfin, que les avocats de l’appelant avaient pu justifier des raisons pour lesquelles ces preuves médicales n’avaient pas été présentées lors du procès.

De même, dans l’affaire Solomon c. l’État, le Comité judiciaire du Conseil Privé a jugé que de nouvelles preuves indiquant que le requérant condamné pour meurtre était atteint ou potentiellement atteint d’une maladie dépressive au moment des faits étaient recevables. Lors du procès, la dépression du requérant avait certes été mentionnée, mais il n’y avait eu aucune expertise psychiatrique sur son état de santé mentale et aucun témoignage médical. Le Comité a examiné les nouvelles preuves attestant que le requérant avait été hospitalisé pour dépression avant les faits, qu’il avait fait une tentative de suicide après son arrestation et qu’une dépression avait été diagnostiquée un an après les faits. Le Comité a décidé d’annuler la condamnation et de renvoyer l’affaire devant la Cour d’appel de Trinité-et-Tobago afin que les problématiques liées à l’état de santé mentale de l’accusé soient examinées[276].

De nombreuses juridictions prévoient une procédure de révision permettant de présenter un recours après qu’une décision est devenue définitive[277]. Cette procédure permet de réexaminer une affaire « lorsqu’apparaît un fait nouveau ou un élément inconnu au moment du procès, et pouvant établir l’innocence du condamné, ou faire naître un doute sur sa culpabilité »[278]. Dans plusieurs pays africains, dont le Cameroun, la loi pénale permet dans certaines circonstances de faire une demande de révision après qu’une condamnation est devenue définitive[279]. Ainsi, même si une condamnation est irrévocable, vous pouvez toujours faire des recherches sur les circonstances du crime avec le soutien d’expert·e·s et d’assistant·e·s juridiques. Cela pourrait vous permettre de découvrir de nouveaux éléments remettant en cause la culpabilité de la personne que vous défendez et vous permettre de faire une demande de révision qui, si elle aboutissait, pourrait la faire échapper à une exécution. Aux États-Unis, la procédure permettant de contester une condamnation devenue définitive constitue une garantie essentielle pour éviter les exécutions arbitraires et a permis la réouverture de dossiers d’innombrables prisonniers.

 

  1. Maîtrisez les règles de procédure et la jurisprudence relatives aux affaires où une personne accusée encourt la peine de mort 

 

a) La juridiction compétente et le respect des règles de forme

Assurez-vous de savoir quel tribunal est compétent pour étudier votre demande d’appel et où le recours doit être déposé. Renseignez-vous sur les règles de forme pour déposer un recours : est-ce une simple déclaration qui sera enregistrée, ou devez-vous soumettre un document écrit et détaillé ? Ces préoccupations sur la forme sont liées à celle du délai : en effet, si vous ne respectez pas les règles de forme, vous risquez d’apprendre que votre recours n’est pas recevable après la date limite pour déposer d’appel, et vous ne pourrez pas déposer un nouveau recours.

 

b) Les délais

Familiarisez-vous avec les délais pour interjeter appel. Il est fréquent que les délais soient très courts, de l’ordre de 5 ou 10 jours. Dans de nombreuses affaires, des appels ont été jugés irrecevables car les délais n’avaient pas été respectés, et ce même lorsque l’appel avait été déposé avec seulement un jour de retard. Cependant, si la date limite pour faire appel est passée, ne vous résignez pas, et faites tout votre possible pour que cela ne soit pas imputé à la personne que vous défendez et pour faire respecter son droit à faire appel de la décision (cf. ci-dessous).

 

Surmonter les obstacles

Que faire si la personne condamnée vous consulte après l’expiration du délai pour faire appel ? Essayez de comprendre pourquoi aucun appel n’a été déposé à temps:

  • Elle n’était pas assistée par un·e avocat·e et ne savait pas qu’elle avait le droit de faire appel ou qu’elle devait respecter un délai pour ce faire. Le droit à un procès équitable inclut le droit à une assistance juridique à chaque étape de la procédure. Déposez une demande d’appel et expliquez que le retard du dépôt de la demande d’appel est justifié car la personne que vous défendez était privée de son droit d’être assistée par un·e avocat·e en appel.
  • Elle était assistée par un·e avocat·e, mais le délai était trop court pour faire une demande d’appel de qualité répondant aux critères d’assistance efficace. Présentez un nouvel appel, en argumentant que le droit de la personne condamnée à un procès équitable inclut le droit d’avoir le temps nécessaire pour préparer sa défense, ainsi que le droit d’accéder aux juridictions, et que ces droits doivent être effectifs et non théoriques.
  • Le retard est dû à la négligence de l’avocat·e précédent·e. Dans ce cas, appuyez-vous sur le droit de la personne condamnée à un procès équitable pour demander à la Cour d’excuser ce retard. Vous pouvez faire valoir que l’erreur de l’avocat·e qui n’a pas déposé de recours à temps ne devrait pas être imputée à la personne que vous défendez. Si l’erreur émanait de l’avocat·e, vous pouvez souligner son incompétence et expliquer qu’en conséquence, la personne condamnée s’est vue privée de son droit à une assistance juridique efficace. Nombre de pays ont développé une jurisprudence à ce sujet, et il vous appartient d’effectuer les recherches nécessaires. Vous pouvez également vous appuyer sur les principes de droit international qui prévoient le droit à une assistance juridique efficace et le droit de faire appel.

 

Que devez-vous faire si les règles procédurales de votre juridiction ne prévoient pas de mécanismes de réexamen vous permettant d’expliquer pourquoi le recours n’a pas été présenté à temps ? Étudiez les possibilités suivantes :

  • Présentez malgré tout un recours, et soutenez qu’il est admissible, en vous appuyant sur les arguments ci-dessus.
  • Dans nombre de pays, en cas d’erreur judiciaire, des mécanismes permettent de présenter un recours extraordinaire comme, par exemple, une procédure de révision.
  • Présentez une demande de grâce.

 

c) Connaître la jurisprudence et les lois de votre pays

Il est essentiel de connaître la jurisprudence liée à la peine de mort dans votre pays, notamment les décisions faisant jurisprudence et les arrêts de principe rendus par les cours supérieures (cour d’appel, cour de cassation, cour constitutionnelle etc.). Si les décisions relatives à la peine de mort ne sont pas faciles d’accès dans votre pays, il pourrait être utile que vous échangiez et partagiez vos expériences avec des confrères et consœurs défendant des personnes passibles de la peine de mort, ainsi qu’avec des ONG spécialisées dans la justice pénale ou luttant contre la peine de mort dans votre pays.

 

 

d) Utiliser le droit international

Il est également essentiel de connaître les principes de droit international qui s’appliquent aux affaires de peine de mort, en particulier si la législation de votre pays ne respecte pas les normes de droit international et que le droit international prévoit une protection plus vaste. D’autre part, il pourra vous être utile de citer la jurisprudence de pays voisins qui ont adopté une position plus conforme au droit international. Dans ce manuel, vous trouverez des exemples d’affaires de peine de mort ayant fait jurisprudence aux niveaux national et international. Les principaux arguments pouvant être invoqués pour contester l’existence de la peine de mort ou son application sont abordés ci-dessous.

 

Surmonter les obstacles

Que devez-vous faire si la législation de votre pays prévoit le droit de faire appel, mais que vous ne parvenez pas à obtenir une date d’audience ?

  • En premier lieu, vous devez évaluer si le délai est préjudiciable ou non à la personne condamnée à mort. Parfois, les délais se révèlent utiles. Si sa culpabilité est avérée, que le meurtre est aggravé et que les preuves à son encontre sont solides, vous ne devriez pas nécessairement inciter la cour à accélérer la procédure d’appel. Dans de telles affaires, un délai plus long peut vous être favorable. Ces délais peuvent permettre à la personne condamnée de rester en vie et augmenter ses chances qu’entre temps de nouvelles voies de recours s’ouvrent à elle ou que de nouveaux arguments puissent être invoqués (par exemple si la Cour suprême rend une décision limitant l’application de la peine de mort).
  • S’il serait dans votre intérêt stratégique d’accélérer la procédure d’appel (par exemple si vous disposez de preuves solides de son innocence ou si la personne que vous défendez est gravement malade), examinez la possibilité de faire une demande de mise en liberté, et contactez la·le Président·e ou la·le greffier de la Cour d’appel pour demander à ce que la date d’audience soit fixée rapidement.
  • Votre demande aux fins d’obtenir une audience rapide doit faire état de la violation de son droit d’accès aux tribunaux et de son droit d’être traduite en justice dans un délai raisonnable. Si la Cour ne répond pas à cette demande, essayer de trouver une instance ou un organe auprès duquel vous pouvez vous plaindre de ce retard.
  • Si cette requête est infructueuse, vous pouvez examiner la possibilité de faire un recours auprès d’une instance internationale (voir chapitre 9).

 

    1. Réexaminez le jugement du tribunal

Dans les pays où des juges (ou un collège de juges) déterminent la culpabilité de la personne que vous défendez et le quantum de la peine, prêtez particulièrement attention aux arguments ayant motivé le verdict. Le droit d’une personne condamnée à faire appel inclut le droit de savoir pourquoi elle a été condamnée afin d’être en mesure de présenter des arguments en appel. C’est pourquoi les personnes accusées ont droit à un jugement motivé. Un jugement motivé vous aidera également à comprendre si l’affaire de la personne condamnée a été entendue de manière juste et équitable. Si la décision n’est pas suffisamment motivée, vous pouvez demander son annulation en appel pour défaut de motivation. Le droit à un jugement motivé n’est pas mentionné de manière explicite dans les principaux traités des droits humains, mais il est considéré comme un corollaire du droit à un procès équitable (voir chapitre 6)[280].

Les lois nationales de nombreux États prévoient que les personnes accusées ont droit à une décision motivée[281]. Au Cameroun, par exemple, les juges doivent préciser les faits et les articles de loi motivant leurs décisions[282]. La Cour suprême du Cameroun a jugé qu’en matière pénale tous les jugements des juridictions inférieures devaient inclure une explication claire et détaillée des faits, y compris des circonstances aggravantes et atténuantes, pour que la Cour suprême puisse effectivement revoir les décisions des tribunaux de première instance[283].

Le droit à un jugement motivé a été invoqué dans une affaire présentée devant le Comité des droits de l’homme de l’ONU concernant des personnes détenues dans le couloir de la mort en Jamaïque qui n’ont pas pu obtenir une copie du jugement du tribunal afin de préparer leurs appels. Le Comité des droits de l’homme a déclaré qu’étant donné l’incapacité de la Cour jamaïquaine à fournir un jugement motivé écrit, les droits des personnes accusées à être jugées sans retard excessif (article 14(3)(c) PIDCP) et à faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité et la condamnation (article 14(5) PIDCP) avaient été violés[284].

 

C.  Est-ce que la personne condamnée à mort a le droit d’être physiquement présente lors de l’audience d’appel ?

 

La réponse varie en fonction des pays. Dans de nombreuses juridictions, une personne condamnée en première instance a le droit d’être présente lors de l’audience d’appel. La Commission africaine a, quant à elle, déclaré que dans les affaires pénales, les personnes accusées ont le droit d’être présentes à leur procès, ce qui pourrait également être appliqué aux procès en appel[285]. Néanmoins, si la juridiction supérieure n’examine pas le fond de l’affaire, c’est-à-dire ne se penche que sur des questions de droit et ne réexamine pas les faits, sa présence n’est pas requise par le droit international[286].

 

D.  Quelles demandes formuler ?

 

Les demandes que vous pouvez formuler dépendent de la nature du problème ainsi que des règles de procédure et de la jurisprudence nationale. Dans certains pays, l’appel consiste en un nouveau procès, où les personnes ayant témoigné en première instance pourront être réentendues et les plaidoiries seront faites devant un nouveau jury et d’autres juges qui détermineront la culpabilité et la peine à nouveau.

Dans les juridictions où il n’existe pas de possibilité de faire un réexamen du fond de l’affaire, et où il est seulement possible de soulever des questions de droit, il vous faudra formuler dans votre pourvoi tous les moyens pour lesquels la décision de condamnation devrait être annulée. Par exemple, si la personne dont vous assurez la défense fait partie d’une catégorie de personnes qui ne peuvent pas être condamnées à mort (personnes mineures, personnes ayant des troubles mentaux, etc.), vous pouvez invoquer cette violation et demander à ce que le jugement soit annulé et qu’une autre peine soit prononcée. Si des vices de procédure remettent en cause l’équité du procès et l’intégrité du verdict, demandez à ce que la décision soit annulée et qu’un nouveau procès ait lieu afin de déterminer à nouveau la culpabilité et la peine. Dans les cas où votre moyen porte uniquement sur la peine, comme par exemple dans les affaires où l’on observe un syndrome du couloir de la mort (cf. ci-dessous), vous pouvez demander à ce que la condamnation à mort soit commuée en peine d’emprisonnement.

 

Exemple de réussite

Une extraordinaire leçon de persévérance

  • À Taiwan, les avocat·e·s peuvent techniquement faire appel un nombre de fois illimité auprès de la Cour Suprême. Un avocat a tenté, sans succès, dix appels auprès de la Cour suprême au nom d’un seul client avant de réussir lors de la onzième tentative.
  • Si vous exercez dans une juridiction ayant une réglementation semblable, vous devriez profiter de la possibilité de faire appel plusieurs fois si besoin.
  • Si vous exercez dans une juridiction où le nombre d’appels est limité, veillez à ce que vos arguments ne comportent aucune faille et soient le plus complet possible, car il se pourrait que vous n’ayez qu’une seule chance pour faire annuler la condamnation.
  • Il est important de vous familiariser avec la législation applicable et les dernières évolutions du droit dans votre juridiction de façon à pouvoir utiliser toutes les approches disponibles afin d’aider la personne condamnée à mort[287].

 

II. Remettre en cause la peine de mort et contester son application

 

Ce guide n’a pas la prétention d’examiner tous les arguments juridiques qui peuvent être soulevés en appel. En effet, de nombreux arguments seront fondés sur des principes et règles du droit national qui varient d’un pays à l’autre. Il existe toutefois de nombreux arguments juridiques basés sur le droit international qui ont été invoqués avec succès dans des tribunaux nationaux du monde entier. Regardez dans la Constitution et les lois de votre pays si les tribunaux doivent appliquer le droit international et informez-vous de sa place dans la hiérarchie des normes (voir chapitre 1). Si dans votre juridiction les tribunaux ne sont pas tenus d’appliquer certains règlements ou directives issues du droit international, vous devriez néanmoins mettre en avant leur caractère persuasif. En outre, vous devriez puiser dans la jurisprudence de tribunaux d’autres pays pour montrer qu’ils se sont appuyés sur des décisions d’organismes internationaux afin de limiter le champ d’application de la peine de mort.

 

A.  La peine de mort obligatoire

 

Le principe de la peine de mort obligatoire, également appelée peine de mort automatique, signifie que lorsque l’infraction est constituée, la juridiction est obligée d’imposer la peine de mort et ne peut pas prendre en compte de circonstances atténuantes pour individualiser la peine. Bien qu’elle soit toujours appliquées dans certains pays, la peine de mort obligatoire est en net recul dans le monde, notamment en raison des défis juridiques associés à son application. Depuis l’année 2000, au moins dix-neuf pays ont mis un terme à la peine de mort obligatoire[288]. En 1976, la Cour suprême des États-Unis a été l’une des premières à invalider la peine de mort obligatoire en argumentant qu’il s’agissait d’une pratique à la fois arbitraire et inhumaine qui était en violation du huitième amendement de la Constitution des États-Unis[289]. La Cour suprême a souligné que le respect fondamental de l’humanité d’une personne requiert, lors d’une condamnation à la peine capitale, de prendre en considération la personnalité et le passé des personnes jugées ainsi que les circonstances de l’infraction en question[290]. En 1983, la Cour suprême de l’Inde a également soutenu que la peine de mort obligatoire était inconstitutionnelle[291]. La Cour indienne a souligné que le pouvoir législatif ne pouvait pas décréter que des circonstances pertinentes ne le soient pas, priver les tribunaux de leur droit légitime d’exercer leur pouvoir discrétionnaire pour ne pas infliger la peine de mort dans les cas appropriés, ni obliger les juges à fermer les yeux devant des circonstances atténuantes, ou leur imposer le devoir contestable et déraisonnable de prononcer une condamnation à mort prédéterminée[292]. La gravité de l’infraction doit déterminer la peine et si la peine de mort est imposée sans tenir compte des circonstances dans lesquelles l’infraction a été commise et des circonstances de la personne accusée, la peine de mort est irrationnelle[293].

À compter des années 2000, une série de décisions rendues par le Comité judiciaire du Conseil Privé et la Cour d’appel de la Caraïbe orientale a écarté la peine de mort obligatoire dans plusieurs pays des Caraïbes. Dans d’autres pays, la peine de mort obligatoire a été abrogée par la loi[294]. Trinité-et-Tobago est le seul pays des Caraïbes qui continue à appliquer la peine de mort obligatoire. Trois pays africains (le Malawi, l’Ouganda et le Kenya) ont également abrogé la peine de mort obligatoire, mais pour des raisons quelque peu différentes.

  • Au Malawi, la Haute Cour a déclaré la peine de mort obligatoire inconstitutionnelle, car elle constitue un châtiment disproportionné et conduit donc à des traitements inhumains. En outre, comme il s’agit d’une condamnation non susceptible de contrôle judiciaire, elle viole le droit à un procès équitable et le droit d’accéder à la justice[295].
  • En Ouganda, la Cour suprême a estimé que l’impossibilité pour les juges d’exercer leur pouvoir discrétionnaire lorsque la vie de la personne accusée est en jeu viole le droit à une protection égale de la loi, car cela revient à traiter de la même manière des crimes dissimilaires en présupposant qu’ils ont le même degré de gravité ou de culpabilité. D’autre part, cela revient à traiter de manière discriminatoire les personnes accusées passibles de peine de mort et celles qui ne le sont pas, car ces dernières peuvent bénéficier de circonstances atténuantes[296]. En outre, la Cour ougandaise a estimé que la peine de mort obligatoire violait le principe de séparation des pouvoirs, car elle permettait au parlement de lier les mains du pouvoir judiciaire dans l’exécution de ses fonctions au regard de l’administration de la justice[297].
  • L’impact du droit international et de l’élan suscité par cette série de décisions a été particulièrement visible au Kenya, où la Cour d’appel a invalidé la peine de mort obligatoire au motif que cette pratique est inhumaine et viole le droit à un procès équitable en raison de l’absence de distinction entre des circonstances différentes[298]. La Cour d’appel a longuement cité le raisonnement de l’affaire Kigula et des affaires Reyes et Hughes du Comité judiciaire du Conseil Privé, en observant que les lois examinées dans ces décisions avaient été largement influencées par des instruments internationaux (et dans certains cas les citent mot pour mot) que le Kenya avait ratifiés[299].

Les tribunaux internationaux ont également critiqué l’existence de la peine de mort obligatoire. Dans une série de décisions prises entre 2000 et 2001, la Commission interaméricaine des droits de l’homme a estimé que la peine de mort obligatoire violait le droit à la vie, le droit à un traitement ou un châtiment humain et le droit à un procès équitable[300]. Dans l’affaire Boyce c. Barbade, la Cour interaméricaine des droits de l’homme a affirmé que les lois qui interdisaient une individualisation de la peine étaient fondamentalement arbitraires, énonçant qu’une condamnation à mort obligatoire sanctionnée par la loi est arbitraire si la loi ne permet pas de distinguer entre différents degrés de culpabilité et ne prend pas en considération de manière individuelle les circonstances particulières du crime[301]. Le Comité des droits de l’homme des Nations unies est parvenu à cette même conclusion dans l’affaire Thompson c. Saint-Vincent-et-les Grenadines, et sa jurisprudence est restée constante[302]. En effet le Comité a considéré que « la condamnation obligatoire et automatique à la peine de mort constitue une privation arbitraire de la vie, en violation du paragraphe 1 de l’article 6 du Pacte, dans des circonstances où la peine capitale est prononcée sans qu’il soit possible de prendre en considération la situation personnelle de l’accusé ou les circonstances ayant entouré le crime en question »[303]. Le Comité des droits de l’homme des Nations unies a demandé aux États qui continuent d’appliquer la peine capitale de « veiller à ce que […] la peine de mort ne soit pas imposée […] à titre de peine obligatoire »[304]. La rapporteuse spéciale des Nations unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires a déclaré « qu’en aucun cas la loi ne devrait rendre la peine capitale obligatoire, quels que soient les faits reprochés »[305].

Dans l’affaire Interights (Bosch) c. Botswana, la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples a reconnu que les tribunaux étaient tenus de prendre en considération les circonstances du crime et la personnalité des personnes accusées avant de prononcer une condamnation à mort[306]. En outre, dans l’affaire Ally Rajabu v. Tanzania, la Cour africaine a affirmé que l’imposition obligatoire de la peine de mort telle qu’elle est prévue par le code pénal de la Tanzanie et appliquée par la Haute Cour ne respecte pas les principes de l’équité et de la régularité de la procédure telles qu’elles sont garanties par l’article 7(1) de la Charte africaine des droits de l’homme[307].

Quelques pays, comme Singapour ou la Malaisie, maintiennent la peine de mort obligatoire malgré des actions en justice à répétition pour faire déclarer cette pratique inconstitutionnelle. La Cour d’appel de Singapour a rejeté les arguments selon lesquels la peine de mort obligatoire était inconstitutionnelle en considérant qu’il existe un lien logique avec les objectifs de dissuasion et de réduction de la criminalité[308].

 

 

B.  La peine de mort pour les « crimes les plus graves »

 

L’article 6(2) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques prévoit qu’une condamnation à mort ne peut être prononcée que « pour les crimes les plus graves »[309]. Le Comité des droits de l’homme estime que l’expression doit s’entendre d’une manière restrictive, signifiant que la peine capitale doit être une mesure exceptionnelle[310]. Le Comité des droits de l’homme a établi que l’imposition de la peine de mort pour un crime n’ayant pas entraîné le décès de la victime constitue une violation de l’article 6(2)[311].

En 1984, le Conseil économique et social des Nations unies a restreint davantage la définition des « crimes les plus graves » dans ses « Garanties pour la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort »[312]. Ces garanties, qui ont été entérinées par l’Assemblée générale des Nations unies, stipulent que la peine de mort peut uniquement être appliquée aux « crimes intentionnels ayant des conséquences fatales ou d’autres conséquences extrêmement graves »[313]. Le Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires considère que le terme « intentionnel » équivaut à la préméditation et désigne donc un acte résultant d’une intention délibérée de tuer[314]. En 1999, le Rapporteur a estimé qu’en vertu des restrictions introduites par ces garanties « la peine de mort ne peut être imposée pour les crimes économiques et autres crimes dits sans victimes, ou pour des actes de caractère politique ou religieux, y compris les actes de trahison, l’espionnage et d’autres actes définis de manière vague et habituellement décrits comme étant des « crimes contre l’État » ou des « abus de confiance », ou encore pour des actes touchant les valeurs morales dominantes, tels que l’adultère ou la prostitution, ou encore pour des faits liés à l’orientation sexuelle»[315]. La Commission des droits de l’homme des Nations unies considère également que les délits financiers, la pratique religieuse ou l’expression de convictions sans violence et les relations sexuelles entre personnes adultes et consentantes ne sont pas comprises dans la catégorie de crimes les plus graves et ne peuvent donc pas entraîner une condamnation à mort[316].

Conformément à ces principes, les tribunaux de certaines juridictions de la common law ont annulé des condamnations à mort imposées à des complices qui n’avaient pas agi avec l’intention de donner la mort[317]. Par exemple, la Cour d’appel de Trinité-et-Tobago a annulé une condamnation à mort imposée conformément à une loi qui n’exigeait pas de déterminer si la personne accusée avait eu l’intention de donner la mort[318]. De même, la Cour suprême de l’Inde a déclaré qu’une condamnation à mort ne devait être prononcée que dans les cas les plus graves impliquant une culpabilité extrême[319].

Par ailleurs, dans une affaire où la personne accusée avait été condamnée à la peine capitale pour enlèvement d’une personne mineure sans entraîner sa mort, la Cour interaméricaine des droits de l’homme a déclaré que l’État avait violé l’article 4(2) de la CADH qui oblige les États à restreindre la peine de mort aux crimes les plus graves[320]. Au Malawi, la Haute Cour a déclaré que lors de la détermination de la peine, la Cour ne doit imposer la peine de mort que pour les pires criminels et pour les crimes les plus graves[321].

Ces exemples viennent conforter l’argument selon lequel la restriction de la peine de mort aux crimes intentionnels ayant des conséquences létales fait désormais partie du droit international coutumier.

 

C.  Le syndrome du couloir de la mort

 

L’article 7 du PIDCP stipule que « [n]ul ne sera soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants »[322]. D’autres traités relatifs aux droits humains utilisent un langage identique[323].

Au cours des deux dernières décennies, un important corpus de jurisprudence s’est développé à l’appui de l’idée qu’une incarcération prolongée dans le quartier des personnes condamnées à mort, peu importe les conditions de détention dans le couloir de la mort ou la santé mentale de la personne condamnée, constitue une peine cruelle, inhumaine ou dégradante[324], et ce en raison de l’angoisse, de l’incertitude et du désespoir qui assaillent la personne condamnée à la perspective horrifiante d’être exécutée. Ce phénomène dénoncé par les tribunaux est surnommé le « syndrome du couloir de la mort ». Ces décisions ont également donné lieu à une profusion d’articles de commentateurs et commentatrices juridiques et de spécialistes de la santé mentale.

Ces exemples démontrent que désormais, l’interdiction d’un confinement prolongé dans le couloir de la mort, en raison du traitement cruel, inhumain ou dégradant qu’il représente, revêt une force obligatoire dans le cadre du droit international coutumier[325].

En 1999, dans l’affaire Pratt & Morgan c. Jamaïque où un prisonnier jamaïcain était incarcéré dans le couloir de la mort depuis 14 ans, le Comité judiciaire du Conseil Privé a conclu qu’une période de 14 ans entre la condamnation et l’exécution de la peine de mort constituait un « châtiment inhumain »[326]. Le Comité judiciaire a par ailleurs soutenu que dans tous les cas où une exécution était prévue plus de cinq ans après la condamnation, il existait de solides raisons pour considérer que ce délai était de nature à constituer un châtiment inhumain ou dégradant[327]. Dans l’affaire Soering c. Royaume-Uni, la Cour européenne des droits de l’homme a établi que les personnes détenues et condamnées à mort en Virginie passent en moyenne six à huit ans dans le couloir de la mort avant leur exécution[328]. La Cour a déclaré que « [s]i bien intentionné soit-il, voire potentiellement bénéfique, le système virginien de procédures postérieures à la sentence aboutit à obliger la personne condamnée à subir, pendant des années, les conditions du « couloir de la mort », l’angoisse et la tension grandissante de vivre dans l’ombre omniprésente de la mort ».[329]

Plus récemment, dans le cadre de l’examen de la légalité de l’extradition de deux ressortissants américains poursuivis pour des crimes passibles de la peine de mort aux États-Unis, la Cour suprême du Canada a pris en considération le fait que les personnes détenues condamnées à mort dans l’État de Washington avaient dû attendre en moyenne 11,2 années dans le couloir de la mort le temps d’effectuer les recours disponibles à l’échelon de l’État et du système judiciaire fédéral[330]. La Cour a reconnu qu’il existait un consensus croissant concernant le fait que le caractère définitif de la peine de mort, combiné à la détermination du système de justice pénale à s’assurer que la condamnation ne soit pas injustifiée, conduisait inévitablement à un allongement des délais, d’où résulte un traumatisme psychologique[331]. S’appuyant en partie sur cela, la Cour a estimé que la Charte canadienne des droits et libertés empêchait l’extradition des personnes accusées, en l’absence d’assurances de la part des États-Unis qu’ils n’imposeraient pas la peine de mort[332].

La Cour suprême de l’Ouganda a également eu recours à ces arguments, estimant qu’un délai de plus de trois ans entre la confirmation en appel de la condamnation à la peine de mort et l’exécution constituait un traitement ou une peine cruelle, inhumaine ou dégradante en violation de sa constitution nationale[333]. La Cour suprême du Zimbabwe a estimé qu’un délai de 52 mois entre une condamnation à la peine de mort et l’exécution constituaient un châtiment inhumain[334]. En 2017, la Cour constitutionnelle du même État a estimé que le retard dans l’exécution de la peine de mort est une violation des droits constitutionnels du requérant. En 2010, dans l’affaire Al Saadoon & Mufdhi c. Royaume Uni, la Cour européenne des droits de l’homme a élargi sa position prise dans l’affaire Soering : la cour a estimé que le Royaume-Uni avait violé ses obligations découlant de l’article 3 de la Convention européenne, par le simple fait d’avoir exposé les accusés à la menace de la peine capitale[335].

Dans l’affaire République c. Edson Khwalala, la Haute Cour du Malawi a déclaré que « personne ne devrait rester longtemps sous le coup d’une condamnation à mort avant que la sentence ne soit exécutée car l’exécution hante la personne en permanence. La personne condamnée devient un cadavre vivant. C’est une expérience épouvantable… la cour tiendra compte de cette souffrance psychologique qu’elle a subie » (traduction non officielle).[336] La jurisprudence de la Haute Cour dans l’affaire Khwalala s’appuie sur les principes établis dans l’affaire République c. Aaron John et Tonny Thobowa, dans laquelle la Cour a estimé, concernant une période de 12 ans passés dans le couloir de la mort, « que la douleur et l’angoisse subies physiquement et émotionnellement au cours de cette longue période militait contre l’imposition à ce stade de la peine capitale ou de l’emprisonnement à vie » (traduction non officielle).[337]

 

  1. L’interdiction d’exécuter certaines catégories de personnes telles que les personnes atteintes de troubles mentaux

 

Tel qu’abordé précédemment, en particulier dans le chapitre 5, le droit international interdit catégoriquement l’exécution de certaines catégories de personnes telles que les personnes âgées de moins de 18 ans au moment où le crime a été commis[338], les femmes enceintes[339], les personnes âgées[340], les femmes mères de nourrissons[341], les femmes ayant des enfants en bas âge[342], et les personnes ayant un trouble mental ou une déficience intellectuelle[343].

