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Communiqué de presse : Fati : Une femme innocente condamnée à mort pour terrorisme après avoir été faussement dénoncée par un prétendant éconduit

Ce vendredi, une Camerounaise connue seulement sous le nom de Fati fera appel de la condamnation à mort qui a été prononcée contre elle malgré l’absence de toute preuve crédible.  En 2016, peu après que son mari a perdu la vie dans un attentat à la bombe perpétré par la milice terroriste Boko Haram, Fati a repoussé les avances d’un voisin qui, en représailles, l’a dénoncée au comité du village chargé de signaler les activités liées au terrorisme. Passée à tabac dans un camp militaire, privée d’interprète pendant son interrogatoire et représentée par un avocat qui ne lui adresse jamais la parole, Fati a été condamnée à mort à l’issue d’un procès entaché de violations des droits humains. Aujourd’hui, après presque six ans d’emprisonnement, Fati a enfin une chance d’obtenir justice vendredi, lorsqu’un tribunal entendra son appel.  Nous demandons instamment aux autorités camerounaises d’annuler cette grave erreur judiciaire et de faire en sorte que Fati soit libérée.

Fati vivait depuis plus de 20 ans avec son mari ainsi que ses trois enfants à Kolofata, une ville située dans la région pauvre et agitée du Nord du Cameroun.  Située à proximité de la frontière nigériane, Kolofata a été prise pour cible à plusieurs reprises par le groupe militant Boko Haram.  En septembre 2015, Boko Haram a lancé des attaques suicides meurtrières contre la ville, tuant le mari de Fati et plusieurs autres personnes.  Quatre mois plus tard, après avoir été dénoncée par son voisin, Fati a été arrêtée, battue jusqu’à perdre connaissance et accusée de soutenir le groupe qui avait causé la mort de son mari. Depuis quelques années, les organisations de défense des droits de l’homme dénoncent les vagues d’arrestations arbitraires au Cameroun à la suite d’attentats terroristes. Les forces de sécurité placent parfois des personnes en détention sans autre preuve que des rumeurs et des accusations personnelles. Comme l’a expliqué Alioune Tine, directeur régional d’Amnesty International pour l’Afrique occidentale et centrale, dans un rapport de 2016: « En cherchant à protéger sa population de la brutalité de Boko Haram, le Cameroun poursuit le bon objectif ; mais en arrêtant arbitrairement, en torturant et en soumettant des personnes à des disparitions forcées, les autorités utilisent les mauvais moyens. »

Le procès de Fati a été caractérisé par des violations flagrantes des droits de la défense. Après son arrestation, elle a été détenue sans inculpation pendant dix mois, dont au moins trois mois dans un camp militaire où les forces de sécurité l’ont interrogée et menacée à plusieurs reprises en français, une langue qu’elle ne comprend pas. Sans accès à un avocat, elle ne pouvait ni comprendre ni répondre efficacement aux allégations portées contre elle. En octobre 2016, Fati a été accusée de complicité d’actes de terrorisme et jugée par un tribunal militaire, malgré son statut de civile. À l’issue d’un procès expéditif, Fati a été sommairement déclarée coupable et condamnée à mort par peloton d’exécution, malgré l’absence de toute preuve incriminante directe ou matérielle. En effet, aucun témoin n’a comparu à son procès et le tribunal s’est uniquement appuyé sur des déclarations de voisins faisant référence à des propos dont ils n’avaient pas été témoins. L’avocat de Fati, qui n’était pas encore pleinement qualifié, n’a jamais parlé à sa cliente et n’a donc rien su de son conflit personnel avec l’homme qui l’a dénoncée.

Fati décrit la partie la plus difficile de son procès comme le fait « de ne rien comprendre au drame qui se jouait devant moi alors que j’étais la principale concernée. » Après six années intolérables passées dans la tristement célèbre prison centrale de Maroua, au cours desquelles elle n’a eu aucun contact avec ses enfants, Fati espère que son appel, le 12 novembre, lui donnera enfin raison, que les graves injustices qu’elle a subies seront reconnues et qu’elle pourra enfin retrouver sa famille.

Contact :

Delphine Lourtau, [email protected]

Ariane Jacoberger, [email protected]

Cornell Center on the Death Penalty Worldwide