La personne que vous défendez peut avoir développé un trouble mental grave après sa condamnation à mort. Les Garanties pour la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort des Nations unies, qui ont reçu un soutien quasi unanime des États membres de l’ONU, interdisent d’exécuter les « personnes frappées d’aliénation mentale »[344]. En 1989, le Conseil économique et social a élargi cette protection pour englober les « personnes dont les capacités mentales étaient extrêmement limitées, tant au stade de la condamnation qu’à celui de l’exécution »[345]. La Commission des droits de l’homme de l’ONU a également demandé aux pays rétentionnistes « de ne pas prononcer la peine de mort dans le cas de personnes atteintes d’une quelconque forme de maladie mentale, ni d’exécuter un condamné atteint de maladie mentale »[346]. Pour sa part, l’Union européenne a déclaré que l’exécution des personnes souffrant de toute forme de trouble mental est contraire aux normes internationales des droits humains et viole la dignité et la valeur de la personne humaine[347].

Le droit international n’exige pas qu’une personne condamnée soit formellement reconnue comme ayant un trouble mental pour que l’interdiction de l’exécuter s’applique. Dans l’affaire Francis c. Jamaïque, le Comité des droits de l’homme a ainsi déclaré qu’émettre un ordre d’exécution contre une personne souffrant de troubles mentaux et dont l’examen psychologique a conclu qu’elle n’était pas démente constitue un traitement cruel, inhumain ou dégradant en violation de l’article 7 du PIDCP[348].

Si la personne dont vous assurez la défense n’était pas atteinte de troubles mentaux lors du crime ou du procès, mais que vous suspectez que sa santé mentale s’est détériorée pendant son séjour dans le couloir de la mort, vous devez demander à ce que l’exécution de la décision soit suspendue et faire appel à une personne experte en santé mentale pour l’examiner. Référez-vous à la section sur les personnes atteintes de troubles mentaux au chapitre 5.

 

D.  L’assistance inefficace de l’avocat·e de la défense

Tel qu’abordé au chapitre 2, une personne passible de la peine de mort a droit à l’assistance d’un·e avocat·e aussi bien en première instance qu’en appel. Si la personne qui a défendu la personne condamnée en première instance n’a pas rempli son obligation de lui apporter une assistance efficace, cela doit être soulevé en appel pour demander l’annulation du jugement, et la tenue d’un nouveau procès qui respecte les droits de la défense. Aux États-Unis, les tribunaux ont annulé plusieurs décisions de condamnation à mort pour cause d’assistance inefficace d’un·e avocat·e[349]. Référez-vous aux affaires citées au chapitre 2 qui vont donneront des exemples de l’utilisation de cet argument en droit international et national.

 

Surmonter les obstacles

 Comment pouvez-vous invoquer comme argument en appel que la personne condamnée n’a pas bénéficié d’une assistance efficace en première instance alors que vous la représentiez lors du procès ?

  • Il est fréquent que la même personne défende la personne accusée en première instance et en appel. En outre, même lorsqu’il y a un changement d’avocat·e lors de la procédure d’appel, il n’est pas rare qu’il s’agisse de collègues proches de la personne qui était en charge du dossier en première instance.
  • De telles situations peuvent créer un conflit d’intérêts si vous pensez que la personne chargée d’assister la personne que vous défendez en première instance n’a pas respecté ses obligations envers elle. Comment pouvez-vous soulever la question d’une assistance inefficace alors que c’est de vous ou de votre collègue qu’il s’agit ? Devez-vous-même envisager de le faire ?
  • La réponse à cette dernière question est OUI, car votre devoir est de défendre la personne condamnée et non vous-même ou votre collègue ; sa vie pourrait en dépendre. Vous devriez toutefois en parler le cas échéant avec votre responsable ou votre collègue pour vous assurer qu’elles·ils comprennent la raison pour laquelle vous considérez qu’il est nécessaire d’invoquer cet argument. Si vous étiez l’avocat·e qui assistait la personne condamnée à mort lors du procès et que vous pensez avoir commis de graves erreurs, vous devriez demander le cas échéant à votre responsable ou à la cour de nommer une nouvelle personne pour la représenter en appel.

 

E.  Les personnes ressortissantes de pays étrangers privées de droits consulaires

 

Si la personne que vous défendez est la ressortissante d’un autre pays que celui où le procès a lieu, elle a le droit d’avertir et de communiquer avec les autorités consulaires de son pays d’origine conformément à l’article 36(1)(b) de la Convention de Vienne sur les relations consulaires et du droit international coutumier[350]. Il est également possible que son pays d’origine ait conclu un traité bilatéral avec le pays dans lequel cette personne a été condamnée à mort. Essayez de savoir si les autorités judiciaires l’ont notifié de son droit à ce que son consulat soit averti de son arrestation et de sa détention. Si la personne que vous défendez vous donne son accord, vous devriez également contacter les autorités consulaires de son pays d’origine pour vérifier si elles sont disposées à vous assister dans sa défense.

La Cour interaméricaine des droits de l’homme a jugé que l’exécution d’une personne ressortissante d’un pays étranger alors que son droit de notification consulaire a été violé constitue une privation arbitraire de la vie en violation du droit international[351]. En outre, dans l’affaire Avena et autres ressortissants mexicains (Mexique c. États-Unis), la Cour internationale de justice a énoncé que lorsqu’une personne étrangère a été condamnée à des « peines sévères » ou à une « détention prolongée » après avoir été privée de ses droits consulaires, elle est en droit de demander un « réexamen et une révision » du verdict de culpabilité et de la peine[352].

 

G. Le principe de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère

 

En vertu du principe de légalité des délits et des peines, une personne condamnée à mort ne doit pas être exécutée si sa condamnation a été prononcée conformément à une loi qui n’existait pas lorsque l’infraction a été commise. Le principe de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère est prévu par de nombreuses législations nationales, mais est également entériné par plusieurs traités internationaux des droits humains. L’article 11(2) de la Déclaration universelle des droits de l’homme dispose que « [n]ul ne sera condamné pour des actions ou omissions qui, au moment où elles ont été commises, ne constituaient pas un acte délictueux »[353]. Le PIDCP, la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, la Convention européenne des droits de l’homme, la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et la Charte arabe des droits de l’homme contiennent également des articles similaires[354].

En revanche, il existe un principe de rétroactivité de la loi pénale plus douce. En effet, le PIDCP précise qu’un changement législatif prévoyant une peine plus légère pour une infraction donnée doit s’appliquer rétroactivement et bénéficier aux personnes ayant commis ladite infraction à un moment où la loi prévoyait une peine plus sévère[355].

Les sanctions rétroactives étant interdites, vous devez examiner l’historique des dispositions législatives utilisées pour condamner la personne que vous défendez. Si la loi appliquée n’était pas en vigueur lorsqu’elle a commis le crime, vous devez argumenter que sa condamnation a été prononcée en violation du droit international et du droit national si votre législation prévoit le principe de non-rétroactivité de la loi pénale. De même, étant donné que certains traités internationaux exigent que le verdict soit modifié en cas de nouvelle loi prévoyant une peine plus légère, vous devez examiner quelles sont les sanctions actuelles prévues pour le crime commis. Si le crime en question n’est plus passible de la peine de mort conformément à la législation en vigueur, vous devez rappeler que le PIDCP requiert que la peine de la personne condamnée soit réduite[356].

 

H.  La violation du droit à un procès équitable

 

L’un des principaux défis dans les États qui maintiennent la peine de mort est l’absence de garanties permettant d’assurer que la procédure sera régulière et équitable. Le concept de « procédure régulière » (due process en anglais) est très vaste, mais de manière générale, il fait référence aux garanties de procédure minimales pour s’assurer que la personne accusée soit jugée par un tribunal compétent, indépendant et impartial et dans le respect du droit à un procès équitable[357]. Le concept d’égalité des armes (appelé également égalité des moyens entre les parties) est essentiel : la défense doit pouvoir travailler de manière indépendante, en toute confidentialité, pouvoir contester le dossier d’accusation du Parquet et avoir accès aux ressources nécessaires (au minimum équivalentes à celles fournies au Parquet) pour préparer une défense efficace.

Les accords internationaux protègent le droit à un procès équitable même lorsque la législation nationale ne le fait pas. L’article 6 du PIDCP stipule que la peine de mort peut uniquement être prononcée lorsque ces garanties minimales ont été respectées. En conséquence, le Comité des droits de l’homme a déclaré que lorsqu’un État viole le droit d’une personne accusée à une procédure régulière, l’État n’a pas le droit d’exécuter cette personne, sous peine de violer l’article 6 du Pacte[358].

De nombreux États rétentionnistes ne fournissent pas les protections procédurales les plus élémentaires indispensables à un procès équitable. Certaines des garanties minimales en matière de procédure régulière sont énoncées à l’article 14 du PIDCP et sont décrites au chapitre 6 de ce manuel. Ainsi par exemple, en cas d’insuffisances en matière d’assistance juridique, de délais déraisonnables, de procès devant un tribunal militaire, d’allégations de corruption, de refus d’autoriser la personne accusée à convoquer des témoins à décharge, ou d’être examinée par un·e médecin, et de cas où la personne accusée a été contrainte d’avouer sa culpabilité, les garanties minimales à un procès équitable ne sont pas respectées et une condamnation à mort violerait les articles 6 et 14 du PIDCP[359].

A titre d’exemple, en 2006, la Cour Suprême du Niger a annulé deux condamnations à mort d’une cour d’assises car les personnes accusées n’avaient pas été assistées par des interprètes[360].

 

I.  La remise en cause des preuves utilisées pour la condamnation

 

Certains pays ne prévoient pas de double degré de juridiction permettant de réexaminer les faits (ou seulement dans le cadre d’une procédure de révision). Cependant, afin d’éviter des condamnations à tort, il est indispensable que vous réexaminiez et remettiez en cause les preuves ayant conduit à la condamnation de la personne que vous défendez.

Au cours des dernières décennies, des centaines de personnes ont été acquittées après avoir été condamnées à la peine de mort pour des crimes qu’elles n’avaient pas commis. Aux États-Unis par exemple, en octobre 2021, on comptabilisait environ 186 personnes condamnées à tort à la peine de mort puis acquittées au motif qu’elles étaient innocentes[361].

Même lorsque les preuves contre la personne condamnée à mort semblent accablantes, vous devez réexaminer les faits et les preuves ayant conduit à sa condamnation. Posez-vous la question : « qu’est-ce qui a convaincu le tribunal de sa culpabilité ? ». Bien qu’il ne soit pas toujours admis de présenter de nouvelles preuves en appel, cela peut être autorisé dans certains cas ; par exemple, si la personne que vous défendez n’a pas bénéficié de l’assistance efficace de son avocat·e et qu’elle·il n’a pas présenté ces preuves en première instance. En Mauritanie par exemple, de nouveaux éléments peuvent être recevables comme preuve, telle que le témoignage de nouveaux témoins.

Vous trouverez ci-dessous une liste de preuves entraînant couramment des condamnations à tort dans des affaires de peine de mort. Faites donc particulièrement attention à l’utilisation de ces modes de preuve en première instance lorsque vous vous occupez d’une personne après sa condamnation à mort[362].

 

  1. Mauvaises identifications par des témoins oculaires

Les identifications erronées de témoins oculaires ont conduit à un nombre incalculable de condamnations à mort de personnes innocentes. Si vous êtes en charge de la procédure d’appel et des autres recours après une condamnation, et que votre juridiction vous y autorise, vous devez essayer de retrouver les témoins pour vérifier la véracité de leur témoignage. Référez-vous au chapitre 4 sur la recherche d’informations que vous devez effectuer.

 

  1. Faux aveux

Les faux aveux sont bien plus courants qu’on ne le pense. Le recours à la coercition pendant l’interrogatoire par la police ou la·le juge d’instruction conduit souvent à de faux aveux ; les personnes peuvent finir par avouer des crimes qu’elles n’ont pas commis, même lorsqu’elles ne subissent pas de sévices physiques. Des questions erronées, allusives ou trompeuses posées par la police peuvent également induire de faux aveux. Les personnes suspectées présentant une déficience intellectuelle ou une autre vulnérabilité sont plus enclines à faire de faux aveux.

 

De faux aveux : l’histoire de Chiang Kuo-ching (Taïwan)

  • Il arrive malheureusement qu’on découvre trop tard qu’une personne a fait de faux aveux. En octobre 1996, Chiang Kuo-ching, un Taïwanais qui faisait son service dans l’Armée de l’Air, a été arrêté pour le viol et meurtre d’une fillette de cinq ans. Après avoir fait l’objet d’un interrogatoire brutal au cours duquel il a été menacé avec des aiguillons électriques, privé de sommeil et contraint de regarder la vidéo de l’autopsie de la victime, Chiang Kuo-ching a avoué le meurtre. Il a été exécuté en 1997 peu après sa condamnation.
  • Après l’exécution de Chiang Kuo-ching, les preuves qui l’incriminaient se sont avérées fausses. Les experts légistes ont trouvé que les preuves matérielles ne permettaient pas d’incriminer Chiang Kuo-ching, que ses aveux n’étaient pas fiables et qu’il existait un autre suspect. En réponse à ce manque de preuves contre Chiang Kuo-ching, le Bureau suprême des procureurs militaires a interjeté appel en 2010 à titre posthume auprès de la Cour suprême militaire. L’année suivante, lors d’un nouveau procès, la Cour a acquitté Chiang Kuo-ching et a conclu que ses aveux avaient été obtenus contre sa volonté.
  • Le Ministère de la défense a annoncé qu’il aiderait la famille de Chiang Kuo-ching à demander une indemnité pour la perte de leur fils.

 

  1. Témoignages effectués par des personnes peu fiables

Une stratégie courante de la police consiste à utiliser le témoignage de personnes qui prétendent avoir des informations sur l’affaire, mais ces dernières peuvent s’avérer peu fiables.

La police demande parfois à d’autres personnes détenues de donner des informations sur la personne accusée. Ces personnes pourraient, par exemple, déclarer que lorsqu’elles étaient codétenues, la personne que vous défendez a admis sa culpabilité ou a fait des déclarations incriminantes, en révélant par exemple des choses que seule la personne ayant commis le crime pouvait savoir. Il arrive aussi qu’une autre personne détenue soit délibérément placée en détention pour obtenir des aveux. Il est bien connu que les informations fournies par d’autres personnes détenues en prison ne sont souvent pas fiables, en grande partie car la police leur promet souvent un traitement de faveur en échange de leur témoignage. Essayez de vous renseigner sur les avantages dont elles ont bénéficié en échange de leur témoignage[363].

Le témoignage de personnes coaccusées peut être tout aussi peu fiable. En effet, les personnes coaccusées ont souvent intérêt à imputer la responsabilité pour le crime aux personnes coaccusées afin de réduire leur propre responsabilité. Cela a été clairement démontré dans une affaire au Malawi dans laquelle un homme, « Samuel » (le nom a été changé) a été reconnu coupable sur la base du témoignage de son coaccusé. Le coaccusé en question a été déclaré coupable d’homicide involontaire et condamné à une peine de prison, tandis que Samuel a été déclaré coupable de meurtre et condamné à mort. Des années plus tard, le coaccusé qui avait témoigné contre Samuel s’est rétracté, affirmant que Samuel n’avait pas été présent sur les lieux du crime, et qu’il l’avait utilisé pour lui faire porter la responsabilité pour le crime.

 

  1. Preuves médico-légales erronées

L’utilisation de méthodes médico-légales douteuses ou frauduleuses ou le recours à des personnes dites « expertes » mais incompétentes a également conduit à des condamnations à tort. Vous devriez toujours examiner avec la plus grande attention les fondements du témoignage de toute personne dite « experte » ayant témoigné à charge contre la personne que vous défendez, et vérifier ses compétences (voir chapitre 4). Si possible, faites appel à une autre personne qualifiée pour évaluer la méthodologie des personnes ayant témoigné pendant le procès. Vous devriez également tenir compte des nouvelles technologies dont on ne disposait pas à l’époque où l’enquête initiale a été menée et qui pourraient apporter de nouvelles preuves à décharge.

 

  1. Faute de l’accusation

Parfois, la police et le parquet suppriment des preuves à décharge ou commettent d’autres fautes professionnelles ; comme, par exemple, faire pression sur des témoins. Ils peuvent également décider de se focaliser sur une personne suspectée en particulier et exclure toutes les preuves qui ne corroborent pas leur théorie sur la manière dont le crime a été commis. C’est l’une des raisons pour lesquelles, si vous exercez dans une juridiction qui vous y autorise, vous devriez essayer de rencontrer les témoins et d’autres personnes susceptibles de partager des informations pertinentes sur l’histoire psycho-sociale de votre client·e, en chercher d’autres et examiner minutieusement le dossier d’instruction pour vérifier qu’aucune preuve à décharge n’a été dissimulée.

 

III.  La demande de grâce

 

A.  Le droit de solliciter la grâce ou la commutation de la peine

 

Plusieurs instruments internationaux garantissent le droit des personnes condamnées à mort de solliciter la grâce ou une commutation de la peine de mort, qui peuvent dans tous les cas être accordées[364]. Ainsi, de nombreux pays prévoient dans leur législation nationale la possibilité de faire une demande de grâce, et dans certains pays, comme la Tunisie et le Cameroun, cette demande de grâce intervient même de manière automatique en cas de condamnation à mort[365]. Cependant il ne suffit pas que la législation nationale permette de faire une demande de grâce pour respecter le droit international. En effet, il est nécessaire que les procédures permettant de demander une amnistie, un pardon ou une grâce donnent aux personnes condamnées une possibilité effective et adéquate de participer à la procédure de recours[366]. Les garanties minimales d’une procédure régulière exigent que la personne accusée puisse présenter, recevoir et contester les preuves prises en compte par l’autorité chargée d’étudier le recours en grâce et qu’elle reçoive une décision de ladite autorité dans un délai raisonnable avant son exécution[367]. En outre, les demandes de grâce peuvent être sujettes à un contrôle judiciaire et le droit de grâcier doit être exercé de manière juste et appropriée[368]. La Cour interaméricaine des droits de l’homme a déclaré qu’« il ne suffit pas d’être capable de présenter une requête ; la requête doit également être traitée conformément aux normes procédurales qui rendent ce droit effectif ; l’État a le devoir de garantir une procédure équitable et transparente par laquelle l’accusé condamné à la peine de mort peut utiliser toutes les preuves en sa faveur jugées pertinentes pour l’attribution de la grâce»[369]. La Cour a ainsi jugé que l’application de la peine de mort au Guatemala violait l’article 4.6 de la CADH car aucun recours en grâce n’était prévu par la loi. La Cour a décrété que le Guatemala devait adopter une procédure de demande de grâce permettant à toutes les personnes condamnées à mort de présenter une demande de grâce et d’obtenir une décision, et que l’exécution ne devait pas avoir lieu tant qu’il n’avait pas été statué sur le recours[370].

 

B.  Vos devoirs lorsque vous présentez une demande de grâce

 

Si vous représentez une personne confrontée à un risque réel d’exécution, vous devez connaître les procédures et les éventuels délais pour présenter une demande de grâce. Vous devez également mener une recherche pour déterminer les facteurs décisifs pour qu’une demande de grâce prospère et les arguments auxquels les autorités chargées d’examiner les demandes de grâce sont le plus sensibles (pour cela vous pouvez également faire des recherches sur le milieu socioculturel dont vient la personne en charge de prendre la décision, sur ses intérêts et sur ses valeurs). Par exemple :

  • De nouvelles preuves prouvant l’innocence de la personne condamnée ;
  • Des raisons humanitaires, telles qu’une maladie grave ;
  • Des éléments prouvant que le procès était inéquitable ;
  • Les circonstances personnelles de la personne condamnée (jeunesse, âge avancé, trouble mental, violence subie pendant l’enfance et négligence etc.) ;
  • Son bon comportement en détention ;
  • Sa capacité à se réinsérer ;
  • Ses remords ;
  • Le soutien que porte éventuellement la famille de la victime à la demande de grâce.

Vous devriez également évaluer la probabilité d’obtenir le soutien de l’opinion publique à la demande de grâce, la mobilisation des ONG locales et internationales, et le soutien des personnalités publiques et politiques, de la famille de la victime, ainsi que des responsables religieuses·x ou provenant d’autres communautés pour s’opposer à l’exécution de la personne condamnée.

 

C.  Le droit à une suspension de l’exécution

 

En vertu du droit international, une personne condamnée à mort ne peut pas être exécutée tant que sa demande est en cours d’examen, que ce soit par un organisme national ou international, dans le cadre d’une procédure d’appel ou d’un recours en grâce. Certains pays, comme la Tunisie, le Cameroun ou la République Centrafricaine, prévoient explicitement dans leur législation qu’une exécution ne peut avoir lieu tant qu’il n’a pas été statué sur la demande de grâce[371]. La Convention américaine des droits de l’homme et les Garanties relatives à la peine de mort de l’ONU établissent ce droit aux échelles internationale et nationale[372]. Dans sa résolution 2001/68, la Commission des droits de l’homme des Nations unies demande à tous les États « de ne pas exécuter une personne tant qu’une procédure juridique la concernant est en cours, au niveau international ou national ».

Pour sa part, le Comité des droits de l’homme des Nations unies a également décidé que l’exécution d’une personne détenue, alors que sa condamnation est en cours de révision dans un État partie au PIDCP, est en violation des dispositions relatives au droit à la vie de l’article 6[373]. Dans l’affaire Ashby c. Trinité-et-Tobago, le Comité a conclu qu’en exécutant Monsieur Ashby avant que le Comité n’ait pu formuler sa décision, Trinité-et-Tobago a violé ses obligations découlant du premier Protocole se rapportant au PIDCP[374]. Comme l’indique Roger Hood dans son ouvrage fondamental sur la peine capitale dans le monde, pour qu’un droit ait du sens, il faut pouvoir en bénéficier. De ce fait, il paraît implicite que le droit de faire appel, de solliciter la grâce ou une commutation de la peine stipulée dans l’article 6 du PIDCP, combiné avec l’article 14, implique également l’obligation pour les gouvernements de ne pas exécuter une personne en attente d’une décision sur leur recours ou leur demande en grâce[375].

 

IV.  Sensibiliser l’opinion publique

 

A.  Développer une stratégie de médiatisation de l’affaire

 

Tout au long de votre mission d’assistance, vous devez évaluer si la personne que vous défendez pourrait tirer avantage d’une couverture médiatique. Dans certaines affaires, il peut s’avérer contre-productif de déployer une couverture médiatique et des campagnes de soutien internationales. En effet, il se peut que les juges ou les autorités en charge de prendre une décision dans l’affaire ressentent cette médiatisation comme une pression et, alors que la balance aurait pu pencher vers une commutation de la peine de mort, décident de maintenir le verdict. Dans certains États, l’interaction avec les médias peut également s’avérer risqué pour vous. Nous vous encourageons donc à réfléchir à toutes les répercussions possibles pour la personne que vous défendez et pour vous-même avant de parler publiquement de la situation. Malgré ces réserves, médiatiser une affaire peut, dans de nombreux cas, être un outil efficace et permettre de sauver la vie de la personne condamnée à mort. Grâce aux avancées technologiques telles qu’internet, il est désormais plus facile de médiatiser une affaire au travers des médias traditionnels et des réseaux sociaux.

Le « timing » est un facteur crucial à prendre en considération pour toute campagne médiatique. En général, les campagnes médiatiques à forte visibilité ont lieu lorsque l’exécution de la personne condamnée à mort est imminente. Une fois qu’une demande de grâce a été déposée, la pression extérieure peut parfois influencer la décision de l’exécutif, notamment s’il s’agit d’un gouvernement élu démocratiquement qui se soucie de la réputation de son pays sur la scène internationale. L’organisation Amnesty International est souvent prête à épauler des avocat·e·s et défenseur·se·s des droits humains à attirer l’attention des médias et de la communauté internationale afin d’obtenir la suspension d’une exécution. Cependant, il peut aussi parfois s’avérer utile d’avoir une couverture médiatique plus tôt dans la procédure.

Lorsqu’une affaire est en cours d’examen par les tribunaux, il est plus difficile de décider s’il serait dans l’intérêt de de la personne accusée de lancer ou non une campagne médiatique, et si oui, à quel moment. Vous devez évaluer si les bénéfices potentiels d’une pression externe l’emportent sur le risque de contrarier le tribunal (ou l’exécutif, qui pourrait être amené à examiner une demande de grâce). D’autre part, en raison du principe du secret de l’instruction, vous pouvez être limité·e dans ce que vous pouvez révéler aux médias au stade de l’instruction, et si vous ne respectez pas le secret de l’instruction cela pourrait se retourner contre vous. Dans les affaires déjà médiatisées, où la personne que vous défendez serait diabolisée par les médias, il peut être utile d’organiser des conférences de presse, afin de rétablir les faits, et de la présenter sous un meilleur jour.

Beaucoup de journalistes sont en quête d’une histoire accrocheuse pour rédiger leurs articles. Lorsque vous travaillez avec les médias, vous devez garder à l’esprit votre théorie de l’affaire (voir chapitre 6) et être en mesure de présenter l’histoire de la personne que vous défendez de façon à convaincre votre audience qu’elle mérite d’être acquittée (ou que sa peine de mort soit commuée). De nombreux aspects de son affaire peuvent attirer l’attention des médias, en particulier des arguments soutenant son innocence. Cependant ne faites pas l’impasse sur d’autres aspects qui pourraient attirer l’attention des médias tels qu’une faute délibérée du Parquet ou de la police, une enquête biaisée ou bafouée, des faits de discrimination envers elle, ainsi que certains aspects son histoire qui pourraient susciter la sympathie de l’opinion publique.

 

Exemple de réussite

L’utilisation des réseaux sociaux en Malaisie : le cas de Noor Atiqah

  • Noor Atiqah et ses soutiens ont réussi à utiliser les réseaux sociaux pour raconter son histoire. Cela a permis de lever des fonds et d’établir des contacts avec des organisations de plaidoyer. Finalement, son recours a prospéré et sa condamnation à la peine de mort a été commuée en peine de prison.
  • Noor, une mère singapourienne qui élevait ses enfants seule, se battait pour trouver un travail. Elle a commencé à fréquenter un homme qui lui avait promis de l’aider à lancer une petite entreprise dans le textile. Malheureusement, cet homme, qui est devenu son compagnon, n’avait aucune intention de l’aider, mais avait pour objectif de l’utiliser comme passeur, à son insu, pour transporter de la drogue. En 2007, son compagnon lui a demandé de partir en voyage d’affaires à Singapour avec une valise préparée par l’un de ses amis. Les autorités malaisiennes y ont découvert une enveloppe contenant de l’héroïne et des drogues dérivées de l’héroïne. Noor ne connaissait pas le contenu de la valise mais elle a été jugée coupable de trafic de drogue et condamnée à la peine de mort obligatoire, conformément à la loi malaisienne.
  • Après la condamnation de Noor, ses proches se sont lancés dans une intense campagne en ligne pour faire connaître son histoire et lever des fonds. Une page Facebook très active et plusieurs articles de blogs décrivaient sa situation et faisaient appel aux dons. À l’aide de ces forums en ligne, les partisans de Noor ont réussi à vendre de produits artisanaux fait à la main pour contribuer à payer ses frais de recours et soutenir sa fille et sa mère, déjà âgée, pendant son incarcération. Tous ces efforts ont permis de lever plus de 50 000 dollars et ont permis aux partisans de Noor d’entrer en contact avec des organisations de plaidoyer reconnues telles que le Singapore Anti-Death Penalty Campaign (la campagne de lutte contre la peine de mort à Singapour).
  • Face à la pression de l’opinion publique, la Cour d’appel de Malaisie a accepté la requête de Noor demandant à présenter de nouvelles preuves et à ce que la Cour réexamine sa condamnation. La Cour a finalement accepté de réduire le chef d’accusation de trafic de drogue à celui de possession de drogue et de commuer sa condamnation à mort en une peine de 12 ans d’emprisonnement. Ayant déjà passé plusieurs années en prison, Noor a depuis été libérée et est de nouveau réunie avec sa famille.

 

B.  Les médias traditionnels

 

Auparavant, la seule source de publicité pour une affaire de peine capitale était la presse locale, nationale ou internationale. Souvent, les journaux locaux ou nationaux font mention du crime, de l’enquête et du procès. Avant de développer une stratégie médiatique pour le reste de l’affaire, faites des recherches sur la couverture médiatique dont l’affaire a déjà fait l’objet par le passé.

Une des manières pour obtenir une couverture médiatique favorable consiste à prendre sous son aile des journalistes et à les autoriser à accéder aux actes de procédure et aux documents présentés. Beaucoup de journalistes voudront interviewer la personne que vous défendez, mais cela peut être très risqué. Vous devez évaluer avec soin si la personne que vous défendez serait susceptible de dire quelque chose qui puisse réduire ses chances de commutation et/ou d’acquittement. De nombreuses personnes accusées de crimes n’ont pas reçu d’éducation supérieure et peuvent être facilement manipulés. Vous devez donc essayer de garder au maximum le contrôle sur l’entretien. Insistez pour être présent·e. Demandez à avoir à l’avance une liste des questions qui vont être posées et parcourez-la avec la personne que vous défendez. Vous devez cependant avoir conscience, qu’une fois que les journalistes auront accès à la personne accusée ou condamnée, vous n’aurez qu’un contrôle limité sur la publicité qui s’en suivra.

 

C. Les réseaux sociaux

 

Les récentes avancées technologiques ont transformé la possibilité de communiquer sur une affaire, et ce aussi bien dans le bon sens que dans le mauvais. Comme nous l’avons mentionné plus haut, le parcours traditionnel pour obtenir une couverture médiatique est de passer par des journalistes de grands médias, par exemple un journal, un magazine, ou une chaîne de télévision. Désormais, le recours aux médias traditionnels peut être complété, voire supplanté par des appels lancés directement au grand public (et indirectement au gouvernement) par le biais d’internet et des réseaux sociaux.

Vous devez évaluer s’il serait bénéfique d’utiliser Facebook, Twitter, Instagram, YouTube et d’autres plateformes pour sensibiliser l’opinion publique à la situation de la personne que vous défendez. En outre, vous devriez contacter des groupes nationaux et internationaux de lutte contre la peine de mort pour demander s’ils pourraient vous aider à ébruiter la situation, par le biais des médias traditionnels, de leur site web ou de leur liste de diffusion.

Les arguments juridiques, moraux ou suscitant la compassion en faveur de la personne que vous défendez peuvent être publiés sur internet afin que tout le monde puisse les consulter. Vous pouvez envisager de publier certaines de vos requêtes ou arguments écrits, ainsi qu’une explication de l’affaire et de sa situation. Vous pouvez également indiquer à des personnes sympathisantes, souhaitant apporter leur soutien, où et comment manifester leurs préoccupations et leur désaccord concernant le procès ou le traitement de la personne que vous défendez par les tribunaux ou le gouvernement. Les réseaux sociaux peuvent s’avérer particulièrement utiles pour faire pression sur l’exécutif qui décidera d’accorder ou non la grâce.

Enfin, les réseaux sociaux peuvent constituer un outil efficace pour nouer des contacts avec d’autres personnes et organisations de défense des droits humains et d’autres avocat·e·s défendant des personnes passibles de la peine de mort. Cela sera particulièrement précieux si vous exercez dans des zones rurales, où l’accès aux lois, à la jurisprudence et aux instruments relatifs aux droits humains peut être difficile.

 

Exemple de réussite

 Le cas de Hafez Ibrahim au Yémen

  • En 2005, un juge yéménite a condamné Hafez Ibrahim à la peine capitale pour un meurtre perpétré alors qu’il était âgé de 16 ans. Le juge aurait non seulement refusé d’entendre les témoins et la défense, mais aurait également refusé à Ibrahim le droit de faire appel.
  • Deux ans plus tard, Ibrahim a pu se procurer un téléphone portable et avertir Amnesty International, membre de la Coalition mondiale contre la peine de mort, de son exécution imminente. Après une longue campagne, Ibrahim a fini par être libéré en 2007.
  • Il s’est depuis lancé dans des études de droit et a décidé de consacrer sa vie à « militer contre la peine de mort et sensibiliser l’opinion publique aux droits de l’Homme ».

 

CHAPITRE 9 : PLAIDER DEVANT LES INSTANCES INTERNATIONALES

 

I.  Quand porter une affaire devant un organe international des droits humains ?

 

Au cours des dernières décennies, les instances internationales des droits de l’homme ont examiné de nombreuses plaintes pour violation des droits humains émanant d’affaires pénales. Les recours internationaux sont généralement déposés lorsque les avocat·e·s estiment ne plus avoir de recours disponibles auprès des tribunaux nationaux. En effet, la majorité des instances internationales exige de la part des personnes requérantes d’avoir épuisé tous les recours sur le plan interne avant de demander un examen au niveau international. Cela signifie que, pour saisir une instance internationale, il faut que vous ayez au préalable sollicité un recours auprès d’un tribunal national ou des autorités administratives compétentes. En revanche, la règle d’épuisement des voies de recours internes ne s’applique pas pour les procédures spéciales devant le Conseil des droits de l’homme des Nations unies.

Les recours internationaux peuvent être déposés pour des personnes individuelles. Devant certains organes internationaux il est possible de déposer un recours au nom de plusieurs personnes se trouvant dans une même situation[376].

Avant de présenter une affaire devant une instance internationale, il convient de déterminer les bénéfices potentiels d’un tel recours et de soigneusement élaborer une stratégie. Vous devez

prendre en considération les décisions précédemment rendues par l’instance en question, la probabilité d’un résultat favorable et l’utilité d’une décision en faveur de la personne que vous défendez.

 

A.  Réfléchir à une stratégie internationale

Il convient d’examiner plusieurs facteurs pour décider si le dépôt d’une requête devant une instance internationale est une bonne stratégie, et si oui, devant quelle instance une telle requête aura le plus de chances de succès.

En premier lieu, vous devez vous demander si votre gouvernement respecterait une décision prononcée en votre faveur. Cela dépend bien évidemment de plusieurs facteurs qui vont au-delà de la portée de ce manuel. Avant tout, il est important de vous renseigner sur la valeur dans votre droit national des décisions qui sont prises par des instances internationales. Ces dernières sont-elles contraignantes ? Dans l’hypothèse où la réponse serait négative, est-ce que le gouvernement serait néanmoins réceptif sur le plan politique à l’application de la décision ?

En deuxième lieu, vous devez établir si l’instance internationale en question est susceptible de se prononcer en votre faveur. Certes, le résultat peut être difficile à prédire, mais nombre d’instances internationales ont auparavant rendu des décisions qui peuvent vous aider à vous orienter. Il vous appartient donc de vous renseigner sur la jurisprudence de l’instance en question.

En troisième lieu, il convient de réfléchir à l’intégration de la décision rendue par une instance internationale dans votre stratégie nationale de plaidoyer. La décision internationale pourrait-elle être appliquée ? Provoquerait-elle une réaction négative ou au contraire entraînerait-elle une évolution positive des politiques du gouvernement ? Parfois, les décisions des tribunaux internationaux engendrent des réactions négatives de la part du gouvernement ou du public. Cependant, elles peuvent aussi parfois galvaniser les tribunaux ou les autorités, en les incitant à se pencher sur des violations des droits humains auparavant négligées. (Ces deux hypothèses peuvent du reste coexister !)

Enfin, il est essentiel de reconnaître que nombre d’instances internationales ont le pouvoir de prendre des « mesures provisoires », également appelées « mesures conservatoires » ou « mesures de précaution ». Ces mesures sont analogues à une injonction ou à une mesure de protection provisoire. Dans les cas où la personne que vous défendez encourt la peine de mort, elles sont d’une importance majeure, étant donné que l’instance est susceptible d’ordonner à votre gouvernement de ne pas procéder à son exécution et de s’abstenir de mesures préjudiciables à son égard pendant l’examen de la plainte.

Une fois que vous avez décidé si vous avez intérêt à déposer une plainte et auprès de quelle instance, vous devez étudier les règles qui régissent l’instance choisie. Les organes internationaux chargés de surveiller le respect des droits humains utilisent des termes variés pour définir les plaintes déposées, tels que « communication », « plainte », « demande » et « requête ». De même, les décisions rendues par ces institutions peuvent porter divers noms tels que « opinion », « avis » et « conclusions ». Nous utiliserons ici sans distinction l’ensemble de ces termes.

 

B.  Identifier les droits humains et les traités violés

Avant de saisir une instance internationale, vous devez identifier quels sont les droits humains de la personne que vous défendez qui ont été violés. Vous pourrez ainsi décider quelle est l’argumentation juridique à développer et quelle instance internationale saisir. Pour vous aider, référez-vous au chapitre 8 qui dresse une liste des arguments de droit international les plus fréquemment invoqués en matière d’application de la peine de mort. Par ailleurs, vous pouvez invoquer toute violation du droit de la personne que vous défendez à un procès équitable (comme décrit au chapitre 6) qui est protégé par l’article 14 du PIDCP, de son droit à être traitée avec humanité et à être jugée dans un délai raisonnable, ainsi que tout autre droit de la défense en amont du procès (voir chapitre 2).

Une fois que vous avez déterminé les droits la personne que vous défendez qui ont été potentiellement violés, vous devez identifier les instruments (traités ou autres documents) qui protègent ces droits. Vous pouvez commencer par la liste des traités incluse en Annexe. L’ouvrage Pour des procès équitables d’Amnesty International, disponible en ligne, est également une source de qualité[377].

Après avoir identifié les traités et autres instruments pertinents, vous devez établir (1) que votre pays est partie au traité, et (2) que ce traité prévoit un mécanisme vous permettant de présenter une plainte au nom de la personne que vous défendez. Vous trouverez en Annexe une liste des États parties aux principaux traités protégeant des droits humains. Vous pouvez aussi rapidement vérifier si votre pays est partie à un traité en consultant le site internet du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme[378], ou d’autres ressources telles que la base de données du Cornell Center on the Death Penalty Worldwide[379].

Le fait que votre État soit partie à un traité ne signifie pas nécessairement que vous pourrez porter plainte devant l’organe judiciaire rattaché au traité. En effet, dans certains cas, il faut en plus que l’État soit partie à un protocole additionnel. Vous devez également vérifier si l’État concerné a choisi de moduler la portée de ses obligations en adoptant des réserves à l’égard de certaines dispositions du traité. Enfin, les instruments de protection des droits humains prévoient souvent une clause dérogatoire, comme par exemple l’article 4 du PIDCP qui permet en cas de danger public exceptionnel menaçant l’existence de la nation de suspendre temporairement la jouissance et l’exercice de certains droits et libertés énoncés dans le Pacte. Cependant, les États ne peuvent suspendre en toute liberté la jouissance des droits d’un traité ; des conditions formelles et substantielles doivent être réunies, et il convient donc de se référer à la procédure de suspension établie par chaque instrument. La plupart des instruments prévoit que certains droits sont intangibles et ne peuvent faire l’objet d’une suspension, quelles que soient les circonstances. Ainsi, l’article 4 du PIDCP prévoit une liste de droits auxquels il ne peut être dérogé, dont notamment le droit à la vie (article 6), la prohibition de la torture (article 7), l’interdiction de la rétroactivité des lois pénales (article 15), et la liberté de pensée, de conscience et de religion (article 18).

 

C.  Épuiser les voies de recours internes

 

La majorité des mécanismes internationaux exigent que vous ayez épuisé toutes les voies de recours internes avant de pouvoir déposer votre requête. Parfois, cela signifie non seulement que vous devez déposer votre recours auprès de toutes les instances nationales compétentes, mais aussi que vous ne pouvez soulever à l’échelon international ou régional que les arguments juridiques déjà invoqués à l’échelon national. Il vaut souvent mieux « pécher par excès de prudence » et ce manuel évoque donc fréquemment les arguments qui doivent être invoqués dès le début de la procédure afin de pouvoir les soulever en appel. Lorsque vous déposez une requête devant une instance internationale ou régionale, vous devez détailler quelles mesures ont été prises pour résoudre l’affaire devant les juridictions internes en joignant les pièces justificatives (jugements, arrêts, ordonnances etc.), en l’absence de quoi votre requête sera jugée irrecevable.

Il existe cependant d’importantes exceptions à cette règle. Il faut que les voies de recours au niveau national soient disponibles, effectives et suffisantes. En effet, il n’est pas nécessaire d’avoir épuisé tous les recours nationaux si en pratique ces recours ne sont pas disponibles ou sont inaccessibles (par exemple en cas de négation du droit de la personne que vous défendez de faire appel ou en cas d’absence d’aide judiciaire). D’autre part, conformément à la jurisprudence du Comité des droits de l’homme de l’ONU, un recours doit être effectif, et non pas simplement disponible en théorie[380]. En d’autres termes, il n’est pas nécessaire d’épuiser les voies de recours internes, si les recours existants sont en pratique inadéquats, c’est-à-dire s’ils n’offrent aucune chance raisonnable d’aboutir et aucune perspective de succès[381]. De plus, il faut que ces voies de recours soient suffisantes, c’est-à-dire capable de remédier à la plainte.

Dans l’affaire Lawyers for Human Rights c. Swaziland, la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples a déclaré que même si tous les recours internes ne sont pas épuisés, la plainte est admissible si « la probabilité pour le plaignant de voir réparer la situation faisant ‘l’objet de la plainte’ est minime au point de devenir indisponible et par conséquent ineffective »[382]. De même, conformément à la Convention contre la torture, il n’est pas nécessaire d’avoir épuisé les recours nationaux lorsque « les procédures de recours excèdent des délais raisonnables ou s’il est peu probable qu’elles donneraient satisfaction au particulier »[383]. Si vous estimez qu’une de ces exceptions s’applique, vous devez expliquer précisément dans votre requête pourquoi vous n’avez pas épuisé les voies de recours internes. Par exemple, devant la Commission interaméricaine des droits de l’homme, des avocats américains ont fait valoir avec succès qu’ils n’étaient pas tenus d’épuiser les recours individuels lorsque les tribunaux nationaux avaient déjà rejeté le droit qu’ils cherchaient à faire valoir. Cet argument a été retenu même lorsque la décision du tribunal national a été rendue dans une affaire impliquant un autre requérant[384].

Par ailleurs, vous pouvez envoyer des communications aux Rapporteurs spéciaux ainsi qu’aux Groupes de travail de l’ONU sans avoir épuisé les voies de recours internes[385]. Ces mécanismes ont pour mission d’intervenir dans les affaires urgentes. Il est possible que vous puissiez également demander des mesures de protection provisoires sans avoir épuisé les recours nationaux.

Enfin, la Cour de Justice de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) fait exception parmi les instances internationales, car elle peut être saisie directement, sans que la personne que vous défendez ait épuisé les voies de recours internes[386].

 

D.  Respecter le principe de non-duplication des procédures et les délais

 

Afin d’éviter la redondance des procédures internationales, la majorité des instances internationales n’examinera une requête que si celle-ci n’a pas déjà été soumise à une autre instance internationale. Il s’agit du principe de non-duplication des procédures. Cela signifie que dans la plupart des cas, votre recours ne pourra être déposé qu’auprès d’un seul tribunal international, même si vous avez théoriquement accès à plusieurs instances internationales œuvrant dans le domaine des droits humains. Néanmoins, le fait de porter votre cas à l’attention d’un Rapporteur spécial des Nations unies en même temps que vous déposez une plainte auprès d’un organisme international de défense des droits humains ne constitue pas une violation de la règle de non-duplication[387].

Enfin, les instances internationales ont pour habitude d’imposer des délais pour le dépôt des plaintes. Prenez connaissance de ces règles afin de déposer votre requête dans les délais impartis.

 

E.  Demander des mesures provisoires

Lorsqu’une personne requérante est confrontée à un risque de préjudice irréparable, les instances internationales ont autorité pour agir avant même d’avoir statué sur le fond de la demande. Dans de telles situations d’urgence, l’organisme adresse généralement une requête de « mesures provisoires » à l’État partie pour éviter un préjudice irréparable et préserver le statu quo. Dans les affaires où la personne accusée a été condamnée à mort, des requêtes de mesures provisoires sont souvent adressées à l’exécutif pour convaincre les autorités de suspendre l’exécution. Il se peut que vous n’ayez pas l’obligation d’épuiser tous les recours nationaux pour demander des mesures provisoires. Consultez le règlement de l’organisme international ou régional pour vérifier si l’épuisement des recours est requis ou non.

 

Exemple de réussite

Affaire Pratt & Morgan c. Jamaïque[388]

  • Dans l’affaire Pratt & Morgan c. Jamaïque, le Comité des droits de l’homme de l’ONU a accordé des mesures provisoires de protection, demandant à la Jamaïque de ne pas procéder à l’exécution jusqu’à ce que le Comité ait terminé d’examiner l’affaire. La Jamaïque a accepté de suspendre l’exécution. Par la suite, le Comité a octroyé des centaines de sursis d’exécution dans différents pays des Caraïbes du Commonwealth. Les États n’ont procédé à une exécution que dans très peu de cas.

 

F.  Préparer votre dossier

 

Réunissez tous les éléments dont vous avez besoin pour la préparation de votre requête. Identifiez les règles de procédure qui régissent la présentation d’une requête en consultant les sites internet des instances internationales ou régionales qui mettent souvent en ligne les décisions qu’elles rendent et les textes juridiques applicables.

Si la charge de travail est conséquente, vous pouvez demander de l’aide à une ONG ou à une clinique juridique affiliée à une faculté de droit, notamment aux États-Unis. Les cliniques juridiques (composées d’étudiant·e·s en droit travaillant bénévolement sous la direction de leur professeur·e) sont très souvent disposées à assister les acteurs et actrices locales·ux dans la préparation de procès devant un organe des droits humains. Une liste d’organisations est proposée en Annexe. Par ailleurs, envisagez la possibilité de solliciter l’assistance de barreaux ou de commissions nationales des droits humains.

 

II. Où déposer votre requête ?

 

La quasi-totalité des principaux traités relatifs aux droits humains prévoit la création d’un organe ou d’un comité de personnes expertes habilitées à examiner l’application du traité par les États parties et à recevoir et étudier des requêtes individuelles émanant de personnes alléguant une violation des droits protégés par le traité en question. Toutefois, le droit de soumettre des requêtes individuelles n’est pas automatique. Dans certains cas, le gouvernement doit ratifier un traité distinct ou un protocole qui prévoit le droit de présenter une requête individuelle. Parfois, le droit de présenter une requête est prévu dans le traité lui-même, mais le gouvernement peut émettre des réserves concernant cet article.

Ce qui suit est un bref résumé des différents organismes internationaux dont le travail est le plus pertinent aux affaires de peine de mort. Les informations concernant chacune de ces instances sont accessibles sur internet, c’est pourquoi nous ne prétendons pas fournir des informations exhaustives sur les procédures à suivre pour déposer une plainte.

Il faut reconnaître que la coexistence des différents systèmes conventionnels des Nations unies mais aussi régionaux peut poser des difficultés de choix concernant l’instrument que vous retiendrez dans le cadre de votre dossier. En effet, il peut exister une sorte de concurrence entre les différents systèmes. Ainsi le PIDCP, en tant qu’instrument à portée générale, protège la prohibition de la torture, la non-discrimination, les droits des enfants etc. qui sont consacrés par ailleurs par des instruments spécifiques des Nations unies. Concrètement, cela signifie que si, par exemple, la personne que vous défendez a été victime de traitements violents pendant sa garde à vue vous pourrez saisir soit le Comité des droits de l’homme, soit le Comité contre la torture. Il vous faudra comparer la jurisprudence des différents mécanismes internationaux afin de choisir celui le mieux à même de servir les intérêts de la personne que vous défendez.

 

A.  Le Comité des droits de l’homme de l’ONU – Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP)

 

  1. Compétence

 

Le Comité des droits de l’homme est composé de 18 membres qui siègent à titre individuel[389]. Cet organe des Nations unies peut recevoir des plaintes de particuliers contre un État concernant la violation de droits énoncés dans le PIDCP.

Pour cela les conditions suivantes doivent être remplies :

  • L’État doit être partie au PIDCP (liste en Annexe).
  • L’État doit avoir reconnu la compétence du Comité des droits de l’homme de l’ONU pour recevoir des plaintes (c’est à dire avoir ratifié le Protocole facultatif se rapportant au PIDCP)[390] (voir l’Annexe).

Les faits faisant l’objet de la requête doivent être postérieurs à l’adhésion de l’État au protocole facultatif, à moins qu’après son entrée en vigueur une décision judiciaire ou un acte de l’État se rapportant à ces faits soit intervenu[391].

Vous pouvez présenter une requête au nom de la personne que vous défendez. Vous devez pour cela obtenir son consentement par écrit, à moins que cela ne soit impossible en pratique (par exemple si la personne est en prison et que les autorités ne vous permettent pas de la rencontrer).

Le Comité applique la règle de l’épuisement des voies de recours internes (et ses exceptions), ainsi que la règle de non-duplication des procédures.

 

  1. Procédure

Dans votre communication au Comité il convient de décrire les faits de l’affaire ainsi que les articles du PIDCP qui selon vous ont été violés. Il est conseillé d’indiquer quelles mesures vous souhaiteriez obtenir de l’État (tenue d’un nouveau procès, réparations financières, etc.), ainsi que de faire une demande de mesure provisoire de protection, car la personne condamnée à mort que vous défendez risque de subir un préjudice irréparable.

Si la communication soulève une question grave en vertu de la Convention, le Comité la soumet à l’État concerné. Ce dernier a six mois pour y répondre à l’écrit. Les communications se font exclusivement par écrit et les délibérations du Comité se font à huis clos[392]. Le Comité envoie ses constatations à l’État et aux parties concernées[393]. Dans les cas impliquant des personnes condamnées à mort, le Comité a le pouvoir d’ordonner la tenue d’un nouveau procès ou d’une nouvelle peine et peut également suggérer une réparation pécuniaire. Les décisions sont définitives et sans possibilité d’appel. Bien qu’elles n’aient pas d’autorités contraignantes, elles peuvent être très persuasives pour un État qui se soucie de son image sur la scène internationale.

Afin de vous aider dans votre préparation, les règles de procédure du Comité, sa jurisprudence[394] ainsi qu’un guide sont disponibles en ligne[395]. Par ailleurs, n’hésitez pas à demander de l’aide à des organismes de défenses des droits humains, tel que le Cornell Center on the Death Penalty Worldwide, ou à des cliniques juridiques (voir l’Annexe).

Dans l’affaire Chisanga c. Zambie, le Comité a déclaré que l’imposition de la peine de mort obligatoire, c’est à dire sans prise en compte des circonstances particulières de la personne inculpée ou de la gravité du crime, constitue une violation de l’article 6 du PIDCP en vertu duquel la peine de mort ne peut être prononcée que pour les crimes les plus graves[396].

 

B.  Le Comité contre la torture – Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (CAT)

 

  1. Compétence

 

Le Comité contre la torture est un organe composé de dix expert·e·s indépendant·e·s de haute moralité et possédant une compétence reconnue dans le domaine des droits humains. Le Comité est compétent pour examiner des requêtes individuelles. Si la personne que vous défendez a été torturée et/ou a subi des traitements cruels, inhumains ou dégradants, vous pouvez présenter une requête contre un État devant le Comité.

Pour cela les conditions suivantes doivent être remplies :

  • L’État doit être partie à la Convention contre la torture (liste en Annexe).
  • L’État doit avoir reconnu la compétence du Comité pour recevoir des plaintes individuelles (en faisant une déclaration à cet effet en vertu de l’article 22 de la CAT) (liste en Annexe).

Pour présenter une requête au nom de la personne que vous défendez, vous devez obtenir son consentement par écrit, à moins que cela ne soit impossible en pratique (par exemple si la personne est en prison et que les autorités ne vous permettent pas de la rencontrer).

Le Comité contre la torture applique la règle de l’épuisement des voies de recours internes (à moins que les procédures de recours excèdent des délais raisonnables ou s’il est peu probable qu’elles donneraient satisfaction à la personne requérante)[397], ainsi que la règle de non-duplication des procédures.

En plus des requêtes individuelles, il est possible au titre de l’article 20 de la CAT de communiquer au Comité contre la torture des informations soutenant que la torture est pratiquée systématiquement sur le territoire d’un État partie et le Comité pourra inviter l’État en question à coopérer dans l’examen des renseignements et, à cette fin, à lui faire part de ses observations à ce sujet. Cependant, les États peuvent choisir de ne pas reconnaître cette compétence du Comité[398].

 

  1. Procédure

Dans les requêtes individuelles, vous devez décrire les faits et énumérer les articles de la CAT qui ont été, selon vous, violés. De plus, il convient de faire une demande de mesure provisoire de protection dans les cas de peine de mort, car la personne que vous défendez risque de subir un préjudice irréparable.

Selon l’article 22 de la CAT, le Comité notifie l’État des plaintes qu’il reçoit et ce dernier a ensuite six mois pour faire parvenir ses commentaires. Par la suite, le Comité prend une décision, et effectue un suivi pour s’assurer que l’État a pris les mesures nécessaires pour remédier à la violation. Les décisions sont définitives. Elles sont sans portée contraignante mais déterminantes sur le droit international vis-à-vis de la torture. Bien que les documents et la procédure liés aux communications individuelles soient confidentiels, les avis du Comité sont publics.

Pour les requêtes générales, au titre de l’article 20 de la CAT, si le Comité juge qu’il s’agit de renseignements crédibles qui lui semblent contenir des indications bien fondées que la torture est pratiquée systématiquement, il invite l’État à coopérer dans l’examen des renseignements et à lui faire part de ses observations à ce sujet.

Le Comité contre la torture est moins engorgé que le Comité des droits de l’homme, et le nombre de dossiers y est en diminution. Les affaires sont généralement conclues en l’espace d’un ou deux ans à compter de leur enregistrement et les décisions limitées à la recevabilité sont même conclues plus tôt.

Il est recommandé de faire des recherches au préalable sur la jurisprudence du Comité dont les décisions, ainsi que les règles de procédure, sont accessibles sur le site du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme[399].

 

C.  Le Conseil des droits de l’homme

 

Au sein de l’ONU, le Conseil des droits de l’homme (créé en 2006 pour remplacer l’ancienne Commission des droits de l’homme et à ne pas confondre avec le Comité des droits de l’homme) a mis en place deux systèmes pour veiller à la protection des droits humains dans le monde. D’une part, il existe un mécanisme de requête universelle qui permet aux individus et aux ONG d’informer le Conseil de violations de droits humains, quels que soient le domaine ou le pays membre des Nations unies concerné. D’autre part, le Conseil des droits de l’homme supervise les procédures spéciales qui permettent de traiter de problèmes spécifiques à un pays ou à une thématique. Il existe plusieurs guides sur ces différentes procédures disponibles en ligne[400].

 

  1. La requête universelle du Conseil des droits de l’homme

Cette procédure de requête universelle couvre toutes les violations flagrantes de droits humains et de libertés fondamentales, dans tous les États membres de l’ONU[401]. La particularité de ce mécanisme est que vous pouvez déposer une plainte pour violation flagrante d’un traité contre n’importe quel État membre de l’ONU, même si l’État en question n’a pas ratifié ce traité. Le terme violation flagrante n’est pas clairement défini, mais il ressort des travaux préparatoires qu’un certain degré de gravité est nécessaire ; par exemple des violations touchant plusieurs victimes, commises sur une certaine durée et qui revêtiraient un caractère particulièrement inhumain ou dégradant[402].

Vous devez avoir épuisé les voies de recours internes (à moins que ces recours soient inefficaces ou excessivement longs), et il ne faut pas que la question ait déjà été traitée par une autre instance internationale (règle de non-duplication).

La procédure se déroule en trois étapes. Premièrement, le Groupe de travail des communications examine la recevabilité des plaintes, puis transmet celles qu’il juge recevables au Groupe de travail des situations qui les examine au fond, rédige un rapport détaillant les violations présumées et formule des recommandations. Enfin, le Conseil des droits de l’homme décide des mesures à prendre.

De par son caractère général, cette procédure ne devrait être utilisée qu’en dernier recours, lorsqu’il n’existe pas d’autre organe compétent pour entendre votre requête.

Vous trouverez sur le site internet du Conseil des droits de l’homme plus d’informations sur la procédure[403], ainsi qu’un formulaire pour vous aider à rédiger votre requête[404].

 

  1. Les procédures spéciales

 

Les procédures spéciales se concentrent soit sur des problèmes spécifiques à un pays, soit sur des problématiques qu’on retrouve à travers le monde. Elles sont dirigées soit par un·e rapporteur·e spécial·e, soit par un groupe de travail (généralement composé de 5 personnes, une de chaque région du monde).

La plupart des procédures spéciales reçoivent des allégations de violations des droits humains et y répondent en envoyant des communications aux gouvernements, sous forme d’appels urgents ou de lettres d’allégation, pour leur demander des explications. Les personnes représentantes des procédures spéciales se rendent également sur place pour effectuer des visites, puis rédiger des rapports sur la problématique dont elles sont saisies.

Contrairement aux mécanismes de l’ONU examinés précédemment, il ne s’agit pas d’une procédure quasi-judiciaire. Par conséquent, il n’est pas nécessaire d’avoir épuisé les voies de recours internes, ni que l’État soit partie au traité violé. La procédure est confidentielle et votre identité ne sera pas révélée à l’État visé.

Nous présentons ci-dessous quelques procédures spéciales, mais vous trouverez davantage d’informations sur l’ensemble des procédures spéciales sur le site internet du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme[405].

 

a)  Le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme

 

Le Haut-Commissaire aux droits de l’homme peut faire des déclarations officielles pour demander aux gouvernements de prendre des mesures concernant certaines affaires ou certains problèmes systémiques relatifs à l’application de la peine de mort. À titre d’exemple, en 2007 la Haut-Commissaire a rédigé un mémoire d’amicus curiae pour apporter son soutien à un prisonnier en Iraq[406]. En l’espèce, la Haut-Commissaire avait argumenté que l’exécution constituerait une violation de plusieurs principes du droit international car l’Iraq n’avait pas respecté le droit du requérant à un procès équitable. En outre, la Haut-Commissaire avait soutenu que la pendaison telle que pratiquée en Irak, constituait un traitement cruel, inhumain ou dégradant en violation de l’article 7 du PIDCP.

b) Le Groupe de travail sur la détention arbitraire

Le Groupe de travail sur la détention arbitraire est un organisme mandaté par l’ONU regroupant des personnes indépendantes et ayant une expertise en droits humains qui enquêtent sur des détentions judiciaires et administratives en violation du droit international des droits humains, et notamment des normes relatives au droit à un procès équitable. Le Groupe de travail examine les plaintes individuelles de ressortissant·e·s de tous les États. Il est possible de présenter une communication à titre urgent. Si le Groupe de travail conclut à une violation des normes applicables, il envoie un avis à l’État concerné et peut présenter d’autres recours auprès de l’État par voie diplomatique. Le groupe de travail publie également ses rapports finaux sur son site internet[407].

 

Exemple de réussite

  • En Tunisie, dans l’affaire Lajili[408] les avocats ont saisi le Groupe de travail sur la détention arbitraire, car leur client était détenu illégalement dans l’attente de son procès. Bien que le client ne risquât pas la peine capitale, les principes applicables étaient les mêmes que pour une affaire de peine de mort. Le Groupe de travail a constaté la violation de plusieurs droits de la défense, y compris le droit de la personne accusée à être assistée par son avocat·e pendant son interrogatoire, droit protégé par l’article 14(3)(d) du PIDCP. Le gouvernement tunisien n’avait pas apporté de preuve pour démontrer que la personne accusée avait renoncé à ce droit. D’autre part, l’État n’a pas justifié des raisons de l’arrestation de M. Lajili et a ainsi violé l’article 9 du PIDCP qui impose à l’État de produire un mandat d’arrêt pour justifier l’arrestation et la détention subséquente d’une personne. De plus, la durée de la détention provisoire de M. Lajili avait dépassé les délais prescrits. Le Groupe de travail a également dénoncé la violation de l’Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des personnes détenues en raison des mauvais traitements subis par M. Lajili, et notamment de la mauvaise prise en charge de son état de santé défaillant. Le Groupe de travail en a conclu que la privation continue de liberté de M. Lajili était arbitraire en ce qu’elle était contraire aux articles 9 et 10 de la Déclaration universelle des droits de l’homme et aux articles 9 et 14 du PIDCP et a demandé au gouvernement de le libérer immédiatement. Le gouvernement n’a tout d’abord pas coopéré, mais M. Lajili a finalement été libéré.

– Nédra Ben Hamida, Avocate tunisienne.

 

c) Le Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires

 

Le Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires est une personne ayant une expertise sur le sujet, rattachée aux Nations unies, et qui a pour mission d’enquêter et de présenter des rapports sur les exécutions menées sans garanties juridiques ou avec des garanties juridiques insuffisantes. Le Rapporteur spécial fournit un modèle de questionnaire pour la soumission des plaintes individuelles, qui peuvent être formulées par des individus dans n’importe quel État. Il peut adresser des requêtes urgentes aux gouvernements concernant une affaire en instance, demander l’autorisation d’effectuer une visite sur place et engager un dialogue confidentiel avec le gouvernement sur les affaires ou les problèmes systémiques associés à l’application de la peine de mort. Le Rapporteur spécial s’est montré très actif dans les cas de prisonniers risquant d’être exécutés, et a demandé à plusieurs reprises aux gouvernements de s’abstenir de procéder à des exécutions dans les cas de violations des droits humains[409].

 

d) Le Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

 

Le Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants est un·e expert·e des Nations unies qui a pour mission d’enquêter et d’élaborer des rapports sur des peines qui relèvent de la torture ou qui constituent une violation du droit international. Le Rapporteur spécial fournit un modèle de questionnaire pour la soumission des plaintes individuelles,[410] qui peuvent être formulées par des individus dans n’importe quel État. Ces attributions sont similaires à celles du Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires.

 

D.  Les mécanismes régionaux africains relatifs aux droits humains

 

Sous les auspices de l’Union africaine, deux organes peuvent recevoir des plaintes d’individus : la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples et la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples.

Par ailleurs, des mécanismes d’intégration régionaux entre pays africains se sont dotés d’instances juridictionnelles. Parmi les pays africains de tradition civiliste auxquels s’adresse ce manuel, il existe notamment la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), la Communauté économique et monétaire des États de l’Afrique centrale (CEEAC), l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), et la Communauté de Développement d’Afrique australe (CDAA)[411]. À l’heure actuelle cependant, seule la Cour de la CEDEAO est compétente pour recevoir des plaintes d’individus pour violations de droits humains.

Nous détaillons ci-dessous les procédures devant la Commission et la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, ainsi que devant la CEDEAO.

 

  1. La Commission africaine des droits de l’homme et des peuples

 

a) Compétence

 

Le fonctionnement de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples est défini par la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) et le règlement intérieur de la Commission[412].

La Commission africaine est composée de onze membres qui siègent à titre individuel[413] et elle est compétente pour examiner des communications émanant d’individus et d’ONG[414].

 

b) Conditions de recevabilité

 

Différents guides sont disponibles en ligne pour vous aider à rédiger votre communication[415].

L’article 56 de la CADHP liste les conditions de recevabilité d’une communication. Vous devez décrire les faits pertinents et préciser quels articles de la Charte africaine ont été violés et par quelle entité de l’État. La Commission exige des indices ou preuves autres que celles relayées par des moyens de communication de masse.

Des mesures provisoires peuvent être demandées lorsqu’une personne est susceptible de subir de manière imminente un préjudice irréparable[416], par exemple lorsqu’une exécution est prévue.

Vous devez d’autre part démontrer que vous avez épuisé toutes les voies de recours internes ou que les voies de recours internes sont inadéquates ou indisponibles, comme c’est le cas par exemple lorsque la procédure de ces recours se prolonge de façon anormale[417]. La Commission a déclaré que l’article 56(5) sur l’obligation d’épuiser les voies de recours internes devait être interprété « à la lumière de son devoir de protéger les droits de l’homme et des peuples »[418]. Ainsi, dans l’affaire Lawyers for Human Rights c. Swaziland, la Commission a affirmé que même si tous les recours locaux n’ont pas été épuisés, la plainte sera admissible si « la probabilité pour le Plaignant de voir réparer la situation faisant ‘l’objet de la plainte est minime au point de devenir indisponible et par conséquent ineffective’ »[419].

Les communications doivent être envoyées dans un « délai raisonnable » après l’épuisement des voies de recours internes[420], mais la Commission ne définit pas quel est ce délai. Toutefois la Commission a fait référence dans certaines décisions au délai de 6 mois utilisé par la Cour européenne des droits de l’homme et la Cour interaméricaine des droits de l’homme.

La règle de non-duplication des procédures s’applique, et il ne faut donc pas que la même requête ait déjà été portée devant une autre instance internationale[421].

 

b) Procédure

Si la communication est déclarée recevable, la Commission en examine les mérites et demande aux parties de produire des observations. La Commission peut ordonner la tenue d’une audience de sa propre initiative ou à la demande d’une des parties, ce qui permet à celles-ci de présenter des observations orales[422].

Si la Commission détermine qu’il y a eu une violation des droits humains, elle émet des recommandations à l’État visé afin que celui-ci remédie à la situation. À la différence de la Cour africaine, ces recommandations sont sans force contraignante, mais un mécanisme de suivi de l’application des décisions oblige l’État à fournir des informations sur les mesures prises pour donner effet à la décision. La Commission présente ses rapports sur le suivi des recommandations à chaque session ainsi qu’à la Conférence des chefs d’État de l’Union africaine. En cas de non-respect des décisions par l’État, la Commission peut avertir le sous-comité sur la mise en œuvre des décisions de l’Union africaine[423].

Vous trouverez la jurisprudence de la Commission sur son site internet[424]. Il est utile d’effectuer une recherche sur les décisions se rapportant aux articles violés, en particulier l’article 4 (droit à la vie), l’article 5 (prohibition de la torture et des traitements inhumains), voire l’article 6 (droit à la liberté de la personne et à une protection contre l’arrestation arbitraire).

 En matière de peine de mort, la Commission a rendu plusieurs décisions qui encadrent son application. Elle a notamment décidé dans l’affaire Interights et autres c. Botswana que le manquement de l’État d’informer par avance la famille de la personne condamnée du jour et de l’heure de l’exécution, de donner le corps à la famille après l’exécution, et d’utiliser comme méthode d’exécution la pendaison constituent des traitements cruels, inhumains et dégradants[425].

Dans Spilg et autres c. Botswana, la Commission a jugé qu’il en allait de même lorsque l’État n’informe pas la personne condamnée du jour et de l’heure de son exécution[426]. Elle a, en outre, déclaré que la peine de mort ne devait être réservée que pour les crimes intentionnels ayant des conséquences létales ou extrêmement graves, et non pour des crimes de nature économique, non-violents, ou sans victime[427].

 

d) Aide judiciaire

 

Le règlement intérieur de la Commission africaine prévoit de faciliter l’accès à une assistance judiciaire gratuite si la Commission est persuadée qu’une telle assistance est indispensable pour assurer l’égalité des parties devant elle, et si la personne requérante ne dispose pas des moyens suffisants pour couvrir les frais de la représentation[428]. La Commission ne donne pas d’assistance judiciaire directement, mais aide la personne requérante à trouver des ONG ou autres sources qui pourront l’assister.

 

e) Soumission de dossiers à la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples

 

La Commission et la Cour sont complémentaires : le règlement intérieur fixe les relations entre ces deux organes. La Commission peut saisir la Cour, lorsque l’État ne se conforme pas aux recommandations ou mesures provisoires émises par la Commission, si une communication reçue fait état de violations graves ou massives des droits humains, ou enfin à tout moment de la procédure si la Commission juge cela nécessaire[429].

 

  1. La Cour africaine des droits de l’homme et des peuples

 

a) Compétence de la Cour

 

La Cour africaine des droits de l’homme et des peuples est devenue opérationnelle en 2006. Elle est composée de 11 juges[430] et elle est compétente pour interpréter la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples ainsi que les instruments internationaux ou régionaux ratifiés par l’État en cause[431].

Pour déposer une requête contre un État devant la Cour africaine, deux conditions doivent être remplies :

  • L’État visé doit avoir ratifié le Protocole relatif à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples portant création d’une Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (liste en Annexe) ;
  • L’État visé doit avoir fait une déclaration acceptant la compétence de la Cour pour recevoir des plaintes d’individus et d’ONG en vertu des articles 5(3) et 34(6) du Protocole relatif à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples portant création d’une Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (liste en Annexe).

 

b) Conditions de recevabilité

 

L’article 40 du règlement intérieur de la Cour définit les conditions de recevabilité des requêtes. La forme et le contenu des requêtes sont similaires aux communications déposées devant la Commission africaine.

Les requêtes doivent être déposées dans un délai raisonnable après l’épuisement des voies de recours internes, et selon la jurisprudence de la Cour, le caractère raisonnable d’un délai « dépend des circonstances particulières de chaque affaire, et doit être apprécié au cas par cas »[432]. Notez d’autre part qu’une requête ne doit pas contenir de termes outrageants ou insultants auquel cas elle risque d’être jugée irrecevable. Référez-vous au Règlement intérieur et aux instructions de procédure sur le site de la Cour pour plus de détails[433].

 

c) Procédure

 

Tout comme devant la Commission africaine, la procédure est divisée en plusieurs phases : enregistrement de la requête, saisine de la Cour, examen de la recevabilité de la requête, puis de ses mérites, et enfin application de la décision. La procédure est par principe écrite, mais il est possible d’avoir une phase orale où la Cour entend les parties, des témoins, et des expert·e·s.[434] La Cour peut décider d’octroyer une assistance judiciaire gratuite aux parties[435].

À la différence de la Commission africaine, la Cour rend des décisions contraignantes pour les États qui ont accepté sa juridiction. Elle peut ordonner toute mesure jugée appropriée pour remédier à une violation de droit de la personne, comme par exemple le paiement de réparations[436]. Pour obtenir des réparations, il faut au préalable en avoir fait la demande et justifier du montant demandé[437]. Les décisions de la Cour ne sont pas susceptibles d’appel, à moins que de nouvelles preuves soient disponibles[438].

 

  1. La Cour de Justice de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO)

 

La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) s’est dotée d’une cour de justice composée de sept juges indépendant·e·s et siège à Abuja, au Nigeria[439].

 

a) Compétence

 

La version révisée du traité prévoit à l’article 4(g) que les États membres affirment leur attachement à la protection des droits humains en conformité avec la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples.

Après l’adoption du Protocole additionnel en 2005, conformément aux articles 9(4) et 10(d), toute personne (individus, ONG etc.) peut déposer une plainte contre un État membre de la CEDEAO pour des violations des droits humains ayant eu lieu dans un État membre. La Cour applique et interprète les traités, protocoles et conventions de la communauté, mais aussi les instruments internationaux relatifs aux droits humains ratifiés par les États visés. Par exemple, si votre pays est partie à la Convention contre la torture et que vous déposez une plainte alléguant des faits de torture, la Cour de justice de la CEDEAO appliquera la Convention contre la torture.

 

b) Conditions de recevabilité et procédure

 

Contrairement à la majorité des instances internationales, il n’est pas nécessaire d’avoir épuisé tous les recours nationaux pour saisir la Cour de justice de la CEDEAO[440]. En revanche, la règle de non-duplication des procédures s’applique.

La procédure devant la Cour est écrite et orale. Les requêtes doivent se faire par écrit, et indiquer :

  • L’identité et l’adresse de la personne requérante (1),
  • L’État partie visé (2)
  • Un résumé des faits sur lesquels se base la plainte (3),
  • Un résumé des arguments juridiques et des textes violés (4), et
  • Les mesures demandées à la Cour – nouveau procès, compensation monétaire etc. (5).

Pour plus de détails, référez-vous aux règles de procédure de la Cour disponibles sur son site internet[441].

 

c) Résultats

 

La Cour de justice de la CEDEAO a rendu plusieurs décisions concernant la peine de mort. La Cour a notamment déclaré que la peine de mort est en contradiction avec le droit à la vie et constitue une peine cruelle et inhumaine[442].

En juin 2014, la Cour a condamné le Nigéria dans deux affaires de peine de mort. Dans l’affaire Maimuna Abdulmini c. République Fédérale du Nigeria, la Cour a déclaré que la condamnation d’une mineure de treize ans à la peine de mort viole l’article 6(5) du PIDCP[443]. Le gouvernement nigérian, prenant acte de la décision, a alors renoncé à l’exécution de la jeune fille. Dans l’affaire Thankgod Ebhos Ebhos c. République Fédérale du Nigeria, la Cour a affirmé qu’exécuter une personne avant que les recours en appel n’aient été terminés viole l’article 6(4) du PIDCP.[444]

Les décisions de la Cour sont contraignantes pour les États membres de la CEDEAO[445] et ne sont pas susceptibles d’appel. Toutefois, certains États ont parfois refusé de se plier aux décisions, comme par exemple la Gambie qui a été condamnée à payer une compensation monétaire pour la détention arbitraire et la torture d’un journaliste[446]. Cependant la pression exercée peut être dissuasive. À titre d’exemple, la Gambie a suspendu l’exécution de deux nigérians suite à une plainte déposée devant la Cour de la CEDEAO[447].

Renseignez-vous sur l’attitude de votre État à l’égard des décisions rendues par la Cour afin de déterminer s’il est stratégique ou non d’y déposer une requête.

 

III.  Forces et faiblesses de la jurisprudence des organismes internationaux

 

Il existe toute une série d’arguments qui peuvent être renforcés par le droit international : la prohibition de l’exécution arbitraire d’individus souffrant de troubles mentaux et de déficience intellectuelle, la violation des droits de la défense et du droit à un procès équitable ou encore la violation de l’interdiction des traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Toutefois, l’une des principales faiblesses du droit international des droits humains tient à la difficulté de son application. En effet, les décisions de nombreux organes des droits humains ne sont pas contraignantes et certains pays contestent ou négligent les décisions des instances internationales, quand bien même ils en auraient reconnu la compétence et l’autorité. Toutefois, bien qu’il soit parfois difficile de faire appliquer des décisions non contraignantes, ces dernières peuvent être utilisées comme outil de persuasion devant les tribunaux nationaux. En effet, les décisions des organes internationaux peuvent être convaincantes pour les tribunaux qui cherchent à interpréter la portée des droits contenus dans les constitutions nationales. En d’autres termes, les décisions peuvent être convaincantes tant dans le cadre judiciaire que dans les procédures de demande de grâce. Vous pouvez vous appuyer sur des décisions d’instances internationales pour faire pression sur le pouvoir exécutif pour qu’il commue la peine de mort de la personne que vous défendez.

La mesure dans laquelle un État se conforme à une décision internationale dépend de nombreux facteurs spécifiques à chaque pays, tels que l’orientation politique du gouvernement ou le statut du droit international en droit interne. Une bonne connaissance de ces éléments peut vous aider à mieux préparer votre stratégie de défense. Par exemple, si un changement de gouvernement est prévu pendant la période au cours de laquelle vous pouvez déposer votre requête, il vous faudra réfléchir s’il est plus stratégique de présenter celle-ci rapidement ou d’attendre (sans perdre de vue les délais applicables au dépôt d’une requête) si vous pensez que la transition politique pourrait avoir un impact sur la manière dont le gouvernement réagirait à votre requête.

 

 

CHAPITRE 10 : Annexe

 

I.  Ressources

 

Pour connaître les traités internationaux relatifs aux droits humains auxquels votre pays est partie, consultez le Recueil des traités des Nations unies, chapitre IV : Droits de l’homme, à l’adresse

https://treaties.un.org/pages/Treaties.aspx?id=4&subid=A&lang=fr.

 

Pour connaître les traités régionaux relatifs aux droits humains auxquels votre pays est partie, consultez le site suivant :

 

Voir également le site internet du Cornell Center on the Death Penalty Worldwide, qui offre une base de données sur les lois et les pratiques relatives à l’application de la peine de mort dans tous les pays concernés, à l’adresse :

https://deathpenaltyworldwide.org/fr/.

 

II.  Formulaires types

 

Modèles de formulaires types de plainte de l’ONU :

 

Formulaire type au titre du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, à la Convention contre la torture ou à la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, disponible à l’adresse suivante : https://www.ohchr.org/Documents/Publications/FactSheet7Rev.2_fr.pdf (Annexe I).

 

Liste des lignes directrices pour la soumission de demandes à différents organes des droits humains, disponible (en français dans la partie « What information do you need to provide in your complaint) à l’adresse suivante : https://www.ohchr.org/en/hrbodies/tbpetitions/Pages/IndividualCommunications.aspx.

 

Formulaires de plainte pour le PIDCP, le CAT, la CEDAW et la CIEDR, disponibles sur https://www.ohchr.org/Documents/Publications/FactSheet7Rev.2_fr.pdf (Annexes II, III et IV).

 

III. Liste d’acronymes

 

  • ABA – Association américaine du Barreau (American Bar Association)
  • ACRWC – Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant
  • ASHR – Déclaration de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) sur les droits de l’homme
  • CADH – Convention américaine relative aux droits de l’homme
  • CADHP – Charte africaine des droits de l’homme et des peuples
  • ADHP – Commission africaine des droits de l’homme et de peuples
  • CAT – Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants
  • CDAA – Communauté de développement d’Afrique Australe
  • CDH – Conseil des droits de l’homme de l’ONU
  • CDU – Commission des droits de l’homme de l’ONU
  • CEDEAO – Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest
  • CEDH – Cour européenne des droits de l’homme
  • CIDH – Cour interaméricaine des droits de l’homme
  • CPI – Cour pénale internationale
  • CRC – Convention sur les droits de l’enfant
  • DUDH – Déclaration universelle des droits de l’homme
  • ECOSOC – Conseil économique et social des Nations unies
  • HCDH – Comité des droits de l’homme de l’ONU
  • ONU – Organisation des Nations unies
  • PIDCP – Pacte international relatif aux droits civils et politiques
  • TPIR – Tribunal pénal international pour le Rwanda
  • TPIY – Tribunal pénal international pour l’Ex-Yougoslavie
  • UNICEF – Fonds des Nations unies pour l’enfance
  • UNODC – Office des Nations unies contre la drogue et le crime

 

IV. Liste d’ONG, de cliniques juridiques et d’autres organisations susceptibles de vous aider à prÉsenter des plaintes auprÈs des organisations des droits humains et à publiciser votre affaire

 

A)  Cliniques juridiques de droits humains

 

  • Cornell Center on the Death Penalty Worldwide, Cornell Law School. Envoyez un courriel à: [email protected].

 

B)  ONG

 

Pour trouver d’autres organisations pouvant vous aider, vous pouvez consulter la liste des membres de la Coalition mondiale contre la peine de mort : https://worldcoalition.org/fr/qui-sommes-nous/organisations-membres/.

 

V. Liste de circonstances attÉnuantes possibles à étudier:

 

A.  Introduction

 

Envisagez de rencontrer les personnes suivantes que vous pourriez proposer comme témoins au stade de l’enquête ou faire citer comme témoin au procès, si ces personnes n’ont pas déjà la qualité de témoins: les membres de la famille de la personne accusée (sa mère, son père, ses enfants, ses frères et sœurs, ses tantes et oncles, ses nièces et neveux), les chef·e·s du village, les voisin·e·s, les dirigeant·e·s religieuse·x, le personnel enseignant, le personnel infirmier, les membres de la police, le personnel de la prison.

Remarque : certaines communautés pourraient être réticentes à l’idée de vous aider à défendre votre client·e. Dans certaines communautés rurales africaines, il peut être nécessaire de contacter les chef·e·s du village et de les informer de vos intentions avant d’interroger d’autres personne de la communauté. Le fait que la communauté soit perturbée par votre présence dépend de nombreux facteurs, notamment du temps qui s’est écoulé entre le crime et votre visite, de la manière dont le crime a été commis et de la relation de la personne que vous défendez avec sa famille et la communauté dans son ensemble. Vous devez expliquer que vous essayez de faire en sorte que la personne que vous défendez bénéficie d’un procès équitable et que vous souhaitez être sûr·e d’avoir des informations exactes sur sa vie et la nature du crime. Si cela est approprié, vous pouvez expliquer que vous vous concentrez sur le fait de sauver sa vie et d’empêcher l’imposition de la peine de mort, et qu’il y a peu de chances que la personne soit libérée.

Avant de rencontrer une personne de l’entourage de la personne que vous défendez, identifiez-vous et expliquez que vous aidez votre client·e à se défendre. Si l’affaire est en appel, expliquez que vous l’aidez à faire appel. Demandez à la personne que vous rencontrez si elle a eu des contacts avec votre client·e et de quand date leur dernière rencontre ou discussion. Expliquez-lui que la personne que vous défendez est toujours détenue et donnez-lui toutes les informations que vous pouvez sur sa santé, son état général et l’état de l’affaire. Demandez-lui si elle souhaite que vous transmettiez un message à votre client·e.

Avant de commencer l’entretien, expliquez-lui que vous allez lui poser beaucoup de questions, dont certaines peuvent sembler étranges et d’autres porteront sur des informations très privées. Assurez-la·le que, même si vous demandez des informations qui semblent préjudiciables, vous ne les utiliserez que pour aider la personne que vous défendez. Assurez-la·le que vous ne divulguerez pas ce que la personne que vous défendez, ou ses proches, souhaitent garder confidentiel. Le plus important est d’être honnête. Expliquez-lui que vous n’êtes pas là pour juger qui que ce soit, mais seulement pour comprendre. Expliquez qu’il est important de poser ces questions car elles vous donnent une image plus complète de la vie de la personne que vous défendez et peuvent éventuellement expliquer son comportement et ainsi vous aider à préparer une défense plus solide.

 

B.  Liste de questions que vous devriez poser au cours d’une rencontre avec les proches de la personne que vous défendez :

 

Pour plus de détails sur les questions pertinentes dans le cadre de vos recherches sur les circonstances atténuantes, vous pouvez vous référez aux questionnaires disponibles sur le site du Cornell Center on the Death Penalty Worldwide : https://deathpenaltyworldwide.org/fr/.

 

Questions visant à établir la place de la personne que vous défendez dans sa famille et sa communauté:

  • Pouvez-vous me parler un peu de [nom de votre client·e] ? Pouvez-vous me parler de votre relation ?
  • Est-ce que [nom] a occupé des postes de direction dans le village ?
  • Quelle était sa réputation dans le village/la communauté ?
  • Est-ce que [nom] avait un travail ? Lequel ? Depuis quel âge ? (Si la personne que vous défendez travaillait pendant son enfance) Quel était son travail quand [nom] était enfant ?
  • Est-ce que [nom] allait à l’église/mosquée ? Est-ce que [nom] y occupait un poste de direction ? Avez-vous remarqué un changement dans sa pratique religieuse ?
  • Scolarité : Quelle était l’école de [nom] ? Jusqu’à quel niveau d’étude [nom] a-t-il·elle fréquenté l’école ? (Si cela est pertinent) Pourquoi avoir arrêté sa scolarité ?
  • Est-ce que [nom] a appris à lire et à écrire ? Comment étaient ses résultats scolaires par rapport à ceux de ses frères et sœurs/autres membres de la famille ? Est-ce que [nom] a eu des difficultés à l’école ?

 

Questions visant à déterminer d’éventuelles maladies et déficiences mentales :

  • Quel était l’état de santé de [nom] en tant que nourrisson, enfant, adolescent·e ? Est-ce que [nom] a souffert de maladies graves ? Malaria, tuberculose, autres maladies ?
  • Est-ce que [nom] a déjà souffert de blessures à la tête ? (Détails : circonstances de la blessure, à quel âge, témoins, hospitalisation ?)
  • Est-ce que [nom] a déjà perdu connaissance ou la notion du temps ? (Détails : à quel âge, combien de temps, combien de fois, témoins ?)
  • Est-ce que [nom] souffrait de maux de tête ?
  • Est-ce que [nom] a déjà eu des crises d’épilepsie ?
  • Est-ce que vous ou un membre de votre famille l’avez déjà emmené chez un·e guérisseur·se traditionnel·e ? Pourquoi ?  (Détails : à quel âge, combien de temps, combien de fois, témoins ?)
  • Quels types de remèdes traditionnels, le cas échéant, est-ce que [nom] a reçu pour des difficultés d’ordre mental ?
  • Est-ce que [nom] a déjà consulté un médecin ?
  • Avez-vous déjà remarqué quelque chose d’inhabituel chez [nom], par rapport à vos autres [frères/sœurs/enfants/personnes de votre famille/personnes de votre communauté] ?
  • Est-ce que [nom] a déjà consommé de l’alcool ? À quelle fréquence ?
  • La consommation d’alcool était-elle courante dans sa famille ?
  • Ses parents buvaient-ils ? Plus ou moins que les autres membres de sa communauté ?
  • Quel était le comportement de ses parents lorsqu’ils étaient ivres ?
  • Quelle était la relation entre ses parents ? Se disputaient-ils parfois ? Étaient-ils agressifs verbalement ou physiquement ? Pouvez-vous décrire certaines de leurs disputes ?  Est-ce que [nom] est déjà intervenu·e pour arrêter ces disputes ?
  • Est-ce que [nom] a déjà été victime de violence de la part d’un·e membre de sa famille ? Quelle en a été la gravité ?
  • Est-ce que [nom] a été témoin d’une autre forme de violence dans sa famille ou dans la communauté ?
  • Comment est-ce que [nom] était puni·e dans son enfance si elle·il se comportait mal ? Est-ce que [nom] se comportait plus ou moins bien que ses frères et sœurs ? Est-ce que [nom] se mettait dans des situations difficiles pendant son enfance ?
  • Y a-t-il des indications selon lesquelles [nom] a été victime d’abus ou de violences sexuels de la part d’un membre de sa famille ou d’une personne de sa communauté ?
  • Est-ce que [nom] a déjà souffert de rages ou de crises de panique ?
  • [Si la réponse est oui] : Qu’est-ce qui met [nom] en colère ? Est-ce qu’il lui arrive de s’emporter, de se mettre en colère ou de perdre le contrôle ?
  • Que se passe-t-il lorsque [nom] se met en colère ou perd le contrôle ?
  • À quel âge ce comportement a-t-il commencé ?
  • Avez-vous déjà remarqué autre chose d’inhabituel dans son comportement ?

 

Questions sur la santé prénatale et postnatale (pour les mères en particulier, mais aussi les frères et sœurs aîné·e·s, les tantes, les pères) :

Expliquez que la santé prénatale et postnatale (et les problèmes qui y sont liés) peut avoir des effets à long terme sur la croissance physique, le développement cognitif et la future capacité d’apprentissage, la réussite scolaire, et la compétence professionnelle.

 

  • Lorsque vous/la mére étiez enceinte de [nom], avez-vous/a-t-elle connu des périodes de malnutrition sévère ? Des périodes où il n’y avait pas de nourriture du tout ? Des périodes de sécheresse pendant la grossesse ? (Détails : quand, combien de fois). Comment vous procuriez-vous/se procurait-elle de la nourriture supplémentaire ?  Quel était votre/son régime alimentaire lorsque vous étiez/elle était enceinte ?
  • Connaissez-vous des détails sur la grossesse et l’accouchement de la mère de [nom] ?
  • Y a-t-il eu des complications pendant la grossesse ? (Demandez des détails)
  • Des complications pendant l’accouchement ? (Demandez des détails) Comment s’est passé l’accouchement de [nom] par rapport à celui de vos/ses autres enfants ? Avez-vous/a-t-elle accouché à l’hôpital ou à la maison ?  Qui était présent·e à vos/ses côtés ?
  • Y a-t-il eu des moments où [nom] a connu des périodes de malnutrition sévère ? Des périodes où il n’y avait pas de nourriture du tout chez vous ? En raison de la sécheresse ? Pour d’autres raisons ? (Détails, quand, combien de fois) Comment obteniez-vous de la nourriture supplémentaire ?
  • À quelle vitesse est-ce que [nom] s’est développé·e par rapport à ses frères et soeurs ? À quel âge est-ce que [nom] a appris à marcher, à parler, à utiliser les toilettes ?  Était-ce plus tôt ou plus tard que ses frères et soeurs ?

 

C.  Terminer l’entretien

 

Remerciez-les d’avoir pris le temps de vous parler. Dites-leur combien vous appréciez d’avoir eu cette occasion. Donnez-leur une idée de votre estimation de la durée du procès/appel. Dites-leur que vous ferez de votre mieux pour aider la personne que vous défendez mais que vous ne pouvez faire aucune promesse ni même prédire ce qui va se passer.  Si vous vous occupez de l’appel d’une personne condamnée à mort, expliquez que vous essayez de faire en sorte qu’elle ne soit pas exécutée, de lui fournir les soins de santé physique et mentale dont elle a besoin et de réduire sa peine de prison.

 

 

CHAPITRE 11 : NOTES DE FIN

 

[1] P. Dailler, M. Forteau, A. Pellet, Droit international public, lextenso-LGDJ, Paris, 2009 (8ème edition), p. 385.

[2] Directives et principes sur le droit à un procès équitable et à l’assistance judiciaire en Afrique, Comm. ADHP, 2003. « Lorsqu’un avocat est commis d’office, il doit :

  1. Être qualifié pour représenter et défendre l’accusé ou la partie à une affaire civile ;
  2. Avoir une formation et une expérience correspondant à la nature et à la gravité de l’infraction en cause ;
  3. Être libre d’exercer son jugement professionnel de manière indépendante, à l’abri de toute influence de l’État ou de l’instance juridictionnelle ;
  4. Pouvoir plaider effectivement en faveur de l’accusé ou de la partie à une affaire civile ;
  5. Être correctement rémunéré́ afin d’être incité à représenter l’accusé ou la partie à une affaire civile de manière adéquate et efficace. ».

[3] Comm. ADHP, Directives et principes sur le droit à un procès équitable et à l’assistance judiciaire en Afrique, para. (H)(d), 2003 « Tout accusé ou une partie à une affaire civile a le droit à une défense ou une représentation efficace à toutes les phases de la procédure. ».

[4] Principes de base relatifs au rôle du barreau, adoptés par le huitième Congrès des Nations unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants qui s’est tenu à La Havane (Cuba) du 27 août au 7 septembre 1990, para. 6, ONU Doc. A/CONF.144/28/Rev.1, 1990 ; Comm. ADHP, Directives et principes sur le droit à un procès équitable et à l’assistance judiciaire en Afrique, para. (H)(e), 2003.

[5] Par exemple : République démocratique du Congo, voir la Section III sur les droits et les devoirs des avocats de la Loi 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation du barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de l’État. Tunisie, chapitre IV portant sur les droits et les devoirs des avocats, Loi 2011-79 du 20 août 2011 portant organisation de la profession d’avocat. En France, selon l’article 1.3 du Règlement intérieur national de la profession d’avocat, les principaux devoirs de l’avocat sont d’exercer ses fonctions avec dignité, conscience, indépendance, probité et humanité et faire preuve, à l’égard de ses clients, de compétence, de dévouement, de diligence et de prudence.

[6] ONU Ass. Gen., Principes et lignes directrices des Nations Unies sur l’accès à l’assistance juridique dans le système de justice pénale, principe 1, Doc. ONU A/67/458, 6 décembre 2012.

[7] ONU Ass. Gen., Principes et lignes directrices des Nations Unies sur l’accès à l’assistance juridique dans le système de justice pénale, principe 7, Doc. ONU A/67/458, 6 décembre 2012.

[8] ONU Ass. Gen., Principes et lignes directrices des Nations Unies sur l’accès à l’assistance juridique dans le système de justice pénale, principe 7, Doc. ONU A/67/458, 6 décembre 2012.

[9] Dans l’affaire Moreno Ramos c. États-Unis (affaire 12.430, Rapport N°1/05, OEA/Ser.L./V/II.124, Doc. 5, CIDH, 2005), la CIDH a établi que les États-Unis ont violé le principe d’équité, les garanties procédurales et le principe de procès équitable prévus par les articles II, XVIII et XXVI de la Déclaration américaine, ce qui inclut le droit à une assistance juridique compétente, car l’avocat de M. Morenos Ramos n’a pas présenté de preuves de circonstances atténuantes durant la partie du procès déterminant la condamnation et n’a pas tenté de convaincre le jury de le condamner à la prison à vie. Voir aussi Medellín, Ramírez Cárdenas & Leal García c. États-Unis, affaire 12.644, Rapport N°90/09, OEA/Ser.L./V/II.135, Doc. 37, CIDH, 7 août 2009 (la Cour a estimé que les États-Unis avaient violé le droit des requérants à des garanties procédurales et à un procès équitable en vertu des articles XVIII et XXVI de la Déclaration américaine en fournissant un avocat de la défense incompétent dans une affaire de peine de mort). De plus, l’article 6(3)(c) de la Convention européenne des droits de l’homme impose aux autorités nationales d’intervenir (prendre des mesures positives) si l’incapacité à fournir une assistance juridique effective est manifeste ou suffisamment portée à leur attention d’une autre façon. Voir Artico c. Italie, App. N°6694/74, CEDH, 13 mai 1980 ; Kamasinski c. Autriche, App. N°9783/82, CEDH, 19 décembre 1989 ; Imbrioscia c. Suisse, App. N°13972/88, CEDH, 24 novembre 1993 ; Czekalla c. Portugal, App. N°38830/97, CEDH, 10 octobre 2002 ; Sannino c. Italie, App. N°30961/03, CEDH, 27 avril 2006 ; Panasenko c. Portugal, App. N°10418/03, CEDH, 22 juillet 2008. Il existe des dispositions similaires dans la législation nationale de nombreux pays, notamment aux États-Unis et au Portugal. Voir, par ex., Strickland c. Washington, 466 U.S. 668 (1984) ; Portugal Estatuto da Ordem dos Advogados, art. 93(2), art. 95(1), (2), loi N°15, 26 janvier 2005, dernière modification en 2010 (décrivant l’obligation d’un avocat de refuser une affaire s’il sait qu’il n’aura pas les compétences ou la disponibilité nécessaire pour la préparer et s’engager avec zèle dans la représentation, et d’informer le client des progrès de l’affaire).

[10] DUDH, art. 11(1) ; PIDCP, art. 14(3)(d) ; CADHP, art. 7(1)(c) ; Convention européenne des droits de l’homme, art. 6(3)(c) ; CADH, art. 8(2)(d) et (e).

[11] Comm. ADHP, Directives et principes sur le droit à un procès équitable et à l’assistance judiciaire en Afrique, para. (H)(a), 2003 « L’accusé ou la partie à une affaire civile a le droit, chaque fois que l’intérêt de la justice l’exige, de se voir attribué d’office un défenseur sans frais, s’il n’a pas les moyens de le rémunérer. » ; Quaranta c. Suisse, App. N°12744/87, para. 27, CEDH, 24 mai 1991 « La Cour rappelle que le droit pour un accusé à pouvoir, dans certains cas, être assisté d’un avocat commis d’office constitue un élément, parmi d’autres, de la notion de procès équitable en matière pénale ». Voir aussi Artico c. Italie, App. N°6694/74, para. 33, CEDH, 13 mai 1980. Les affaires de la CEDH sont disponibles sur le site https://hudoc.echr.coe.int/fre#%20.

[12] PIDCP art. 14(3)(d) ; Taylor c. Jamaïque, para. 8.2, Communication N°707/1996, Doc. ONU CCPR/C/60/D/707/1996, HCDH, 14 juin 1996 (« …toute personne accusée d’une infraction pénale a droit à avoir l’assistance d’un défenseur de son choix ; si elle n’a pas de défenseur, à être informée de son droit d’en avoir un, et, chaque fois que l’intérêt de la justice l’exige, à se voir attribuer d’office un défenseur, sans frais, si elle n’a pas les moyens de le rémunérer »).

[13] Principes de base relatifs au rôle du barreau, para. 3 : « Les pouvoirs publics prévoient des fonds et autres ressources suffisantes permettant d’offrir des services juridiques aux personnes les plus démunies et, le cas échéant, à d’autres personnes défavorisées. Les associations professionnelles d’avocats doivent collaborer à l’organisation et à la fourniture des services, moyens et ressources pertinents ». Dans Reid c. Jamaïque, le Comité a estimé que « lorsqu’il s’agit en particulier de procès pouvant entraîner la peine capitale, l’assistance juridictionnelle devrait permettre à l’avocat de préparer la défense de son client dans des conditions propres à assurer que justice sera faite, et devrait comprendre notamment une rémunération adéquate de ses services » para. 13, Communication N°250/1987, Doc. ONU CCPR/C/39/D/250/1987, 1990.

[14] Artico c. Italie, App. No. 6694/74, para. 33, CEDH, 13 mai 1980.

[15] Comm. ADHP, Directives et principes sur le droit à un procès équitable et à l’assistance judiciaire en Afrique, para. (H)(d), 2003.

[16] PIDCP, art.14(3)(f) ; Convention européenne des droits de l’homme, art. 6(3)(e) ; CADH, art. 8(2)(a) ; Statuts TPIR, art. 20(4)(f) ; Statuts TPIY, art. 21(4)(f).

[17] ONU Ass. Gen., Principes et lignes directrices des Nations Unies sur l’accès à l’assistance juridique dans le système de justice pénale, Ligne directrice 5, Doc. ONU A/67/458, 6 décembre 2012 ; Comm. ADHP, Directives et principes sur le droit à un procès équitable et à l’assistance judiciaire en Afrique, para. (H)(c), 2003.

[18] ONU Ass. Gen., Principes et lignes directrices des Nations Unies sur l’accès à l’assistance juridique dans le système de justice pénale, Ligne directrice 5, Doc. ONU A/67/458, 6 décembre 2012 ; Comm. ADHP, Directives et principes sur le droit à un procès équitable et à l’assistance judiciaire en Afrique, para. (H)(c), 2003.

[19] Dans les pays où la peine de mort obligatoire est appliquée, les tribunaux ne peuvent pas toujours tenir compte de ces facteurs pour prononcer une condamnation pour certains crimes. Cependant, il reste capital d’enquêter sur le passé de votre client·e. Même dans les pays où la peine de mort obligatoire est appliquée les procureurs peuvent faire usage de leur pouvoir de discrétion pour inculper votre client·e d’un crime moins grave qui ne serait pas nécessairement passible de la peine de mort. Vous pouvez contribuer à convaincre les procureurs d’utiliser leur pouvoir de discrétion pour éviter la peine de mort en leur présentant des preuves attestant que votre client·e est atteint·e d’un trouble mental a été objet de violences, ou autres.

[20] ECOSOC, Application des Garanties pour la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort, Résolution 1989/64, para. 1(a), 24 mai 1989.

[21] Kelly c. Jamaïque, Communication No. 253/1987, para. 7, ONU Doc. CCPR/C/41/D/253/1987, 8 avril 1991.

[22] DUDH, art. 11(1).

[23] D’autre part, l’article 14(3) du PIDCP dispose que « Toute personne accusée d’une infraction pénale a droit, en pleine égalité (…) A disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense et à communiquer avec le conseil de son choix; A être jugée sans retard excessif; A être présente au procès et à se défendre elle-même ou à avoir l’assistance d’un défenseur de son choix; si elle n’a pas de défenseur, à être informée de son droit d’en avoir un, et, chaque fois que l’intérêt de la justice l’exige, à se voir attribuer d’office un défenseur, sans frais, si elle n’a pas les moyens de le rémunérer ».

[24] CADHP, art. 7(1).

[25] PIDCP, art. 14(3)(b) ; Voir également, Convention européenne des droits de l’homme, art. 6(3)(b) ; CADH, art. 8(2)(c) ; CADHP, 7(1)(c) ; Comm. ADHP, Directives et principes sur le droit à un procès équitable et à l’assistance judiciaire en Afrique, para. (N)(3), 2003 ; Statuts TPIY, art. 21(4)(b) ; Statuts TPIR, art. 20(4)(b) ; Statut de Rome CPI, art. 67(1)(b).

[26] Observation Générale 13, Article 14 (vingt et unième session, 1984), Compilation des commentaires généraux et Recommandations générales adoptées par les organes des traités, para. 14, Doc. ONU HRI\GEN\1\Rev.1, 1994 « Le temps nécessaire dépend des cas d’espèce, mais les facilités doivent comprendre l’accès aux documents et autres éléments de preuve dont l’accusé a besoin pour préparer sa défense, ainsi que la possibilité de disposer d’un conseil et de communiquer avec lui. » ; Comm. ADHP, Directives et principes sur le droit à un procès équitable et à l’assistance judiciaire en Afrique, para. (N)(3)(c), 2003 « Pour déterminer si le délai accordé à un accusé pour préparer sa défense est suffisant, il faut notamment tenir compte de la complexité de l’affaire, de l’accès de l’accusé aux éléments de preuve, du délai prévu par les règles régissant telle ou telle procédure ou de toute atteinte éventuelle aux droits de la défense. » ; Voir aussi Pedersen & Baadsgaard c. Danemark, App. N°49017/99, CEDH, 17 décembre 2004.

[27] Smith c. Jamaïque, Communication N°282/1988, Doc. ONU CCPR/C/47/D/282/1988, 31 mars 1993 ; Reid c. Jamaïque, Communication N°355/1989, Doc. ONU CCPR/C/51/D/355/1989, 8 juillet 1994 (Le comité a conclu qu’étant donné que l’accusé n’avait rencontré son avocat que 10 minutes avant le procès, cela ne constituait pas un temps de préparation suffisant).

[28] Voir aussi Chaparro Álvarez et Lapo Iñiguez c. Equateur, Cour IDH, 21 novembre 2007 ; Gordillo, Raúl Hilario, G.445.XXI, Fallos: 310:1934, Corte Suprema de Justicia de la Nación (Cour suprême d’Argentine), 29 septembre 1987 ; Goddi c. Italie, App. N°8966/80, CEDH, 9 avril 1984 ; Daud c. Portugal, App. N°22600/93, CEDH, 21 avril 1998 ; Bogumil c. Portugal, App. N°35228/03, CEDH, 7 octobre 2008 ; Öcalan c. Turquie, App. N°46221/99, CEDH (chambre), 12 mars 2003, CEDH (Grande chambre), 5 mai 2005, (violation de l’art. 6(1) et 6(3)(b)).

[29] Little c. Jamaïque, para. 8.3, Communication No. 283/1988, Doc. ONU CCPR/C/43/D/283/1988, CDH, 1er novembre 1991.

[30] PIDCP, art. 9(3) ; CADHP art. 7(1)(d) ; Convention européenne des droits de l’homme, art. 6(1) ; CADH, art. 8(1).

[31] ECOSOC, Garanties pour la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort, Res. 1996/15, 23 juillet 1996.

[32] ONU Ass. Gen., Principes et lignes directrices des Nations Unies sur l’accès à l’assistance juridique dans le système de justice pénale, principe 2, Doc. ONU A/67/458, 6 décembre 2012.

[33] PIDCP, art.14(3)(f) ; Convention européenne des droits de l’homme, art. 6(3)(e) ; CADH, art. 8(2)(a) ; Statuts TPIR, art. 20(4)(f) ; Statuts TPIY, art. 21(4)(f).

[34] Amnesty International, Bonne cause, mauvais moyens : atteintes aux droits humains et à la justice dans le cadre de la lutte contre Boko Haram au Cameroun, https://www.amnesty.org/fr/documents/afr17/4260/2016/fr/, juillet 2016.

[35] Cornell Center on the Death Penalty Worldwide, Déni de justice : Une étude mondiale sur les erreurs judiciaires dans les couloirs de la mort, p. 12 et s., https://deathpenaltyworldwide.org/pdf/innocence-french.pdf, janvier 2018.

[36] Kevin Mgwanga Gunme et autres c. Cameroun, Communication 266/03, para. 128, Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples, 27 mai 2009.

[37] Cornell Center on the Death Penalty Worldwide, Déni de justice : Une étude mondiale sur les erreurs judiciaires dans les couloirs de la mort, p. 15 et s https://deathpenaltyworldwide.org/publication/justice-denied-a-global-study-of-wrongful-death-row-convictions/deni-de-justice-une-etude-mondiale-sur-les-erreurs-judiciaires-dans-les-couloirs-de-la-mort/, janvier 2018.

[38] Cornell Center on the Death Penalty Worldwide, Déni de justice : Une étude mondiale sur les erreurs judiciaires dans les couloirs de la mort, p. 15 et s., https://deathpenaltyworldwide.org/publication/justice-denied-a-global-study-of-wrongful-death-row-convictions/deni-de-justice-une-etude-mondiale-sur-les-erreurs-judiciaires-dans-les-couloirs-de-la-mort/, janvier 2018.

[39] Les noms ont été modifiés.

[40] PIDCP, art. 14(3)(e) « Toute personne accusée d’une infraction pénale a droit (…) à interroger ou faire interroger les témoins à charge ».

[41] DUDH, art. 11 ; PIDCP, art. 14(2) ; CADHP, art. 7(1)(b) ; CADH, art. 8(2) ; Convention européenne des droits de l’homme, art. 6(2).

[42] Bradley A. Maclean, Effective Capital Defense Représentation and the Difficult Client (La représentation effective de la défense dans les affaires de peine de mort et les clients difficiles), 76 TENNESSEE LAW REVIEW 661, 674, 2009 (« Dans les affaires de peine de mort, lorsque la vie du client est en jeu, plus qu’en tout autre circonstances, la relation de proximité et de confiance entre l’avocat et son client est capitale » [Traduction non-officielle]).

[43] Le nom a été modifié.

[44] Principes de base relatifs au rôle du barreau, adoptés par le huitième Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants, principes 8 et 22, 1990 ; Ensemble de principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d’emprisonnement, Adopté par l’Assemblée générale dans sa résolution 43/173 du 9 décembre 1988, principe 18(1) ; Comn. ADHP, Directives et principes sur le droit à un procès équitable et à l’assistance judiciaire en Afrique, 2003, (point N.3.e « Toute personne arrêtée, détenue ou emprisonnée doit disposer des possibilités, du temps et des facilités nécessaires lui permettant de recevoir les visites d’un avocat et de communiquer avec lui, sans retard, sans être l’objet d’immixtion ou de censure et dans le respect le plus strict de la confidentialité de ces communications. 1. Le droit de s’entretenir en privé avec son avocat et d’échanger des informations ou des instructions confidentielles est un aspect essentiel de la préparation de la défense. Des dispositions doivent être prises pour que les communications du prévenu avec son conseil puissent se faire dans des conditions garantissant leur caractère confidentiel »).

[45] Maclean, Effective Capital Defense Représentation (Représentation effective de la défense [Traduction non-officielle]), p. 674.

[46] Leona D. Jochnowitz, Missed Mitigation: Counsel’s Evolving Duty to Assess and Present Mitigation at Death Penalty (Circonstances atténuantes manquées : évolution du devoir de l’avocat d’évaluer et de présenter des circonstances atténuantes dans les affaires de peine de mort [Traduction non-officielle]), 43 N°1 CRIMINAL LAW BULLETIN, Art. 5, 2007.

[47] Maclean, Effective Capital Defense Representation (Représentation effective de la défense [Traduction non-officielle]), p. 670.

[48] Ibid. p. 676.

[49] Code de conduite professionnelle des conseils, art. 16, CPI, https://www.icc-cpi.int/iccdocs/PIDS/docs/COPCFra.pdf, décembre 2005.

[50] La plupart des codes de conduite des avocats tiennent compte des règles portant sur les conflits d’intérêts : Règlement N°05/CM/UEMOA relatif à l’harmonisation des règles régissant la profession d’avocat dans l’espace UEMOA, http://ordredesavocats.sn/reglement-n05cmuemoa-relatif-a-lharmonisation-des-regles-regissant-la-profession-davocat-dans-lespace-uemoa/, 2014, (art. 39 : « L’avocat ne doit être, ni le conseil, ni le représentant, ni le défenseur de plus d’un client dans une même affaire s’il existe un risque sérieux de conflit d’intérêts. Il doit s’abstenir de s’occuper des affaires de tous les clients concernés lorsque surgit un conflit d’intérêts, lorsque le secret professionnel risque d’être violé ou lorsque son indépendance risque de ne plus être entière. »). Code de déontologie des conseils comparaissant devant la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, art. 13 sur les conflits d’intérêts.

[51] John Stewart Geer, Representation of Multiple Criminal Defendants: Conflicts of Interest and the Professional Responsibilities of the Defense Attorney (Représentation de plusieurs accusés au pénal : conflits d’intérêts et responsabilité professionnelle de l’avocat de la défense [Traduction non-officielle]), 62 MINNESOTA LAW REVIEW 119, 126-31, 1997-1998.

[52] Gary T. Lowenthal, Joint Representation in Criminal Cases: A Critical Appraisal (Représentation conjointe dans les affaires pénales : une évaluation capitale [Traduction non-officielle]) , 64 VIRGINIA LAW REVIEW 939, 944, 1978. Voir aussi Gary T. Lowenthal, Why Representing Multiple Defendants is a Bad Idea (Almost Always) (Pourquoi, dans la plupart des cas, il ne vaut mieux pas représenter plusieurs accusés [Traduction non-officielle]), 3 CRIMINAL JUSTICE 7, 1998-1999.

[53] ONU Ass. Gén., Principes et lignes directrices des Nations Unies sur l’accès à l’assistance juridique dans le système de justice pénale, principe 3 et principe 7, Doc. ONU A/67/458, 6 décembre 2012.

[54] PIDCP art. 14(3)(d) ; CADHP art. 7(1)(c) ; Règles Nelson Mandela, règles 61 & 119 ; Lignes directrices Luanda, Commn. ADHP, principes 4(d) & 8 ; ONU Ass. Gén., Principes et lignes directrices des Nations Unies sur l’accès à l’assistance juridique dans le système de justice pénale, principe 3, Doc. ONU A/67/458, 6 décembre 2012 ; Comm. ADHP, Directives et principes sur le droit à un procès équitable et à l’assistance judiciaire en Afrique, para. (N)(2)(b) & (f), 2003.

[55] ONU Ass. Gén., Principes et lignes directrices des Nations Unies sur l’accès à l’assistance juridique dans le système de justice pénale, principe 3, Doc. ONU A/67/458, 6 décembre 2012 ; Comm. ADHP, Directives et principes sur le droit à un procès équitable et à l’assistance judiciaire en Afrique, para. (N)(2)(b) & (f), 2003 ; Résolution sur les lignes directrices et mesures pour l’interdiction et la prévention de la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants en Afrique (Lignes directrices de Robben Island), Commn. ADHP, art. 20 (c), 23 octobre 2002.

[56] Lignes directrices Luanda, Commn. ADHP, principe 9(b) « Le droit des personnes interrogées de garder le silence doit être respecté en toutes circonstances. Il est interdit d’abuser de la situation d’une personne détenue pour la contraindre ou l’inciter à avouer, à s’auto-incriminer ou à témoigner contre une autre personne ».

[57] Lignes directrices Luanda, Commn. ADHP, principe 7(b)(ii) « La durée maximale de la garde à vue, avant que la personne arrêtée ne doive être traduite devant un juge, doit être fixée par le droit national, lequel prescrit un délai ne pouvant excéder 48 heures, pouvant être prorogé dans certaines circonstances par l’autorité judiciaire compétente, conformément au droit et aux normes internationales ».

[58] Lignes directrices Luanda, Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, principe 9(d).

[59] CAT, art. 15.

[60] PIDCP, art. 10(1) (« Toute personne privée de sa liberté est traitée avec humanité et avec le respect de la dignité inhérente à la personne humaine »).

[61] Ass. Gén. ONU, 70e session, Résolution 70/175, Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus, règle 3, Doc. ONU A/RES/70/175, 17 décembre 2015 (Règles Nelson Mandela) ; Lignes directrices sur les conditions d’arrestation, de garde à vue et de détention provisoire en Afrique (Lignes directrices Luanda), Commn. ADHP, principe 23, mai 2014.

[62] DUDH, art. 5 ; CAT, art. 2 et 16 ; PIDCP, art. 7 ; CADHP, art. 5 ; Ass. Gén. ONU, 43e session, Résolution 43/173, Ensemble de principes pour la protection de toutes personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d’emprisonnement de l’ONU, Principe 6, Doc. ONU A/RES/43/173, https ://www.ohchr.org/FR/ProfessionalInterest/Pages/DetentionOrImprisonment.aspx, 9 décembre 1988 ; Ass. Gén. ONU, Résolution 34/169, Code de conduite pour les responsables de l’application des lois, art. 5, https ://www.ohchr.org/FR/ProfessionalInterest/Pages/LawEnforcementOfficials.aspx, 17 décembre 1979 ; Règles Nelson Mandela, règle 1 ; Lignes directrices Luanda, Commn. ADHP, principe 24, mai 2014.

[63] Règles Nelson Mandela, règle 112 ; Lignes directrices Luanda, Commn. ADHP, principe 26.

[64] Lignes directrices Luanda, Commn. ADHP, principe 32(b)(ii).

[65] Règles Nelson Mandela, règle 112 ; Lignes directrices Luanda, Commn. ADHP, principe 31(d)(ii).

[66] Règles Nelson Mandela, règles 12 à 17, et 21 ; Lignes directrices Luanda, Commn. ADHP, principe 4(e).

[67] Règles Nelson Mandela, règles 96 à 103 ; Lignes directrices Luanda, Commn. ADHP, principe 28.

[68] Règles Nelson Mandela, règle 23 ; Lignes directrices Luanda, Commn. ADHP, principe 28.

[69] Règles Nelson Mandela, règles 24 à 35 ; Lignes directrices Luanda, Commn. ADHP, principe 28.

[70] Règles Nelson Mandela, règles 22 et 114 ; Lignes directrices Luanda, Commn. ADHP, principe 4(e).

[71] Règles Nelson Mandela, règles 2 et 66 ; Lignes directrices Luanda, Commn. ADHP, principe 14(a).

[72] Règles Nelson Mandela, règle 58 ; Lignes directrices Luanda, Commn. ADHP, principe 27.

[73] Règles Nelson Mandela, règle 61 ; Lignes directrices Luanda, Commn. ADHP, principe 14(c).

[74] PIDCP, art. 14(2) ; CADHP art. (7)(1)(b) ; CADH, art. 8(2) ; Convention européenne des droits de l’homme, art. 6(2).

[75] PIDCP, art. 9(3) ; CADH, art. 7(5) ; Convention européenne des droits de l’homme, art. 5(3) ; Lignes directrices Luanda, Commn. ADHP, principe 11(a).

[76] PIDCP, art. 14(2) ; CADHP, art. 6 & 7(1)(b) ; CADH, art. 8(2) ; Convention européenne des droits de l’homme, art. 5 & 6(2).

[77] Code de procédure pénale français, art. 137 al. 1.

[78] PIDCP, art. 9(3) ; Convention européenne des droits de l’homme, art. 5(3) ; CADH, art. 7(5) ; Lignes directrices Luanda, Commn. ADHP, principe 11(a).

[79] PIDCP, art. 9(3) (« La détention de personnes qui attendent de passer en jugement ne doit pas être de règle, mais la mise en liberté peut être subordonnée à des garanties assurant la comparution de l’intéressé à l’audience, à tous les autres actes de la procédure et, le cas échéant, pour l’exécution du jugement. ») ; Lignes directrices Luanda, Commn. ADHP, principe 10(b) (« La détention provisoire est une mesure de dernier recours et ne doit être utilisée que si cela s’avère nécessaire et en l’absence de toute autre alternative. »), principe 11(d) (« Les autorités judiciaires doivent fournir par écrit les motifs des décisions ordonnant la détention provisoire. Ceux-ci doivent faire ressortir clairement que des mesures de substitution à la détention provisoire ont été envisagées. ») ; Convention européenne des droits de l’homme art. 5(3) ; Michael & Brian Hill c. Espagne, para. 12.3, Communication No. 526/1993, Doc. ONU CCPR/C/59/D/526/1993, HCDH, 2 avril 1997 (explique que même en présence d’une crainte que le suspect se soustrait à la juridiction s’il était libéré, l’État ne peut pas imposer la détention provisoire sans justifier les raisons de cette crainte et les raisons pour lesquelles des mesures alternatives ne permettraient pas d’écarter cette crainte  : « L’État partie a certes fait valoir qu’il y avait de bonnes raisons de craindre que les auteurs quitteraient le territoire espagnol s’ils étaient libérés sous caution. Toutefois il n’a pas indiqué le moindre élément étayant cette crainte ni les raisons pour lesquelles le risque ne pouvait pas être écarté en fixant une somme appropriée pour la caution et en imposant d’autres conditions à la libération. La seule conjecture d’un État partie qui suppose qu’un étranger risque de se soustraire à sa juridiction s’il est libéré sous caution ne justifie pas de faire exception à la règle énoncée au paragraphe 3 de l’article 9 du Pacte. »).

[80] PIDCP, art. 9(3) ; Convention européenne des droits de l’homme, art. 5(3) ; CADH, art. 7(5) ; Michael & Brian Hill c. Espagne, para. 12.3, Communication No. 526/1993, Doc. ONU CCPR/C/59/D/526/1993, HCDH, 2 avril 1997 (« Le Comité réaffirme, conformément à sa jurisprudence, que la détention avant jugement doit être l’exception et que la libération sous caution doit être accordée, sauf dans les cas où le suspect risque de se cacher ou de détruire des preuves, de faire pression sur les témoins ou de quitter le territoire de l’État partie. (…) La seule conjecture d’un État partie qui suppose qu’un étranger risque de se soustraire à sa juridiction s’il est libéré sous caution ne justifie pas de faire exception à la règle énoncée au paragraphe 3 de l’article 9 du Pacte. »).

[81] PIDCP, art. 9(3) & (4) ; CADH, art. 7(5) & (6) ; Convention européenne des droits de l’homme, art. 5(3).

[82] Stephens c. Jamaïque, para. 9.6, Communication No. 373/1989, Doc. ONU CCPR/C/55/D/373/1989, HCDH, 18 octobre 1995 (la durée entre l’arrestation et la première comparution devant le juge « ne doit pas dépasser quelques jours ») ; Lignes directrices Luanda, Commn. ADHP, principe 7(b) (« La durée maximale de la garde à vue, avant que la personne arrêtée ne doive être traduite devant un juge, doit être fixée par le droit national, lequel prescrit un délai ne pouvant excéder 48 heures ») ; PIDCP, art. 9(3) (« Tout individu arrêté ou détenu du chef d’une infraction pénale sera traduit dans le plus court délai devant un juge ou une autre autorité habilitée par la loi à exercer des fonctions judiciaires, et devra être jugé dans un délai raisonnable ou libéré. »).

[83] HCDH, observation générale N°13 Article 14 (21e session, 1984), para. 7, Doc. ONU HRI\GEN\1\Rev.1, https://undocs.org/fr/HRI/GEN/1/Rev.1, 29 juillet 1994.

[84] Michael & Brian Hill c. Espagne, para. 12.3, Communication No. 526/1993, Doc. ONU CCPR/C/59/D/526/1993, HCDH, 2 avril 1997 (« Le Comité réaffirme, conformément à sa jurisprudence, que la détention avant jugement doit être l’exception et que la libération sous caution doit être accordée, sauf dans les cas où le suspect risque de se cacher ou de détruire des preuves, de faire pression sur les témoins ou de quitter le territoire de l’État partie. »).

[85] CDH, Groupe de travail sur la détention arbitraire, Avis no 77/2018, concernant M. Sabeur Lajili (Tunisie), Doc. ONU A/HRC/WGAD/2018/77, 17 janvier 2019.

[86] Code de procédure pénale malien, art. 117, « Les conseils de l’inculpé et de la partie civile, tant au cours de l’instruction qu’après avoir pris communication de la procédure au greffe, peuvent conclure par écrit à l’audition de nouveaux témoins, à des confrontations, expertises et tous actes d’instruction qu’ils jugeront utiles à la défense de l’inculpé et aux intérêts de la partie civile. Le juge doit motiver l’ordonnance par laquelle il refuse de procéder aux mesures d’instruction complémentaires qui lui sont demandées. »

[87] Voir par exemple, Reyes c. La Reine, UKPC, 2 AC 235, 241, (appel Belize) 2002 ; Coard c. Ministère Public. [2007] UKPC 7 (appel Grenade) 2007 ; Dacosta Cadogan c. Barbade, Cour inter-américaine des droits de l’homme, 24 septembre 2009 ; Kigula & Autres c. Ministère Public, 2006 Cour suprême, Appel constitutionnel N°03, Ouganda, 2009 ; Woodson c. Caroline du Nord, 428 U.S. 280, États-Unis, 1976 ; Mithu c. Punjab, 2 SCR 690, (Rapport de la Cour Suprême d’Inde), 1983.

[88] Au Cameroun, par exemple, « [l]es actes du Juge d’Instruction peuvent être frappés d’appel devant la Chambre de Contrôle de l’Instruction », Code de procédure pénale du Cameroun, art. 267, 27 juillet 2005.

[89] Leona D. Jochnowitz, Missed Mitigation : Counsel’s Evolving Duty to Assess and Present Mitigation at Death Penalty (Les circonstances atténuantes manquées : l’évolution du devoir de l’avocat d’évaluer et de présenter des circonstances atténuantes pour une peine capitale), 43 N°1 CRIMINAL LAW BULLETIN (Bulletin de droit pénal) Art. 5, 2007. [Traduction non officielle]

[90] Voir par exemple, Allen P. Wilkinson & Ronald M. Gerughty, Bite Mark Evidence: Its Admissibility is Hard to Swallow, (La preuve d’une marque de morsure : son admissibilité est difficile à avaler) 12 Western State University Law Review (Revue judiciaire de l’université de Western State) 519, 560, 1985. [Traduction non officielle]

[91] Entretien avec Ameir Mohamed Suleiman, African Center for Justice and Peace Studies (Centre africain d’études sur la justice et la paix), 24 février 2010.

[92] CAT, art. 15 ; PIDCP, art. 14 ; CADHP, art. 5 et 7.

[93] Dans l’affaire Strickland c. Washington, 466 U.S. 668 (1984), la Cour Suprême des États-Unis a maintenu que dans le cadre d’une affaire de peine capitale, l’avocat de la défense a pour devoir de mener une enquête suffisante sur les défenses potentielles pouvant annuler ou atténuer la responsabilité ou de montrer de manière éclairée qu’une telle enquête s’avère inutile.

[94] Voir ECOSOC, Garanties des Nations unies pour la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort, para. 3, Résolution No. 1984/50, ONU Doc. E/1984/84, 25 mai 1984 ; PIDCP, art. 6(5) ; L’article 37 de la Convention des droits de l’enfant dispose que les États doivent veiller à ce que « nul enfant ne soit soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Ni la peine capitale ni l’emprisonnement à vie sans possibilité de libération ne doivent être prononcés pour les infractions commises par des personnes âgées de moins de dix-huit ans ».

[95] ECOSOC a déclaré que les États doivent supprimer la peine de mort « tant au stade la condamnation qu’au stade de l’exécution pour les handicapés mentaux ou les personnes dont les capacités mentales sont extrêmement limitées », ECOSOC, Application des garanties pour la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort, Résolution No. 1989/64, ONU Doc. E/1989/91, 24 mai 1989. La Commission des droits de l’homme a également demandé aux États de ne pas appliquer la peine de mort aux « personnes atteintes d’une quelconque forme de déficience mentale ou intellectuelle », Commn. Droits de l’homme, Question de la peine de mort, ONU Doc. E/CN.4/2005/L.77, 14 avril 2005. Voir également : Commn. Droits de l’homme, Rapport sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, para. 116, ONU. Doc. E/CN.4/1997/60, 24 décembre 1996 (demandant aux États condamnant des malades mentaux à la peine capitale de rendre leur législation nationale conforme aux normes internationales).

[96] Voir par exemple le PIDCP, art. 6(5).

[97] À ce jour, la Convention américaine relative aux droits de l’homme est le seul traité international qui interdit l’exécution des personnes âgées de plus de 70 ans au moment du crime, Art. 4(5), 1144 U.N.T.S.146, 22 novembre 1969.

[98] Bradley A. Maclean, Effective Capital Defense Representation and the Difficult Client (Clients difficiles et représentation efficace de la défense dans les affaires de peine capitale), 76 TENNESSEE LAW REVIEW (REVUE JURIDIQUE DU TENNESSEE) 661, 670, 2009. [Traduction non officielle]

[99] ABA Guidelines for the Appointment and Performance of Defense Counsel in Death Penalty Cases (Directives de l’ABA pour la désignation et le travail de l’avocat de la défense dans les affaires de peine capital), § 10.7, « Investigation », https://www.americanbar.org/content/dam/aba/administrative/death_penalty_representation/2003guidelines.authcheckdam.pdf, février 2003.

[100] Daniel Payne, Building the Case for Life: A Mitigation Specialist as a Necessity and a Matter of Right (Bâtir un dossier en faveur de la Vie : Un spécialiste des circonstances atténuantes est une nécessité et une question de droit), 16 Capital Defense Journal 43, 2003. [Traduction non-officielle]

[101] Voir par exemple : Code de procédure pénale camerounais, art. 203. Code de procédure pénale mauritanien, art. 141 et 143. Code de procédure pénale tunisien, art. 101.

[102] Voir par exemple : Code de procédure pénale malien, art. 151.

[103] Voir par exemple : Code de procédure pénale tunisien, art. 150. Code de procédure pénale camerounais, art. 310. Code de procédure pénal mauritanien, art. 363. Code de procédure pénale malien, art. 165.

[104] Dacosta Cadogan c. Barbade, para. 80-88, Cour interaméricaine des droits de l’homme, 24 septembre 2009. De la même manière, le Comité Privé et les tribunaux des Caraïbes ont reconnu que l’État doit fournir une enquête sociale et des rapports d’évaluation psychiatrique pour tous les prisonniers pouvant être condamnés à mort. Pipersburgh c. R. 72 WIR 108 (PC) (2008) (« C’est la nécessité de considérer les circonstances individuelles et personnelles du condamné et, notamment, la possibilité qu’il puisse changer et se réadapter dans la société, qui rendent les enquêtes sociales et les rapports d’évaluation psychiatrique nécessaires pour de telles audiences de détermination de la peine. ») [Traduction non officielle] ; voir également DPP c. Che Gregory Spencer, Cour suprême de la Caraïbe orientale, Haute Cour de justice, Fédération de Saint-Christophe-et-Niévès, para. 3, 2009 (« Il est désormais aussi courant que l’État fournisse un Rapport d’enquête sociale ainsi qu’un Rapport d’évaluation psychiatrique »).

[105] Voir par exemple : Code de procédure pénale mauritanien, art. 363. Code de procédure pénale camerounais, art. 308. Code de procédure pénale art. 150. Code de procédure pénale malien, art. 412.

[106] Cass. Crim., 6 avril 1994 ; Cass. crim., 31 janvier 2012.

[107] Voir par exemple : Code de procédure pénale tunisien, art. 150. Code de procédure pénale camerounais, art. 310. Code de procédure pénal mauritanien, art. 363. Code de procédure pénale malien, art. 412.

[108] Les Règles de Brasilia sur l’accès à la justice des personnes vulnérables stipulent que les facteurs suivants peuvent être considérés comme une vulnérabilité : l’âge, le handicap, l’appartenance à une minorité ou une communauté indigène, la victimisation, la migration, la pauvreté, le sexe ou la privation de liberté. Les Règles de Brasilia soulignent également l’importance des politiques publiques et d’une assistance juridique qualifiées pour ces personnes jugées vulnérables. « 100 Regras de Brasilia sobre Acceso a la Justicia de las Personas en condición de Vulnerabilidad » furent approuvées par le 14e Sommet Judiciaire Latino-américain en 2008. Il existe depuis un Protocole sur l’accès à la justice des personnes et groupes vulnérables,

http://www.cumbrejudicial.org/productos-y-resultados/productos-axiologicos/item/38-protocolo-de-acceso-a-la-justicia-para-personas-y-grupos-vulnerables.

[109] PIDCP, art. 6(5) ; CADH, art. 4(5) ; ACRWC, art. 5(3).

[110] PIDCP, art. 6(5) ; CADH, art. 4(5) ; ACRWC, art. 30(e).

[111] CADH, art. 4(5), « La peine de mort ne peut être infligée aux personnes qui, au moment où le crime a été commis, étaient âgées (…) de plus de soixante-dix ans ».

[112] ACRWC, art. 30(e) ; Charte arabe des Droits de l’homme, art. 7(b).

[113] ACRWC, art. 30(e) ; Charte arabe des Droits de l’homme, art. 7(b) ; ECOSOC, Garanties pour la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort, Résolution No. 1984/50, 25 mai 1984 « la sentence de mort ne sera pas exécutée dans le cas (…) de la mère d’un jeune enfant ».

[114] ECOSOC, Garanties pour la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort, Résolution No. 1984/50, 25 mai 1984 « la sentence de mort ne sera pas exécutée dans le cas (…) de personnes frappées d’aliénation mentale. » ; Conseil des Droits de l’homme des Nations Unies, Rapport présenté par le Rapporteur spécial à la Commission des Droits de l’homme, S. Amos Wako, para. 279-283, E/CN.4/1989/25, 6 février 1989.

[115] Convention de Vienne sur les relations consulaires, art. 36, 1993.

[116] The Treatment of Prisoners Under International Law (Le traitement des prisonniers en droit international) [Traduction non officielle], pp. 322, 324, Oxford Univ. Press, 2008.

[117] Rodley, The Treatment of Prisoners Under International Law (Le traitement des prisonniers en droit international) [Traduction non officielle], pp.322, 324, Oxford Univ. Press, 2008 : « La différence de formulation entre le vocabulaire employé à propos des personnes âgées de moins de 18 ans (« ne doit être imposé ») et celui employé à propos des femmes enceintes (« ne doit être mené à bien ») suggère l’idée répugnante qu’une fois l’accouchement passé, la femme pourra éventuellement être exécutée. » [Traduction non-officielle].

[118] Rodley, The Treatment of Prisoners Under International Law (Le traitement des prisonniers en droit international) [Traduction non officielle], p. 324, Oxford Univ. Press, 2008.

[119] Rodley, The Treatment of Prisoners Under International Law (Le traitement des prisonniers en droit international) [Traduction non officielle], p. 324, Oxford Univ. Press, 2008.

[120] Site internet du Cornell Center on the Death Penalty Worldwide: https://deathpenaltyworldwide.org/fr/.

[121] CRC, art. 1.

[122] Comité des droits de l’enfant, 41e session, Observations finales : Arabie saoudite, Doc. ONU CRC/C/SAU/CO/2, 17 mars 2006.

[123] Rodley, The Treatment of Prisoners Under International Law (Le traitement des prisonniers en droit international) [Traduction non officielle], p. 322, Oxford Univ. Press, 2008.

[124] Domingues c. États-Unis, paras. 84-85, affaire 12.285, rapport N°62/02, CIDH, 22 octobre 2002. Voir également Thomas c. États-Unis, para. 84, affaire 12.240, rapport N°100/03, CIDH, 29 décembre 2003 (« L’importante jurisprudence des États dans leur ensemble (…) démontre une attitude constante et générale de la part des États du globe indiquant que la communauté internationale considère l’exécution de prévenus âgés de moins de 18 ans à l’époque de leur crime comme allant à l’encontre des normes morales prédominantes. La Commission considère par conséquent qu’une norme de droit coutumier international a vu le jour, interdisant l’exécution de prévenus âgés de moins de 18 au moment des faits. »). [Traduction non officielle]

[125] PIDCP, art. 24(2) ; CRC, art. 7.

[126] ECOSOC, Directives relatives aux enfants dans le système de justice pénale, Résolution No. 1997/30, annexe, para. 12, 21 juillet 1997.

[127] CRC, Observation générale 10, paras. 35, 39.

[128] UNICEF, Innocenti Insight: Birth Registration and Armed Conflict (Publication d’Innocenti Insight : Enregistrement des naissances et conflits armés) [Traduction non officielle], https://www.unicef-irc.org/publications/468-birth-registration-and-armed-conflict.html, 2007.

[129] CADH, art. 4(5).

[130] Constitution du Soudan, art. 36(2).

[131] Constitution du Soudan du Sud, art. 21(2).

[132] Code de procédure pénale du Zimbabwe (Criminal Procedure and Evidence Act), art. 338(b).

[133] Code pénal de la République de Biélorussie, art. 59.2(3), 2009.

[134] ECOSOC, Application des Garanties pour la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort, Résolution No. 1989/64, 24 mai 1989 ; Rodley, The Treatment of Prisoners Under International Law (Le traitement des prisonniers en droit international) [Traduction non officielle], p. 325, Oxford Univ. Press, 2008.

[135] Voir par exemple, Code de procédure pénale malien, art. 149.

[136] Le Rapporteur spécial sur la santé a observé que le terme « déficience mentale » englobe un immense éventail d’invalidités et de conditions allant de la déficience intellectuelle à de graves troubles psychiatriques, ECOSOC, Rapport du Rapporteur spécial, M. Paul Hunt, sur le droit qu’à toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible, para. 19, E/CN.4/2005/51, 11 février 2005.

[137] En 1984, l’ECOSOC s’est penché pour la première fois sur ce problème et a conclu que la peine capitale ne peut être appliquée sur des personnes aliénées, ECOSOC, Garanties pour la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort, Résolution No. 1984/50, 25 mai 1984. L’ECOSOC recommande aux États de supprimer « la peine de mort, tant au stade de la condamnation qu’à celui de l’exécution pour les handicapés mentaux ou les personnes dont les capacités mentales sont extrêmement limitées », ECOSOC, Application des Garanties pour la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort, para. 1(d), Résolution No. 1989/64, 24 mai 1989 ; Le Comité des droits de l’homme des Nations Unies a décidé que la notification d’un ordre d’exécution à une personne mentalement incapable constitue une violation de l’article 7 du Pacte, R. S. c. Trinité-et-Tobago, Communication No. 684/1996, Comité des droits de l’homme des Nations Unies, 2 avril 2002.

[138] Voir par exemple, Pipersburgh c. R, 72 WIR 108, ¶ 33, 2008 (« C’est la nécessité de considérer les circonstances individuelles et personnelles du condamné et, notamment, la possibilité qu’il puisse changer et se réadapter dans la société, qui rendent les enquêtes sociales et les rapports d’évaluation psychiatrique nécessaires pour de telles audiences de détermination de la peine. ») [Traduction non officielle]. Voir également DPP Spencer c. Che Gregory, E. Carib. Cour Suprême, Haute Cour de justice, Fédération de Saint-Christophe-et-Niévès, ¶ 3, 2009 (« Il est désormais aussi courant que l’État fournisse un Rapport d’enquête sociale ainsi qu’un Rapport d’évaluation psychiatrique »). [Traduction non officielle]

[139] Association Américaine de Psychiatrie, Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, DSM-5, Elsevier Masson, 2015.

[140] Ouganda c. Bwenge, High Court Uganda, HCT-03-CR-SC-190/1996, 2009.

[141] Ouganda c. Bwenge, High Court Uganda, HCT-03-CR-SC-190/1996, 2009.

[142] Ouganda c. Bwenge, High Court Uganda, HCT-03-CR-SC-190/1996, 2009.

[143] République du Malawi c. Margret Nadzi Makolija, Sentence Rehearing Cause No. 12 of 2015, (jugement non répertorié).

[144] Voir par exemple, le site internet Psycom (https://www.psycom.org/) ou le site internet de Mouvement Santé Mentale Québec (https://www.mouvementsmq.ca/).

[145] UNODC, Handbook on prisoners with special needs (Manuel sur les prisonniers ayant des besoins particuliers) [Traduction non officielle], p. 12, https://www.unodc.org/documents/justice-and-prison-reform/Prisoners-with-special-needs.pdf.

[146] Assemblée Générale de l’ONU, Principes pour la protection des personnes atteintes de maladie mentale et amélioration des soins de santé mentale, principe 9, Résolution No. 46/119, Doc. ONU A/RES/46/119, 17 décembre 1991.

[147] Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela), Doc. ONU A/CONF/611, annexe I, 1977.

[148] Règles Nelson Mandela, règle 24.

[149] Centre international d’études pénitentiaires, A Human Rights Approach to Prison Management (La gestion pénitentiaire selon une approche fondée sur les Droits de l’homme), p. 50, www.prisonstudies.org. [Traduction non officielle]

[150] Règles Nelson Mandela, règle 44.

[151] Règles Nelson Mandela, règle 82.

[152] Convention de Vienne sur les relations consulaires, art. 36(1)(b). La Convention de Vienne sur les relations consulaires prévoit toute une série de droits pour les ressortissants étrangers.

[153] The American Bar Association’s Guidelines for the Appointment and Performance of Defense Counsel in Death Penalty Cases de (Directives de l’American Bar Association pour la désignation et le travail requis de l’avocat de la défense dans les affaires de peine capitale) [Traduction non officielle] prévoit dans la directive 10.6 que les avocats ont pour devoir d’informer les prévenus ressortissants de pays étrangers de leur droit à contacter leur consulat et doivent obtenir leur consentement pour informer le consulat de leur détention ou arrestation. Voir également Rodley, The Treatment of Prisoners Under International Law (Le traitement des prisonniers en droit international) [Traduction non officielle], p. 1012.

[154] Voir Avis OC-16/99 de la Cour interaméricaine des Droits de l’homme, 1er octobre 1999 ; Avena et autres ressortissants mexicains (Mexique c. États-Unis d’Amérique), arrêt, Cour internationale de Justice, Recueil 2004 p. 12, 31 mars 2004.

[155] Voir Tan Seng Kiah c. R [2002] NTCCA 1, Cour d’appel pénale du Territoire du Nord en Australie sur la suppression des déclarations lorsque le prévenu a été privé de la possibilité de requérir une assistance consulaire.

[156] Dans l’affaire Avena et autres ressortissants mexicains, la Cour internationale de Justice a déclaré que les 51 citoyens mexicains qui avaient été condamnés à la peine capitale aux États-Unis sans avoir été promptement informés de leurs droits consulaires ont droit à ce que leurs condamnations et leurs peines soient examinées de novo afin d’établir s’ils ont été lésés par ces violations. La décision de condamnation à mort d’un citoyen mexicain a ainsi été cassée suite à l’arrêt Avena de la CIJ. Voir Torres c. État de l’Oklahoma, 120 P.3d 1184, 1188 (Oklahoma, Appel constitutionnel 2005), 7 décembre 2005. Des tribunaux en dehors des États-Unis ont également appliqué la décision de la CIJ : BVerfG, Beschluss der 1. Kammer des Zweiten Senats vom 19. September 2006, 2 BvR 2115/01 Rn. (1 – 77), paras. 60-61 (Cour constitutionnelle fédérale d’Allemagne), 19 septembre 2006, http://www.bverfg.de/entscheidungen/rk20060919_2bvr211501.html. La Haute Cour du Malawi a également libéré deux détenus dont les droits consulaires avaient été violés : République c. Lameck Bandawe Phiri, réexamen de la peine, affaire no 25 de 2017 et République c. Mabvuto Alumeta, réexamen de la peine, affaire no 36 de 2017.

[157] Lexique des termes juridiques 2012, 19e éd., Dalloz, 2011.

[158] Voir, par exemple, Code de procédure pénale camerounais, art. 4. Code de procédure pénale français, art. 385.

[159] Code de procédure pénale camerounais, art. 604.

[160] Ake c. Oklahoma, 470 U.S. 68, 1985 ; voir également Pipersburgh c. R, [2008] 72 WIR 108 (PC) (« C’est la nécessité de considérer les circonstances personnelles et individuelles de la personne inculpée et en particulier la possibilité qu’il offre de se corriger et de se réinsérer à la société qui rend l’enquête sociale et les rapports psychiatriques indispensables pour toutes les audiences relatives à la détermination de la peine [Traduction non officielle] ») ; voir également DPP c. Che Gregory Spencer [2009] Cour suprême de la Caraïbe orientale, Haute Cour de justice, Fédération de Saint-Kitts-et-Nevis ¶ 3 (« Il est à présent habituel pour l’accusation de fournir un rapport d’enquête relatif aux conditions sociales ainsi qu’un rapport psychiatrique »).

[161] Pour davantage d’informations, voir Fuenzalida c. Équateur, communication n°480/1991, para. 9.5, Doc. ONU CCPR/C/57/D/480/1991, 12 juillet 1996 (après avoir examiné le rejet de la cour d’ordonner le témoignage d’un expert dont l’importance était cruciale pour l’affaire, le Comité des droits de l’homme a conclu qu’un tel refus constituait une violation des articles 14(3)(e) et 14(5) du PIDCP).

[162] PIDCP, art. 14(3)(b) et (e).

[163] Diocles William c. Tanzanie, Cour africaine des droits de l’homme et des peuples Application No. 016/2016, 21 septembre 2018. (Para. 62 : « la juridiction saisie doit entendre tant les témoins à charge que les témoins à décharge »).

[164] Commn. ADHP, Directives et principes sur le droit à un procès équitable et à l’assistance judiciaire en Afrique, para. (H)(e)(5), 2003.

[165] Commn. ADHP, Directives et principes sur le droit à un procès équitable et à l’assistance judiciaire en Afrique, para. (H)(c), 2003.

[166] Code de procédure pénale camerounais, art. 6. Code de procédure pénale mauritanien, art. 324. Code de procédure pénale malien, art. 379. Code de procédure pénale tunisien, art. 131.

[167] Code de procédure pénale camerounais, art. 6. Code de procédure pénale malien, art. 374. Code de procédure pénale tunisien, art. 131.

[168] Voir par exemple, Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH), art. 7 et 10 ; PIDCP, art. 2(1), 3, 26 ; Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, articles 2 et 15 ; Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale articles 2, 5, et 7 ; CADHP, art. 2 et 3 ; CADH, art. 1, 8(2), 24 ; Déclaration américaine des droits et des devoirs de l’homme, art. II, XVIII ; Convention européenne des droits de l’homme, art. 6 et 14.

[169] Voir DUDH, art. 10 ; PIDCP, art. 14(1) ; CADH, art. 8(1) et 27(2) ; ADHR (Déclaration de l’ASEAN sur les droits de l’homme), art. XXVI ; Convention européenne des droits de l’homme, art. 6(1) ; CADHP, art. 7(1) et 26. Voir également, Principes fondamentaux relatifs à̀ l’indépendance de la magistrature, principes 1 et 2, 1985. Le Comité́ des droits de l’homme a considéré que « le droit d’être jugé par un tribunal indépendant et impartial est un droit absolu qui ne souffre aucune exception », Gonzales del Rio c. Pérou, para. 5.2, communication n°263/1987, HCDH, Doc. ONU CCPR/C/46/D/263/1987, 28 octobre 1992. Dans l’affaire Richards c. Jamaïque, le Comité des droits de l’homme a déclaré que la Jamaïque avait violé l’article 14 PIDCP en raison de l’importante publicité médiatique en amont du procès et que donc l’exécution ne pouvait avoir lieu, (para. 7.2, communication n°535/1993, HCDH, Doc. ONU CCPR/C/59/D/535/1993/Rev.1, 31 mars 1997, « l’importante publicité médiatique autour du fait qu’il avait plaidé coupable a porté atteinte à son droit à la présomption d’innocence, le privant ainsi de son droit à un procès équitable »).

[170] Code de procédure pénale malien, art. 1, « la procédure pénale doit être équitable, contradictoire et préserver l’équilibre des droits des parties ».

[171] Par exemple, les Principes fondamentaux relatifs à l’indépendance de la magistrature, adoptés par l’Assemblée générale des Nations unies en 1985, prévoient au para. 5 que « [c]hacun a le droit d’être jugé par les juridictions ordinaires selon les procédures légales établies ». Le droit à un procès équitable établi par l’article 14(1) du PIDCP, contient au minimum les garanties procédurales et les autres garanties énoncées aux paragraphes 2 à 7 de l’article 14 et à l’article 15. Mais en réalité, le droit d’un accusé à un procès équitable a un champ d’application plus large, car l’article 14(3) énumère différentes garanties et précise que l’accusé a droit « au moins aux garanties » en question. Par conséquent, un procès pourrait potentiellement ne pas satisfaire le niveau d’équité prévu à l’article 14(1) alors même que les dispositions des paragraphes 2 à 7 et de l’article 15 ont été techniquement respectées.

[172] Manuel du Lawyers Committee for Human Rights relatif au procès équitable, p. 12, https://tavaana.org/sites/default/files/fair_trial_0_0.pdf.

[173] François Sudre, Droit international et européen des droits de l’homme, François Sudre, Droit international et européen des droits de l’homme, pp. 232-233, 4e édition, Puf, Paris, 1999.

[174] Bwampamye c. Burundi, Communication 231/99, para. 27, Commn. Africaine des Droits de l’homme et des Peuples, 6 novembre 2000.

[175] Manuel du Lawyers Committee for Human Rights relatif au procès équitable, pp. 12-13, https://tavaana.org/sites/default/files/fair_trial_0_0.pdf ; PIDCP, art. 14(1) ; Commentaire 13 du Comité des droits de l’homme de l’ONU sur le droit à un procès équitable ; Voir par exemple, Media rights Agenda c. Nigéria, Communication 224/98, para. 51, Commn. Africaine des Droits de l’homme et des Peuples, 6 novembre 2000, « La publicité du procès est une mesure de sauvegarde importante de l’intérêt des individus et de la société dans son ensemble. »

[176] Bwampamye c. Burundi, Communication 231/99, para. 29, Commn. ADHP, 6 novembre 2000.

[177] Voir Principes fondamentaux relatifs à l’indépendance de la magistrature, principe 2 : « Les magistrats règlent les affaires dont ils sont saisis impartialement, d’après les faits et conformément à la loi, sans restrictions et sans être l’objet d’influences, incitations, pressions, menaces ou interventions indues, directes ou indirectes, de la part de qui que ce soit ou pour quelque raison que ce soit ». S’agissant de décider si un tribunal est indépendant, la Cour européenne des droits de l’homme examine 1) la manière dont ses membres ont été nommés ; 2) la durée de leur mandat ; 3) l’existence de garanties les protégeant de pressions externes ; et 4) la question de savoir si l’instance en question semble ou non indépendante. Voir par exemple, Campbell et Fell c. Royaume-Uni, requête n°7819/77, 7878/77, para. 78, CEDH, 28 juin 1984.

[178] Ringeisen c. Autriche, requête n°2614/65, para. 95, CEDH, 16 juillet 1971.

[179] Le Compte, Van Leuven et De Meyere c. Belgique, requête n°6878/75, 7238/75, para. 57, CEDH, 23 juin 1981. Voir également Commission internationale des juristes, International Principles on the Independence and Accountability of Judges, Lawyers, and Prosecutors (Principes internationaux sur l’indépendance et la responsabilité des juges, avocats et procureurs), Guide pratique N°1, p. 5, 2007, https://www.icj.org/no-1-international-principles-on-the-independence-and-accountability-of-judges-lawyers-and-prosecutors/.

[180] Law office of Ghazi Suleiman c. Soudan, para. 64, Communications 222/98 et 229/99, Commn. Africaine des Droits de l’homme et des Peuples, 29 mai 2003.

[181] Media rights Agenda c. Nigéria, Communication 224/98, para. 60, Commn. ADHP, 6 novembre 2000.

[182] Manuel du LCHR relatif au procès équitable, pp. 13-14.

[183] Collins c. Jamaïque, communication n°240/1987, Doc. ONU CCPR/C/43/D/240/1987, HCDH, 1er novembre 1991 (Le Comité des droits de l’homme a rappelé que « dans toutes les affaires, et surtout dans les affaires de condamnation à mort, les accusés ont le droit d’être jugés et de se pourvoir en appel sans retard excessif, quelle que soit l’issue de ces procédures judiciaires ») ; Frederic Edel, La durée des procédures civiles et pénales dans la jurisprudence de la Convention européenne des Droits de l’homme, Éditions du Conseil de l’Europe, Dossiers sur les droits de l’homme n° 16, 2007.

[184] Pedersen et Baadsgaard c. Danemark, requête n°49017/99, CEDH, 17 décembre 2004. Voir également H. c. France, 50, 58, CEDH, 24 octobre 1989.

[185] Le Comité des droits de l’homme a estimé que lorsqu’un État viole les droits à un procès régulier aux termes du PIDCP, il est possible qu’il n’applique pas l’exécution prévue de l’accusé. Voir, par exemple, Johnson c.
Jamaïque
, para. 8.9, communication n°588/1994, Comité des droits de l’homme, 22 mars 1996 (où s’est produit un délai d’attente de 51 mois entre la condamnation et le rejet du recours en appel, ce qui constitue une violation des paragraphes 3 (c) et 5 de l’article 14 du PIDCP et où le Comité a rappelé que l’imposition de la peine de mort est interdite dans les affaires où les dispositions du PIDCP n’ont pas été respectées).

[186] Voir par exemple, PIDCP, art. 14(2) ; CADHP, art. 7(1)(b) ; Convention européenne des droits de l’homme, art. 6(2) ; CADH, art. 8(2).

[187] Voir Projet d’ensemble de principes relatifs au droit à un procès équitable et à un recours, Annexe II, para. 59(a), p. 83 dans « L’administration de la justice et les droits de l’homme des détenus, Le droit à un procès équitable : reconnaissance actuelle et mesures nécessaires pour renforcer cette reconnaissance », rapport final, Commission des droits de l’homme, Sous-Commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités, 46e session, E/CN.4/Sub.2/1994/24, 3 juin 1994.

[188] Malawi Africa Association et autres c. Mauritanie, Communication 54/91, 61/91, 98/93,164-196/97 et 210/98, para. 95, Commn. Africaine des Droits de l’homme et des Peuples, 11 mai 2000.

[189] Ken Saro-Wiwa Jr. et Civil Liberties Organisation c. Nigéria, Communication 137/94-139/94-154/96-161/97, para. 96, Commn. Africaine des Droits de l’homme et des Peuples, 31 octobre 1998.

[190] Diocles William c. Tanzanie, Cour africaine des droits de l’homme et des peuples Application No. 016/2016, 21 septembre 2018, para. 76.

[191] Salabiaku c. France, requête n°10519/83, para. 28, CEDH, 7 octobre 1988.

[192] Convention européenne des droits de l’homme, art. 6(2) ; Comité des droits de l’homme, Observation générale n° 13 (art. 14), para. 7, 12 avril 1984.

[193] Media rights Agenda c. Nigéria, Communication 224/98, paras. 47-51, Commn. Africaine des Droits de l’homme et des Peuples, 6 novembre 2000.

[194] Law office of Ghazi Suleiman c. Soudan, Communication 222/98 et 229/99, para. 56, Commn. Africaine des Droits de l’homme et des Peuples, 29 mai 2003.

[195] PIDCP, art. 14(3)(d) ; Statut du TPIY, art. 21(4)(d) ; Statut du TPI, art. 20(4)(d) ; Statut de la CPI, art. 67(1)(d). Bien que le droit d’être présent au procès ne soit pas expressément mentionné dans la Convention européenne des droits de l’homme, la Cour européenne des droits de l’homme a déclaré que l’objet et le but de l’article 6 signifiaient qu’une personne accusée d’une infraction pénale était en droit de prendre part aux audiences du procès. Voir Colozza et Rubinat, requête n° 9024/80, 9317/81, para. 27, CEDH, 12 février 1985.

[196] PIDCP, art. 14(3)(f).

[197] Ibrahim Elhadji Hassane and others c. Public Prosecutor, Décision No. 06, Cour Supême du Niger, 13 avril 2006 et Mohamed Sinniand other c. Public Prosecutor, Décision No. 06-279, Cour Supême du Niger, 16 novembre 2006.

[198] La Commission interaméricaine des droits de l’homme considère par exemple que le droit à la traduction des documents est fondamental pour respecter une procédure régulière. Voir Report on the Situation of Human Rights of a Segment of the Nicaraguan Population of Miskito Origin (Rapport sur la situation des droits de l’homme pour un segment de la population du Nicaragua d’origine Miskito), OEA/Ser.L/V/11.62, Doc. 10, rev. 3, Cour interaméricaine des droits de l’homme, 1983.

[199] Convention européenne des droits de l’homme, art. 6(3)(d) ; PIDCP, art. 14(3)(e). L’article 8(2)(f) de la CADH reconnaît le droit des accusés à interroger les témoins à charge ainsi que les témoins à décharge, dans les mêmes conditions que l’accusation et aux fins de se défendre.

[200] Voir par exemple le Code de procédure pénale camerounais, art. 337 : « le témoignage provenant d’une source non révélée n’a aucune force probante ».

[201] Funke c. France, requête no. 1/256-A, para. 44, CEDH, 25 février 1993.

[202] Saunders c. Royaume-Uni, requête no. 19187/91, paras. 68-69, CEDH, 17 décembre 1996.

[203] Saunders c. Royaume-Uni, requête no. 19187/91, para. 68, CEDH, 17 décembre 1996.

[204] Voir par exemple, López-Álvarez c. Honduras, affaire n°146 I/A,Ser./C/141, p. 155, Cour interaméricaine des droits de l’homme, 1er février 2006.

[205] Au Cameroun, l’article 7 de la loi N° 2006/015 du 29 décembre 2006 portant organisation judiciaire dispose que « [t]oute décision judiciaire est motivée en fait et en droit. L’inobservation de la présente disposition entraîne nullité d’ordre public de la décision ».

En Mauritanie, l’article 5 de l’Ordonnance N°2007/012 du 8 février 2007 portant organisation judiciaire dispose que « [d]ans tous les cas, les jugements ou arrêts sont prononcés publiquement et doivent, à peine de nullité, être motivés ».

[206] Voir par exemple Hadjianastassiou c. Grèce, requête n°12945/87, CEDH, 16 décembre 1992 (« Les juges doivent cependant indiquer avec une clarté suffisante les motifs sur lesquels ils se fondent. C’est ainsi, par exemple, qu’un accusé peut exercer utilement les recours existants »). La Recommandation du Conseil de l’Europe relative à la cohérence dans le prononcé des peines aborde de manière spécifique la nécessité de donner des motifs lorsqu’on inflige une peine. Recommandation n°R (92)17 du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe aux États membres, relative à la cohérence dans le prononcé des peines, annexe E, 19 octobre 1992 : « Obligation de motiver les peines. 1. Les tribunaux devraient, en général, motiver concrètement leurs décisions. Ils devraient notamment donner des motifs spécifiques lorsqu’ils prononcent une peine d’emprisonnement. Lorsqu’il existe des orientations ou des points de départ, il est recommandé que les tribunaux motivent leurs décisions lorsqu’elles sortent de la fourchette de peines indiquée. 2. Un « motif » est une motivation qui établit un lien entre la peine en question et l’éventail normal des peines applicables au type de crime ou de délit considéré, et le(s) principe(s) de base du prononcé des peines ».

[207] Crim., 14 décembre 2010, pourvoi no. 10-85.879.

[208] Ministère Public et NDINGA Bello c. SCT (Ndoh Daniel), Revue camerounaise de Droit, Série 2. N°26-Année 1983 C.S. Arrêt n°99/P, 27 janvier 1983.

[209] Crim., 28 septembre 2010, pourvoi no. 10-81.493

[210] Crim., 10 novembre 2004, Bull. crim. 2004, no 282, pourvoi no. 04-83.541.

[211] Dans les affaires R. c. Belgique, requête n°15957/90, CEDH, 30 mars 1992, et Planka c. Autriche, requête n°25852/94, CEDH, 15 mai 1996, la Cour européenne des droits de l’homme a rejeté les requêtes, estimant qu’il n’y avait aucune violation de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme dans le cadre d’affaires où le juge avait transmis des questions précises au jury et où les parties avaient la possibilité de demander la modification des questions ou pouvaient les contester. Pour la Cour, ces caractéristiques permettaient de compenser le manque de motivation (« compenser adéquatement les réponses laconiques du jury »).

[212] C’est le cas, par exemple, du Mali, de la Mauritanie, du Niger et de la République centrafricaine. Voir la base de données du Cornell Center on the Death Penalty Worldwide : https://deathpenaltyworldwide.org/fr/database/ (consultée le 24 septembre 2021).

[213] J. L. García Fuenzalida c. Équateur, para. 9.5, communication n°480/1991, HCDH, Doc. ONU GAOR/A/51/40/vol. II, 12 juillet 1996 (violations des articles 14(3)(e) et (5) du PIDCP dans des cas où le tribunal a refusé d’ordonner un témoignage d’expert).

Diocles William c. Tanzanie, Cour africaine des droits de l’homme et des peuples Application No. 016/2016, 21 septembre 2018. (Para. 62 : « la juridiction saisie doit entendre tant les témoins à charge que les témoins à décharge»).

[214] Voir par exemple, Affaire López-Álvarez c. Honduras, affaire n°146 I/A, Ser./C/141, para. 155, CIDH, 1er février 2006 ; PIDCP, art. 14(3)(g) ; CADH, art. 8(2)(g) ; Statut de la CPI, art. 55 (1)(a).

[215] Par exemple, dans certaines juridictions, comme en République démocratique du Congo, le fait qu’une personne accusée garde le silence a été parfois perçu comme un acquiescement de la version énoncée par le Ministère public. De telles conclusions sont en violation de la présomption d’innocence. Entretien avec Maître Liévin Ngondji.

[216] D. Gordon c. Jamaïque, para. 6.3, communication n°237/1987, Doc. ONU GAOR/A/48/40 (vol. II), 5 novembre 1992.

[217] Voir par exemple : Code de procédure pénale mauritanien, art. 363. Code de procédure pénale camerounais, art. 308. Code de procédure pénale tunisien art. 150. Code de procédure pénal malien, art. 412.

[218] Voir par exemple : Code de procédure pénale mauritanien, art. 363. Code de procédure pénale camerounais, art. 308. Code de procédure pénale tunisien, art. 150. Code de procédure pénale malien, art. 412.

[219] Cass. Crim., 6 avril 1994 ; Cass. crim., 31 janvier 2012.

[220] Procureur c. Kabligi, para. 21, ICTR (n°ICTR-98-41-T), 19 octobre 2006 (« Il est difficile d’imaginer qu’une déclaration qui constituerait une violation d’un droit fondamental … n’exige pas qu’on l’exclue aux termes de l’article 95 en raison de son caractère contraire à l’éthique, et parce qu’elle porterait gravement atteinte à l’intégrité de la procédure [Traduction non officielle]»).

[221] Par exemple, Code de procédure pénale camerounais, art 365(2), « le Ministère Public ne fait état ni du casier judiciaire, ni des renseignements concernant la moralité de l’accusé. » et art. 312(1), « Le Tribunal ne prend connaissance du casier judiciaire et de tous autres renseignements de moralité concernant le prévenu qu’après l’avoir déclaré coupable. ».

[222] Par exemple, Code de procédure pénale camerounais, art. 335, « Pour être admis, le témoignage doit être direct. Est direct, le témoignage qui émane : a) de celui qui a vu le fait, s’il s’agit d’un fait qui pouvait être vu ; b) de celui qui l’a entendu, s’il s’agit d’un fait qui pouvait être entendu ; c) de celui qui l’a perçu, s’il s’agit d’un fait qui pouvait être perçu par tout autre sens ; d) de son auteur, s’il s’agit d’une opinion. »

[223] Voir par exemple, Code de procédure pénale malien, art. 412, « Le juge ne peut fonder sa décision que sur des preuves qui lui sont apportées au cours des débats et contradictoirement discutées devant lui. »

[224] Affaire Delta c. France, para. 36, Série A, n°191-A, CEDH, 19 décembre 1990 (analysant les droits conférés par l’article 6(3)(d) de la Convention européenne des droits de l’homme). Voir également Castillo Petruzzi et al. c. Pérou, para. 154, Série C n°52, Cour interaméricaine des droits de l’homme, 30 mai 1999 (« L’un des droits dont bénéficie l’accusé doit être la possibilité d’interroger ou de faire interroger les témoins à charge ainsi que d’obtenir la présence et la possibilité d’interroger les témoins à décharge dans les mêmes conditions que pour les témoins à charge [Traduction non officielle] »).

[225] Affaire Delta c. France, para. 37, Série A, n°191-A, CEDH, 19 décembre 1990 (le droit à un procès équitable aux termes des articles 6(1) et (3)(d) de la CEDH a été violé lorsqu’une partie a été condamnée sur la base de déclarations de témoins que l’accusation s’était procurées alors que l’accusé et son avocat n’ont pas obtenu la possibilité de contester la crédibilité desdits témoins).

[226] Voir, de manière générale, American Bar Association (Association américaine du barreau), ABA Guidelines for the Appointment and Performance of Defense Counsel in Death Penalty Cases (Directives de l’ABA pour la désignation et la réussite des avocats de la défense dans les dossiers peine de mort), éd. rév. février 2003, 31 HOFSTRA L. REV. 913 (2003), disponible en anglais, https://www.americanbar.org/groups/committees/death_penalty_representation/resources/aba_guidelines/2003-guidelines/.

[227] Voir par exemple, Code pénal nigérien, art. 53 « Les peines prévues par la loi contre l’accusé reconnu coupable, en faveur de qui les circonstances atténuantes auront été déclarées, pourront être réduites, (…) jusqu’à dix ans d’emprisonnement si le crime est passible de la peine de mort ».

[228] Par exemple, Protocole relatif à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples portant création d’une Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, art. 28 ; Convention européenne des droits de l’homme, art. 45.

[229] Voir par exemple le Code pénal malien, art. 342 et 343.

[230] Kigula et al. c. le Procureur général, 2006 S. Ct. Const. App. n°03, Ouganda, 2009.

[231] Kigula et al. c. le Procureur général, para. 43, 2006 S. Ct. Const. App. n°03, Ouganda, 2009.

[232] Mulla et al. c. État d’Uttar Pradesh, Crim. App. n°396, 2008, para. 53-59, Inde, 2010.

[233] Mulla et al. c. État d’Uttar Pradesh, Crim. App. n°396, 2008, para. 65, Inde, 2010.

[234] Comme exemples de circonstances atténuantes considérées comme étant pertinentes par les tribunaux s’agissant de décider de l’imposition ou non de la peine de mort, voir Williams c. Taylor, 529 U.S. 362, 2000 ; Wiggins c. Smith, 539 U.S. 510, 2003 ; Porter c. McCollum, 130 S. Ct. 447, 2009 ; Manohar Lal alias Mannu et al. c. État, 2 SRC 92, Inde, 2000 ; Mulla et al. c. État d’Uttar Pradesh, Crim. App. n°396, 2008, Inde, 2010 ; Reyes c. La Reine, UKPC, 2 AC 235, Judgment on Sentencing, arrêt relatif à la peine, 2002 (appel du Belize) ; Pipersburgh c. R., UKPC, para. 33, 72 WIR 108 2008, (appel du Belize) ; DPP c. Wycliffe Liburd, Suit n° SKBHCR 2009/0007, Cour suprême de la Caraïbe orientale, Saint-Kitts-et-Nevis, Crim. Cir. 2009 ; George c. La Reine, Suit n° HCRAP 2009/005, Cour suprême de la Caraïbe orientale, Cour d’appel de Sainte-Lucie, 2011.

[235] Atkins c. Virginie, 536 U.S. 304, 316 n.21, 2002.

[236] République du Malawi c. Margret Nadzi Makolija, Audience de réexamen de la peine No. 12 de 2015 (décision non publiée).

[237] Même si une liste illustrative ou apparemment exhaustive existait dans votre juridiction, vous ne devez pas vous y limiter.

[238] Kafantayeni c. Malawi, Affaire constitutionelle (Constitutional Case) No. 12 de 2005, Haute Cour du Malawi (High Court of Malawi), 27 avril 2007.

[239] Observations finales du Comité des droits de l’homme, République islamique d’Iran, Doc ONU. CCPR/C/79/Add.25, 1993 ; Lubuto c. Zambie, para. 7.2, communication n°390/1990, Comité des droits de l’homme, 31 octobre 1995 (l’imposition de la peine de mort obligatoire pour un vol à main armée n’ayant pas entraîné la mort constituait une violation de l’article 6(2)). De la même manière, la Cour interaméricaine des droits de l’homme a conclu que les crimes n’entraînant pas la mort n’appartenaient pas à la catégorie des « crimes les plus graves » en vertu de l’article 4(2) CADH. Voir également, Raxcacó-Reyes c. Guatemala, 56, 71, n°133, Cour interaméricaine des droits de l’homme, 15 septembre 2005.

[240] Commn. ADHP, Directives et principes sur le droit à un procès équitable et à l’assistance judiciaire en Afrique, para. 9(b) « Dans les pays qui n’ont pas aboli la peine de mort, la condamnation à mort ne peut être imposée que pour les crimes les plus graves ».

[241] Rapport du Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, para. 65, Doc. ONU A/HRC/4/20/2007/18, 29 janvier 2007.

[242] Bachan Singh c. État du Punjab, 2 SCC 684, Inde, 1980. En février 2010, La Cour suprême indienne a réitéré que la peine de mort ne pouvait être imposée que dans les cas de « culpabilité extrême [Traduction non officielle] ». Mulla et al. c. État d’Uttar Pradesh, Crim. App. n°396, 2008, para. 49, Inde, 2010.

[243] Voir par exemple, Manohar Lal alias Mannu at al. c. État, 2 SCC 92, Inde, 2000 (Dans cette affaire où quatre jeunes avaient été tués devant leur mère, la peine de mort a été écartée car les accusés étaient dans un état de déchainement provoqué par l’assassinat d’Indira Ghandi, et qu’ils avaient complètement perdu la raison.)

[244] Press Trust of India, SC saves man who murdered wife, 3 kids from the gallows (La Cour suprême sauve de la potence un homme ayant assassiné son épouse et leurs trois enfants), Times of India, 29 février 2012, http://timesofindia.indiatimes.com/city/delhi/SC-saves-man-who-murdered-wife-3-kids-from-the- gallows/articleshow/12085626.cms.

[245] S. c. Makwanyane, 46, 3 SA 391, Afrique du Sud, 1995.

[246] République du Malawi c. Laston Mukiwa, Audience de réexamen de la peine No. 21 de 2015 (décision non publiée).

[247] Voir par exemple, Code pénal tchadien, art. 62 « Au cas où le trouble psychique ou neuropsychique n’a pas totalement aboli le discernement ou le contrôle des actes de la personne, il constitue une excuse atténuante de responsabilité ».

[248] Adrien Dereix, Thèse Université Pierre et Marie Curie, pp. 51-52, Antécédents de traumatisme crânien dans une population d’arrivants en prison. Influence de l’âge de survenue du traumatisme crânien sur le parcours de vie et conséquences pour la prise en charge, 2015.

[249] Voir par exemple, Code pénal nigérien, art. 41 « Il n’y a ni crime ni délit ni contravention lorsque le prévenu était en état de démence au temps de l’action ou lorsqu’il a été contraint par une force à laquelle il n’a pu résister ».

[250] République du Malawi c. Richard Maulidi et Julius Khanawa, Audience de réexamen de la peine No. 65 de 2015 (décision non publiée).

[251] Voir par exemple, Code de procédure pénale malien, art. 319.

[252] Voir par exemple, Kigula et al. c. Le Procureur général, 2006 S. Ct. Const. App. n°03, paras. 56-57, Ouganda 2009 ; Pratt c. Jamaïque, communication n°210/1986 et n°225/1987, Doc. ONU A/44/40, 222, Comité des droits de l’homme, 1989 ; Soering c. Royaume-Uni, para. 111, Requête no. 14038/88, CEDH, 7 juillet 1989.

[253] Reyes c. La Reine, UKPC, 2 AC 235, Judgment on Sentencing (arrêt relatif à la peine) (appel du Belize), 25 octobre 2002.

[254] République du Malawi c. Chiliko Senti, Audience de réexamen de la peine No. 25 de 2015 (décision non publiée).

[255] American Bar Association (Association américaine du barreau), ABA Guidelines for the Appointment and Performance of Defense Counsel in Death Penalty Cases (Directives de l’ABA pour la désignation et la réussite des avocats de la défense dans les dossiers de peine de mort), directive 10.7, « Investigation » (Enquêtes), 2003, https://www.americanbar.org/groups/committees/death_penalty_representation/resources/aba_guidelines/2003-guidelines/.

[256] Par exemple : au Cameroun l’article 439 du Code de procédure pénale dispose que « le droit d’interjeter appel appartient au condamné ». Voir également : Code de procédure pénale malien, art. 478 et 482. Code de procédure pénale tunisien, art. 258. Code de procédure pénale centrafricain, art. 193 et 194. Code de procédure pénale congolais, art. 96.

[257] Voir par exemple, PIDCP, art. 14(5) ; CADHP, art. 7(1)(a) ; CADH, art. 8(2)(h) ; ECOSOC, Garanties des Nations Unies, para. 6, Résolution No. 1984/50, annexe, Doc. ONU. E/1984/84, 25 mai 1984 ; Charte arabe des droits de l’homme, art. 16(7), 22 mai 2004 ; Protocole Nº. 7 de la Convention européenne des droits de l’homme, art. 2(1) ; Commn. ADHP, Directives et principes sur le droit à un procès équitable et à l’assistance judiciaire en Afrique, para. (A)(2)(j) « Le droit à être entendu équitablement repose sur […] Le droit de faire appel des décisions devant une instance juridictionnelle supérieure. » et para. (N)(10)(a) « Toute personne déclarée coupable d’une infraction pénale a le droit de faire examiner sa peine par une juridiction supérieure ».

[258] HCDH, Commentaire général 32, para. 51, Doc.ONU CCPR/C/GC/32, 26 juillet 2007.

[259] Commn. ADHP, Directives et principes sur le droit à un procès équitable et à l’assistance judiciaire en Afrique, titre (N)(10)(b).

[260] La Vende c. Trinidad et Tobago, para. 5.8, communication No. 554/1993, Doc. ONU. CCPR/C/61/D/554/1993, HCDH, 11 novembre 1997 (le refus d’accorder l’assistance judiciaire au requérant a violé son droit à se voir attribuer d’office un défenseur (art. 14(3)(d)) et son droit de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité et la condamnation (art. 14(5))) ; Commn. ADHP, Directives et principes sur le droit à un procès équitable et à l’assistance judiciaire en Afrique, para. (N)(2)(c) et para. (H)(c) « Les intérêts de la justice exigent toujours que tout accusé passible de la peine de mort soit représenté par un avocat, notamment pour déposer un recours en appel ou une demande de clémence, de commutation de peine, d’amnistie ou de grâce ».

[261] Rapport explicatif du Protocole Nº 7 à la Conv. EDH, art. 2(18), Europ. T.S. No. 117, 22 novembre 1984, https://rm.coe.int/CoERMPublicCommonSearchServices/DisplayDCTMContent?documentId=09000016800c972b, (notant que la législation procédurale de l´État membre peut limiter la révision de certaines affaires à des questions de droit).

[262] Voir Vázquez c. Espagne, communication Nº 701/1996, Doc. ONU CCPR/C/69/D/701/1996, 11 août 2000 (indiquant que l’auteur s’était vu refuser certains droits procéduraux garantis par le PIDCP car la révision en appel était « limitée aux aspects formels et juridiques des condamnations ») ; Domukovsky et autres c. Géorgie communication No. 623/1995, 624/1995, 627/1995, Doc. ONU CCPR/C/62/D/623, 6 avril 1998 (indiquant qu’une « évaluation complète des éléments de preuve et la conduite du procès » est requise) ; Au Cameroun par exemple, le juge pénal a adopté cette position : « le réexamen doit porter sur l’ensemble des faits et des personnes tels qu’ils ont été soumis au premier juge », C.S Arrêt n°208/p du 22 avril 1982, R.C.D./C.L.R., 1984, n°28, pp. 148-151, rapp. NGOULA.

[263] Commn. ADHP, Directives et principes sur le droit à un procès équitable et à l’assistance judiciaire en Afrique, para. (N)(10)(a)(1).

[264] Commn. ADHP, Directives et principes sur le droit à un procès équitable et à l’assistance judiciaire en Afrique, para. (N)(10)(a)(1) (« Si les éléments de preuve qui disculpent l’accusé sont découverts après son jugement et sa condamnation, le droit de faire appel et de recourir à toute autre procédure adoptée après la condamnation doit permettre de réviser la sentence si les nouveaux éléments de preuve sont susceptibles de modifier la sentence, à moins qu’il ne soit prouvé que la non-révélation de faits inconnus à l’époque est imputable en tout ou partie à l’accusé »).

[265] Benedetto c. La Reine, Conseil Privé, [2003] UKPC 27, 1 WLR 1545, 1569-70.

[266] Commn. ADHP, Directives et principes sur le droit à un procès équitable et à l’assistance judiciaire en Afrique, titre (N)(10)(b) « Toute personne condamnée à mort a le droit de faire appel de la sentence auprès d’une juridiction supérieure et les États doivent prendre des mesures pour rendre ces appels obligatoires ».

[267] Voir par exemple, Lithgow et autres c. Royaume-Uni, CEDH, série A no 102, 8 juillet 1986.

[268] Johnson c. Jamaïque, communication n°588/1994, Doc. ONU CCPR/C/56/D/588/1994, 22 mars 1996 (estimant qu’un retard de quatre ans et trois mois pour le jugement en appel dans le cadre d’une affaire capitale était, sauf dans des circonstances exceptionnelles, excessivement long et incompatible avec le droit à un procès équitable) ; McLawrence c. Jamaïque, communication n°702/1996, Doc. ONU CCPR/C/60/D/702/1996, 18 juillet 1997 (estimant que le retard de 31 mois entre la condamnation et l’appel constituait une violation de l’article 14 du PIDCP) ; Ashby c. Trinité-et-Tobago, communication n°580/1994, para. 10.5, Doc. ONU, CCPR/C/74/D/580/1994, 21 mars 2002 (estimant qu’un retard de quatre ans et demi dans l’examen de l’appel constitue une violation de l’article 14(3)(c) et 14(5) du PIDCP et soulignant en particulier que l’insuffisance des effectifs et l’arriéré des dossiers en souffrance ne sont pas des justifications suffisantes de ce retard).

[269] Isaac, Cannonier, Williams & Gardiner c. La Reine, Crim. Apps n°2 datant de 2008, n°19, 20, 21, 22 datant de 2008, Cour d’appel des Caraïbes orientales, 21 mars 2012 (appel interjeté par Saint-Kitts-et-Nevis).

[270] Isaac, Cannonier, Williams & Gardiner c. La Reine, Crim. Apps n°2 datant de 2008, n°19, 20, 21, 22 datant de 2008, Cour d’appel des Caraïbes orientales, 21 mars 2012 (appel interjeté par Saint-Kitts-et-Nevis).

[271] République c. Lackson Dzimbiri, Audience de réexamen de la peine no. 4 de 2015, 1er juin 2015.

[272] Voir, Principes de base relatifs au rôle du barreau, para. 21, adoptés au Huitième congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants qui s’est tenu à La Havane (Cuba) du 27 août au 7 septembre 1990, Doc. ONU A/CONF.144/28/Rev.1 (« Il incombe aux autorités compétentes de veiller à ce que les avocats aient accès aux renseignements, dossiers et documents pertinents en leur possession ou sous leur contrôle, dans des délais suffisants pour qu’ils puissent fournir une assistance juridique efficace à leurs clients. Cet accès doit leur être assuré au moment approprié et ce, sans aucun délai. ») ; «

[273] Voir, Commn. ADHP, Directives et principes sur le droit à un procès équitable et à l’assistance judiciaire en Afrique, para. (A)(2)(a) ; Conv. EDH, art. 6 ; Neumeister c. Autriche, CEDH, para. 22, Requête No. 1936/63, 27 juin 1968 (déclarant que le principe d’égalité des armes est compris dans la notion de procès équitable de l’article 6(1) de la Convention) ; Foucher c. France, CEDH, para. 36, Requête No. 22209/93, 18 mars 1997 (« Faute d’avoir eu (la possibilité d’accéder à leur dossier), l’intéressé n’était pas en mesure de préparer sa défense d’une manière adéquate et n’a pas bénéficié de l’égalité des armes, contrairement aux exigences de l’article 6 par. 1 de la Convention, combiné avec l’article 6 par. 3 ») ; Voir par exemple, Code de procédure pénale (France), art. préliminaire « La procédure pénale doit être équitable et contradictoire et préserver l’équilibre des droits des parties. » ; Amnesty International, The International Criminal Court: Making the Right Choices Part IIOrganizing the Court and Ensuring a Fair Trial 53–54 (Document de position Nº 2 IOR 40/011/1997) (« Un élément essentiel du principe d’égalité de moyens est que les droits de procédure, tels que l’inspection des dossiers ou la présentation de preuves, doit être traitée de manière égale pour les deux parties » (citation interne omise) [Traduction non officielle]).

[274] Foucher c. France, CEDH, para. 34, Requête No. 22209/93, 18 mars 1997.

[275] Pitman c. l’État, Conseil Privé, [2008] UKPC 16, paras. 26-32.

[276] Solomon c. l’État, Conseil Privé, [1998] 2 LR 50, 54-5.

[277] Voir par exemple, Statut de la CPI, art. 84(1) ; Statut du TPIR, art. 25 ; Statut du TPIY, art. 26.

[278] Fiche pratique, Demander la révision d’une décision de justice, Service public de l’administration française https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F1381 ; Code de procédure pénale (France), art. 622.

[279] Code de procédure pénale (Cameroun), art. 535 et suivants.

[280] Hadjianastassiou c. Grèce, Requête no. 12945/87, para. 33, CEDH, 16 décembre 1992 (« Les juges doivent cependant indiquer avec une clarté suffisante les motifs sur lesquels ils se fondent. C’est ainsi, par exemple, qu’un accusé peut exercer utilement les recours existants »).

[281] Au Cameroun, l’article 7 de la loi N° 2006/015 du 29 décembre 2006 portant organisation judiciaire dispose que « [t]oute décision judiciaire est motivée en fait et en droit. L’inobservation de la présente disposition entraîne nullité d’ordre public de la décision ». En Mauritanie, l’article 5 de l’Ordonnance N°2007/012 du 8 février 2007 portant organisation judiciaire dispose que « [d]ans tous les cas, les jugements ou arrêts sont prononcés publiquement et doivent, à peine de nullité, être motivés ».

[282] Au Cameroun, l’article 7 de la loi N° 2006/015 du 29 décembre 2006 portant organisation judiciaire dispose que « Toute décision judiciaire est motivée en fait et en droit. L’inobservation de la présente disposition entraîne nullité d’ordre public de la décision ».

[283] MATIP Etienne c. Société SOSUCAM, Cour suprême du Cameroun, 31 janvier 1980.

[284] Voir par exemple, Collins c. Jamaïque, para. 8.3, communication No. 356/1989, Doc. ONU CCPR/C/47/D/356/1989, 30 mars 1993.

[285] Commn. ADHP, Directives et principes sur le droit à un procès équitable et à l’assistance judiciaire en Afrique, para. (N)(6)(c).

[286] Henry c. Jamaïque, communication No. 230/1987, para. 8.3, Doc. ONU CCPR/C/43/D/1987, 1er novembre 1991 (indiquant que « l’auteur ayant choisi d’être représenté par un avocat de son choix, toute décision de cet avocat concernant la conduite de l’appel, y compris la décision (…) de ne pas faire en sorte que l’auteur puisse y assister, relève de la responsabilité non pas de l’État partie, mais de l’auteur lui-même. Dans ces circonstances, l’auteur ne peut pas prétendre que son absence à l’audience constituait une violation du Pacte. »)

[287] Interview de Rongzhi Kao (à Taiwan, les avocats de la défense sont autorisés à « assister » les juges en leur présentant des preuves auxquelles ils pourraient ne pas avoir eu accès pendant l’étape de l’enquête dans une affaire).

[288] Voir la base de données du Cornell Center on the Death Penalty Worldwide : https://deathpenaltyworldwide.org/fr/database/#/fr/1/1 (consultée le 29 septembre 2021).

[289] Woodson c. Caroline du Nord, 428 États-Unis, para. 280, 1976.

[290] Woodson c. Caroline du Nord, 428 États-Unis, para. 304, 1976.

[291] Mithu c. État du Punjab, 1983 SCR (2) para. 690, Cour suprême de l’Inde, 1983.

[292] Mithu c. État du Punjab, 1983 SCR (2) para. 704, Cour suprême de l’Inde, 1983.

[293] Mithu c. État du Punjab, 1983 SCR (2) para. 704-705, Cour suprême de l’Inde, 1983.

[294] Pour une description de cette affaire, consulter Brian D. Tittemore, The Mandatory Death Penalty in the Commonwealth Caribbean and the Inter-American Human Rights System: An Evolution in the Development and Implementation of International Human Rights Protections, 13 Wm. & Mary Bill Rts. J. 455, 2004.

[295] Kafantayeni c. Malawi, Affaire constitutionnelle Nº 12 de 2005, Haute cour du Malawi, 27 avril 2007.

[296] Procureur général c. Kigula, recours en appel au tribunal pénal Nº 3 de 2006, Cour suprême de l’Ouganda, 21 janvier 2009 (révision et confirmation Kigula c. Procureur général, requête constitutionnelle Nº 6 de 2003, Cour constitutionnelle de l’Ouganda, 10 juin 2005).

[297] Procureur général c. Kigula, recours en appel au tribunal pénal Nº 3 de 2006, Cour suprême de l’Ouganda, 21 janvier 2009 (révision et confirmation Kigula c. Procureur général, requête constitutionnelle Nº 6 de 2003, Cour constitutionnelle de l’Ouganda, 10 juin 2005).

[298] Mutiso c. Republic, paras. 33-34, 36, recours en appel au tribunal pénal Nº 17 de 2008, Cour d’appel du Kenya, 30 juillet 2010.

[299] Mutiso c. Republic, para. 32, recours en appel au tribunal pénal Nº 17 de 2008, Cour d’appel du Kenya, 30 juillet 2010.

[300] Voir Baptiste c. Grenade, Cour interaméricaine des droits de l’homme, Rapport Nº 38/00 (2000) ; McKenzie c. Jamaïque, affaire 12.023, Cour interaméricaine des droits de l’homme, Rapport Nº 41/00 (2000) ; Knights c. Grenade, affaire 12.028, Cour interaméricaine des droits de l’homme, Rapport Nº 47/01 (2001) ; Edwards c. Bahamas, affaire 12.067, Cour interaméricaine des droits de l’homme, Rapport Nº 4801 (2001) ; Raxcacó-Reyes c. Guatemala, Rapport Nº 49/03, affaire No. 12.402, Cour interaméricaine des droits de l’homme, 2005.

[301] Boyce c. Barbade, Ser. C, Nº 169, paras. 57-63, CIDH, 20 novembre 2007. Voir, Raxcacó Reyes c. Guatemala (arrêt du 15 septembre 2005, Part XIV, Série C, Nº 133, CIDH, 2005), la Cour interaméricaine des droits de l’homme a déclaré que les articles 4.1 et 4.2 de la CADH ont été violés car la peine de mort était obligatoire pour l’enlèvement et que le tribunal chargé de prononcer la peine n’était pas autorisé à prendre en considération les circonstances de l’affaire.

[302] Thompson c. Saint-Vincent-et-les Grenadines, communication no. 806/1998, HCDH, doc. ONU no. CCPR/C/70/D/806/1998, 18 octobre 2000 ; Kennedy c. Trinité-et-Tobago, communication no. 845/1998, HCDH, 26 mars 2002 ; Carpo c. Philippines, communication no. 1077/2002, CDH 6 mai 2002.

[303] Pagdayawon Rolando c. Philippines, para. 5.2, communication no. 1110/2002, HCDH, doc. ONU no. CCPR/C/82/D/1110/2002, 8 décembre 2004.

[304] Résolution 2005/59, CDU, doc. ONU no. E/CN.4/2005/L.10/Add.17, 20 avril 2005,

[305] Exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, Rapport présenté par la rapporteuse spéciale, para. 63, doc. ONU n° E/CN.4/1999/39, 6 janvier 1999.

[306] Interights (Bosch) c. Botswana, communication 240/2001, para. 31, Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, novembre 2003.

[307] Ally Rajabu and others v. United Republic of Tanzania, application No. 007/2015, para. 111, Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, novembre 2019.

[308] Voir par exemple, Yong Vui Kong c. Procureur de la République, recours en appel au tribunal pénal Nº 13 de 2008, Cour d’appel de Singapour, 14 mai 2010.

[309] PIDCP, art. 6(2).

[310] Comité des droits de l’homme, Commentaire général 6(16), para. 7.

[311] Voir par exemple, Chisanga c. Zambie, para. 5.4, communication No. 1132/2002, 18 octobre 2005.

[312] ECOSOC, Résolution 1984/50 ; Résolution de l’Assemblée générale de l’ONU 39/118.

[313] ECOSOC, Résolution 1984/50 ; Résolution de l’Assemblée générale de l’ONU 39/118.

[314] ONU, Rapport du Rapporteur Spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, Doc. ONU. CCPR/C/79/Add.85, para. 13, 19 novembre 1997.

[315] Exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, Rapport présenté par la rapporteuse spéciale, para. 63, doc. ONU n° E/CN.4/1999/39, 6 janvier 1999.

[316] Commission des droits de l’homme de l’ONU, Question de la peine de mort, E/CN.4/RES/2003/67, 25 avril 2003.

[317] Voir par exemple, Ram Anup Singh & Ors. c. État du Bihar, 2002(3) RCR pénal 7856 (Cour suprême de l’Inde).

[318] Haroon Khan c. l’État (Trinité-et-Tobago), recours en appel devant le Comité judiciaire du Conseil privé Nº 28 de 2003, arrêt du 20 novembre 2003.

[319] Machhi Singh c. État du Punjab, 1983 3 SCC 470 (Cour suprême de l’Inde) ; voir également Vaillancourt c. La Reine (1987) 47 DLR 399, (4e) 415-417 et R. c Martineau [1990] 2 SCR 633, 646-647 (loi canadienne relative au meurtre concomitant d’un crime qui ne requiert pas l’établissement de l’intention de tuer et qui va à l’encontre des principes fondamentaux de la justice).

[320] Raxcacó Reyes c. Guatemala, Part XIV, Série C, Nº 133, CIDH, 15 septembre 2005.

[321] République c. Anderson Mabvuto, affaire pénale no. 66 de 2009 (décision non publiée).

[322] PIDCP, art. 7.

[323] Voir par exemple, Convention européenne des droits de l’homme, art. 3 ; CADH, art. 5 ; CADHP, art. 5 ; CAT, art. 16.

[324] Voir par exemple, Pratt and Morgan c. le Procureur général de Jamaïque [1993], 3 SLR 995, 2 AC 1, 4 All ER 769 (P.C.) (en banc) ; Soering c. Royaume-Uni, Requête no. 14038/88, CEDH, 7 juillet 1989.

[325] Voir Proclamation de Téhéran, l’Acte final de la Conférence internationale des droits de l’homme, Téhéran, du 22 avril au 13 mai 1968, 23 GAOR, Doc. ONU. A/CONF. 32/41, à 4, 13 mai 1968 (faisant le point sur la Déclaration universelle des droits de l’homme, incluant l’interdiction de tout traitement cruel, inhumain ou dégradant dans le droit international coutumier). Accord De Sanchez c. Banco Central de Nicaragua, 770 F.2d 1385, 1397 (5e Cir. 1985) (indiquant que le droit à ne pas être soumis à un traitement cruel, inhumain et dégradant relève du droit international universellement accepté).

[326] Pratt and Morgan c. le Procureur général de Jamaïque [1993], para. 33, 3 SLR 995, 2 AC 1, 4 All ER 769 (P.C.) (en banc).

[327] Pratt and Morgan c. le Procureur général de Jamaïque [1993], para. 33, 3 SLR 995, 2 AC 1, 4 All ER 769 (P.C.) (en banc).

[328] Soering c. Royaume-Uni, para. 106, Requête no. 14038/88, CEDH, 7 juillet 1989.

[329] Soering c. Royaume-Uni, para. 106, Requête no. 14038/88, CEDH, 7 juillet 1989.

[330] Ministère de la justice c. Burns and Rafay, para. 122, 2001 SCC 7, Cour Suprême du Canada, 22 mars 2001.

[331] Ministère de la justice c. Burns and Rafay, para. 122, 2001 SCC 7, Cour Suprême du Canada, 22 mars 2001.

[332] Ministère de la justice c. Burns and Rafay, para. 122, 2001 SCC 7, Cour Suprême du Canada, 22 mars 2001.

[333] Kigula et autres c. Procureur général, paras. 56-57, 2006 S. Cour d’appel constitutionnelle Nº 03, Ouganda 2009.

[334] Commission catholique Justice et Paix dans l’affaire Zimbabwe c. Procureur général, Nº S.C. 73/93 (Zimb. 24 juin 1993 (publié dans 14 numéros de la Revue Universelle des Droits de l’Homme (RUDH) 323 (1993)).

[335] Al-Saadoon & Mufdhi c. le Royaume-Uni, [2010], No. 61498/08, 51 EHRR 9.

[336] République c. Edson Khwalala, Audience de réexamen de la peine no. 70 de 2015 (décision non publiée).

[337] République c. Aaron John et Tonny Thobowa, Audience de réexamen de la peine no. 13 de 2015 (décision non publiée).

[338] PIDCP, art. 6(5) ; CADH, art. 4(5) ; ACRWC, art. 5(3).

[339] PIDCP, art. 6(5) ; CADH, art. 4(5) ; ACRWC, art. 30(e).

[340] CADH, art. 4(5), « La peine de mort ne peut être infligée aux personnes qui, au moment où le crime a été commis, étaient âgées (…) de plus de soixante-dix ans ».

[341] ACRWC, art. 30(e) ; Charte arabe des Droits de l’homme, art. 7(b).

[342] ACRWC, art. 30(e) ; Charte arabe des Droits de l’homme, art. 7(b) ; ECOSOC, Garanties pour la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort, Résolution No. 1984/50, 25 mai 1984 « la sentence de mort ne sera pas exécutée dans le cas (…) de la mère d’un jeune enfant ».

[343] ECOSOC, Garanties pour la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort, Résolution No. 1984/50, 25 mai 1984 « la sentence de mort ne sera pas exécutée dans le cas (…) de personnes frappées d’aliénation mentale. » ; Conseil des Droits de l’homme des Nations Unies, Rapport présenté par le rapporteur spécial à la Commission des Droits de l’homme, S. Amos Wako, para. 279-283, E/CN.4/1989/25, 6 février 1989.

[344] Garanties pour la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort des Nations Unies, para. 3, https://www.ohchr.org/fr/professionalinterest/pages/deathpenalty.aspx#:~:text=Toute%20personne%20condamn%C3%A9e%20%C3%A0%20mort%20a%20le%20droit%20de%20se,cas%20de%20condamnation%20%C3%A0%20mort, 25 mai 1984.

[345] Conseil économique et social de l’ONU, Application des Garanties pour la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort, p. 51, para. 1(d), Doc. ONU. E/1989/91, 24 mai 1989.

[346] Commission des droits de l’homme de l’ONU, Question de la peine de mort, E/CN.4/RES/2003/67, 25 avril 2003.

[347] Mémorandum de l’Union européenne sur la peine de mort, 25 février 2000.

[348] Francis c. Jamaïque (Nº 606/1994), Doc. ONU. CCPR/C/54/D/606/1994, 3 août 1995.

[349] Voir par exemple, Williams c. Taylor, 529 U.S. 362 (2000) ; Wiggins c. Smith, 539 U.S. 510 (2003) ; Rompilla c. Beard, 545 U.S. 374 (2005) ; Porter c. McCollum, 130 Cour suprême 447 (2009) ; Sears c. Upton, 130 Cour suprême 3259 (2010).

[350] Convention de Vienne sur les relations consulaires, art. 36(1)(b).

[351] CIDH, Avis consultatif OC-16/99, 1er octobre 1999.

[352] Avena et autres ressortissants mexicains (Mexique c. États-Unis), para. 140, CIJ, 31 mars 2004.

[353] DUDH, art. 11(2).

[354] PIDCP, art. 15(1) ; CADHP, art. 7(2) ; Convention européenne des droits de l’homme, art. 7(1) ; Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, art. 49(1) ; Charte arabe des droits de l’homme, art. 6.

[355] PIDCP, art. 15(1), « Si, postérieurement à cette infraction, la loi prévoit l’application d’une peine plus légère, le délinquant doit en bénéficier. » Cette même disposition est présente dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, art. 49(1). Voir également, Commn. ADHP, Directives et principes sur le droit à un procès équitable et à l’assistance judiciaire en Afrique, para. (N)(7)(a), 2003.

[356] Un autre argument de droit international pouvant être invoqué, du moins dans les pays parties à la CADH, est que l’article 4(2) de la CADH interdit d’étendre l’application de la peine capitale aux crimes qui n’étaient pas passibles de la peine de mort au moment où le pays a adhéré à la Convention. Dans l’affaire Raxcacó Reyes c. Guatemala (Part XIV, Séries C, Nº 133, Cour IDH, 15 septembre 2005), les accusés avaient été condamnés à la peine de mort pour un enlèvement n’entraînant pas la mort ; la CIDH a conclu que le Guatemala avait violé l’art. 4(2) CADH car à l’époque où le Guatemala avait ratifié la Convention, l’enlèvement n’entraînant pas la mort n’était pas passible de la peine capitale (seul l’enlèvement entraînant la mort l’était).

[357] Dans sa résolution 2005/59, Question de la peine de mort, adoptée le 20 avril 2005, la Commission des droits de l’homme des Nations unies demande aux États qui continuent d’appliquer la peine capitale de ne l’imposer « qu’en vertu d’un jugement final rendu par un tribunal compétent, indépendant et impartial, et de garantir le droit à un procès équitable », ainsi que de « veiller à ce que toutes les procédures légales, notamment celles engagées devant des tribunaux ou des juridictions d’exception et en particulier les procédures relatives aux crimes emportant la peine capitale, soient conformes aux garanties de procédure minimales énoncées à l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ».

[358] Voir par exemple, Johnson c. Jamaïque, Communication Nº 588/1994, HCDH, para. 8.9, 22 mars 1996 (qui conclut qu’un délai de 51 mois entre la condamnation et le rejet de l’acte d’appel constitue une violation du PIDCP art. 14, para. 3(c) et 5, et rappelle que la prononciation d’une peine de mort est interdite lorsque les dispositions du PIDCP n’ont pas été observées) ; Reid c. Jamaïque, Communication Nº 250/1987, HCDH, 20 juillet 1990 (para. 11.5 « prononcer la peine de mort au terme d’un procès dans lequel les dispositions du Pacte n’ont pas été respectées constitue (…) une violation de l’article 6 du Pacte »), (para. 12.2 « dans le cas d’un procès pouvant entraîner la peine capitale, le devoir qu’ont les États parties de respecter rigoureusement toutes les garanties d’un procès équitable énoncées à l’article 14 du Pacte est encore plus impératif » ) ; McLawrence c. Jamaïque, Communication Nº 702/1996, HCDH, para. 5.13, 18 juillet 1997 ; Maryam Khalilova c. Tadjikistan, Constatations du Comité des droits de l’Homme, Communication n° 973/2001, doc. ONU n° CCPR/C/83/D/973/2001, para. 7.6, 13 avril 2005 ; Saodat Khomidova c. Tadjikistan, Constatations du Comité des droits de l’Homme, Communication n° 1117/2002, doc. ONU n° CCPR/C/81/D/1117/2002, paras. 6.5 et 725 août 2004 ; Cour IDH, Avis consultatif OC-16/99, para. 135, 1er octobre 1999 (« les États qui continuent d’appliquer la peine de mort doivent, sans exception, exercer le contrôle le plus rigoureux concernant le respect des garanties judiciaires dans ces affaires » [traduction non officielle]) ; Résolution Assemblée Générale sur les exécutions arbitraires ou sommaires, 96e session plénière, Doc. ONU A/RES/35/172, 15 décembre 1980 (les États membres doivent « modifier leur législation et leur pratique judiciaire de manière à assurer l’application des procédures légales les plus scrupuleuses et les plus grandes garanties possibles à toute personne accusée d’un crime passible de la peine de mort »). Voir également, William Schabas, The Abolition of the Death Penalty in International Law (L’Abolition de la peine de mort en droit international) pp. 112-113, 3e édition, 2002 ; Öcalan c. Turquie, Requête No. 46221/99, CEDH, 12 mai 2005.

[359] Saodat Khomidova c. Tadjikistan, Communication n° 1117/2002, HCDH, paras. 6.4-6.6, Doc. ONU n° CCPR/C/81/D/1117/2002, 25 août 2004.

[360] Ibrahim Elhadji Hassane and others c. Public Prosecutor, Décision No. 06, Cour Supême du Niger, 13 avril 2006 et Mohamed Sinniand other c. Public Prosecutor, Décision No. 06-279, Cour Supême du Niger, 16 novembre 2006.

[361] Base de données du Death Penalty Information Center : https://deathpenaltyinfo.org/policy-issues/innocence-database (consultée le 1er octobre 2021).

[362] Voir par exemple, Welsh S. White, Litigating in the Shadow of Death: Defense Attorneys in Capital Cases (Plaider dans l’ombre de la mort : les avocats de la défense dans les procès de peine de mort), Univ. Mich. Press, 2006 ; James S. Liebman et autres, A Broken System: Error Rates in Capital Cases, 1973-1995 (Un système défaillant : le taux d’erreur dans les affaires de peine de mort entre 1973-1995), Part II, juin 2000.

[363] Brady c. Maryland, 373 États-Unis 83 (1963) ; Giglio c. États-Unis, 405 États-Unis 150 (1972).

[364] CADH, art. 4(6) ; PIDCP, art. 6(4) ; Conseil Économique et Social de l’ONU, Garanties pour la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort, principe 7, Résolution 1996/15, 23 juillet 1996 ; Charte arabe des droits de l’homme, art. 6.

[365] Code de procédure pénale tunisien art. 342 et code pénal camerounais, art. 22, al. 1.

[366] Rudolph Baptiste c. Grenade, CIDH, para. 120, Affaire 11.743, Rapport Nº 38/00, 13 avril 2000.

[367] Rudolph Baptiste c. Grenade, CIDH, para. 118-121, Affaire 11.743, Rapport Nº 38/00, 13 avril 2000.

[368]Dans les observations finales sur le Yémen, le Comité constate que les infractions passibles de la peine de mort d’après la législation yéménite ne sont pas conformes aux exigences du Pacte, et que le droit de solliciter la grâce n’est pas garanti à tous, sur un pied d’égalité. Le Comité a rappelé le « Le rôle prépondérant de la famille de la victime dans l’exécution ou non de la peine sur la base d’une compensation financière est également contraire aux articles 6, 14 et 26 du Pacte. Comité des droits de l’homme de l’ONU : Observations finales du Comité des droits de l’homme, CCPR/CO/75/YEM (12 août 2002)

[369] Hilaire, Constantine y Benjamin et autres c. Trinité-et-Tobago, CIDH, paras. 186-188, 21 juin 2002,.

[370] Fermín Ramírez c. Guatemala, Cour IDH, 20 juin 2005 ; Raxcacó Reyes c. Guatemala, Cour IDH, 15 septembre 2005.

[371] Code pénal camerounais, art. 22, al. 2. Code de procédure pénale tunisien, art. 352. Code de procédure pénale centrafricain, art. 281.

[372] CADH, art. 4(6) ; ECOSOC, Garanties pour la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort, principe 8, Résolution 1996/15, 23 juillet 1996.

[373] Assemblée générale de l’ONU, Résolution 2393, 1(a)(ii), 26 novembre 1968 : « Aucune condamnation à la peine capitale ne sera exécutée avant que les voies de recours et, selon le cas, les possibilités de grâce aient été épuisées. » ; Ashby c. Trinité-et-Tobago, Communication No. 580/1994, HCDH, 21 mars 2002.

[374] Ashby c. Trinité-et-Tobago, Communication No. 580/1994, HCDH, 21 mars 2002.

[375] Roger Hood, The Death Penalty: Beyond Abolition (La peine de mort : Au-delà de l’abolition), p. 147, Conseil de l’Europe, 2004.

[376] Par exemple, Civil Liberties Organisation et autres c. Nigéria, Communication 218/98, Comm. ADHP, 7 mai 2001 ; Institute for Human Rights and Development in Africa c. Guinée (pour le compte des réfugiés de Sierra Leone en Guinée), Communication 249/02, Commn. africaine des droits de l’homme et des peuples, 7 décembre 2004.

[377] Amnesty International, Pour des procès équitables, POL 30/002/2014, deuxième édition, https://www.amnesty.org/fr/wp-content/uploads/sites/8/2021/06/pol300022014fr.pdf, 2014.

[378] Site internet du Haut-Commissariat aux droits de l’homme, fiches par pays : http://www.ohchr.org/FR/Countries/Pages/HumanRightsintheWorld.aspx.

[379] Site internet du Cornell Center on the Death Penalty Worldwide: https://deathpenaltyworldwide.org/fr/.

[380] Hamilton c. Jamaïque, Communication No. 616/1995, Doc. ONU CCPR/C/66/D/616/1995, 18 juillet 1999.

[381] Wilde, Ooms et Versyp (“Vagabondage”) c. Belgique, CEDH, para. 57, Requête No. 2832/66 ; 2835/66 ; 2899/66, 18 juin 1971 « [D]’après les principes de droit international, (…) un requérant est dispensé d’épuiser une voie de recours interne si, en vertu d’une jurisprudence constante des instances nationales, cette voie n’offre aucune chance raisonnable d’aboutir » ; Stögmüller c. Autriche, CEDH, para. 11, Requête No. 1602/62, 10 novembre 1969.

[382] Lawyers for Human Rights c. Swaziland, Communication 251/02, para. 27, Commn. ADHP, 2 juillet 2005.

[383] CAT, art. 22(5)(b).

[384] Edgar Tamayo Arias United States, Commission interaméricaine des droits de l’homme, para.38, Admissibility, Report No.73/12, 17 juillet 2012.

[385] Voir la page du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme sur les procédures spéciales : https://www.ohchr.org/EN/HRBodies/SP/Pages/Communications.aspx (disponible uniquement en anglais).

[386] Hadijatou Mani Koraou v. Niger, Jugement No. ECW/CCJ/JUD/06/08, para. 49, Cour de Justice de la CEDEAO, 27 octobre 2008.

[387] International Commission of Jurists, Fair Project, Redress Through International Human Rights Bodies and Mechanisms Training Materials on Access to Justice for Migrant Children, Module 5, p. 41, « En outre, les procédures spéciales ne sont pas liées par l’interdiction de dupliquer les plaintes, de sorte qu’il est possible de présenter la même communication à plusieurs procédures spéciales ou à des procédures spéciales et à un organe judiciaire ou quasi-judiciaire des droits de l’homme. » [Traduction non officielle], https://www.ecre.org/wp-content/uploads/2019/07/4.25.-Module-4_Access-to-international-human-rights-mechanisms.pdf, 20 mai 2018.

[388] Pratt and Morgan c. Le Procureur général de Jamaïque, UKPC, Recours No. 10 de 1993, 3 SLR 995, 2 AC 1 (en banc) (recours dans l’affaire Jamaïque). Voir chapitre 7 de ce Manuel.

[389] PIDCP, art. 28.

[390] Protocole facultatif se rapportant au PIDCP, art. 1.

[391] Procédure d’examen des requêtes soumises par des particuliers en vertu des instruments des Nations unies relatifs aux droits de l’homme, Fiche d’information N°7, Rev. 2 p. 14, 2013.

[392] Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, art. 2, 4(2), 5(3).

[393] Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, art. 5(4).

[394] Base de données pour trouver la jurisprudence des Nations unies, https://juris.ohchr.org/fr/Home/Index/.

[395] Le règlement intérieur du Comité, la jurisprudence et les formulaires types sont disponibles à l’adresse suivante: https://www.ohchr.org/fr/hrbodies/ccpr/pages/ccprindex.aspx. Une fiche explicative est également disponible : Procédure d’examen des requêtes soumises par des particuliers en vertu des instruments des Nations unies relatifs aux droits de l’homme, Fiche d’information N°7, Rev. 2, https://www.ohchr.org/fr/hrbodies/ccpr/pages/ccprindex.aspx, 2013.

[396] Chisanga c. Zambie, Communication No. 1132/2002, Comité des droits de l’homme des Nations unies, 18 octobre 2005.

[397] CAT, art. 22(5)(b) : « cette règle ne s’applique pas si les procédures de recours excèdent des délais raisonnables ou s’il est peu probable qu’elles donneraient satisfaction au particulier qui est la victime d’une violation de la présente Convention ».

[398] CAT, art. 28(1).

[399] Base de données pour trouver la jurisprudence des Nations unies, https://juris.ohchr.org/fr/Home/Index/; Procédure d’examen des requêtes soumises par des particuliers en vertu des instruments des Nations unies relatifs aux droits de l’Homme, Fiche d’information N°7, Rev. 2, Annexe I, p. 6, https://www.ohchr.org/Documents/Publications/FactSheet7Rev.2_fr.pdf, 2013.

[400] Le Conseil des droits de l’homme : Guide pratique, Représentation permanente
de l’Organisation internationale de la Francophonie auprès de l’Office des Nations unies à Genève, https://www.ohchr.org/Documents/HRBodies/HRCouncil/GuidePratique_fr.pdf, février 2015.

[401] La nouvelle procédure a été instituée par la résolution 5/1 du Conseil des droits de l’homme du 18 juin 2007.

[402] Haut-Commissariat des Nations unies aux Droits de l’homme, Procédure de requête du Conseil des droits de l’homme, Questions fréquemment posées, https://www.ohchr.org/FR/HRBodies/HRC/ComplaintProcedure/Pages/FAQ.aspx.

[403] Haut-Commissariat des Nations unies aux Droits de l’homme, Procédure de requête du Conseil des droits de l’homme, Questions fréquemment posées, https://www.ohchr.org/FR/HRBodies/HRC/ComplaintProcedure/Pages/FAQ.aspx.

[404] Formulaire en anglais pour rédiger votre plainte (complaint procedure form) : https://www.ohchr.org/EN/HRBodies/HRC/ComplaintProcedure/Pages/HRCComplaintProcedureIndex.aspx.

[405] Site internet du Haut-Commissariat aux droits de l’homme des Nations unies : https://www.ohchr.org/FR/HRBodies/SP/Pages/WelcomePage.aspx.

[406] Amicus curiae présenté par Louise Arbour, Haut-Commissaire aux droits de l’homme des Nations unies, dans l’affaire de la condamnation de Taha Yassin Ramadan, 8 février 2007.

[407] Site internet du Groupe de travail sur la détention arbitraire du Comité : https://www.ohchr.org/EN/Issues/Detention/Pages/Opinions89thSession.aspx.

[408] CDH, Groupe de travail sur la détention arbitraire, Avis no 77/2018, concernant M. Sabeur Lajili (Tunisie), Doc. ONU A/HRC/WGAD/2018/77, 17 janvier 2019.

[409] Site internet du Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires : https://www.ohchr.org/en/issues/executions/pages/srexecutionsindex.aspx.

[410] Le modèle de questionnaire pour la soumission de plaintes individuelles est disponible sur le site internet du Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants : https://www.ohchr.org/EN/Issues/Torture/SRTorture/Pages/model.aspx

[411] La République Démocratique du Congo, pays de tradition civiliste qui applique la peine de mort, est membre de la CDAA.

[412] CADHP, https://www.achpr.org/fr_legalinstruments/detail?id=49; Règlement intérieur de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, http://www.african-court.org/wpafc/wp-content/uploads/2020/10/25-REGLEMENT-INTERIEUR-DE-LA-COMMISSION-AFRICAINE-DES-DROITS-DE-LHOMME-ET-DES-PEUPLES.pdf.

[413] CADHP, art. 31.

[414] CADHP, art. 55.

[415] Procédure des communications, Commn. africaine des droits de l’homme et des peuples, https://www.achpr.org/fr_communicationsprocedure; Advocacy before the African Human Rights System: A Manual for Attorneys and Advocates, International Justice Ressource Center, http://www.ijrcenter.org/wp-content/uploads/2016/11/Advocacy-before-the-African-Human-Rights-System.pdf, novembre 2016 (au moment de l’écriture de ce guide, le manuel n’était disponible qu’en anglais).

[416] Règlement intérieur de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, art. 98.

[417] CADHP, art. 56(5).

[418] Malawi African Association et autres c. Mauritanie, Communication 54/91, 61/91, 96/93, 98/93, 164/97 à 196/97 et 210/98, para. 85, Commn. africaine des droits de l’homme et des peuples, 11 mai 2000.

[419] Lawyers for Human Rights c. Swaziland, Communication 251/02, para. 27, Commn. africaine des droits de l’homme et des peuples, 2 juillet 2005.

[420] CADHP, art. 56(6).

[421] CADHP, art. 56(7).

[422] Règlement intérieur de la Comm. ADHP, art. 99.

[423] Règlement intérieur de la Comm. ADHP, art. 112.

[424] Site internet de la Comm. ADHP : https://www.achpr.org/fr_communications.

[425] Interights et autres c. la République du Botswana, Communication 319/06, Commn. africaine des droits de l’homme et des peuples, 28 juin 2016.

[426] Spilg et autres c. Botswana, Communication 277/2003, Commn. ADHP, 12 octobre 2013.

[427] Spilg et autres c. Botswana, Communication 277/2003, Commn. ADHP, 12 octobre 2013.

[428] Règlement intérieur de la Comm. ADHP, art. 104.

[429] Règlement intérieur de la Comm. ADHP, art. 118.

[430] Protocole relatif à la CADHP portant création d’une Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, art. 11.

[431] Protocole relatif à la CADHP portant création d’une Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, art. 7.

[432] Ayants-droit de feu Norbert Zongo et autres c. Burkina Faso, Requête No. 013/2011, para. 121, Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, 21 juin 2013 ; Diocles William c. Tanzanie, Requête No. 016/2016, Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, 21 septembre 2018, (s’appuyant sur la jurisprudence citée ci-dessus, la Cour déclare qu’un délai de plus d’un an entre la décision devant les instances nationales et la saisine de la Cour est raisonnable étant donné que « le Requérant est profane en matière de droit, indigent et incarcéré ; qu’il ne bénéficie ni d’un conseil ni d’une assistance judiciaires »).

[433] Règlement intérieur de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, https://fr.african-court.org/images/Basic%20Documents/Reglement%20interieur%20de%20la%20Cour%20africaine.pdf.

; Instructions de procédure de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, https://fr.african-court.org/images/Practice%20Directions/Instructions%20de%20procdure%20pour%20guider%20les%20justiciables%20potentiels%20FR.pdf.

[434] Règlement intérieur de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, art. 27.

[435] Règlement intérieur de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, art. 31.

[436] Protocole relatif à la CADHP portant création d’une Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, art. 27(1).

[437] Règlement intérieur de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, art. 34(5).

[438] Règlement intérieur de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, art. 67.

[439] Vous pouvez vérifier quels États sont actuellement parties à la CEDEAO sur le site internet de la communauté: https://www.ecowas.int/?lang=fr.

[440] Hadijatou Mani Koraou v. Niger, ECW/CCJ/JUD/06/08, para. 49, Cour de Justice de la CEDEAO, 27 octobre 2008.

[441] Règles de procédure de la Cour de justice de la CEDEAO, https://www.legal-tools.org/doc/f970ec/pdf/.

[442] Linda Gomez et autres c. République de Gambie, ECW/CCJ/APP/18/12, Cour de Justice de la CEDEAO (non répertoriée).

[443] Maimuna Abdulmini c. République Fédérale du Nigeria, ECW/CCJ/JUD/14/14, para. 44, Cour de Justice de la CEDEAO, 10 juin 2014.

[444] ThankGod Ebhos c. République Fédérale du Nigeria, Cour de Justice de la CEDEAO, 10 juin 2014 (non répertoriée), https://www.avocatssansfrontieres-france.org/fr/actions/archive-sali-saving-lives-renforcement-du-role-des-avocats-dans-la-lutte-contre-la-peine-de-mort-au-nigeria/; http://www.worldcoalition.org/nigeria-ecowas-court-death-penalty-human-rights-minor-appeal.html.

[445] Traité révisé CEDEAO, art. 15(4).

[446] Musa Saidykhan c. République de Gambie, ECW/CCJ/JUD/08/10, para. 46, Cour de Justice de la CEDEAO, 16 décembre 2010, https://ihrda.uwazi.io/api/files/1510569534946crytvxwy6t0f98gtn0ohpeewmi.pdf.

[447] SERAP c. République de Gambie, Affaire no. ECW/CCJ/APP/11/12, Cour de Justice de la CEDEAO, (non répertoriée), (affaire de Michael Ifunanya et Stanley Agbaeze, deux nigérians dans le couloir de la mort en Gambie).